Impact de la peur maternelle sur le lien d attachement et le développement socio-affectif du jeune enfant



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Transcription:

UNIVERSITE PARIS VIII INSTITUT D ENSEIGNEMENT A DISTANCE Impact de la peur maternelle sur le lien d attachement et le développement socio-affectif du jeune enfant Stéphanie Rossollin épouse Nicolas 177472 Sous la direction de Jean-Charles Houillon Mémoire pour le Master 2 de psychologie du développement et de Octobre 2008

RESUME La recherche a pour but d analyser le rôle de la peur de la mère à l égard de son enfant dans la relation d attachement et le développement socio-affectif de ce dernier. Selon B. GOLSE et B. PIERREHUMBERT, cet aspect reste peu exploré dans le cadre de la théorie de l attachement. L expérimentation (échantillon de treize mères d une Halte-jeux dont les enfants ont entre deux et trois ans) n a pas permis d établir clairement qu une mère éprouvant peu ou pas de peur pour son enfant - toute étape clé de la maternité confondue - soit de nature plus Secure et à l inverse, qu une mère ressentant une peur intense et difficilement maîtrisable soit de nature moins Secure. En revanche, il semble qu il y ait une relation négative entre la peur et l attachement dans certaines conditions et une forte relation positive entre la peur et l évolution des compétences de l enfant. Les résultats suggèrent d explorer la peur dans sa dimension traumatique le ressentiment que la mère peut éprouver après l événement (culpabilité, honte ou doute) et d analyser la régulation physiologique et psycho-affective de cette émotion dans la relation d attachement et le développement socio-affectif de l enfant. Mots-clés : attachement, peur de la mère, compétences socio-affectives de l enfant, disponibilité maternelle, régulation neuro-physio-psychologique de la mère. The mediational role of fear in explaining the relationship between attachment link and child development was examined in this study. According to B. GOLSE and B. PIERREHUMBERT, this aspect hasn t been analysed yet. The study (among thirteen mothers and their child, age between two and three years old) did not confirm clearly that a mother with few fear was more Secure and at the opposite, a mother with high intensity of fear and out of control was less Secure. Neverthless, the study shows a negative relationship between mother s fear and Secure attachment and a strong and positive relationship between mother s fear and child s skills development. Results suggest to investigate mother s fear in its traumatic dimension resentment that mother can feel after the end of the event (culpability, shame or doubt) and analyse mother s physiological and psycho-affective regulation of this emotion in the attachment link and the child s socio-afffective development. Keywords : attachment, mother s fear, socio-affective skills of the child, mother s receptiveness, mother s neuro-physio-psychological regularation. Stéphanie Rossollin épouse Nicolas Mise à jour le 17/03/2009 Page 2 /93

SOMMAIRE 1 INTRODUCTION 5 2 CADRE THEORIQUE 7 2.1 LE LIEN MERE-ENFANT ET LA THEORIE DE L ATTACHEMENT 7 2.1.1 Origine de la théorie de l attachement 7 2.1.2 Présentation de la théorie de l attachement 8 2.1.3 Le père et l attachement 13 2.1.4 Le développement de l attachement 15 2.1.5 L activité neuropsychologique de l attachement 17 2.1.6 L interculturel et l attachement 18 2.2 LA DISPONIBILITE DE LA MERE A L EGARD DE SON JEUNE ENFANT 19 2.2.1 La dimension psychique de la mère 19 2.2.2 L expérience de la vulnérabilité maternelle 21 2.2.3 L incidence de la disponibilité maternelle sur la relation mère-enfant 26 2.3 L ATTACHEMENT ET LE DEVELOPPEMENT DES COMPETENCES SOCIO-AFFECTIVES DU JEUNE ENFANT 28 2.3.1 L émergence des capacités relationnelles chez le jeune enfant 28 2.3.2 Les compétences sociales du jeune enfant 32 2.3.3 L incidence de l attachement sur le développement du jeune enfant 35 2.4 UNE DISPONIBILITE MATERNELLE A TOUTE EPREUVE POUR FAVORISER LE DEVELOPPEMENT DE L ENFANT 37 2.4.1 La mère comme modèle de régulation émotionnelle pour l enfant 37 2.4.2 La parentalité comme voie d épanouissement pour l enfant 38 2.4.3 Remédiation 38 3 PROBLEMATIQUE 44 4 METHODOLOGIE 45 4.1 POPULATION D ETUDE 45 4.1.1 Population choisie 45 4.1.2 Echantillon retenu pour l expérimentation 45 4.1.3 Biais du choix de l échantillon 47 4.2 CONSIGNE GENERALE ET OUTILS D EVALUATION 48 4.2.1 Consigne générale 48 4.2.2 Outils d évaluation 48 5 RESULTATS 56 5.1 PRESENTATION DES RESULTATS 56 5.1.1 Résultats de l évaluation de l attachement pour adulte 56 5.1.2 Résultat de l évaluation de la peur de la mère à l égard de son enfant selon les étapes clés de la maternité 59 5.1.3 Résultat de l évaluation des compétences des enfants en Halte-jeux 61 5.1.4 Analyse des relations entre les trois évaluations 63 5.2 INTERPRETATION DES RESULTATS 70 6 DISCUSSION 77 6.1 EVALUATION DE L EXPERIMENTATION 77 6.2 IMPLICATION THEORIQUE 79 6.3 PERSPECTIVES 86 7 BIBLIOGRAPHIE 92 Stéphanie Rossollin épouse Nicolas Mise à jour le 17/03/2009 Page 3 /93

REMERCIEMENT C est avec une grande reconnaissance que je remercie tous ceux qui m ont aidée à élaborer ce travail de recherche passionnant, notamment Catherine Fribourg, pour sa confiance et son témoignage, ainsi que les parents et les enfants du Grapesa, Jean-Charles Houillon, pour son accompagnement et ses réflexions, Yaël, pour son enthousiasme et son énergie, Ambre et Omaël, pour leur joie et leur indulgence, Ma mère, pour sa disponibilité auprès des enfants, Mon père, pour son assistance informatique sans faille, Et toux ceux qui ont été présents durant cette aventure! Je dédis ce travail à toutes les mères et tous les pères qui souhaitent voir grandir leur(s) enfant(s) dans l Amour Stéphanie Rossollin épouse Nicolas Mise à jour le 17/03/2009 Page 4 /93

1 INTRODUCTION Dans le cadre du stage effectué dans un Club de prévention, le Grapesa 1, il m a été donnée l occasion de rencontrer pendant un an des mères de jeunes enfants (entre 2 et 3 ans) inscrits à la halte-jeux de l association. Les actions de cette dernière sont de natures très diverses : écoute, soutien à la scolarité, accompagnement socio-éducatif, soutien à la parentalité, etc. C est dans ce dernier volet que le stage et le travail de recherche s est inscrit, avec pour finalité la prévention des difficultés d adaptation liées aux exigences scolaires en soutenant les apprentissages premiers. La halte-jeux a deux objectifs principaux : d une part, contribuer au développement harmonieux de l enfant sur les plans moteurs, intellectuels et affectifs, par l éveil de leur potentiel, et d autre part, répondre à une demande d aide éducative de la part des parents pour une meilleure compréhension des besoins et des possibilités de l enfant. Chaque mois, toutes les mères et un père participent à un groupe de réflexion animé par une psychologue. C est l occasion pour les parents de témoigner, réfléchir ou prendre de la distance face à des difficultés rencontrées au quotidien avec leur enfant. Lors de ces échanges, nous avons observé que la peur sous-tend beaucoup de questionnements. C est comme si leurs préoccupations principales les ramenaient toujours à une peur qui va ensuite dicter leur attitude à l égard de l enfant : par exemple, céder à une demande de l enfant de peur qu il ne s étouffe en faisant une crise de colère, rester devant la halte-jeux après y avoir déposé son enfant de peur qu il soit triste, ne pas inscrire son enfant en école maternelle de peur qu il y soit mal aimé, etc. Les témoignages révèlent que les mères qui ont le plus peur pour leur enfant semblent être celles qui supportent le moins l expression des émotions de leur enfant, notamment les pleurs et les cris. De plus, les enfants rencontrant le plus de difficultés socioaffectives dans les activités de la halte-jeux semblent souvent correspondre aux enfants de ces mères qui ont le plus peur pour eux. Aussi, il semble intéressant d approfondir l analyse de la peur et l attachement mère-enfant afin de mieux comprendre le lien et l incidence possibles sur le développement socio-affectif de l enfant. Les études abondent depuis quelques décennies sur la force du lien mère-enfant cherchant, pour certaines, à montrer l effet de l attitude maternelle et du tempérament de l enfant sur la nature de ce lien et sur le développement des compétences sociales du jeune enfant. Ces dernières s avèrent déterminantes pour l acquisition des apprentissages et la réussite scolaire d une manière générale. Les rapports de l OMS (2004) 2 et de l Inserm (2005) 3 appuient tous 1 Groupe de Recherche et d Action pour la Prévention pour l Education Spécialisée et l Accueil à Fréjus 2 World Health Organization, Department of Child and Adolescent Health and development (2004). The importance of caregiver-child interactions for the survival and healty development of young children. Stéphanie Rossollin épouse Nicolas Mise à jour le 17/03/2009 Page 5 /93

deux l importance de la relation parent-enfant pour la santé et le développement neurophysiologique, physique et psychologique de l enfant. Le cadre théorique synthétise les recherches sur le lien mère-enfant en s appuyant sur la théorie de l attachement, l analyse de l état mental de la mère et le développement des compétences du jeune enfant. L objectif de l expérimentation consiste, dans un premier temps, à étudier la relation entre la peur entretenue par la mère à l égard de son enfant et la nature de son attachement. Il est supposé que plus la mère est inquiète (attitude insecure) pour son enfant, plus son attachement sera de nature détachée ou préoccupée. Inversement, plus la mère est confiante (attitude secure, c est-à-dire sans inquiétudes), plus son attachement sera de nature autonome. Dans un second temps, les résultats seront confrontés à une évaluation de l enfant en collectivité (halte-jeux) afin d analyser le lien entre la nature de l attachement mère-enfant, la peur de la mère à l égard de son enfant et le développement des compétences cognitives, sociales et émotionnelles de l enfant et ce, à la veille de son entrée à l école maternelle. Les résultats et la discussion nous conduiront à mieux comprendre l expérience maternelle et à proposer des axes de réflexion sur l accompagnement des femmes dans les premiers temps de la maternité et ce, dans une perspective préventive. Cette période s avère particulièrement importante pour l enfant qui se prépare à entrer à l école et acquérir les apprentissages premiers. 3 INSERM (2005). Attachement et pratiques éducatives parentales. Expertise collective «Troubles des conduites chez l enfant et l adolescent». Stéphanie Rossollin épouse Nicolas Mise à jour le 17/03/2009 Page 6 /93

2 CADRE THEORIQUE 2.1 Le lien mère-enfant et la théorie de l attachement 2.1.1 Origine de la théorie de l attachement Les échanges mère-enfant impliquent, dès la naissance, l élaboration de liens affectifs déterminants. Il semble que le nourrisson se développe à condition qu une réponse tant matérielle qu affective lui soit apportée, comme en témoignent certaines expérimentations. Citons notamment les travaux de SPITZ 4 qui révèlent dans les années 50, que les enfants allaités par leur mère pendant les trois premiers mois, puis placés en institution avec peu de disponibilité de l adulte, présentent des retards d acquisition motrice (ils restent inexpressifs de longues heures allongés dans leur lit sans initiative). Si la carence est prolongée, le quotient de développement diminue (balancement de la tête, stéréotypie des mains, etc.). Si cela ne dure que quelques semaines, il y a possibilité d une amélioration dans le développement de l enfant, sinon le rattrapage de développement est difficile, surtout à un moment du développement des repères perceptivo-moteur, des schémas relationnels et des premiers échanges vocaux et verbaux (AIMARD, 1996 5 ). Ainsi, pour un grand nombre d auteurs, la carence affective est à l origine de troubles de développement de l enfant et l affection semble être un facteur de développement tout aussi important que les soins matériels dispensés à l enfant. Ces quelques observations faites sur l être humain corroborent les travaux effectués en éthologie, sous l impulsion de LORENZ en 1935 et 1941 qui présente la théorie de l imprinting en étudiant le poussin en milieu naturel (H. MONTAGNER, 2004 6 ). Il distingue deux composantes : 1. un comportement inné de poursuite du premier objet en mouvement que l oisillon rencontre à l éclosion de l œuf, le plus souvent la mère ; mais cela peut être l éleveur, un autre oiseau ou un chat (COSNIER, 1994 7 ). Il semble qu il existe une période sensible ou critique de 36 heures pour cette fixation au premier objet mobile qui s avère irréversible et se trouverait à la base de l attachement 2. l apprentissage d une discrimination sélective de l objet permanent de proximité. Face à un danger, l oisillon se précipite vers le groupe et sa mère qui fournit la base de sécurité (COSNIER, 1994). De son côté, HARLOW et al. étudient de 1958 à 1971 les conséquences de l isolement social 4 Spitz R.A. (1968). De la naissance à la parole. P.U.F., Paris. 5 Aimard P. (1996). Les débuts du langage chez l enfant. Dunod, Paris. 6 Montagner H. (2004). Nouvelle lecture du processus d attachement et du fonctionnement de l enfant. Texte communiqué par l INSERM, Bordeaux. 7 Cosnier J. (1994). La psychologie des émotions et des sentiments. Retz, Paris. Stéphanie Rossollin épouse Nicolas Mise à jour le 17/03/2009 Page 7 /93

chez le singe rhésus. Dans leurs observations, ils se rendent compte que la recherche du contact corporel et la recherche de la sécurité ordinairement fournie en se blottissant au contact du corps maternel, ne se confondent pas avec la recherche alimentaire, ni même avec la recherche des mamelles. Dans l expérience, le jeune singe préfère se réfugier dans les bras d une «mère en peluche» plutôt que d une «mère en fil de fer», ZAZZO (1979) 8 précisant que «chez le bébé singe, la recherche de nourriture est volontiers sacrifiée à la recherche du contact avec la mère». Lorsque l isolement social dure plusieurs mois, le jeune macaque développe des déficits, troubles et anomalies du comportement. Ils sont plus ou moins marqués et durables selon la durée de l isolement, ou selon qu il s agisse d un isolement partiel ou total. Prostré dans sa cage, il présente en particulier des comportements de type autistique (repli social). HARLOW et al. concluent de leurs observations l importance des contacts corporels dans le développement des comportements sociaux. Les travaux orientés sur la relation mère-enfant se sont donc initialement portés sur l absence d attachement (séparation précoce entre la mère et l enfant) auxquels ont succédé les travaux sur les relations précoces entre la mère et son enfant. Cela a conduit à des théorisations différentes mais dans lesquelles on retrouve deux points communs : les ruptures majeures de la relation parent-enfant sont des facteurs de risque de troubles ultérieurs et la relation parentenfant est d une importance critique immédiate pour l enfant (GUEDENEY, 2006) 9. 2.1.2 Présentation de la théorie de l attachement BOWLBY, inspiré des travaux de SPITZ et des éthologues LORENZ et HARLOW, étudie dès 1944 les ruptures relationnelles chez de jeunes voleurs qui se montraient, intelligents, sans autre psychopathologie, et avaient connu, pour la plupart, des séparations répétées et une exposition à la violence intra-familiale. Cela l amena à travailler sur la carence des soins maternels et les réactions à la séparation qui servira plus tard de socle à sa théorie de l attachement (1958-1980). L Organisation Mondiale de la Santé le nomme responsable d une étude sur les besoins des enfants orphelins qui donnera lieu à un rapport de l OMS en 1949, Maternal Care and Mental Health. BOWLBY postule que l attachement est un besoin primaire, aussi important pour l enfant que de dormir, boire et manger et que le bébé humain a, comme l animal, des compétences innées d attachement dont les fonctions sont de réduire la distance, ou encore d établir la proximité et de permettre le contact corporel avec la mère. Il 8 Zazzo R. (1979). L attachement. Delachaux Niestlé, Paris. 9 Guedeney N. (2006). Séparation? Attachement? Quelques éclairages par la théorie de l attachement. Présentation à l Institut Mutualiste Montsouris, Paris. Stéphanie Rossollin épouse Nicolas Mise à jour le 17/03/2009 Page 8 /93

précise que parmi toutes les variables pouvant déclencher de la détresse, la perte de la mère est pour l enfant celle qui a le plus de poids. Pour BOWLBY (CUPA, 2000) 10, les comportements d attachement représentent une double fonction de protection d une part et d ouverture d autre part, se basant sur quatre systèmes de comportement : 1. exploration de l environnement immédiat par le nourrisson 2. affiliation ou apprentissage de la vie avec d autres êtres humains 3. prudence et peur du nourrisson qui se familiarise avec le danger et la sécurité 4 attachement dans la recherche de proximité avec la figure d attachement et l émergence d un sentiment de sécurité. Toute séparation, induirait chez l enfant les trois phases de comportement suivants (BOWLBY, 1978) : Comportements Protestation : l'enfant pleure, se jette par terre et est à l'écoute des indices annonciateurs de la mère Désespoir : l'enfant pleure de manière monotone et intermittente, il se retire et est passif Détachement : l'enfant ne réagit plus à l'environnement, il se centre sur lui et démontre une stabilité superficielle Signification L'enfant cherche à retrouver sa figure maternelle L'enfant réagit comme s'il vivait un deuil Perte du sens du maternage et du contact humain Ces comportements seront évalués par deux élèves de BOWLBY, M. AINSWORTH en 1978 avec la Strange situation et M. MAIN en 1985 avec l Adult Attachment Interview. M. AINSWORTH s intéresse au niveau minimal d interaction nécessaire à la formation de l attachement (AINSWORTH, 1983) 11. Son travail se fonde notamment sur le concept de base de sécurité (secure 12 base) à partir d une analyse sur les effets de la séparation et du sevrage en Ouganda. AINSWORTH et al. proposent ainsi, en 1978, l évaluation de l attachement chez le bébé d un an avec la situation étrange. La procédure consiste à classifier les patterns de conduite observés dans une interaction expérimentale, alternant huit situations de réunion et de séparation entre les mères et leur enfant de 12 mois. Dans un premier temps, l enfant et la mère sont en interaction, puis la mère laisse l enfant seul dans la pièce avant de revenir, puis une personne étrangère rentre dans la pièce avant que la mère ne sorte de nouveau de la pièce, puis la mère revient. Chaque situation, présentée dans cet ordre chronologique, est censée procurer un niveau de stress croissant à l enfant. De cette étude est naît huit patterns de comportement reflétant l attitude de l enfant au cours de la réunification. Les trois principaux patterns, corrélées de façon significative à la sensibilité de la mère, sont présentés ainsi par M. 10 Cupa D. (2000). L attachement. Perspectives actuelles. E.D.K., Paris. 11 Ainsworth M. D. S. (1983). L attachement mère-enfant. «Enfance» 12 Dans le dictionnaire d anglais Collins : Secure est synonyme de unworried : tranquille, sans inquiétude ; a child must be emotionally secure : un enfant a besoin de sécurité sur le plan affectif, un enfant a besoin d être sécurisé. Stéphanie Rossollin épouse Nicolas Mise à jour le 17/03/2009 Page 9 /93

AINSWORTH : 1. Patterns B attachement «secure» : les mères traitent leur enfant avec sensibilité et de façon adaptée à ses besoins. Les enfants se servent de leurs mères comme une base de sécurité à partir desquelles ils font de l exploration pendant les épisodes pré-séparation. Leur comportement d attachement est intensifié fortement pendant les épisodes de séparation (diminution de l exploration et risque d apparition de la détresse). Pendant les épisodes de réunion, les enfants sollicitent le contact, la proximité ou une interaction quelconque avec leur mère. 2. Patterns C attachement «insecure ambivalent» : les enfants ont tendance à manifester des signes d anxiété même pendant les épisodes de pré-séparation. La séparation provoque une intense détresse et la réunion, une ambivalence (ils recherchent tout à la fois le contact et la résistance au contact, comme s ils résistaient au besoin d être réconfortés). 3. Patterns A attachement «insecure évitant»: les enfants du groupe A sont en net contraste avec les autres. Ils pleurent rarement pendant les épisodes de séparation et évitent la mère pendant les épisodes de réunion, avec des comportements mêlés de contact et d éloignement ou bien d ignorance totale. Cependant, l INSERM (2005) précise que les stratégies insecure représentent des stratégies adaptatives et ne sont pas synonymes de pathologies 13. A la suite de ces travaux, M. MAIN (GOLSE et al., 2005) 14 met l accent en 1985 sur l évaluation de l attachement adulte grâce à l utilisation d un questionnaire, l Adult Attachment Interview (AAI). De manière semi-directive, cet entretien repose sur l expérience d enfance de l adulte, ainsi que les événements qui constituent son histoire (séparations, maladies, blessures) de manière à comprendre comment l individu les a intégré en fonction du discours qu il élabore en tant qu adulte. L observateur en déduit un degré de cohérence de ce discours qui révèle la capacité réflexive du parent. MAIN considère que les sentiments d insécurité de l enfant sont directement issus de ceux de ses parents. L AAI permet d identifier l état d esprit et donne lieu à trois types de discours (CUPA, 2000) : 1. «autonome» : le parent accède à ses souvenirs avec assez d aisance et accorde une importance significative à ses expériences. Le parent est capable d explorer ses souvenirs sans blocages ni ruptures. 2. «détaché» : le parent semble émotionnellement désengagé, minimisant l impact de ses expériences de 13 Un trouble de l attachement de la première ou de la deuxième enfance est référencé dans le DSM-IV-TR et présenté en Annexe I. 14 Golse B., Missonier S (2005). Récit, attachement et psychanalyse. Erès, Ramonville. Stéphanie Rossollin épouse Nicolas Mise à jour le 17/03/2009 Page 10 /93

l enfance et l accès aux souvenirs est restreint, parfois embelli (les exemples ne collent pas avec la réalité). 3. «préoccupé» : la restitution se fait de manière incohérente, avec une difficulté à retenir ses émotions, avec parfois une rancune encore vive à l égard de ses propres parents et une possibilité de perte temporaire de contrôle dans le raisonnement (le traumatisme «non résolu» n ayant pas donné lieu à une élaboration mentale suffisante). Ainsi, MAIN (CUPA, 2000) montre la mise en jeu de la sensibilité ou «responsivité» de la mère aux signaux de l enfant. Cette «responsivité» s apparente à la capacité de la mère à interpréter les demandes de l enfant et d y répondre de manière adéquate. MAIN met en valeur un lien entre l état d esprit de la mère (plus généralement, la figure parentale) et le comportement d attachement de l enfant (CUPA, 2000 ; INSERM 2005) : 1. enfant «secure» et figure parentale «autonome» : échanges mère-enfant sur une vaste gamme d affects 2. enfant «insecure évitant» et figure parentale «détachée» : tendance à négliger ou repousser les demandes de l enfant ou encore à répondre de manière inadéquate ou imprévisible, surtout quand l enfant exprime un affect négatif 3. enfant «insecure ambivalent» et figure parentale «préoccupée» : même type d interaction parent-enfant que la situation 2. Une étude de FONAGY (1991 ; MONTAGNER, 2003) montre que 75 % des mères dont les représentations d attachement sont caractérisées par l autonomie ont des enfants aux patterns d attachement secure. Malgré la pertinence de ce système de codage des comportements, plusieurs auteurs ont relevé qu un certain nombre de cas (10 à 20 % selon GOLSE, 2005) ne rentraient pas dans la catégorisation ABC (PIERREHUMBERT, 1996) 15. C est ainsi que MAIN propose en 1985 une nouvelle catégorie : insécure «D» (désorganisé ou désorienté). Dans la situation étrange, l enfant s approche du parent et reste figé, sourit avec un regard apeuré, comme s il avait une peur ou une gêne par rapport au regard du parent lui-même. Il semble que le comportement (la stratégie) soit désorganisé par la présence du parent et non par la situation elle-même. MAIN et HESSE en 1990 et 1992 (GOLSE et al. 2005) expliquent cette observation par l absorption inhabituelle du parent dans des souvenirs anciens. Cela a donné lieu à la création d une quatrième catégorie «anxieux désorganisé ou désorienté». Sa particularité est que l enfant semble secure avec l un des parents. Les facteurs de risque de la désorganisation ont été analysés par DANTE et al en 1995 (GOLSE et al., 2005) mettant en avant la mise en échec de toute stratégie de la part de l enfant et une relation fréquente (80 % des cas) à la problématique d abus, de maltraitance ou de négligence de la part de la figure d attachement 15 Pierrehumbert B et al. (1996). Les modèles de relations. Développement d un auto-questionnaire d attachement pour adultes. Psychiatrie de l Enfant. Stéphanie Rossollin épouse Nicolas Mise à jour le 17/03/2009 Page 11 /93

sensée apporter sécurité et protection. Cela génère une peur chez l enfant qui rentre en conflit avec sa pulsion d attachement. Cette peur se révèle dans le cas de conflits parentaux importants, d épisodes dépressifs majeurs, de troubles bipolaires ou d alcoolisme. Le courant cognitiviste s intéresse au processus de traitement de l information dans la régulation des conduites d attachement de l individu, notamment l organisation des conditions de vie habituelles par rapport aux particularités transmises de manière intergénérationnelle (CUPA, 2000). Il est difficile de certifier que les parents transmettent leurs schèmes d attachement à leur enfant et comment ils le font. BOWLBY a proposé que les méthodes habituelles de communication verbale et non-verbale influençaient la formation des liens d attachement sécurisant ou non. Cette transmission se faisait par leur manière de répondre à leurs besoins, créant ainsi une représentation mentale du rôle de parents chez l enfant (REEBYE) 16. La forte corrélation entre le mode d attachement de la mère et celui de l enfant laisse présager la force de l effet transgénérationnel, ce que BRETHERTON a appelé en 1990 : la transmission intergénérationnelle des stratégies et des modèles d attachement (PIERREHUMBERT, 1996). Des éléments viennent cependant relativiser ce phénomène puisqu il semble que les parents disposent d un modèle d attachement spécifique pour chacun des enfants (ZEANAH, 1989, PIEERHUMBERT, 1996). BRETHERTON et son équipe ont ainsi proposé un outil permettant d évaluer les modèles internes de l adulte envers un enfant en particulier, le Parent Attachment Review, s intéressant à l aspect parental de l attachement. De plus, dans les années 80, AINSWORTH, STERNBERG et PIERREHUMBERT (1996) ont mené des études sur les relations entre attachement et amour. Il semble que les parents secure pensent que l amour (romantique) existe et qu il est durable, les parents évitants pensent que l amour n existe que dans les romans ou en tout cas qu il ne peut durer (personnes qui vivent en général des relations peu durables) et les parents ambivalents pensent que les autres refusent de s engager dans des relations durables. L attachement a été exploré par le courant psychanalytique, tant sur le plan théorique que clinique, en portant un intérêt particulier sur la qualité émotionnelle des réponses de figures d attachement, notamment la sensibilité et les qualités réflexives des parents. A l origine, pour FREUD (JOLY, 2002) 17, le tout petit est poussé par la pulsion de conservation qui 16 Reebye et al (non daté). Analyse documentaire de la théorie de l attachement parents-enfants et des pratiques interculturelles qui influencent la relation d attachement. Rapport de recherche, Vancouver. 17 Joly F. (2002). Le jeu de la bobine. Article de Revue Spirale, Cairn.info. Stéphanie Rossollin épouse Nicolas Mise à jour le 17/03/2009 Page 12 /93

l incite à investir l objet de son besoin de manger, sa mère. Cette relation l amène à faire l expérience de la frustration que FREUD, dans Au-delà du principe de plaisir (1920), présente en analysant une activité de son neveu qui est muni d'une bobine attachée par une ficelle. L'enfant joue à faire tomber la bobine puis à la ramener vers lui. En même temps, il prononce Vor-Da («Là-bas là», dans l idée de «loin près» ou «pas là là»). Le jeu s'apparente à la reviviscence de l'alternance de présence et absence de la mère. Selon Freud, la répétition d'une activité génératrice de déplaisir oblige Freud à modifier sa théorie de la pulsion évoquant alors la notion de compulsion de répétition. L organisation du «Colloque imaginaire» par R. ZAZZO (1990) avec D. ANZIEU, J. BOWLBY, R. CHAUVIN, K. LORENZ, P. MALRIEU, R. SPITZ, D. WIDLÖCHER a été l occasion pour D. ANZIEU de déclarer «j ai trouvé que ZAZZO me faisait connaître quelque chose d essentiel c est lui le grand-père du Moi-peau». Il propose que la pulsion d attachement et le moi-peau sont indissociables pour la construction du Moi et sa théorie de la pulsion d attachement se base sur quatre observations de BOWLBY : 1. la recherche du contact physique de la mère par le petit est un facteur essentiel de développement affectif, cognitif et social indépendamment du don de nourriture 2. la moitié des patients présentent des états limites et souffrent, en particulier, d un manque de limite entre le Moi corporel, le Moi réalité et le Moi idéal (indifférence des zones érogènes, confusion des expériences agréables et désagréables qui reflètent une faille narcissique et une insuffisance de la structuration du Moi) 3. la tendance des participants du groupe à remplir le vide en s installant de manière homogène dans la salle 4. l importance des échanges sensori-moteurs liés aux premiers liens entre la mère et l enfant. Ainsi D. ANZIEU a su allier la pulsion de conservation de FREUD à la théorie d attachement de BOWLBY. 2.1.3 Le père et l attachement Si les premiers travaux concernaient exclusivement la relation mère-enfant, les chercheurs ont peu à peu élargi le champ d exploration en étudiant la relation entre l enfant et toute personne incarnant cette fonction de protection ou de sécurité (père, grands-parents, nourrice, etc.), appelée figure d attachement ou protecteur. L approche classique consistait à se demander si le père était une figure d attachement aussi efficace que celle de la mère. La thèse de ZAOUCHE-GAUDRON () est que le père peut jouer cette fonction à partir du moment où il a une implication parentale. Seulement, il semble qu il ne réponde pas au besoin d attachement lorsque l enfant est dans une situation de stress (fatigue, maladie, présence d une personne étrangère). Pour certains (MAIN et GROSSMAN) Stéphanie Rossollin épouse Nicolas Mise à jour le 17/03/2009 Page 13 /93

le style d attachement est distinct entre le père et la mère, pour d autres (LEBOVICI et CYRULNIK) il est semblable. La perspective nouvelle repose sur la bipolarité parentale où le père et la mère joue un rôle complémentaire. Le père répondrait aux besoins de l enfant dans sa quête de stimulation et la mère dans sa quête de sécurité. Dans une expérimentation avec les pères, LE CAMUS (CUPA, 2000) montre que l enfant est plus sensible aux invitations du père et ose plus s aventurer. Selon lui, «les pères sont de meilleures rampes de lancement que la mère». Pour DABOVAL (2001) 18, le père a un rôle socialisant qui semble représenter un pont linguistique et psycho-linguistique : le père utilise plus fréquemment le prénom de l enfant et des termes techniques, il stimule plus souvent le langage chez l enfant en lui demandant de reformuler pour le comprendre. Leurs jeux favorisent l anticipation du développement psychomoteur. L interaction père-enfant semble favoriser la capacité de l enfant à s intégrer dans un groupe de pairs et à accepter les règles, représentant ainsi un tremplin social. Selon la théorie de MILJKOVITCH et PIERREHUMBERT (1998) 19, les pères transmettraient les modèles sémantiques (réponse conforme aux attentes sociétales) par les modèles internes opérants. La différence entre père et mère ne serait donc pas sur l attachement en tant que tel mais sur la nature de la transmission. Une étude sur la complétude des histoires par l enfant et la cohérence du discours de l adulte révèle qu une histoire cohérente chez le père peut impliquer un état anxieux chez l enfant (contrairement à la mère : si son discours est cohérent, l enfant est peu «anxieux»). A l inverse, un père incohérent tend à avoir un enfant à l aise ayant une image positive de la fonction parentale. Il semble que l enfant détaché présente une image idéalisée du père qui se révèle dans son discours déclaratif et sémantique («j ai eu les meilleurs parents du monde» et «mon père me battait»). Il semble donc que le processus intergénérationnel soit différencié entre le père et la mère : le père activant la transmission du contenu manifeste des représentations sur la base d information sémantique élaborée, tandis que la mère activerait la transmission du contenu latent basé sur les informations bibliographiques, c est-à-dire l expérience subjective (CUPA, 2000). En conclusion, on peut citer une phrase de GROSSMAN : «le père «stimulant» dans une situation de jeu et la mère «réconfortante» dans une situation de stress permettent à l enfant 18 Daboval (2007). Comment le père influence le développement de l enfant?. Présentation d une conférence, Université de Sherbrooke, Canada. 19 Pierrehumbert B. (1998). Gestion de la distance interpersonnelle, attachement et socialisation précoce. Champ Psychosomatique. Stéphanie Rossollin épouse Nicolas Mise à jour le 17/03/2009 Page 14 /93

de trouver sa place sur le continuum attachement-exploration». 2.1.4 Le développement de l attachement Selon AINSWORTH (1978), l attachement n apparaît pas à la naissance, mais se construit dans les premières années de vie selon 4 étapes (CUPA, 2000) : 1. 1ers mois pas d attachement : même si reconnaissance de signaux sensoriels 2. 6-12 mois - attachement indifférencié ou «en train de se faire» (MALHER, 1980) : attirance pour la figure humaine et la mère est irremplaçable 3. 12 mois - attachement spécifique : recherche active de la mère, perturbé par son absence, naissance de la notion de «base de sécurité» 4. 2-3 ans intériorisation de l image de la mère : supporte d avantage l absence de la mère et plus grande autonomie Dans le développement de l enfant, l attachement se met en place selon trois fonctions primaires dès 9-12 mois (GUEDENEY, 2006) : 1. maintien de la proximité : rester à côté et résister aux séparations de la Figure d Attachement (FA) 2. base de sécurité : utiliser la FA comme une base pour explorer 3. havre de sécurité : se tourner vers la FA pour chercher confort et soutien Selon GUEDENEY, les forces de l attachement dans le développement de l enfant consistent en une augmentation des chances de survie (instinct de protection), la régulation psychophysiologique et celle des émotions négatives, ainsi qu une base pour le développement de l intersubjectivité, des compétences personnelles et de gestion des crises et conflits. La vulnérabilité de l attachement repose sur le fait qu il représente un besoin prioritaire jusqu à 5 ans et nécessite pour se faire la présence d un adulte, la figure d attachement, ainsi que son accessibilité (disponibilité de la figure d attachement). Cette vulnérabilité représente autant de risques dans le développement harmonieux de l enfant. Les toutes premières expériences socio-émotionnelles semblent façonner le tempérament de l enfant qui s imprègne de la personnalité de ceux qui l entourent, ce qui persiste tout au long de la vie. L étude longitudinale de PIERREHUMBERT (1998) où les enfants sont évalués deux fois, à 21 mois et à 5 ans, montre que les enfants évalués comme insécure à 21 mois tendent à présenter des problèmes de comportement à 5 ans. Les enfants qui démontraient une forte détresse de séparation tendent à présenter davantage de troubles psychosomatiques (douleurs, nausées, allergies, maux de ventre) et les enfants qui s accrochaient à leur mère tendent à présenter des problèmes «internalisants» (anxiété, dépression). Déjà Bowlby (De Cupa, 2000) déclarait que la cristallisation des expériences relationnelles de la prime enfance en «modèles internes» (construction jusqu à la 4 ème étape de M. Ainsworth) perdurait jusqu à l âge adulte. Cette compréhension initiale des comportements et motivations des Stéphanie Rossollin épouse Nicolas Mise à jour le 17/03/2009 Page 15 /93

autres guidera les propres attitudes de l enfant devenu adulte dans les échanges interpersonnels. FONAGY (2000) 20 précise : «que l attachement soit stable ou pas, de la première année à l adolescence, en passant par l enfance, importe peu puisque la prédictibilité vient des MII (mécanisme interprétatif interpersonnel) et non pas de la sécurité de l attachement en soi». Cela pourrait expliquer la capacité de résilience de certains enfants quelque soit le mode d attachement aux parents. Selon une étude longitudinale menée par TREBOUX (1995), auprès d enfants de 1 à 20 ans, les modèles d attachement perdurent tout au long de l enfance et de l adolescence avec très peu de changements. Le narratif reste pour lui la voie royale pour accéder au monde intérieur de l enfant et évaluer son évolution dans le temps (CUPA, 2000). Selon d autres études, l attachement dit «secure» semble ne pas être fixé la vie durant ; il peut devenir «insecure» si les conditions d environnement changent (deuils, traumatisme, etc.) et, à l inverse, l attachement «insecure» peut devenir «secure» (INSERM, 2005). Cependant, il semble être une condition de survie : «un attachement quel qu il soit sous peine de mort» (CUPA, 2000). Il existe de nombreux points de convergence entre le fonctionnement des bébés et celui des adolescents (GOLSE, 2001) 21. Ainsi, l adolescent réactiverait tout ce qui a été transmis affectivement et de manière pré-verbale dans le corps à corps des premières années de la vie où la mère transmet son état mental. Cela déterminerait la manière de socialiser de l adolescent et expliquerait les difficultés que l enfant pourrait rencontrer (CYRULNIK, 2006) 22. Une étude menée auprès d adolescents ayant recours à la consultation psychologique et ceux qui n en ont pas recours (RAMU, 2004), montre que le style d attachement secure est plus fréquent chez ces derniers et qu ils ont un meilleur niveau d estime de soi. Cela a permis à certains de conclure que la qualité de l attachement, ainsi qu une bonne estime de soi sociale, représente des déterminants importants au niveau de la santé psychique des étudiants. GUEDENEY (2006) précise les conditions d extinction du système d attachement en fonction de l âge : 1. obtention de la proximité de la Figure d Attachement (FA) 2. assurance de la disponibilité de la FA 3. accessibilité à la FA qui passe par deux stades : 20 Fonagy P. (2001). Développement de la psychopathologie de l enfance à l âge adulte : le mystérieux déploiement des troubles dans le temps. La psychiatrie de l enfant, PUF. 21 Golse B. (2001). Attachement et psychanalyse. Impact sur la rencontre avec les bébés et les adolescents. Texte présenté à la journée d étude du GERCPEA, Luxembourg. 22 Cyrulnik (2006). Le murmure des fantômes. Texte du colloque «comment accompagner vers l âge adulte les enfants et les adolescents dans le contexte des mutations sociales d aujourd hui, Marseille. Stéphanie Rossollin épouse Nicolas Mise à jour le 17/03/2009 Page 16 /93

a. pour l enfant ayant plus de trois ans : volonté du parent d agir comme un consolateur et un protecteur quand l enfant a peur b. pour l enfant plus grand : croyance que la communication sera ouverte avec la Figure d Attachement, que l accessibilité physique existe et que la FA répondra si on l appelle pour de l aide. Le développement de l attachement semble donc révéler qu à tout âge (variation du degré d autonomie physique, émotionnelle et cognitive), l enfant a un besoin décroissant de compter sur une personne adulte, représentant la protection et la sécurité face aux menaces et peurs éventuelles de l environnement, tant intérieures qu extérieures. L attachement disparaîtrait naturellement lorsque la personne accède à sa complète autonomie. 2.1.5 L activité neuropsychologique de l attachement Dès la grossesse, il semble que l activité neuro-hormonale spécifique de la mère ait une influence directe ou indirecte sur la vie du fœtus (MONTAGNER, 2005) 23. Même si nous disposons de très peu de preuves scientifiques actuellement, MONTAGNER considère qu il semble difficile de dissocier l état affectif durable ou envahissant de la mère, de son activité hormonale qui est elle-même en lien direct avec la vie fœtale. Il envisage la possibilité d une transmission mère-enfant des six émotions reconnues comme universelles (joie, peur, colère, tristesse, surprise et dégoût), supposant que l enfant, dès la gestation, perçoit l état psychique de la mère. Au regard de l éthologie et du phénomène de bonding (attachement maternel chez l animal qui consiste à se montrer particulièrement attentif à son petit et agressif vis-à-vis des autres), W. TREVATHAN souligne (1987 ; PIERREHUMBERT, 2004) 24 les avantages du contact immédiat post-partum pour la régulation physiologique du bébé (respiration, chaleur, hydratation, apaisement) et pour la mère (relâchement d ocytocine dans le système sanguin maternel, stimulant les contractions de l utérus, l expulsion du placenta et inhibant l hémorragie post-partum). Il est montré le rôle essentiel de l ocytocine (du grec «la naissance rapide») : les études indiquent que la descente du fœtus déclenche le relâchement d ocytocine dans le système nerveux de la mère et le bonding (KENNELL et al.) ne pourrait se faire que si cette hormone est présente. On trouve cette même hormone dans le lait maternel et durant toute la période de soins du bébé par la mère. L ocytocine est connue pour son effet apaisant (apaisement de l anxiété et diminution de la douleur), elle stimule les centres de la récompense et du plaisir, réduit les distances et augmente la sensibilité entre 23 Montagner H. (2005). Un nouveau modèle de communication chez l enfant. Texte communiqué par l INSERM, Bordeaux. 24 Pierrehumbert B. (2004). L amour maternel... Un amour impératif. Spirale. Stéphanie Rossollin épouse Nicolas Mise à jour le 17/03/2009 Page 17 /93

individus (dans l expression des émotions et la communication non-verbale) et elle aurait par ailleurs un effet sur les comportements sociaux avec ses pairs ou ses partenaires sexuels. La sécrétion de cette hormone s avère notamment abondante dans les pulsions sexuelles (orgasme féminin), l accouchement et l allaitement (ROUSSEAU, 2008) 25. Une autre étude, menée en Israël par R. FELDMAN (2007) 26, a permis de montrer que les niveaux d ocytocine du premier mois de grossesse prédisaient les comportements d attachement. Les mères ayant les niveaux les plus élevés de l hormone tout au long de la grossesse et durant le mois suivant l accouchement rapportaient plus de comportement confirmant une relation exclusive et étaient davantage préoccupées par des pensées concernant la sécurité de l enfant et son avenir. Selon les chercheurs, l ocytocine semble préparer les mères à s engager dans des comportements d attachement, les résultats montrant que l hormone est reliée aux aspects mentaux aussi bien que comportementaux de l attachement. FELDMAN et al. ont montré dans des travaux précédents que les mères souffrant de dépression post-partum avaient des niveaux d ocytocine qui tendaient à être plus faibles. Ces différentes recherches mettent en valeur l influence réciproque entre l activité hormonale et l humeur de la mère ainsi que son incidence sur son comportement à l égard de son enfant et la nature de leur attachement. 2.1.6 L interculturel et l attachement La relation d attachement semble représenter une dimension universelle au-delà des pratiques parentales qui se distinguent en fonction des cultures. MAIN (1963 et 1967) a montré, dans sa première étude en Ouganda, que la relation d attachement était présente dans les deux groupes, malgré les différences sur le plan des comportements (les bébés ougandais tapaient dans les mains au retour de la mère). Une étude interculturelle (REEBYE) confirme les différences culturelles et les similitudes dans le phénomène d attachement en tant que tel. Le nourrisson semble réagir au comportement de sa mère d une façon innée mais conforme aux attentes de la communauté. Par exemple, dans les sociétés traditionnelles, l allaitement représente un événement de vie important (92,4 % en Amérique du Sud, 94,5 % en Asie et Océanie et 98,4 % en Afrique, 99 % en Norvège et 56 % en France) destiné à créer un lien affectif fort entre la mère et l enfant. Au Mali, il existe un proverbe qui dit : "Si tu ne donnes 25 Rousseau P. et Lahay W. (2008). Attachement-détachement, la dynamique des liens familiaux. Présentation de la Faculté de psychologie et des sciences de UMH. 26 Feldman (2007). Sans titre. Article de Psychological Science. Stéphanie Rossollin épouse Nicolas Mise à jour le 17/03/2009 Page 18 /93

pas le sein, l enfant ne te reconnaîtra pas". De même, au Sri Lanka, on pense que le bébé qui boit au biberon n aimera pas sa maman. En Inde, c est pendant la tétée que les femmes transmettent leurs traits de caractère à leur petit. La distribution des formes de liens d attachement selon les pays est étonnamment similaire : une étude transculturelle (INSERM, 2005) a montré qu environ 65 % des enfants en population générale étaient attachés de façon secure, 21 % étaient de type insecure évitant et 14 % de type insecure ambivalent. Cela a permis de montrer que ces trois types d attachement pouvaient être reliés de façon valide aux types d interaction mère-enfant : sensibilité maternelle, évitantes, imprévisibles ou rejetantes. 2.2 La disponibilité de la mère à l égard de son jeune enfant A la lumière des travaux réalisés dans le domaine de l attachement mère-enfant, il semble important d accorder une place importante à la disponibilité de la mère dans la relation qu elle établit avec son enfant. Par ses pensées et ses gestes, mais aussi son activité neuro-hormonale, la jeune mère révèle son état intérieur, c est-à-dire sa disposition psychique, ce qui favorisera ou non une relation d attachement sécurisante pour le développement harmonieux de l enfant. 2.2.1 La dimension psychique de la mère La maternité est évoquée comme l occasion d un remaniement psychique pour la femme (DURAND, 2003) 27. Selon lui, cela correspond à une nouvelle crise maturative, comparable à maints égards à celle de la puberté, faisant intervenir de multiples facteurs hormonaux, neuropsychologiques, sociologiques et ethnologiques conduisant à l émergence d une nouvelle identité tant intime que sociale. Le bonding 28 semble mettre en évidence l existence d une période post-partum de préoccupation maternelle. Cette notion a été décrite pour la première fois par WINNICOTT (1956) 29 : «ma thèse est que dans la toute première phase, nous trouvons chez la mère un état très spécifique, une condition psychologique qui mérite une appellation telle que préoccupation maternelle primaire». Selon lui, elle se développe graduellement pour atteindre un degré de sensibilité accrue pendant la grossesse et spécialement à la fin. Les mères ne s en souviennent que difficilement lorsqu elles sont remises, pouvant avoir tendance à en refouler le souvenir. Cela correspondrait à un état d hypersensibilité qui procure à la mère la capacité de se mettre à la place de son enfant et de répondre à ses besoins avec délicatesse et sensibilité. Dans cette disponibilité, la mère communique alors de manière 27 Durand B (2003). Manifestations psychopathologiques de la grossesse. Revue du praticien 28 Présenté page 17 29 Winnicott D.W. (1956). La préoccupation maternelle primaire. De la pédiatrie à la psychanalyse. Paris, Payot. Stéphanie Rossollin épouse Nicolas Mise à jour le 17/03/2009 Page 19 /93

entière et globale avec l enfant, par les intonations de sa voix (les mots importent peu), par sa façon de le porter (holding), de le manier (handling) et de le bercer. Elle communique aussi par sa respiration, ses battements de cœur et son adaptation à l évolution progressive des besoins quotidiens de son enfant. WINNICOTT résume cet échange en deux mots : fiabilité et amour. STERN (1998) 30 parle d une relation d amour intime (relation primaire) qui se passe au-delà de la parole et s avère souvent inattendue pour la jeune mère qui est alors invitée à faire appel à toutes ses capacités d aimer, de partager, de communiquer, de donner et de recevoir. L interaction est puissante, confrontant la mère à des aspects de sa personnalité ce qui confère à l expérience une notion de révélation. STERN parle d un accordage émotionnel, affectif et rythmique (tempo des interactions) entre la mère et son enfant. BYLDLOWSKI (2000) 31 propose le concept de transparence psychique pour décrire les caractéristiques du psychisme maternel pendant la grossesse, à savoir une authenticité et un radicalisme du psychisme maternel. Elle évoque notamment l abaissement des résistances habituelles face au refoulé inconscient qui marquerait chez la mère un surinvestissement de son histoire personnelle et de ses conflits infantiles. La découverte de l enfant devient alors une mémoire de soi-même et la maternité, une expérience intime avec soi qui se présente selon quatre étapes : 1. transparence psychique (femme enceinte) : préoccupation maternelle du contenant et lien entre le bébé concret à venir et bébé imaginaire, fantasmé, narcissique et mythique (Lebovici) 2. préoccupation maternelle du bébé (préparation de l accouchement) 3. préoccupation maternelle du bébé en relation avec sa propre expérience infantile (nouveau-né) 4. représentations internes en accord avec le bébé comme interlocuteur (quelques mois après la naissance). BYLDLOWSKI (2000) précise que par l enfantement, et singulièrement par le premier enfant, la femme règle sa dette à l égard de sa propre mère. Selon STERN (1998), la manière dont une femme crée les liens avec son enfant est une question vitale qui dépend de son histoire et de son expérience. C est un processus largement inconscient et qui se situe à l origine de l attachement, notamment avec les pensées et les rêves de la future mère. Ce dernier commence pendant la grossesse avec les pensées et les rêves de la mère autour de son bébé. Le récit de la naissance, histoire jamais complètement racontée et partiellement explorée, va devenir une partie de l identité maternelle, la naissance d une mère. BYLDLOWSKI (2000) parle de la maternité comme d une expérience transmise. STERN illustre cela avec un exemple d interaction mère-enfant. Si la mère est en présence de l enfant 30 Stern D. N. et Bruschweiler-Stern (1998). La naissance d une mère. Odile Jacob, Paris. 31 Byldlowski M. (2000). Je rêve un enfant. L expérience intérieure de la maternité. Odile Jacob, Paris. Stéphanie Rossollin épouse Nicolas Mise à jour le 17/03/2009 Page 20 /93