GESTION D UNE EPIDEMIE DE DERMATITES LIEES A CIMEX LECTULARIUS DANS UNE UNITE DE SOINS DU CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE LA SAVOIE : RETOUR D EXPERIENCE Albane Crassous Franck-Olivier Mallaval Marianne Combaz Contexte Alerte de l EOH par le cadre de santé d un service de la présence de lésions cutanées prurigineuses, chez 4 patients évoluant dans son service depuis plusieurs semaines, dans un contexte de cas de gale sur l établissement Diagnostic de piqûres d insectes posé chez 2 patients par le dermatologue, après exclusion d autres pathologies infectieuses dont la gale. Point commun essentiel: hébergement successif dans la même chambre. Lors de la réfection des lits, des insectes sont retrouvés. Identification de punaises de lits (Cimex lectularius) par le laboratoire de biologie du Centre Hospitalier. Suspicion d une épidémie nosocomiale de dermatites liées à Cimex lectularius, dans un contexte de recrudescence des infestations par des punaises de lits des logements collectifs, mais aussi chez les particuliers au niveau local, régional, national et international.
Objectifs Description des différentes étapes de la gestion de cette épidémie au sein de l établissement Evaluation des actions entreprises afin d enrayer cette infestation Recherche bibliographique: Punaises de lits (description, épidémiologie, mode de transmission, clinique); Recommandations nationales et internationales au sujet de la conduite à tenir en cas d infestation par des punaises de lits; Description d épidémies de dermatites liées à Cimex lectularius au sein d établissements de santé. Description: Investigation de l épidémie avec le contexte épidémiologique; Mesures correctives mises en œuvre; Mesures préventives mises en œuvre. Synthèse bibliographique Punaises de lits Insecte de forme ovale, aplatie dorso-ventralement, de couleur brun rouge, d une taille comprise entre 4 et 7 mm à l âge adulte. Cycle de développement avec 3 stades : Œuf; Larves: 5 stades; repas sanguin complet avant la mue vers le stade suivant; Adulte: se nourrit 1 fois par semaine; peut survivre pendant de longues périodes sans nourriture (jusqu à 18 mois). Hématophage (stades larvaires et adulte) avec un pic d activité nocturne Lieux de repos, de ponte et de copulation: endroits abrités et obscurs Déplacement de l insecte selon 2 modes : «déplacement actif» de son lieu de vie à la recherche d un repas sanguin, «transfert passif» par l hôte lors d un voyage, d achat d objets d occasion infestés Ne vole pas
Synthèse bibliographique Dermatite associée Piqûre douloureuse et irritante. A ce jour, il n a pas été démontré que la punaise était vectrice d agents pathogènes pour l homme (suspicion d un transport passif de bactéries multirésistantes). Diagnostic clinique pas toujours aisé : symptomatologie variée selon les individus: Certains ne ressentent rien; Chez les personnes non sensibilisées: tuméfaction dure et blanchâtre; piqûres retrouvées sur les parties découvertes du corps, pouvant se présenter en ligne; Chez certaines personnes sensibilisées, réactions prurigineuses violentes avec œdème local voire des réactions anaphylactiques graves. Disparition des lésions cutanées habituellement en 1 à 2 semaines ; traitement symptomatique Synthèse bibliographique Recommandations et conduite à tenir 2 documents rédigés par le CCLIN Sud-Est et le CCLIN Paris-Nord à propos de la lutte anti-vectorielle en milieu hospitalier: les mesures à adopter et les moyens de lutte sont abordées de façon succincte. Autres recommandations françaises, britannique, américaine et canadiennes : décrivent les mesures à mettre en œuvre pour prévenir l infestation et éradiquer ces insectes; pas spécifiques aux établissements de santé Les recommandations insistent sur le caractère complexe de la lutte, qui doit être menée conjointement suivant plusieurs axes : Interrogatoire épidémiologique et clinique des patients; Identification et recherche de l insecte; Méthodes de lutte mécanique; Méthodes de lutte chimique; Prévention.
1 er épisode Investigation de l épidémie (1) Préparation de l investigation: Organisation d une réunion avec les acteurs concernés pour la coordination des actions à mener et le suivi de l épidémie; Contact téléphonique avec le CCLIN Sud-Est. Définition d un cas ; détermination de l ectoparasite en cause Description de l épidémie: Nombre de cas diagnostiqués: 4 Répartition géographique: seule la chambre 210 est concernée (cas, présence d insectes) Tableau synoptique: 1 er épisode Investigation de l épidémie (2) Affirmation de l épidémie : déclaration au CCLIN Sud-Est et à l ARS Rhone Alpes (fiche de signalement des infections nosocomiales) Définition de la stratégie d action: condamnation et isolement hermétique de la chambre ; entretien du linge et de la literie par le circuit habituel, mais avec un transit dans des sacs hydrosolubles fermés dans la chambre; recensement des patients ayant occupés la chambre un mois avant le premier cas en vue d une enquête rétrospective ; surveillance accrue des patients présentant des lésions cutanées et des autres patients du service.
1 er épisode Mesures correctives (1) Enquête rétrospective : interrogatoire épidémiologique But: recherche du cas index et d autres cas Recensement des patients ayant occupé la chambre 210 un mois avant le premier cas et enquête rétrospective à l aide d un questionnaire. Parmi les patients interrogés, aucun n était symptomatique les jours précédents leur hospitalisation (entourage y compris). Chez les 4 patients symptomatiques lors de leur séjour dans la chambre 210, les lésions ont disparu et ne sont pas réapparues après la sortie d hospitalisation ou lors du changement de chambre. Aucune hypothèse n a pu être formulée quant à l origine de l importation de ces insectes. 1 er épisode Mesures correctives (2) Recherche active de «niches» Inspection de la chambre 210, des pièces adjacentes et de la bagagerie, à la recherche d autres niches. Aucun insecte n a été retrouvé, a priori, dans les pièces inspectées. Lors du démontage du matériel de la chambre, des punaises sont retrouvées derrière les plinthes, au niveau des dalles du faux-plafond et sous le sol linoléum. Lutte mécanique Evacuation et incinération des lits et mobiliers en bois, enlèvement du lino fissuré. Restauration de la chambre suite à la désinfection chimique: comblement des fissures, peinture neuve, pose d un nouveau linoléum. Lutte chimique Désinfection de la chambre par pulvérisation d un insecticide de contact réalisée par une société spécialisée. Suite à la désinfection, des pièges à punaises ont été installés afin de s assurer de l efficacité du traitement : aucune punaise n a été retrouvée.
1 er épisode Mesures préventives Au niveau du personnel médical et soignant du service: Sensibilisation au diagnostic clinique de la dermatite liée à Cimex lectularius, Surveillance accrue de l apparition de symptômes chez les autres patients du service. Au niveau du personnel aide-soignant du service: Sensibilisation à la détection de la présence de punaises, lors de la réfection des lits. Ensemble des praticiens et des cadres de santé de l établissement: Sensibilisation à la problématique en recrudescence au niveau local par le biais d un courrier. 6 mois après la survenue de l épisode d infestation par des punaises de lits, nouvelle déclaration d évènement indésirable concernant la présence d insectes identiques dans une chambre de la même unité de soins Préparation de l investigation Définition d un cas; détermination de l ectoparasite en cause Description de l épidémie: Nombre de cas diagnostiqués: 2 Répartition géographique: seule la chambre 207 (adjacente à la chambre 210) est concernée Tableau synoptique: 2ème épisode Investigation de l épidémie Affirmation de l épidémie et Définition de la stratégie d action
2ème épisode Mesures correctives (1) Enquête rétrospective : interrogatoire épidémiologique Aucun autre patient ayant séjourné dans cette chambre et dans les autres chambres du pavillon ne s est plaint de lésions cutanées prurigineuses depuis le premier épisode. Les lésions des 2 patientes symptomatiques ont disparu et ne sont pas réapparues après le changement de chambre et le retour à domicile lors des permissions. Aucun patient recensé lors du 1er épisode (ayant séjourné dans la chambre 210) n a ensuite été hospitalisé dans la chambre 207. Il n a pas été retrouvé de lieu commun d habitation à l extérieur de l hôpital entre les patients ayant séjournés dans la chambre 207 et ceux ayant séjournés dans la chambre 210, lors du premier épisode. Aucune relation concernant un éventuel «transport passif» n a pu être identifiée entre les 2 épisodes. Recherche active de «niches» Inspection de la chambre 207 par la société spécialisée pour recenser d autres niches. Aucun insecte et aucune trace de présence de celui-ci n ont été retrouvés 2ème épisode Mesures correctives (2) Lutte mécanique Démontage des lits, des placards, des prises électriques et des dalles du faux plafond; Evacuation de la literie dans des sacs fermés hermétiquement vers la décharge (après lacération). Lutte chimique Désinfection de la chambre par pulvérisation d un insecticide de contact réalisée par une société spécialisée; Lors de cette opération, 15 insectes ont été retrouvés entre les lattes et la partie métallique du sommier. Deuxième désinsectisation dans la chambre 12 jours après. Suite à la désinfection, aucune punaise n a été observée et aucune plainte des patients hospitalisés dans cette chambre n a été relevée.
2ème épisode Mesures préventives Au niveau du personnel médical, soignant et aide-soignant du service: Nouvelle sensibilisation à la problématique, Surveillance accrue de l apparition de symptômes chez les patients du service. Entretien des lits de l ensemble du service avec un nettoyeur vapeur, après démontage de la structure. Remplacement prévu des fauteuils en mauvais état (fissures) des zones d attente de l unité de soins. Réflexion autour de l utilisation d un nettoyeur vapeur pour l entretien de fond des chambres des unités de soins : choix et acquisition d un nettoyeur vapeur, organisation de cet entretien par une équipe spécialisée. Axes d amélioration Circuit du linge : au cours de la révision de la procédure par le groupe linge, être vigilant à la température utilisée (> ou = 60 C) Réflexion, en collaboration avec les services techniques, à propos de la rénovation des bâtiments vieillissants Sensibilisation et information des ASH à la découverte précoce de la présence de punaises de lits, lors des formations proposées par l EOH Hygiène des locaux et entretien de fond des services : réflexion en cours pour l acquisition d un nettoyeur vapeur et la mise en place d une équipe dédiée à l utilisation de cet appareil
Conclusion 6 patients symptomatiques ont été recensés lors des 2 épisodes. Depuis le dernier épisode, aucune réinfestation n a été observée en hospitalisation complète. Mais cas en extra-hospitalier Aucune hypothèse confirmée quant à l origine de l importation des punaises de lits ; Aucun lien établi entre les 2 épisodes (déplacement actif, transport passif) S agit-il d une seule épidémie avec 2 épisodes ou de 2 épidémies survenues à 6 mois d intervalle? Mobilisation d une «mini» cellule de crise pluri-professionnelle autour de la problématique; Accélération du projet d acquisition d un nettoyeur vapeur destiné à l entretien de fond des services En cas de nouvelle infestation par ces insectes, mise en place rapide et efficace de la conduite à tenir par l EOH. Merci pour votre attention Biblio Lutte contre les ectoparasites et agents nuisibles en milieu hospitalier, CCLIN Paris Nord Mars 2001 www.sante.gouv.fr/questions -reponses-sur-les-punaises-delits.html