MYELOME MULTIPLE Dr B. Lioure

Documents pareils
Guide destiné aux patients atteints d un myélome multiple

MYÉLOME MULTIPLE PRÉSENTATION DU TRAITEMENT. Multiple Myeloma Research Foundation 383 Main Avenue, 5th Floor Norwalk, CT États-Unis

INTERET PRATIQUE DU MDRD AU CHU DE RENNES

Leucémies de l enfant et de l adolescent

ANEMIE ET THROMBOPENIE CHEZ LES PATIENTS ATTEINTS D UN CANCER

Item 182 : Accidents des anticoagulants

Actualisation de la prescription en biologie rhumatologie

Accidents des anticoagulants

SERVICE PUBLIC FEDERAL, SANTE PUBLIQUE, SECURITE DE LA CHAINE ALIMENTAIRE ET ENVIRONNEMENT COMMISSION DE BIOLOGIE CLINIQUE RAPPORT GLOBAL

Myélome Multiple. Guide essentiel pour les patients, leurs familles et leurs amis. Français

Livret d information pour les patients atteints de Myélome multiple

Infection à CMV et allogreffe de cellules souches hématopoïétiques : Expérience du Centre National de Greffe de Moelle Osseuse, Tunis.

DON DE SANG. Label Don de Soi

Bilan d Activité du Don de Plaquettes par cytaphérèse Sur une Période d une année au Service Hématologie EHS ELCC Blida.

INFORMATIONS AUX PATIENTS ATTEINTS DE LEUCEMIE AIGUE MYELOBLASTIQUE

Pseudotumor cerebri. Anatomie Le cerveau et la moelle épinière baignent dans un liquide clair, appelé le liquide céphalo-rachidien (LCR).

ALLOGREFFE DE CELLULES SOUCHES HEMATOPOÏETIQUES (CSH) CHEZ 26 PATIENTS ATTEINTS DE β THALASSEMIES MAJEURES

Université Pierre et Marie Curie. Hématologie. Niveau DCEM3. Polycopié National. Mise à jour : 22 juin 2006

Dossier «Maladies du sang» Mieux les connaître pour mieux comprendre les enjeux liés au don de sang

L EMEA accepte d évaluer la demande d autorisation de mise sur le marché de la LENALIDOMIDE

Le don de moelle osseuse :

Item 127 : Transplantation d'organes

Thérapeutique anti-vhc et travail maritime. O. Farret HIA Bégin

HEPATITES VIRALES 22/09/09. Infectieux. Mme Daumas

LA LOMBALGIE CHRONIQUE : Facteurs de risque, diagnostic, prise en charge thérapeutique

Laurence LEGOUT, Michel VALETTE, Henri MIGAUD, Luc DUBREUIL, Yazdan YAZDANPANAH et Eric SENNEVILLE

3 - Les SMD, notamment les SMD débutants, présentent souvent des difficultés de diagnostic pour le biologiste (cytologie).

CONCOURS DE L INTERNAT EN PHARMACIE

Introduction générale

1- Parmi les affirmations suivantes, quelles sont les réponses vraies :

Les syndromes myelodysplasiques

La maladie de Still de l adulte

La Dysplasie Ventriculaire Droite Arythmogène

Carte de soins et d urgence

Greffe de moelle osseuse: Guérir ou se soigner?

LIGNES DIRECTRICES CLINIQUES TOUT AU LONG DU CONTINUUM DE SOINS : Objectif de ce chapitre. 6.1 Introduction 86

Ischémie myocardique silencieuse (IMS) et Diabète.

I - CLASSIFICATION DU DIABETE SUCRE

Compte rendu d hospitalisation hépatite C. À partir de la IIème année MG, IIIème années MD et Pharmacie

Suivi ambulatoire de l adulte transplanté rénal au-delà de 3 mois après transplantation

La prise en charge de l AVC ischémique à l urgence

Innovations thérapeutiques en transplantation

DÉFICITS IMMUNITAIRE COMMUN VARIABLE

L allogreffe de Cellules Souches Hématopoïétiques

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE. Avis. 3 septembre 2008

Comprendre la greffe de cellules souches

Spondylarthropathies : diagnostic, place des anti-tnf et surveillance par le généraliste. Pr P. Claudepierre CHU Henri Mondor - Créteil

HERNIE DISCALE LOMBAIRE

1 of 5 02/11/ :03

MYELOFIBROSE PRIMITIVE (MP)

LEUCEMIE MYELOÏDE CHRONIQUE (LMC)

Maladie de Hodgkin ou lymphome de Hodgkin

Hématologie et soins infirmiers. Dr Stéphane MOREAU Hématologie clinique CHU LIMOGES

LISTE DES ACTES ET PRESTATIONS - AFFECTION DE LONGUE DURÉE HÉPATITE CHRONIQUE B

Le don de moelle osseuse

chronique La maladie rénale Un risque pour bon nombre de vos patients Document destiné aux professionnels de santé

Lymphome non hodgkinien

HERNIE DISCALE LOMBAIRE

HVC CHRONIQUE MOYENS THERAPEUTIQUES ET BILAN PRE-THERAPEUTIQUE CHAKIB MARRAKCHI.

Les syndromes myélodysplasiques: Information aux patients

Maladie hémolytique du nouveau né. Dr Emmanuel RIGAL Unité d hématologie transfusionelle GENEVE Présentation du 13 janvier 2012.

Définitions. PrioritéVie MC. Votre assurance contre le risque de maladie grave

Les facteurs de croissance lignée blanche Polynucléaires neutrophiles Grastims

Artéfact en queue de comète à l échographie hépatique: un signe de maladie des voies biliaires intra-hépatiques

La Greffe de Cellules Souches Hématopoïétiques

Transplantation hépatique à donneur vivant apparenté. Olivier Scatton, Olivier Soubrane, Service de chirurgie Cochin

Association lymphome malin-traitement par Interféron-α- sarcoïdose

INDUCTION DES LYMPHOCYTES T- RÉGULATEURS PAR IL2 A TRÈS FAIBLE DOSE DANS LES PATHOLOGIES AUTO- IMMUNES ET INFLAMMATOIRES APPROCHE TRANSNOSOGRAPHIQUE

Principales causes de décès selon le groupe d âge et plus

La migraine. Foramen ovale perméable. Infarctus cérébral (surtout chez la femme)

Réflexions sur les possibilités de réponse aux demandes des chirurgiens orthopédistes avant arthroplastie

La maladie de Berger Néphropathie à IgA

Définitions. MALADIES GRAVES Protection de base Protection de luxe. PROTECTION MULTIPLE pour enfant

Votre guide des définitions des maladies graves de l Assurance maladies graves express

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE. Avis. 23 mai 2007

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE AVIS DE LA COMMISSION. 10 octobre 2001

Guide du parcours de soins Titre ACTES ET PRESTATIONS AFFECTION DE LONGUE DURÉE. Hépatite chronique B

Sujets présentés par le Professeur Olivier CUSSENOT

Orientation diagnostique devant une éosinophilie 1


Le diagnostic de la sclérose en plaques

LA HERNIE DISCALE LOMBAIRE

L HEMOGRAMME un examen pas cher et qui peut rapporter gros

I Identification du bénéficiaire (nom, prénom, N d affiliation à l O.A.) : II Eléments à attester par un médecin spécialiste en rhumatologie :

Infiltrats pulmonaires chez l immunodéprimé. Stanislas FAGUER DESC Réanimation médicale septembre 2009

Don de moelle osseuse. pour. la vie. Agence relevant du ministère de la santé. Agence relevant du ministère de la santé

mon enfant a un cancer

LES DOULEURS LOMBAIRES D R D U F A U R E T - L O M B A R D C A R I N E S E R V I C E R H U M A T O L O G I E, C H U L I M O G E S

Nous avons tous un don qui peut sauver une vie. D e v e n i r. donneur de moelle. osseuse


LA MALADIE DE WALDENSTRÖM expliquée au néophyte

GUIDE - AFFECTION DE LONGUE DURÉE APLASIES MÉDULLAIRES

QUELLES SONT LES OPTIONS DU TRAITEMENT DE LA LMC?

INSUFFISANCE CARDIAQUE «AU FIL DES ANNEES»

TRAUMATISME CRANIEN DE L ENFANT : conduite à tenir?

Activité 38 : Découvrir comment certains déchets issus de fonctionnement des organes sont éliminés de l organisme

Migraine et céphalées de tension: diagnostic différentiel et enjeux thérapeutiques

Profil médico-économique de plerixafor en remobilisation dans le myélome multiple

Marchés des groupes à affinités

Transcription:

MYELOME MULTIPLE Dr B. Lioure DEFINITION Le myélome multiple (MM) est une prolifération plasmocytaire monoclonale maligne se développant au sein de la moelle osseuse responsable : I. d une infiltration médullaire par des plasmocytes pathologiques (> 10 %) I de la sécrétion pas ces plasmocytes d une immunoglobuline (Ig) monoclonale détectée dans le sérum ou les urines du malade d une destruction osseuse responsable d une grande partie des signes cliniques au diagnostic L incidence en France est de 2 / 100 000 habitants / an environ. Rare avant 40 ans, la maladie touche surtout les personnes de plus de 60 ans et sa fréquence augmente avec l âge. SIGNES CLINIQUES ET CIRCONSTANCES DE DECOUVERTE I. Cliniquement Syndrome osseux : le plus souvent révélateur A. lésions souvent très douloureuses (rachis, ceintures) B. parfois accompagnées de tuméfaction osseuse (sternale, costale, claviculaire) ou des parties molles du voisinage (plèvre en regard d une lésion costale par exemple) : le syndrome tumoral est très inconstant au diagnostic C. parfois responsables de fractures (souvent pour un traumatisme minime : fractures spontanées ) D. parfois responsable d un syndrome compressif, en particulier neurologique, qui représente une urgence diagnostique et thérapeutique (cf. infra) I IV. Radiologiquement l aspect le plus typique est visible sur le crâne où s observent souvent de multiples micro lacunes disséminées, à limite nette, sans condensation périphérique, à bien distinguer toutefois des lacunes physiologiques de Pacchioni, quelquefois trompeuses parfois aspect de déminéralisation diffuse V. ces lacunes constituent des zones de fragilité qui peuvent, à l occasion de fortes tensions musculaires, aboutir à des micro tassements (douleurs des vertèbres) ou des fractures spontanées (côtes, fémurs, humérus). VI. V VI le scanner permet de mieux visualiser certaines lésions vertébrales ou costales et l extension tumorale péri osseuse l IRM montre souvent des lésions méconnues par les radiographies standard, permet de dépister des signes d infiltration péri durale dans les localisations rachidiennes et aide au diagnostic différentiel entre tassement ostéoporotique banal et lésion myélomateuse. les lésions ostéolytiques ne fixent pas le pyrophosphate marqué au Technetium, en dehors des zones de tassement ou de fracture : la scintigraphie osseuse classique n est donc pas un bon examen du myélome. 408

MANIFESTATIONS NEUROLOGIQUES I. compressions médullaires ou tronculaires (sciatique, cruralgie) par une vertèbre fracturée I plus souvent infiltration péridurale ou de la gaine nerveuse directement par la prolifération plasmocytaire par contiguïté avec l atteinte osseuse elles représentent une urgence diagnostique (valeur de l IRM +++) et thérapeutique Signes d hyperviscosité I. provoqués par la forte élévation du taux d immunoglobulines I conséquences sensorielles (bourdonnements d oreille, diminution de l acuité visuelle, diplopie, ) et risque de coma qui peut être rapidement réversible par échange plasmatique parfois risque de thrombopathie acquise (diathèse hémorragique) MANIFESTATIONS HEMATOLOGIQUES Elles sont les conséquences de l infiltration médullaire : I. l anémie est le signe le plus habituel. mais dans les formes évoluées une pancytopénie sévère peut s installer A. complications infectieuses (liées à la neutropénie et au déficit immunitaire humoral) B. syndrome hémorragique (thrombopénie et thrombopathie) Manifestations métaboliques L hypercalcémie, pas toujours proportionnelle à l importance des plages d ostéolyse est responsable de signes non spécifiques : I. syndrome confusionnel I déshydratation extra cellulaire douleurs abdominales DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE Hémogramme I. anémie A. fréquente B. normochrome, normocytaire et arégénérative (de cause centrale) C. valeur pronostique (reflet de la masse tumorale) D. aggravée en cas d insuffisance rénale thrombopénie A. plus rare B. associée à des anomalies de l hémostase (cf. thrombopathie, risque hémorragique majoré) Des artéfacts sont possibles : 409

I. fausse macrocytose, due au phénomène des rouleaux d hématies I hémodilution liée à l hypergammaglobulinémie (qui peut artificiellement majorer l intensité de l anémie) - fausse neutropénie par augmentation de la marginalisation des PN. Examen médullaire : indispensable pour le diagnostic positif La biopsie ostéomédullaire est préférable à la simple ponction en raison d une hétérogeneïté de l infiltration plasmocytaire : I. infiltration médullaire par des plasmocytes cytologiquement anormaux (plus de 10 % de plasmocytes ) les lignées normales (granuleuse, érythrocytaire, mégacaryocytaire, lymphocytaire) sont diminuées quantitativement. L étude cytologique conventionnelle est complétée par : I IV. une étude cytogénétique (cytogénétique conventionnelle, FISH) valeur pronostique Électrophorèse des protéines : indispensable pour le diagnostic positif V. mise en évidence d un pic monoclonal d immunoglobuline VI. l immunofixation, plus sensible que l immunoélectrophorèse, précise le type d Ig sécrétée : IgG le plus souvent, plus rarement IgA, exceptionnellement IgD ou IgE V VI parfois hypogammaglobulinémie sans pic : en cas de sécrétion de chaînes légères (sans chaîne lourde associée) un examen urinaire est indispensable pour évaluer l excrétion urinaire du composant monoclonal, le plus souvent limité aux chaînes légères à ce niveau (protéinurie de Bence Jones) Anomalies métaboliques IX. hypercalcémie X. insuffisance rénale : XI. A. surtout liée l élimination urinaire de chaînes légères libres qui peuvent précipiter dans les tubules en particulier : B. en cas de déshydratation (complication infectieuse, hypercalcémie) C. injection de produit de contraste iodé (scanner pour explorer un syndrome tumoral ou douloureux) Autres examens hyper uricémie, avec risque de majorer la tubulopathie par hyperuraturie. X XI XIV. élévation de la VS (particulièrement évocatrice en cas de discordance avec l absence d autres éléments d un syndrome inflammatoire biologique) élévation de la CRP (reflet de la sécrétion d IL6, valeur pronostique) élévation de la ß2 microglobuline A. valeur pronostique +++ B. valeur faussée en cas d insuffisance rénale 410

XV. élévation des LDH PRONOSTIC L importance de la masse tumorale est évaluée selon des critères rendant compte de la classification de Durie et Salmon : Stade critères nécessaires Pic Hb IgG IgA PBJ Ca Lésions g/dl (g/l) (g/l) (g/24 h) (mg/l) osseuses I Tous > 10 < 50 < 30 < 4 = 120 = 1 II Ni I ni III III Un seul < 8,5 > 70 > 50 > 12 > 120 Plusieurs Estimation de la masse tumorale (nombre de cellules) 12 < 0,6.10 = 6.10 > 1,2.10 12 12 D autres critères pronostiques ont été mis en évidence plus récemment : I. taux de ß2 microglobuline cytogénétique : valeur péjorative de la délétion 13q L évaluation de ces facteurs pronostiques est intéressante dans l adaptation individuelle du traitement des patients atteints de MM : I IV. pas de traitement pour les myélomes de stade I intensification en cas de facteurs de très mauvais pronostic BILAN INITIAL Il a pour but d adapter la prise charge thérapeutique du patient : I. évaluation de l atteinte osseuse : A. radiographie de l ensemble du squelette B. IRM évaluation de l infiltration médullaire : A. biopsie ostéomédullaire B. cytogénétique I évaluation de l importance du composant monoclonal : A. sérique B. urinaire IV. bilan métabolique : A. hypercalcémie B. fonction rénale V. hémogramme et étude de la crase sanguine VI. évaluation de facteurs pronostiques : ß2 microglobuline 411

V VI IX. bilan micro biologique complet (répété en cas de syndrome infectieux) bilan sérologique viral : HIV, HTLV, hépatites B et C (bilan pré transfusionnel), EBV, CMV (politique transfusionnelle) groupe sanguin et phénotype érythrocytaire X. groupes tissulaires d'histocompatibilité et étude familiale (fratrie) si indication potentielle d'allogreffe de CSH XI. bilan pré thérapeutique : ECG, échographie cardiaque FORMES CLINIQUES D un point de vue évolutif : I. Les MGU (ou gammapathies monoclonales de signification indéterminée) : I Elles correspondent à 75 % des gammapathies monoclonales, fréquentes chez le sujet âgé Si elles sont potentiellement malignes, elles ont cliniquement une présentation bénigne, notamment sans signe osseux, rénal ou hématologique, et peuvent rester stables sans traitement pendant de nombreuses années IV. Les plasmocytomes solitaires : A. tumeur isolée, parfois de gros volume, sans signe de dissémination B. l évolution vers un myélome multiple est très fréquente dans les 10 ans qui suivent). V. Les myélomes multiples A. sécrétant une immunoglobuline (Ig) complète (dans l ordre de fréquence : IgG, IgA, IgD, IgE, très rarement IgM). B. sécrétant une chaîne légère libre (kappa ou lambda) : la recherche d une protéinurie de Bence Jones (qui correspond aux chaînes légères libres) a alors une valeur diagnostique essentielle. C. non excrétant (l Ig est retrouvée dans le cytoplasme par immunofluorescence). D. non sécrétant (très rares cas de prolifération indifférenciée sans Ig détectable). E. dans les trois derniers cas, il n y a pas de pic notable dans le sérum. L électrophorèse des protides doit faire envisager le diagnostic en montrant une hypogammaglobulinémie. VI. La leucémie à plasmocytes : A. elle associe des signes de leucémie (cytopénies, présence d un fort contingent de plasmocytes circulant dans le sang) B. et de myélome (signes métaboliques et osseux). Sur le plan symptomatique osseux : I. les formes ostéolytiques (multilacunaires ou à déminéralisation diffuse) les formes condensantes, très rares, A. entrant souvent dans le cadre du syndrome POEMS, B. associant en outre une neuropathie périphérique, une organomégalie (souvent une splénomégalie), des signes cutanés, endocriniens, parfois une hyperplaquettose. 412

COMPLICATIONS EVOLUTIVES Évolution générale : Le myélome reste une maladie incurable. L espérance moyenne de vie, avec les chimiothérapies classiques est de l ordre de 3 à 4 ans. Seuls, les traitements intensifs avec autogreffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH) ont permis aujourd hui d améliorer notablement la survie (jusqu à 10 ans dans certains cas) et la qualité de la réponse tumorale. L évolution se fait en général par poussées successives, avec des phases de réponses plus ou moins longues, de moins en moins sensibles au traitement. Plusieurs complications redoutables peuvent grever cette évolution : I. le risque majeur est infectieux (notamment pneumopathies) : A. favorisé par l hypogammaglobulinémie fonctionnelle B. aggravée éventuellement par une neutropénie. l anurie : I A. favorisée par l hypercalcémie, l hyper uricémie B. mais surtout l élimination urinaire de chaînes légères libres qui peuvent précipiter dans les tubules en cas de déshydratation ou d injection de produit de contraste iodé. les paraplégies, voire les tétraplégies (par compressions ou infiltrations péridurales). IV. l amylose AL : A. responsable de complications rénales (syndrome néphrotique) B. et cardiaques (les plus graves), C. parfois d une macroglossie et d un syndrome du canal carpien (1/3 des malades), D. plus rarement digestives, hépatiques, cutanées, rhumatologiques ou neurologiques, voire hématologiques (déficit acquis en facteur X) E. très sombre pronostic. V. une leucémie aiguë chimio-induite par l usage des alkylants peut aussi s observer si le malade survit 4 ou 5 ans ou plus : A. précédée par un état de myélodysplasie B. faible sensibilité au traitement 413

PRINCIPES THERAPEUTIQUES Il importe de ne traiter que des malades atteints de myélome évolutif I. et non de MGUS. le consensus est aujourd hui de ne traiter que les stades II et III de la classification pronostique de Durie et Salmon, et - pour beaucoup d auteurs les stades I avec une lésion osseuse. I. attitude classique Bases du traitement spécifique A. toujours de mise chez le sujet âgé (> 65 ans) : elle vise à obtenir une régression tumorale la plus forte possible puis une stabilisation prolongée ( phase de plateau ) B. traitement par une chimiothérapie prolongée dans le temps, en général par cures mensuelles ou toutes les six semaines, à doses modérées. C. utilisant toujours au moins un alkylant et un corticoïde (l association melphalan PO et prednisone est la plus utilisée). D. associés parfois aux alcaloïdes de la pervenche, parfois à des drogues plus agressives (anthracyclines) en cas de stades III, de résistance ou d échappement secondaire au traitement. traitement intensif A. la règle chez les sujets moins âgés (< 60 ans, voire plus si bon état général et absence de tares associées) B. on cherche à obtenir des réductions tumorales encore plus fortes, voire des rémissions complètes, en utilisant, après 3-4 cures de chimiothérapie conventionnelle des chimiothérapies intensives (melphalan IV à haute dose) dont la toxicité hématologique est limitée par un support d autogreffe de CSH C. prolonge significativement la durée de réponse et de survie (sans permettre de guérison) D. la répétition de ce traitement intensif améliore encore les résultats I en cas de plasmocytome solitaire A. ablation chirurgicale ou irradiation de la tumeur B. chimiothérapie complémentaire seulement si des signes de dissémination persistent ou apparaissent. 414

IV. perspectives A. allogreffe de CSH : 1. effet immunologique Graft versus Myeloma 2. difficultés pratiques liées à l âge des malades (et des donneurs!) 3. développement des allogreffes à conditionnement atténué B. nouvelles drogues : 1. thalidomide : 20 % réponses en monothérapie ; en cours d évaluation comme traitement d entretien après autogreffe de CSH ; toxicité neurologique 2. inhibiteurs de protéasome (PS-341 = bortezomib) Traitement des symptômes I. préventif A. éviter l insuffisance rénale : 1. bonne hydratation, plutôt alcalinisante (risque d hyperuraturie) ; 2. prévention du risque de précipitation de cristaux d urates en début de traitement (perfusions de solutés alcalinisants, urate-oxydase) ; 3. éviter les examens radiologiques avec usage de produits de contraste traitement chirurgical d une lésion osseuse menaçante (en particulier vertébrale). I curatif A. Douleurs osseuses : 1. utilisation des antalgiques opiacés sans parcimonie ; 2. radiothérapie à but antalgique sur une lésion vertébrale ou costale douloureuse 3. dans les formes rebelles et étendues : possibilité d irradiations hémicorporelles ou corporelles totales à basses doses (toxicité hématologique +++) B. insuffisance rénale : 1. hémodialyse 2. puis chimiothérapie (voire intensification et autogreffe CSH) C. hyper viscosité : 1. séances d échanges plasmatiques répétées (plasmaphérèses) 2. suivies du début du traitement D. anémie : 1. transfusion à la demande, éventuellement après avoir vérifié le degré réel de l anémie (pour faire la part d une possible hémodilution) 2. éventuellement érythropoïétine E. hypercalcémie : 1. bisphosphonates : pamidronate, zoledronate 2. relayé par des perfusions mensuelles ou la prise quotidienne de clodronate PO 3. traitement donné systématiquement en prévention de l activité ostéoclastique de la maladie 415