Série S : La mondialisation, fonctionnement et territoires Séries L et ES : La mondialisation en fonctionnement SUJET 3 Séries L, ES, S Sujet type ÉTUDE CRITIQUE DE DOCUMENTS (L, ES) Analyse de documents (S) La mondialisation des échanges : réalités et limites Après avoir présenté les documents et souligné leurs points communs, vous montrerez que la mondialisation se manifeste par des flux impulsés par des acteurs, mais qu ils ne concernent pas de manière égale tous les espaces. Document 1. Les échanges de marchandises (2005) 1
Document 2. La stratégie de production de Toyota en 2010 Corrigé Travail préparatoire Comprendre le sujet et la consigne Ce sujet est précis dans son intitulé. Il s agit d aborder l étude de la mondialisation par une de ses principales manifestations économiques : la multiplication des flux de marchandises à l échelle mondiale. Les interdépendances entre les différentes parties du monde créées par les flux de toute nature et les acteurs qui les organisent sont donc à étudier. Après avoir décrit la mise en relation des 2
La mondialisation, fonctionnement et territoires SUJET 3 : CORRIGÉ grandes régions du monde par les échanges, il faut en montrer les limites. Loin d unifier la planète, ce processus crée de nouvelles différenciations qui se lisent, à travers ces documents, aux échelles mondiale et régionale. Analyser les documents Les deux documents sont de même nature. Ne présentant aucune difficulté particulière, ils permettent de traiter les différents aspects du sujet. Grâce à ces deux planisphères, on peut identifier l importance et le sens des flux, les acteurs principaux et les lieux de la mondialisation des échanges. Mais toutes les échelles de la fragmentation territoriale de l espace mondial ne sont pas évoquées par ces documents, ni l ensemble des acteurs, ni les flux immatériels ou migratoires. Il faut donc faire attention à examiner attentivement chaque élément des documents pour en tirer toutes les informations nécessaires au traitement du sujet. Mobiliser ses connaissances Pour traiter ce sujet, il est nécessaire de se reporter au thème 2 de géographie sur Les dynamiques de la mondialisation. Vu l intitulé du sujet, il faut croiser les connaissances issues de deux chapitres : celui sur «La mondialisation en fonctionnement» permet d expliquer les échanges et le rôle des acteurs, tandis que le chapitre intitulé «Les territoires dans la mondialisation» justifie l inégale intégration des territoires dans la mondialisation. Il est nécessaire d utiliser le vocabulaire adéquat : définir les mots clés tels que mondialisation, flux, acteurs, et préciser leurs caractéristiques sont deux étapes obligatoires pour analyser ces documents. Construire son plan Le plan choisi reprend l ordre suggéré par le sujet et la consigne en montrant les réalités de la mondialisation des échanges dans les deux premières parties et ses limites dans la dernière partie. I. La mondialisation se manifeste par des flux de marchandises croissants et polarisés, II. met en jeu des acteurs multiples à l échelle mondiale, III. mais n intègre pas, avec le même degré, les territoires de l espace mondial. Le document 1 est un planisphère sur lequel sont représentés les flux de marchandises effectués à l intérieur des zones régionales ainsi que les échanges faits entre elles. Datée de 2005, cette carte a été tirée du site Internet de l OMC (Organisation mondiale du commerce), qui a remplacé le GATT en 1995 et qui est l un des acteurs majeurs de la mondialisation. Le document 2 est également un planisphère présentant «La stratégie d un acteur : Toyota». Cette carte montre la manière dont le constructeur automobile japonais Toyota s est déployé à travers 3
les différents espaces mondiaux. Ces deux documents ont donc en commun, premièrement, d être des planisphères relativement récents et, deuxièmement, de chercher à expliquer, par la représentation cartographique, certains éléments propres au système mondialisé. La mondialisation terme qui n est apparu qu en 1964 dans la langue française désigne la mise en relation de tous les espaces et de toutes les économies de la planète par une amplification des échanges. Ce processus, qui s est fortement accéléré depuis les années 1980, se caractérise par une multiplication des flux de marchandises, de capitaux, de personnes et d informations à l échelle mondiale. Cette explosion des flux a été rendue possible par la révolution des transports et les nouvelles technologies de l information et de la communication. Ces flux, très hiérarchisés et dissymétriques, se nourrissent de la mise en concurrence des territoires. La mondialisation constitue aussi un système d organisation de la production qui transcende les frontières et multiplie les interdépendances entre les différentes régions du monde. Il est donc question de discerner les flux et les acteurs de la mondialisation présentés par les documents, puis d en discerner les limites. La mondialisation est un processus qui met en relation croissante les différentes composantes territoriales du monde par des échanges internationaux de toute nature : informations, capitaux et marchandises. Les documents insistent sur les flux de marchandises qui se multiplient grâce à la révolution des transports maritimes, liée entre autres à la conteneurisation, et à l internationalisation des firmes, comme Toyota, qui, possédant des filiales à travers le monde, sont les acteurs moteurs de la mondialisation. En effet, les firmes multinationales délocalisent et sous-traitent la fabrication, le transport et la distribution de leurs produits dans le monde entier, y impulsant les 2/3 des flux de marchandises. Ces flux ne cessent donc de croître, mais évoluent pourtant dans leur nature. Les produits manufacturés ont supplanté les échanges de matières premières et de sources d énergie, à l exception des hydrocarbures. En vingt ans, la valeur du commerce de marchandises a été multipliée par 6, celle du commerce des services par 10. Toutefois, ces flux restent très polarisés par la Triade. Les flux de marchandises se font surtout entre ses trois pôles avec, dans l ordre, 4 372 milliards de dollars d exportations pour l Europe occidentale, environ 2 798 milliards pour l Asie orientale et 1 478 milliards pour l Amérique du Nord. Chacun de ces pôles oriente la plus grande part de ses exportations vers les deux autres. Par ailleurs, l essentiel de leurs échanges se fait à l intérieur de leur propre marché ce qui témoigne de la richesse de ces espaces. L Europe occidentale a une place particulière dans les échanges de marchandises, dans la mesure où elle est la 1 re puissance commerciale, notamment grâce aux échanges intracommunautaires qui représentent 75 % du total de ses échanges. Elle réalise aussi l essentiel des échanges provenant de l Afrique et de la CEI, qui associe 14 pays anciennement soviétiques et la Russie. De multiples acteurs sont à l origine de ces échanges. Premièrement, les firmes multinationales telles que Toyota sont au cœur de l intégration économique mondiale par leur capacité d investissement financier et leurs réseaux de filiales. Elles sont aussi qualifiées de «transnationales» car leurs stratégies sont planétaires, sans rapport avec les intérêts nationaux de leurs États d origine. Elles représentent 20 % du 4
La mondialisation, fonctionnement et territoires SUJET 3 : CORRIGÉ PIB mondial et le tiers du commerce mondial. Les 100 premières sont responsables du tiers de l investissement direct dans le monde. Toyota, 1 er constructeur automobile japonais et 1 er constructeur mondial en 2009, est un bon exemple d une stratégie de conquête des marchés internationaux à partir d une base nationale. L entreprise organise une division du travail en distinguant spatialement ses différentes activités. La fabrication concerne 26 pays, avec de nombreuses usines aux États-Unis, en Europe, mais aussi en Asie du Sud-Est. De plus, la production d un même bien peut être segmentée en «modules» conçus, fabriqués et assemblés en des lieux distincts. Par exemple, en Asie, une production intégrée conduit Toyota à fabriquer des pièces de direction et de moteur en Chine, de transmission en Chine, en Inde et aux Philippines, et des blocs moteurs en Thaïlande. Si les unités de production sont plutôt installées dans les pays du Sud, les agences commerciales sont situées au plus près de la demande, donc plutôt dans les pays du Nord ainsi que dans les pays émergents comme la Chine. Toyota délocalise aussi des fonctions centrales dans les métropoles de la Triade. Deuxièmement, les États, comme le Japon avec Toyota, s efforcent d aider leurs entreprises à conquérir les marchés extérieurs et tentent de rendre leur territoire attractif pour les FMN. Ils font respecter un certain nombre de règles, assurent une stabilité monétaire et investissent dans l amélioration des équipements et des conditions socio-économiques. De plus, désireux de contrôler le système économique et politique mondial, les États jouent un rôle de régulateur, notamment par la création d organisations internationales. L Organisation mondiale du commerce, qui regroupe plus de 120 membres, administre les règles du commerce international et arbitre les échanges mondiaux de biens et de services. Les gouvernements y négocient des accords et y règlent leurs différends commerciaux. Enfin, plus de la moitié du commerce mondial s effectue aujourd hui à l intérieur de chaque continent, comme le document 1 le souligne. Les États constituent des organisations économiques régionales (ASEAN, ALENA, Union européenne, MERCOSUR), outil de coopération qui leur donne davantage de poids sur la scène internationale et les protège des excès de la mondialisation. Conduite par des acteurs divers, la mondialisation des échanges montre néanmoins des limites en restant inachevée et en sélectionnant les espaces. Les documents permettent de constater que, à l échelle régionale, les trois pôles de la Triade constituent les centres d impulsion majeurs de l économie mondiale. Cet oligopole réalise environ 70 % du commerce mondial et concentre les firmes multinationales les plus puissantes de la planète, telles que Toyota. En effet, si les firmes multinationales s autonomisent par rapport aux territoires nationaux, elles ne sont généralement pas apatrides. La plupart conservent des liens privilégiés avec leur État d origine : localisation du siège social, contrôle du capital, personnels dirigeants. Par exemple, la Firme transnationale Toyota conserve au Japon son centre décisionnel, ainsi que 65 % de sa production et de ses ventes. Dans sa stratégie mondiale, elle privilégie aussi les pays du Nord pour l installation de ses agences commerciales. De plus, ses centres de recherche et de développement, ainsi que ses directions régionales sont localisés dans les pays de la Triade. Interdépendants, les centres d impulsion sont aussi hiérarchisés et concurrents. Puissance globale, les États-Unis pilotent la mondialisation des échanges, mais chacun des trois pôles 5
possède son aire de puissance et ses zones d influence privilégiées. En diffusant la mondialisation des échanges, ces pôles ont un effet d entraînement sur les autres États de la planète et organisent le monde selon un modèle centre/périphéries. Les périphéries intégrées sont des territoires bénéficiant de la proximité d un centre et qui sont entraînés par sa dynamique. Ainsi, les États d Asie orientale bénéficient de cette intégration à la mondialisation des échanges. Organisée autour du Japon, l Asie orientale est composée des «Dragons», aujourd hui États industriels, de la Chine, mais aussi des «Tigres» (Malaisie, Thaïlande, Indonésie, Philippines), auxquels on peut ajouter le Vietnam. Cette aire de puissance de la planète, hiérarchisée par la division du travail, est animée par des flux internationaux mais aussi des courants intrarégionaux en pleine expansion. D autres États bénéficient de délocalisations des FTN de la Triade et de leur technologie. Ils sont intégrés de manière croissante à la mondialisation des échanges. Ces pays émergents, qui constituent désormais des puissances régionales, connaissent un développement incontestable, mais sont toutefois encore peu nombreux : l Inde, le Mexique, le Brésil, l Argentine, le Chili, la Turquie et l Afrique du Sud. Contrairement à l Asie orientale, ces États ont du mal à entraîner dans leur sillage l ensemble de leurs régions. En effet, en Amérique latine, en Asie du Sud et surtout en Afrique se trouvent de nombreux pays en situation intermédiaire et incertaine qui s endettent pour acheter des biens d équipement et fournissent à la Triade des matières premières et de la main-d œuvre. Plus intégrés dans la mondialisation, les Pays exportateurs de pétrole, essentiellement les pays du Golfe, participent activement aux échanges en bénéficiant de hauts revenus. Ils demeurent cependant trop dépendants des cours de l «or noir». Enfin, les Pays les moins avancés sont totalement à l écart des grands courants économiques de la mondialisation et en marge du système-monde. Au nombre de 48 selon l ONU, ces États sont donc bien plus nombreux que ceux qui profitent de la mondialisation. Ces États les plus pauvres de la planète se trouvent essentiellement en Afrique subsaharienne, mais aussi en Amérique centrale et en Asie. Trop enclavés ou trop éloignés d un des pôles de la Triade pour bénéficier des investissements des FTN et en proie à des difficultés persistantes, ils accumulent tous les retards de développement. La mondialisation des échanges apparaît comme un processus d intégration croissante des différentes parties du monde, organisé par des acteurs multiples à l échelle internationale. Cependant, elle ne met pas les lieux sur le même pied d égalité mais accroît la concurrence en hiérarchisant les espaces mondiaux. Dans cette logique de sélection des territoires, les centres s enrichissent, tandis que les périphéries s intègrent plus ou moins selon leur rôle et leur importance dans le fonctionnement de l économie mondiale. Cela dit, ces deux documents abordent essentiellement les échelles mondiale et régionale. Une étude des échelles nationale et locale permettrait de souligner encore davantage les inégalités des territoires dans la mondialisation. 6