Instantie Hof van Cassatie Onderwerp Contrat de travail. Fin. Motif grave Datum 13 februari 2006 Copyright and disclaimer Gelieve er nota van te nemen dat de inhoud van dit document onderworpen kan zijn aan rechten van intellectuele eigendom, die toebehoren aan bepaalde betrokkenen, en dat er u geen recht wordt verleend op die desbetreffende rechten. M&D Seminars wil u met dit document de nodige informatie verstrekken, zonder dat de in dit document vervatte informatie bedoeld kan worden als een advies. Bijgevolg geeft M & D Seminars geen garanties dat de informatie die dit document bevat, foutloos is, zodat u dit document en de inhoud ervan op eigen risico gebruikt. M&D Seminars, noch enige van haar directieleden, aandeelhouders of bedienden zijn aansprakelijk voor bijzondere, indirecte, bijkomstige, afgeleide of bestraffende schade, noch voor enig ander nadeel van welke aard ook betreffende het gebruik van dit document en van haar inhoud. M&D Seminars 2006 M&D CONSULT BVBA ARTHUR VERHAEGENSTRAAT 26 9000 GENT TEL 09/224 31 46 FAX 09/225 32 17 E-mail: info@mdseminars.be www.mdseminars.be
13 FEVRIER 2006 S.05.0089.F/1 Cour de cassation de Belgique Arrêt N S.05.0089.F B. C., admise au bénéfice de l assistance judiciaire par décision du bureau d assistance judiciaire du 10 mars 2005 (pro Deo n G.05.0003.F), demanderesse en cassation, représentée par Maître Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile, contre MAGIC EVENTS, société privée à responsabilité limitée dont le siège social est établi à Ixelles, rue Alphonse De Witte, 72, défenderesse en cassation.
13 FEVRIER 2006 S.05.0089.F/2 I. La procédure devant la Cour Le pourvoi en cassation est dirigé contre l arrêt rendu le 7 septembre 2004 par la cour du travail de Bruxelles. Le conseiller Christian Storck a fait rapport. Le premier avocat général Jean-François Leclercq a conclu. II. Le moyen de cassation La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants : Dispositions légales violées travail ; - article 35, alinéa 1 er, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de - articles 1147, 1149, 1382 et 1383 du Code civil. Décisions et motifs critiqués Après avoir relevé que la demanderesse a résilié pour motif grave le contrat de travail qui la liait à la défenderesse, cette dernière ne lui ayant payé sa rémunération d'août et de septembre 1999 qu'avec retard et, en plus, de manière incomplète, l'arrêt décide que le dommage consécutif à ce «licenciement irrégulier» se limite, comme l'a jugé le tribunal du travail, à la perte de sa rémunération jusqu'au jour de la reprise du travail auprès d'un autre employeur, par les motifs suivants : «Suivant l'article 35 de la loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail, la résiliation pour motif grave se produit 'sans préjudice de tous dommagesintérêts s'il y a lieu' ; Selon [la demanderesse], le montant de ces dommages et intérêts doit être fixé par analogie sur la base de l'article 39 de la loi du 3 juillet 1978, relatif à l'indemnité de préavis ;
13 FEVRIER 2006 S.05.0089.F/3 Selon [la défenderesse], ces dommages et intérêts doivent être équivalents au montant du préjudice réel. En l'espèce, ce préjudice est inexistant parce que [la demanderesse] a retrouvé un emploi immédiatement ; Les dommages et intérêts auxquels a droit la partie qui notifie le congé pour motif grave doivent être déterminés suivant le droit commun de la responsabilité contractuelle ; L'article 35 de la loi du 3 juillet 1978 n'édicte aucune règle qui déroge à ce droit commun. En particulier, il n'impose pas un mode de réparation forfaitaire tel que l'indemnité de préavis de l'article 39 de la loi du 3 juillet 1978 ; En matière contractuelle, le dommage réparable est en règle générale le même qu'en matière de responsabilité civile extracontractuelle, si ce n'est que seul le dommage prévisible est réparable (article 1150 du Code civil) ; Pour apprécier le dommage en matière extracontractuelle, le juge doit [ ] se placer au moment qui se rapproche le plus de la réparation effective (Cass., 19 janvier 1993, Bull., 64), c'est-à-dire pratiquement à la date de la prononciation. Cette règle est une conséquence du principe de la réparation intégrale du dommage (J.-L. Fagnart, La responsabilité civile, Dossiers du J.T., n 80, p. 90) ; Pour apprécier le dommage en matière contractuelle, le juge doit également se placer au moment qui se rapproche le plus de la réparation effective, si ce n'est qu'il ne doit tenir compte que du dommage qui était prévisible lors de la conclusion du contrat ; Le juge doit donc tenir compte des événements qui se sont produits entre le jour de la faute contractuelle et celui de la prononciation ; En l'espèce, [la demanderesse] était sous préavis lors du licenciement pour motif grave. Elle avait donc déjà perdu son emploi, l'ancienneté et la stabilité d'emploi qui en découle, sans faute de la part de [la défenderesse] ; Le dommage consécutif au licenciement irrégulier se limite donc, comme l'a décidé le tribunal du travail, à la perte de la rémunération jusqu'au jour de la reprise du travail auprès d'un autre employeur». Griefs
13 FEVRIER 2006 S.05.0089.F/4 L'article 35, alinéa 1 er, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail prévoit que chacune des parties peut résilier le contrat sans préavis ou avant l'expiration du terme pour un motif grave laissé à l'appréciation du juge et sans préjudice de dommages-intérêts s'il y a lieu. Comme le décide justement l'arrêt, les dommages-intérêts dont il est question à l'article 35 de la loi du 3 juillet 1978 doivent s'apprécier comme en matière extracontractuelle. Or, pour évaluer le dommage causé par un fait illicite, le juge, bien qu'il doive se placer au moment où il statue, ne peut, en règle, tenir compte d'événements étrangers à l'acte illicite ou au dommage, alors même qu'il y aurait eu une amélioration de la situation de la personne lésée depuis l'acte illicite (articles 1382 et 1383 du Code civil). Autrement dit, lors de l'évaluation du dommage, le juge ne peut tenir compte d'un événement postérieur à l'acte illicite que s'il n'est pas étranger à l'acte illicite lui-même ou si, bien qu'étranger à l'acte illicite, il exerce une influence sur le dommage qui en résulte. En l'occurrence, la circonstance que la demanderesse a trouvé un nouvel emploi après la rupture de son contrat par la faute de la défenderesse est un événement qui est étranger à cette faute et qui est sans influence sur le dommage infligé à la demanderesse. En effet, ce n'est pas la faute de la défenderesse qui est la cause de la découverte d'un nouvel emploi. Celle-ci n'est en d'autres termes pas une suite de la faute. La découverte d'un nouvel emploi n'a par ailleurs pas diminué le dommage de la demanderesse en ce sens que, malgré son nouvel emploi, la demanderesse reste privée des rémunérations auxquelles elle eût pu prétendre jusqu'à la fin du préavis en cours. En résumé, pour apprécier l'importance du dommage causé par le «licenciement» illicite, le juge ne pouvait tenir compte des efforts faits par la demanderesse pour pallier les conséquences de la rupture de son contrat. C'est également à tort que l'arrêt considère que puisque «la demanderesse était sous préavis lors du licenciement pour motif grave (lire : lors de la résiliation du contrat par la demanderesse pour un motif grave), il y a lieu de limiter le dommage consécutif à ce 'licenciement' au jour de la reprise du travail auprès d'un autre employeur».
13 FEVRIER 2006 S.05.0089.F/5 La circonstance que la demanderesse était en période de préavis lors de la résiliation de son contrat est étrangère tant à la faute de la défenderesse qu'au dommage causé par cette faute. Elle ne diminue pas le dommage mais permet tout au plus de délimiter le temps pendant lequel il sera subi. Il s'ensuit que la décision de limiter le dommage consécutif au «licenciement irrégulier» de la demanderesse à la date de la reprise du travail auprès d'un autre employeur n'est pas légalement justifiée (violation de l'ensemble des dispositions légales citées en tête du moyen). III. La décision de la Cour En vertu de l article 35, alinéa 1 er, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, la partie qui, pour un motif grave, résilie le contrat sans préavis ou avant l expiration du terme a droit à des dommages-intérêts si elle subit un dommage que ne répare pas la rupture du contrat. Pour évaluer ce dommage, le juge doit, se plaçant au moment où il statue, tenir compte de toutes les circonstances de la cause qui sont de nature à exercer une influence sur l existence et l étendue de celui-ci. S il ne peut avoir égard à des événements postérieurs à la survenance du dommage qui sont étrangers à l acte illicite ou au dommage lui-même, il doit, en revanche, prendre en considération ceux qui, bien qu ils soient étrangers à l acte illicite, influencent le dommage qui en est résulté. L arrêt constate qu après avoir été licenciée par la défenderesse moyennant un préavis qui était alors en cours, la demanderesse a invoqué un motif grave de rupture. Pour limiter à la rémunération perdue jusqu au jour où elle a repris le travail auprès d un autre employeur les dommages-intérêts dus par la défenderesse à la demanderesse en vertu de l article 35, alinéa 1 er, précité, l arrêt considère que celle-ci, étant «sous préavis» lors de la survenance du dommage, «avait donc déjà perdu son emploi, l ancienneté et la stabilité d emploi qui en découle, sans faute de [la défenderesse]». Dans les circonstances qu il a souverainement relevées, l arrêt a pu considérer que le fait que la demanderesse eût trouvé un nouvel emploi n était
13 FEVRIER 2006 S.05.0089.F/6 pas étranger au dommage qu elle subissait et a, dès lors, légalement justifié sa décision. Le moyen ne peut être accueilli. Par ces motifs, La Cour Rejette le pourvoi ; Condamne la demanderesse aux dépens. Les dépens taxés à la somme de nonante euros un centime en débet envers la partie demanderesse. Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Claude Parmentier, le président de section Philippe Echement, les conseillers Christian Storck, Daniel Plas et Philippe Gosseries, et prononcé en audience publique du treize février deux mille six par le président de section Claude Parmentier, en présence du premier avocat général Jean-François Leclercq, avec l assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.