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Transcription:

Présentation au comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles du sénat du Canada sur le projet de loi C-15 26 novembre 2009 Canadian Centre on Substance Abuse 75 Albert Street, Suite 500 Ottawa, ON K1P 5E7 tel.: 613-235-4048 fax: 613-235-8101 www.ccsa.ca

Représentants du CCLAT Michel Perron, premier dirigeant Rita Notarandrea, première dirigeante adjointe et directrice, Recherche et échange des connaissances Amy Porath-Waller, Ph.D., analyste principale, Recherche et politiques Rebecca Jesseman, analyste, Recherche et politiques, et conseillère sur les priorités nationales Documentation fournie au comité par le CCLAT FAQ du CCLAT sur les tribunaux de traitement de la toxicomanie Fiche de renseignements du CCLAT sur le traitement obligatoire et imposé Stratégie nationale sur le traitement Points saillants de l Enquête sur les toxicomanies au Canada (ETC) de 2004 Présentation Bonjour. Le Centre canadien de lutte contre l alcoolisme et les toxicomanies (CCLAT) se réjouit de comparaître devant le comité sénatorial pour parler du projet de loi C-15. Le CCLAT est un organisme autonome sans but lucratif dirigé par un conseil d administration bénévole. Établi en 1988 par une loi du Parlement, le CCLAT a pour mandat d assurer un leadership à l échelle nationale et de fournir des analyses et des conseils factuels. Compte tenu de ce mandat et des domaines d intérêt indiqués par le comité dans son invitation à comparaître, nous ferons un survol des connaissances dans trois secteurs : la prévalence de la consommation de drogues illicites au Canada les tribunaux de traitement de la toxicomanie le recours au traitement obligatoire ou imposé Prévalence et méfaits L Enquête de surveillance canadienne de la consommation d alcool et de drogues (ESCCAD) de 2008 fournit des données récentes sur la prévalence de la consommation de drogues des Canadiens. Cette enquête réalisée par Santé Canada nous renseigne sur l usage d alcool et de drogues illicites chez les Canadiens âgés de 15 ans et plus. La figure 1 illustre les taux de consommation de drogues des répondants au cours des 12 derniers mois. Centre canadien de lutte contre l alcoolisme et les toxicomanies 26 novembre, 2009 Page 2 of 10

Figure 1 : Taux de consommation de drogues illicites au cours de la dernière année Source : Enquête de surveillance canadienne de la consommation d alcool et de drogues, Santé Canada (2009) Selon cette enquête, le cannabis est la substance illicite la plus consommée au Canada : en effet, environ 11 % des Canadiens âgés de 15 ans et plus ont déclaré en avoir pris au cours de la dernière année. Viennent ensuite les hallucinogènes avec 2,1 %, la cocaïne avec 1,6 %, l ecstasy avec 1,4 %, le speed avec 1,1 % et la méthamphétamine avec 0,2 %. Le tableau 1 présente une répartition statistique détaillée permettant de comparer les taux à ceux obtenus en 2004 par l Enquête sur les toxicomanies au Canada (ETC). L ESCCAD s inspire de l ETC, mais comme leur méthodologie diffère légèrement, les comparaisons entre les deux enquêtes ne sont que des approximations des tendances et doivent être faites avec prudence. De plus, quand on examine les données sur la prévalence, deux observations clés doivent être faites. Tout d abord, la prévalence de la consommation varie considérablement en fonction de nombreux facteurs comme l emplacement géographique, l âge et le sexe. Par exemple, le tableau montre clairement que les jeunes (de 15 à 24 ans) sont beaucoup plus susceptibles d avoir pris des substances illicites au cours de la dernière année que les personnes de plus de 24 ans. Centre canadien de lutte contre l alcoolisme et les toxicomanies 26 novembre, 2009 Page 3 of 10

Tableau 1 : Prévalence de la consommation de drogues au Canada, 2004 et 2008 ETC (global) ESCCAD (global) ETC 15 à 24 ans ESCCAD 15 à 24 ans ETC 25 ans et + ESCCAD 25 ans et + Nombre de 13 909 16 640 2 085 1 443 11 519 15 197 répondants Cannabis (au 44,5 43,9 61,4 52,9 41,8 42,1 cours de la vie) Cannabis 14,1 11,4 37,0 32,7 10,0 7,3 (au cours des 12 derniers mois) Cocaïne 1,9 1,6 5,5 5,9 1,2 0,8 (au cours des 12 derniers mois) Speed 0,8 1,1 3,9 3,7 0,2 0,6 (au cours des 12 derniers mois) Hallucinogènes 0,7 2,1 3,5 10,2 0,1 0,6 (au cours des 12 derniers mois) Ecstasy 1,1 1,4 4,4 6,5 0,5 0,4 (au cours des 12 derniers mois) Toute drogue 14,5 12,1 37,9 34,0 10,3 7,9 (incluant le cannabis) Toute drogue 3,0 3,9 11,3 15,4 1,5 1,7 (excluant le cannabis) Source : Enquête de surveillance canadienne de la consommation d alcool et de drogues, Santé Canada (2009) L ESCCAD a permis de poser aux répondants des questions sur les méfaits de la consommation de drogues illicites. Globalement, 2,7 % des répondants ont signalé avoir vécu au moins un méfait associé à la consommation de drogues illicites au cours des 12 derniers mois. Chez les consommateurs de drogues illicites, ce taux passait à 21,7 % taux qui augmentait encore (37,5 %) si on excluait le cannabis. Centre canadien de lutte contre l alcoolisme et les toxicomanies 26 novembre, 2009 Page 4 of 10

Sur le plan international, la figure 2 permet de comparer la prévalence de la consommation de drogues illicites au cours des 12 derniers mois au Canada, aux États-Unis, en Australie et en Angleterre et pays de Galles. Comme vous pouvez le constater, le Canada est bon premier pour la consommation de cannabis, mais son taux de consommation de cocaïne, d héroïne, d ecstasy et d amphétamines est semblable, voire inférieur, à ceux des autres pays. Figure 2: Comparaisons des taux de prévalence annuelle de plusieurs pays Source : Rapport mondial sur les drogues, Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (2009) Traitement obligatoire et imposé Dans son invitation à comparaître, le comité s est montré intéressé à en savoir plus sur le traitement obligatoire. Pour être clair, précisons que le traitement proposé comme une forme de déjudiciarisation est imposé, mais non obligatoire. Un accusé peut passer par le système de justice classique plutôt que d accepter les options thérapeutiques qui s offrent à lui. De nombreuses études ont été faites sur l efficacité du traitement imposé, tant du point de vue de Centre canadien de lutte contre l alcoolisme et les toxicomanies 26 novembre, 2009 Page 5 of 10

la réadaptation des contrevenants que de la consommation de substances. De manière générale, les données montrent que la structure des programmes par exemple, des programmes factuels et un personnel qualifié est un meilleur prédicteur de la réussite que la motivation du client (Weekes et coll., 2002). Ainsi, la recherche a démontré que les programmes de réadaptation s adressant aux automobilistes reconnus coupables de conduite avec facultés affaiblies ont un effet bénéfique sur les taux de récidive (Santé Canada, 2004). Tribunaux de traitement de la toxicomanie (TTT) Le CCLAT favorise un accès accru aux services et soutiens liés à la consommation. Les données montrent clairement que les personnes ayant des démêlés avec le système de justice pénale risquent davantage d avoir des antécédents d abus de substances, tant licites qu illicites. Pendant le reste de notre présentation, nous parlerons donc de l ajout proposé des articles 10(4) et 10(5) dans le projet de loi C-15, qui portent sur le report de la détermination de la peine et la dispense des peines minimales obligatoires lorsqu un contrevenant passe avec succès par un TTT ou un programme de traitement agréé par la province. Le comité a entendu bon nombre d informations et de débats sur le rôle global et l efficacité des TTT. Plutôt que de revenir sur ce débat, je voudrais mentionner certains éléments touchant les pratiques exemplaires en traitement qui pourraient guider les délibérations du comité. Tout d abord, les TTT ne sont pas en mesure de surmonter les obstacles que présente la diversité canadienne. Sur le plan géographique, les personnes accusées dans des villes autres que les six centres urbains actuellement dotés d un TTT n ont tout simplement pas accès à ce service. La semaine dernière, le comité a entendu Jim Bonta, qui a abordé les principes du risque, du besoin et de la réceptivité dans le traitement efficace des contrevenants. Les TTT font preuve d une réceptivité particulièrement pauvre par rapport aux clients aux antécédents divers, comme les femmes, les Premières nations, les Inuits et les jeunes. Ensuite, il faudra peut-être revoir les politiques des TTT, et celles des partenaires communautaires, pour les adapter aux profils de la clientèle. Comme les petits trafiquants de la rue sont assez faciles à intercepter par les policiers, ils se retrouvent souvent avec de longs antécédents criminels, parfois marqués de violence, ce qui les rend inadmissibles aux programmes. Il est donc crucial que l admissibilité aux programmes tienne compte de la réalité de la clientèle potentielle afin de répondre à ses besoins. Cette situation permettra aussi de voir si le projet de loi a réussi ou non à cibler les contrevenants de haut niveau et non dépendants, plutôt que ceux pour qui le traitement serait bénéfique. Enfin, le CCLAT se joint à d autres témoins pour demander la réalisation d évaluations de programmes complètes et à la méthodologie rigoureuse. Étant donné les coûts des infrastructures et les coûts opérationnels substantiels des TTT, ce modèle de prestation de services doit faire la preuve de son efficacité, de sa valeur par rapport aux frais encourus et Centre canadien de lutte contre l alcoolisme et les toxicomanies 26 novembre, 2009 Page 6 of 10

de sa supériorité sur les autres approches destinées aux personnes ayant des problèmes de drogues qui les poussent vers la criminalité. Le CCLAT recommande en outre que ces évaluations guident l élaboration et la mise en œuvre de normes et de processus d agrément des programmes pour s assurer que le fonctionnement des TTT respecte les pratiques exemplaires et que l efficacité des TTT en tant qu intervention thérapeutique soit démontrée. Au cœur même de l évaluation se trouve la définition de «succès». Selon l article 10(5), un contrevenant n a pas à purger de peines minimales obligatoires s il termine un programme avec succès. Les TTT estiment habituellement qu un programme est réussi après environ trois mois d abstinence. La recherche actuelle montre toutefois qu il est préférable d aborder la consommation de substances comme un défi à long terme. On considère de moins en moins la rechute comme un échec du traitement; on voit plutôt la participation dans les services après une rechute comme une preuve de réussite tant sur le plan personnel que systémique. Par contre, d un point de vue réaliste, ce type d approche à long terme ne permet pas à l appareil judiciaire de traiter rapidement les cas. Si la loi proposée est adoptée, le CCLAT propose qu on définisse le succès en fonction des progrès faits pendant un laps de temps établi par le tribunal et des plans d intervention individualisés créés lors d une évaluation et d un dépistage factuels. Options de traitement dans les provinces L article 10(4) du projet de loi C-15 compte une disposition sur la participation à un traitement de niveau provincial. Le CCLAT croit que cette option est nécessaire, car les TTT ne desservent pas toutes les provinces. Cependant, la capacité de traitement au Canada présente actuellement des lacunes considérables qui empêcheront le système de justice pénale de diriger davantage de personnes en traitement. Tout d abord, de nombreux programmes communautaires excluent les personnes dont la participation au traitement est imposée par le système pénal. De plus, comme l ont mentionné messieurs Bonta et Bourgon dans leur présentation, il arrive que les prestataires de services communautaires travaillant avec des personnes ayant des démêlés avec le système de justice pénale ne possèdent pas l expertise nécessaire pour gérer les besoins complexes de cette clientèle de manière probante (et tenant compte des risques, des besoins et de la réceptivité). En outre, pour répondre aux besoins complexes liés à la consommation, il faut faire appel à un continuum global de services et de soutiens dans des secteurs comme le logement et la santé mentale. Cette complexité des services requis m amène à mon deuxième point. Ainsi, les services effectivement offerts varient considérablement d un endroit à l autre. Les lacunes dans l accès à des programmes répondant aux besoins des contrevenants ne se limitent donc pas aux TTT. Par exemple, je sais que le Nord est un domaine qui préoccupe particulièrement le sénateur Watt. Vous savez peut-être que le Nunavut ne compte actuellement aucun centre de traitement. La clientèle inuite doit donc venir à Ottawa pour obtenir des programmes adaptés Centre canadien de lutte contre l alcoolisme et les toxicomanies 26 novembre, 2009 Page 7 of 10

à sa culture et est confrontée à des options limitées, et parfois inexistantes, de suivi à son retour à la maison. Nous n avons pas encore une idée précise des services offerts ou du nombre de personnes qui y accèdent à l heure actuelle au Canada. L accessibilité, la qualité et la nature des services varient considérablement. Ces défis, tout comme les recommandations pour les relever, sont présentés dans le rapport Approche systémique de la toxicomanie au Canada : Recommandations pour une stratégie nationale sur le traitement, dont les membres du comité ont reçu un exemplaire. La stratégie repose sur la notion de soins personnalisés assurés par une coordination et une collaboration systémiques. Elle témoigne clairement des pratiques exemplaires et des leçons tirées des programmes du système pénal, mais il reste beaucoup de chemin à parcourir avant qu ils ne soient accessibles à toute la population canadienne. Enfin, nous devons savoir que le traitement relève principalement des provinces et territoires. La Stratégie nationale sur le traitement adopte une approche intégrée qui tient compte de diverses considérations juridictionnelles. Je tiens à souligner le financement fourni pour le traitement en vertu de la Stratégie nationale antidrogue, en particulier par l entremise du Programme de financement du traitement de la toxicomanie de Santé Canada. Le financement systémique donné aux provinces et territoires appuie directement le renforcement des capacités recommandé dans la Stratégie nationale sur le traitement. Cela étant dit, il nous faut reconnaître qu il reste beaucoup de travail à faire. Nous encourageons donc le gouvernement à travailler en étroite collaboration avec les provinces et territoires de façon à mettre en place la capacité de traitement nécessaire pour appuyer le projet de loi C- 15. Même si l article 10(4) vise à s assurer que les contrevenants qui ont besoin de se faire traiter puissent le faire à l extérieur du système carcéral, nous devons aussi reconnaître que peu d options thérapeutiques s offrent aux prisonniers, en particulier au niveau provincial et territorial. Ces services doivent faire partie intégrante du renforcement des capacités globales du système. Conclusion Le projet de loi C-15 est interprété comme un moyen pour favoriser l accès au traitement pour les personnes en ayant besoin. Le CCLAT tient à souligner que la consommation de substances est avant tout un enjeu social et de santé. Par contre, nous sommes conscients que le système pénal est un point d accès commun à l évaluation de la consommation et à l intervention et nous accueillons favorablement les mesures permettant de diriger la clientèle du système pénal ayant besoin de se faire traiter vers des services qui répondent mieux à ses besoins. Pour que le projet de loi soit efficace, il faudra renforcer le système pour qu il puisse fournir ces services, et ce, sans diminuer les services offerts au grand public. Le CCLAT recommande donc d implanter un système de suivi en temps réel de la capacité de traitement afin d évaluer l efficacité et l incidence du projet de loi C-15, s il est adopté. Centre canadien de lutte contre l alcoolisme et les toxicomanies 26 novembre, 2009 Page 8 of 10

Merci d avoir pris le temps de m écouter et merci au comité pour son grand dévouement envers les enjeux touchant la consommation de substances au Canada. Même si les témoignages que vous entendez portent souvent sur les lacunes du système, une foule d initiatives passionnantes se déroulent actuellement partout au pays. Le CCLAT serait heureux de rencontrer les membres du comité à une date ultérieure pour discuter plus en détail de ces initiatives, et en particulier du travail que nous faisons avec nos partenaires sur le Cadre national d action pour réduire les méfaits liés à l alcool et aux autres drogues et substances au Canada. Nous répondrons avec plaisir à vos questions. Centre canadien de lutte contre l alcoolisme et les toxicomanies 26 novembre, 2009 Page 9 of 10

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