Qui vivait rue de Paris à Gonesse en 1891? Analyse du recensement de 1891 prêté par les Archives de la ville Module histoire Mme Labarde / 2nde 2 / gp 1 / 2012-2013 / Lycée René Cassin
Introduction : Dans le cadre du projet européen Comenius Streetwise Europewise (2012-2014), 6 lycées d'europe travaillent sur une rue choisie de leur ville. Ainsi Le lycée de Lambach en Autriche travaille sur Marktplatz, le Lycée de Giarre en Sicile travaille sur la Via Callipoli, le lycée d'honefoss en Norvège sur la Storgata, le lycée de Namestovo en Slovaquie sur Hvizdoslavova, le lycée d'ankara sur Hamamönü, et notre lycée René Cassin de Gonesse sur la rue de Paris. Lors des rencontres européennes chaque lycée présente son travail. Ce projet est autant culturel que linguistique. Il s'agit de mieux connaître les identités locales et européennes. Pour la seconde rencontre en Sicile du 2 au 7 avril 2013, le thème était l'histoire. Nous avons donc pris contact avec M. Savineaux, directeur des archives de Gonesse. En janvier 2013, Il est venu à 2 reprises en cours nous présenter des documents anciens sur la rue de Paris (vielles cartes postales, plan de ville, recensement, ). Avec sa collègue des archives Séverine Lemire il nous a aussi exposé rapidement l'histoire de la ville de Gonesse. Nous avons alors décidé de travailler sur le recensement de 1891 pour savoir à quoi ressemblait la rue de Paris, rue principale de Gonesse à la fin du XIXème siècle et aujourd'hui. Qui y vivait? Ce recensement se présente sous forme de tableau. Il indique par adresse (n de rue), le nombre de foyers à chaque adresse, les noms, prénoms, âges, nationalités, professions et situations dans le ménage des habitants. L'analyse a été faite par petits groupes de 2, 3 ou 4 élèves, chaque groupe analysant une partie du document. Et voici enfin la synthèse de ce que nous avons découvert. Notre étude s'est focalisée sur les 3 thèmes suivants : I. Quelles étaient les structures familiales de l'époque? II. Que nous apprennent les métiers de l'époque? III. Que nous apprennent les noms et prénoms de l'époque?
I. Les structures familiales de l'époque À quoi ressemblaient les familles de l'époque? Comment étaient-elles composées? Les structures familiales étaient-elles les mêmes qu'aujourd'hui? A. Question n 1 : Les familles de l'époque étaient-elles des familles nombreuses? Réponse : NON pas forcément! Notre hypothèse de départ était que les foyers français étaient des foyers nombreux à la fin du XIXè siècle. Nous pensions qu'il y avait moins de célibataires qu'aujourd'hui car les gens se mariaient plus et plus tôt, et que les divorces et les familles monoparentales étaient plus rares dans une société plus christianisée qu'aujourd'hui. Or l'analyse du recensement ne nous le prouve pas! En 1891 la rue comptait 529 habitants. 180 foyers ont été recensés dans la rue. Si on fait le ratio, cela fait 2,938 personnes par foyer en moyenne, ce qui est assez peu. Évidemment ce ratio cache des inégalités. Nous avons trouvé quand même un foyer composé de 8 individus, 3 foyers composés de 7 individus, 7 foyers composés de 6 individus, 15 foyers composés de 5 individus, 27 composés de 4 individus. La majorité des foyers sont composés de peu de personnes : 50 foyers composés de 3 individus, 49 composés de 2 individus et 28 composés de personnes seules. Comme le montre le diagramme ci-dessous, la majorité des foyers sont petits (2 ou 3 individus). Le nombre de personnes par foyer 7 f oy ers de 6 3 f oy ers de 7 1 f oy er de 8 1% 2% 4% 28 f oy ers d'une personne 15% 15 f oy ers de 5 8% 1 foyer de 8 27 f oy ers de 4 15% 3 foyers de 7 49 f oy ers de 2 27% 7 foyers de 6 15 foyers de 5 27 foyers de 4 50 f oy ers de 3 28% 50 foyers de 3 49 foyers de 2 28 foyers d'une personne Comment expliquer cela? Plusieurs facteurs explicatifs peuvent se mêler : Premièrement, nous avons vu en cours d'histoire que la France était le premier pays d'europe à avoir fait sa transition démographique au XIXè S. Le taux de mortalité a baissé avec les progrès de l'hygiène et de la médecine, le taux de natalité aussi, la croissance démographique s'est donc réduite. On dit aussi que les Français ont eu un comportement démographique malthusien en réduisant leur natalité précocement. Ceci pourrait expliquer des familles finalement moins nombreuses.
Mais nous pouvons envisager une seconde hypothèse : celle des logements exigus. En effet, si les logements sont petits on ne peut pas y loger des familles trop nombreuses. B. Question n 2 : Dans les foyers plusieurs générations cohabitaient-elles? Réponse : NON, pas forcément! Notre hypothèse était qu'au XIXème siècle les familles étaient nombreuses et qu'il était courant d'avoir 3 générations cohabitant sous le même toit. Or l'analyse montre peu de foyers cumulant 3 générations dans le même foyer. Sur 180 foyers, seuls 8 abritent 3 générations. Quelques fois le recensement indique même la mention ''aïeul(le)'' ou ''petits fils''. On constate que la majorité des foyers constitués de 1 ou 2 individus sont composés de personnes âgées qui vivent seules ou en couple de façon autonome. Comment expliquer cela? Là aussi les hypothèses se cumulent : L exiguïté des logements déjà évoquée? Le fait qu'on mourrait plus jeune à l'époque et qu'il y avait peu de personnes âgées? Ceci nous amène à notre 3ème question. C. Question n 3 : Est-ce qu'on mourrait jeune à l'époque? Réponse : pas forcément! Notre hypothèse de départ était qu'on mourrait forcément plus jeune à l'époque. Or la plus vieille habitante de la rue de Paris avait 85 ans en 1891, ce qui tendrait à prouver au l'espérance de vie au XIXème siècle pouvait être assez longue. Cependant moins longue qu'aujourd'hui où 85 ans représente la moyenne de l'espérance de vie des femmes en France. Les personnes âgées étaient quand même moins nombreuses à l'époque qu'aujourd'hui. On dénombre 52 habitants âgés de plus de 60 ans sur les 529 de la rue, soit 10 % de la population (aujourd'hui les plus de 60 ans représentent 24% de la population française). Moins d'une quinzaine d'entre eux dépassent les 70 ans ; 80 % de ces derniers sont des femmes. D'ailleurs le recensement indique souvent la mention ''veuve''. Les mineurs (les moins de 21 ans) sont plus nombreux que les plus de 60 ans : 156 mineurs comptabilisés alors dans la rue de Paris. Cela fait 29 % de la population, ce qui est supérieur à aujourd'hui (24 %). La répartition de la population par grande classe d'âge Les moins de 21 ans 156 29% Les plus de 60 ans 52 10% Ceux entre 21 et 60 ans 321 61% Les moins de 21 ans Les plus de 60 ans Ceux entre 21 et 60 ans
Comment expliquer cela? On mourrait plus jeune à l'époque qu'aujourd'hui évidemment car la médecine, les services d'urgence, l'hygiène, la réflexion sur l'alimentation et l'alcool n'étaient pas aussi développés qu'aux XX-XXI ème siècles. Cependant on pouvait déjà espérer vivre beaucoup plus vieux qu'aux siècles précédents (XVIIè, XVIIIè) grâce aux avancées de la médecine et de l'hygiène. Rappelons Pasteur et sa découverte du vaccin contre la rage en 1885. L'espérance de vie à la naissance en France en 1800 par exemple est estimée à 40 ans. Les femmes vivaient plus vieilles que les hommes -comme aujourd'hui d'ailleurs, car elles étaient probablement moins soumises à des travaux durs physiquement et elles avaient moins de conduites à risques (consommation d'alcool par exemple). Cependant elles risquaient de mourir en couche, on recense quelques exemples de foyers où le père vit seul avec ses enfants, la mère étant probablement morte. (Les divorces et séparations étaient plus rares à l'époque qu'aujourd'hui). Les mineurs représentent un tiers de la population, ce qui est plus qu'aujourd'hui. Le taux de natalité était sûrement plus élevé qu'aujourd'hui, malgré le comportement malthusien déjà souligné de la population française. Cependant on constate dans de nombreux foyers que des mineurs n'ont pas le même nom que les adultes. Cela voudrait dire que ce sont des enfants (neveux, cousins, filleul, orphelins?) confiés à des adultes par réseau familiale ou de connaissance. Cela montre l'importance de Gonesse à l'époque, mais aussi un fonctionnement familiale différent d'aujourd'hui. Aujourd'hui la famille est centrée sur la cellule père-mère-enfant(s). A l'époque les liens de solidarité étaient sûrement plus développés et on n'hésitait peut-être moins qu'aujourd'hui à confier son enfant à un tiers. Autre hypothèse, peut-être qu'il y avait aussi plus d'orphelins (le taux de mortalité étant plus élevé qu'aujourd'hui). D. Question 4 : La colonne ''situation dans le ménage'' signifie t-elle l'importance des statuts au sein des foyers? Réponse : oui Pour remplir cette case, les habitants utilisent différents qualificatifs assez révélateurs du statut respectif de la femme, de l'homme et des enfants dans la société du XIX ème siècle. Premièrement, il est intéressant de noter les mots ''chef'' ou ''patron'' en plus du mot ''époux'' qualifiant la situation des hommes dans le ménage, tandis que pour les femmes on a les mots ''épouse'', ''mère'', ''femme''. Cela prouve l'infériorité de la condition féminine à l'époque. La femme est considérée comme une mineure sous tutelle de son père ou de son mari. La loi ne lui reconnaît pas les mêmes droits que l'homme. Et elle est avant tout définie par sa condition de femme. Parfois, quelques mentions dans cette colonne permettent de savoir précisément la composition du foyer : ''fils'', ''fille'',''belle-mère'', ''aïeule'', ''cousine'', ''domestique'', ''employé'' ou ''bonne'', ''pensionnaire''. Ainsi on peut voir que dans un même foyer cohabitent des personnes qui ne sont pas forcément de la même famille. Par exemple au numéro 4 de la rue de Paris, chez Monsieur Emile Bataille (''50 ans'', ''aubergiste'' et ''chef''), vivent sa femme Marie Gloriano (45 ans, épouse), une bonne Louise Colas (32 ans) et 2 pensionnaires : Etienne Goulon (58 ans, passeur) et Arsène Riffaud (26 ans, boulanger). Ces pensionnaires louent probablement leur chambre. Un statut se démarque, celui de ''veuve'' (on en compte une vingtaine), preuve confirmant que les femmes vivent plus longtemps que leurs maris. Enfin autre mention intéressante, celle de ''célibataire'' assez rare et concernant les hommes (9 hommes se déclarent célibataires). Les femmes passant directement de la maison du père à celle du mari ont moins le loisir d'être célibataire! Ainsi au numéro 52 de la rue de Paris, vit un jeune
homme célibataire, Jean Chaulaint, 20 ans, cocher. Au numéro 39 de la rue de Paris chez monsieur Achille Coller (boucher,28 ans) et sa femme Marthe Hublé (19 ans), il y a 2 célibataires logés, Jean Berse (22 ans, garçon boucher) et Jules Marin (17 ans, garçon boucher également!). Les célibataires ne vivent donc pas forcément seuls. Dans ce dernier exemple il est intéressant de voir que le boucher emploie, forme et loge ses 2 jeunes employés.
II. Les métiers de l'époque Le recensement fait préciser à chaque habitant son métier. Certaines cases ne sont cependant pas renseignées, elles correspondent à des enfants la plupart du temps. Mais il y a des enfants âgés de 13 ans par exemple qui exercent déjà un métier! Les cases non renseignées peuvent correspondre aussi à des femmes au foyer, voire à des sans-emplois? On a recensé 86 appellations de métiers différents dans la rue de Paris. A. Question n 1 : Les femmes travaillaient-elles? Réponse : OUI! Les femmes travaillent dès cette époque. Il y avait des métiers typiquement féminins comme couturière (37 recensées!), brodeuse (3), lavandière ou laveuse (les femmes qui lavent le linge, 2 recensées), domestiques (femmes de chambre, bonnes, cuisinières, ménagères,... au total 35 femmes dans la rue de Paris exercent ces petits métiers). On compte aussi une sage-femme, et quelques fromagères. Il y a même des femmes qui déclarent des métiers pas spécifiquement féminins comme manœuvrière ou ouvrière. Par exemple au numéro 80 de la rue de paris vivait Monsieur Gustave Demont (54 ans) directeur d'usine, sa femme Clara Demont (52 ans) est déclarée contremaîtresse (qui supervise les ouvriers). Ceci s'explique par l'industrialisation intense que connaît la France et l'europe occidentale au XIX ème siècle bien sûr. Cependant la majorité des femmes n'ont rien dans la case métier du recensement. Cela signifie qu'elles étaient restées dans le rôle de femmes au foyer. Cela ne veut pas dire qu'elles ne travaillent pas : elles peuvent aider leur mari quand celui-ci tient boutique ou même quand ils est cultivateur, en plus d'élever les enfants. Enfin, il existe quelques femmes riches déclarant être rentières, ne travaillant donc pas tout en ayant des revenus. B. Question n 2 : y avait-il du chômage à l'époque? Le mot chômage ou chômeur n'apparaît pas dans le recensement. Aucun habitant ne se déclare comme tel. Ce serait anachronique? Il semble que tout le monde ait une activité, à part les femmes évoquées ci dessus consacrées à leur rôle de femmes au foyer. C. Question n 3 : les enfants travaillaient-ils? Même les mineurs travaillent. On trouve une vingtaine de mineurs âgés entre 13 et 21 ans qui ont une activité déclarée : domestique, charcutier, ouvrier, couturière, boulanger, Le plus souvent ils sont domestiques au service de la maison qui les loge, et qui n'est forcément pas celle de leurs parent (les noms sont différents). Quelque fois ils font le même métier que leur parent, mais ce n'est pas systématique. Par exemple au numéro 1 de la rue de Paris, vivait Alfred Beyer, 17 ans, aide-jardinier. Il est logé chez Monsieur Joseph Pastel, 35 ans, jardinier et sa femme Albertine Dupuis, 27 ans, mère d'un petit Armand Pastel âgé de 7 ans. Au numéro 95 de la rue de Paris dans la famille il y a 4 enfants, Etienne (9 ans), Gabrielle (7 ans), Lucie (6 ans), Marthe (2 ans). Henriette Ratier (15 ans) est employée comme blanchisseuse (c'est la cousine!). Au numéro 38 de la rue de paris, chez M. Antoine Leymet (45 ans, marchand de nouveautés), la femme Elisa Antraïgues (42 ans) était couturière, la fille Jeanne Leymet (19 ans) l'était aussi, pendant que le fils Jean Leymet (15 ans) était écolier.
Au numéro 50, chez Monsieur Antoine Daoût (42 ans, peintre), la femme Nemésis Barbier (36 ans) était blanchisseuse, le fils ainé Alfred Daoût (14 ans) est déclaré épicier. C. Question n 3 : Dans quels secteur s d'activité travaillaient les habitants de la rue de Paris? Réponse : dans les secteurs agricole et tertiaire! Le secteur agricole est assez représenté : 3 maraîchers, 3 fruitiers, 5 cultivateurs, 1 cressonnier (producteur de cresson!) 2 vachers et 2 bouviers (ceux qui s'occupent et/ou font commerce de bœufs) 1 nourrisseur (celui qui nourrit les vaches) 1 grainetier (il fournit les graines) 1 commis de ferme (garçon à tout faire) M. Savineaux nous a expliqué que Gonesse était une zone agricole prospère dès la fin du Moyen-Age. La rivière Crould, associée aux terres fertiles et aux pigeonniers qui servaient à produire du fumier pour les champs ont fait la renommée du pain de Gonesse au XVIIIè siècle. On y comptait alors 100 boulangers et les parisiens appréciaient le pain de Gonesse. Victor Hugo en parlerait dans ses écrits! On compte aussi 8 jardiniers, dont on ne sait si ce sont des emplois vraiment agricoles ou d'entretien paysager Le secteur tertiaire est important. Il se compose principalement de petits artisans et commerçants, de services publics, et de métiers libéraux. Par exemple dans le domaine de la construction, on trouve de nombreux artisans spécialisés : 3 menuisiers, 1 charpentier, 2 serruriers, 1 tailleur de pierre, 1 couvreur (celui qui couvre les toits), 5 maçons, 2 terrassiers, 4 peintres 1 métreur (celui qui mesure, les parcelles notamment) Les artisans fournissant des services aux habitants sont très nombreux : 3 cordonniers, 2 serruriers 1 chaudronniers, 1 charron ( spécialiste du bois et maître de tout ce qui tourne et roule dans un village, de la brouette à la charrette), 1 vannier ( ), 1 marbrier (celui qui travaille le marbre ou qui fait commerce du marbre), 1 tailleur de pierre 1 horloger 1 ébéniste (travail du bois). Les petits commerces sont beaucoup plus nombreux qu'aujourd'hui dans la rue de Paris. Preuve que la rue de Paris était le centre de Gonesse et que la vie tournait probablement autour de l'échelle locale. L'apparition des grandes surfaces et de la grande distribution au XXème siècle est
probablement responsable de la disparition de ces petits commerces aujourd'hui. En 1891 on trouve dans la rue de Paris : 13 marchands de vin! (Nous savons que jusqu'en 1834 et l'appellation définitive rue de Paris choisie par la mairie d'alors, la rue était divisée en 4 segments dont les noms dataient du Moyen Age : rue du Vignois, rue de tous états, rue du Castel, rue des huiliers. Vignois faisait déjà référence à la vigne et au vin produit dans la région anciennement.) 1 brasseur, 9 boulangers, 9 épiciers, 8 blanchisseurs 4 charcutiers, 5 bouchers et garçons boucher, 3 pâtissier, 2 quincailliers, 3 fromagères (transformation du lait en fromage), 3 pharmaciens, 1 libraire, 1 brocanteur, 1 droguiste, 2 marchands de nouveauté 2 coiffeurs, On trouve aussi des métiers liés aux chevaux, preuve que le cheval (calèche, charrette, voiture à cheval) était un moyen de transport courant et que Gonesse était probablement un carrefour ou une halte au nord de Paris : 3 maréchaux (responsable des écuries ou de ferrer les chevaux), 4 cochers, 2 chauffeur et/ou conducteur 3 palefreniers, 16 charretiers (propriétaires de charrettes, transport de marchandises/ matières premières) 2 aubergistes, 1 cafetiers (tenancier d'un café), On a même un entrepreneur omnibus! Les métiers liés à l'administration publique sont assez présents : 4 gendarmes, 1 brigadier, 1 receveur (ou percepteur, celui qui perçoit les impôts pour la collectivité publique). On sait qu'à la fin du XIXème siècle, la IIIème République et ses institutions sont bien enracinées. Les métiers libéraux sont rares : 2 clercs de notaire et 1 comptable par exemple. Peu de place aussi pour le domaine culturel ou artistique (on compte un musicien recensé). La rue de Paris était plutôt typique d'une petite ville agricole encore marquée par les métiers traditionnels et tournée vers la vie locale. Le secteur industriel est naissant. On observe que la ville est touchée par l'industrialisation avec l'apparition de nouvelles catégories sociales : 1 directeur d'usine, 9 ouvriers et 3 contremaîtres déclarés. Enfin, il existait des catégories très aisées à Gonesse à la fin du XIX ème siècle qui n'ont pas besoin de travailler : ce sont des propriétaires (7) et des rentiers (19!) qui hébergent souvent dans leurs foyers des domestiques, employés ou ouvriers. D'ailleurs on constate que c'est chez ces 2
catégories que l'on vivait le plus vieux! Ainsi par exemple au numéro 66 de la rue de Paris vivait madame Boisseau Adélaïde (71 ans, rentière) et ses 2 employés domestiques : Klipffel Françoise et Aufort Eugène (27 ans). D. Question n 4 : Y avait-il des inégalités sociales comme aujourd'hui? Réponse : OUI Notre hypothèse était que les inégalités socio-économiques étaient moins fortes à l'époque qu'aujourd'hui. Or l'analyse des métiers montre 2 choses : Premièrement il y a un grand écart entre les petits métiers urbains et les catégories aisées. Dans les petits métiers urbains, on peut mettre les ouvriers, employés, domestiques, concierges (2), voire les petits artisans et commerçants, ainsi que des journaliers (33) : ce sont des hommes (voire des femmes journalières) qui travaillent à la journée, selon les besoins et les tâches. Ces petits métiers forment une catégorie populaire qui n'a pas le même train de vie que la catégorie plus huppée de la population constituée de propriétaires et rentiers. Deuxièmement, avec l'urbanisation et l'industrialisation, c'est probablement à la fin du XIX ème siècle que l'écart se creuse entre les catégories agricoles, inscrites dans les traditions rurales et les catégories urbaines. Les journaliers pouvaient être employés aussi bien en ville dans le petits métiers qu'aux travaux des champs. E. Deux surprises sur les métiers de l'époque Premièrement grâce cette analyse nous avons découvert des mots surprenants et des appellations étranges et poétiques, disparus aujourd'hui du langage courant. Il y avait par exemple parmi les métiers recensés : 5 bourreliers, un boutonnier, 2 coupeurs, 2 batteurs, 1 passeur. Le bourrelier travaillait la bourre et le cuir. La bourre c'est les poils détachés de la peau de certains animaux à poil ras (bœuf, vache, cheval, âne, ) ou la partie la plus grossière de la laine. La bourre sert à bourrer, les selles, les tabourets, les matelas, Le boutonnier était celui qui faisait ou qui vendait les boutons. Le coupeur regroupe 2 métiers: aux champs on pouvait avoir le coupeur de grappe par exemple lors des vendanges dans les vignes, en ville on pouvait avoir un coupeur en confection, travaillant dans la couture. Le batteur était lui un ouvrier qui bat certaines matières pour les écraser, les assouplir, les amincir, les étirer, Ce pouvait être un batteur de grains aux champs, ou un batteur de métaux en ville. Le passeur est celui qui aide à franchir (un cours d'eau, une frontière,...). Comme pour le coupeur, il est impossible de savoir à quoi correspondaient exactement ces métiers dans le recensement. Deuxièmement, dans l'activité intense de cette rue commerçante en 1891, nous avons été surpris de ne pas voir figurer des habitants dans le métier eut pu être lié à l'hôpital de Gonesse.
III. Les noms et prénoms de l'époque A. Question n 1 : Les prénoms de l'époque étaient-ils différents de ceux d'aujourd'hui? Réponse : OUI! Notre hypothèse était que les prénoms de l'époque étaient forcément français, chrétiens et classiques. La plupart des prénoms féminins et masculins sont en effet des prénoms de saints issus du calendrier chrétien. Ces prénoms paraissent classiques et très français au jour d'aujourd'hui. On compte beaucoup de Louis, Jules, Jean, François, Charles et Henri chez les hommes. Chez les femmes c'est Marie et Joséphine les deux prénoms les plus utilisées. Mais il y a aussi des Marguerite, des Rose, des Catherine, des Madeleine, et des Louise. 50 45 40 35 30 25 20 15 10 5 0 Louis Marie Joséphine Jules Jean François Charles Henri Les prénoms les plus portés et le nombre de personnes concernés On constate aussi que les prénoms ont évolué, certains prénoms ne sont plus utilisés aujourd'hui ou sont devenus rares alors qu'ils existaient couramment fin XIX ème siècle. Par exemple nous avons trouvé pour les hommes plusieurs Eustache, Hippolyte, Constant, Anatole, Fiacre, Cléophas, Ignace, Hilaire, Clovis, Narcisse, Isidore, Léopold, Armand, Arsène, Edmond, Ferdinand. Pour les femmes on avons relevé plusieurs Philomène, Léonie, Léontine, Victorine, Eugénie, Alexandrine, Césarine, Augustine, Honorine, Alphonsine, Albertine, Séraphine, Madeline, Sidonie, Rosine, Rosalie, Artémise, Julienne, Antoinette, Séraphine, Euphrasie, Edmonde, Fernande. Rien à voir avec les prénoms d'aujourd'hui souvent plus courts, ou d'origine étrangère. B. Question n 2 : Y avait-il des étrangers ou des immigrés à Gonesse? Réponse : OUI! Notre hypothèse était qu'il y avait beaucoup de personnes immigrées comme aujourd'hui. Or quand on regarde les noms de famille, la majorité d'entre eux sonnent français, mais on trouve certains noms à consonance étrangère, notamment une dizaine de noms à consonance germanique. Mais le plus fiable reste le relevé de la nationalité des habitants. Si la très grande majorité des
habitants était de nationalité française, on constate que la rue de Paris abritait quelques étrangers, essentiellement de nationalité (19 habitants), plus quelques Suisse (4), un Allemand et un Luxembourgeois. Cela correspond à la vague d'immigration européenne du XIXème siècle typique en France. Ces immigrés viennent de pays voisins proches et quelque fois moins industrialisés pour chercher du travail en France. Ils sont d'autant plus accueillis que la France en voie d'industrialisation est en manque de main d œuvre. Ce manque de main d œuvre vient aussi du fait que la France a fait sa transition démographique plus tôt que les autres pays européens. Elle a en effet réduit son taux de natalité et sa croissance démographique dès le XIXè siècle. Que font ces étrangers? L'analyse des métiers montre qu'ils sont actifs et exercent plutôt de petits métiers. Par exemple au n 9 de la rue de Paris, vivait Marie Rapp, luxembourgeoise (20 ans, femme de chambre) hébergée chez son employeur, Monsieur Adolphe Boisseaux (63 ans, propriétaire) et sa femme Victorine Lecerf (57 ans). Ce couple emploie aussi un ouvrier de 17 ans et une autre domestique (32 ans). Au numéro 10, vivait Monsieur Ferdinand Hendereken, (33 ans, ouvrier) hébergé comme 3 autres domestiques du foyer chez son employeur Monsieur Louis Gigot (propriétaire, 33 ans) et sa femme Mathide Couturier (26 ans). Les immigrés sont-ils intégrés? certains sont mariés à des françaises. D'autres sont logés à la même adresse, se soutenant entre eux probablement. Le tableau suivant récapitule leur situation. adresse nom prénom Nationalité Age Profession et statut n 9 Rapp Marie Luxembourg 20 ans n 10 Handereken Ferdinand 33 ans ouvrier n 25 Peter Joseph suisse 31 ans vacher n 27 Schneider Georges allemand 31 ans Boulanger, marié à une Française n 41 Cools Dutil Dessadler Dessadler Pierre Marie Clémence Joseph Belge 54 ans 48 ans 17 ans 2 ans ouvrier sa femme fille? passementière n 42 Legroux Debloc Joseph Mina Belge 53 ans 44 ans Journalier couturière n 43 Tranoy Tranoy Tranoy François Alfred Gaston Belge 65 ans 13 ans 11 ans Journalier, marié à une française qui a un enfant de son nom n 44 Delhaye Delhaye Delhaye Hector Virginie Edouard Belge 39 ans 40 ans 6 ans Marchand de vins épouse n 45 Verpoor Verpoor Pierre Célestine Belge 27 ans 10 mois Batteur vivant en couple avec une française n 60 Cage Louis 49 ans Terrassier, célibataire n 67 Vandenabel Charles Belge 29 ans Charretier, en couple avec une Française n 77 Reboulé Louise suisse 53 épouse n 87 Chapuis Hune François Frederic Suisse suisse 29 31 ans maréchal palefrenier n 95 Descandte Marie 23 ans Cuisinière Femme de chambre
C. Les femmes portaient-elles le nom de leur maris? Réponse : NON Notre hypothèse était que les femmes portaient forcément le nom de leur époux. Or l'analyse du recensement montre que non. Certaines rares épouses sont déclarées sous le même nom que leur mari, mais la majorité porte un nom différent, celui de jeune fille. Avaient-elle le choix de l'usage du nom? Leur demandait-on leur nom de jeune fille pour ce recensement? Celles qui indiquent le nom du mari, le font-elles pour être bien vues? Était-ce le mari qui répondait aux questions du recensement et donnait le nom marital à leur femme? Le recensement était-il mené rigoureusement et de façon égale par des enquêteurs compétents? (nous avons remarqué quelques fautes d'orthographe dans le recensement). Autant de questions sans réponse. Conclusion : L'analyse de ce recensement nous a appris pleins de choses sur la vie des Gonessiens en 1891. Il a permis de dresser le tableau d'une petite ville dynamique à la lisière du monde agricole et urbain. Une ville française encore centrée sur la vie locale qui n'a pas encore été encore trop bouleversée par l'ouverture eu monde et les modernisations du XXème siècle. Cette analyse a mis en valeur aussi les idées reçues que nous pouvions avoir a priori et l'intérêt d'avoir une approche historique et scientifique pour vérifier nos hypothèses. Enfin, nous remercions M. Savineaux et Mme Lemire des archives de Gonesse qui nous ont accueilli chaleureusement et ont permis cette analyse, perfectible et à considérer comme une base de travail.