Le projet Européen de mise en réseau des radars et capteurs de surveillance de la navigation Yann Le Moan Senior Project Officer SafeSeaNet Vessel Traffic and reporting service - Unité C2 Agence Européenne de Sécurité maritime (EMSA) Cais Do Sodré 1249-206 Lisbonne Tel: +351 211209 325 / Fax: +351 211209 217 yann.le-moan@emsa.europa.eu SafeSeaNet, son interface graphique et les projets pilotes associés 1. Introduction En permanence, plus de 20000 navires marchands sillonnent les mers européennes. Avec un nombre aussi élevé de navires effectuant des chargements et des déchargements dans les ports européens, les informations concernant les cargaisons, la sécurité des navires et les ports de destination sont vitales pour la sécurité maritime, la protection de l environnement marin et les acteurs économiques. Pourtant ces données sont traitées par une multitude d acteurs aux niveaux local et national. Bien que le principe d échanger au niveau européen des données relatives au trafic maritime ait débuté en 1993 avec la politique commune de la sécurité maritime et la directive 93/75/CEE (directive HAZMAT, marchandises dangereuses), établissant un système d information sur les navires transportant des marchandises dangereuses ou polluantes, ce n est qu après le naufrage de l Erika en décembre 1999 que des actions au niveau communautaire, les paquets Erika, ont vraiment été lancés : la directive 2002/59/CE «relative à la mise en place d un système communautaire de suivi du trafic des navires et d information» fait partie de ces paquets. C est pour cela que depuis 2002, les États membres et la Commission européenne coopèrent pour appliquer cette directive et résoudre les problèmes d échange d information, créer un réseau paneuropéen, SafeSeaNet, et harmoniser l échange de données maritimes. SafeSeaNet (SSN) est défini par la Directive 2002/59 amendée (annexe III) comme: «le système d'échange d'informations maritime communautaire, SafeSeaNet, permet de recevoir, de stocker, d'extraire et d'échanger des informations aux fins de la sécurité maritime, de la sûreté portuaire et maritime, de la protection de l'environnement marin et de l'efficacité du trafic et du transport maritimes.» Le réseau SafeSeaNet réunit de nombreuses autorités maritimes en Europe qui possèdent toutes leur propre système informatique et leurs propres méthodes de stockage et d accès aux données. SafeSeaNet met en réseau ces systèmes d information grâce à un système d indexation central. 1
L index ne stocke pas les données elles-mêmes, mais les références permettant de les localiser. Les autorités nationales compétentes (NCA), désignées par chaque Etat membre, sont responsables du bon fonctionnement du système dans leur pays, alors que la responsabilité technique de SafeSeaNet a été transférée de la Commission Européenne à l Agence Européenne de Sécurité Maritime en 2004. Les informations contenues dans les messages sont collectées auprès des autorités locales compétentes (), telles que les centres côtiers et les autorités portuaires. Les utilisateurs autorisés accèdent aux données dont ils ont besoin en envoyant une demande, sous un format spécifique. Leur demande est utilisée par l index central pour localiser et récupérer les données auprès de la source concernée. Les informations leur sont ensuite envoyées. Ce système est flexible et convivial, accessible 24 heures sur 24, et offre une réponse rapide à toute demande d information. Depuis Mars 2010, un nouvel interface appelé : «l'interface graphique de SafeSeaNet ou SSN GI) est disponible aux états membres. Ce document présente SafeSeaNet, son interface graphique (ex STIRES), son architecture, ses fonctionnalités et proposera deux exemples de projets pilotes impliquant cette interface graphique (échange de donnés VMS et radar avec les états membres). Le plan proposé est le suivant: 1- Présentation générale de SafeSeaNet et les nouveaux développements (SSN V2) -But -Architecture/Fonctionnement -Informations échangées -utilisateurs 2- l'interface Graphique ( SSN Graphical Interface) -Architecture -fonctionnalités et informations échangées -utilisateurs 3-Les projets pilotes associés à cet interface graphique -Synergies SSN/VMS -La transmission d'information radar via SSN 2. Présentation générale de SafeSeaNet SSN a été lancé en 2004 et est entré dans sa phase opérationnelle le 1 Janvier 2009. Ce système d information est géré par l Agence Européenne de Sécurité Maritime (AESM ou EMSA) pour le compte de la Commission Européenne. 2.1: But Le but de SafeSeaNet est de mettre en réseau les états membres afin notamment : -d améliorer la sécurité et l efficacité du trafic maritime 2
-d améliorer la réponse des autorités face aux incidents, accidents ou situations potentiellement dangereuses en mer -de contribuer à améliorer la prévention et la détection des pollutions par les navires. 2.2: Architecture, fonctionnement L architecture de SafeSeaNet inclue un système central fonctionnant comme un index (page jaunes) relié aux systèmes nationaux des Etats Membres (Trafic 2000 pour la France). Les échanges de données se font : - via XML principalement pour les échanges automatisés. Une interface «web service» sera prochainement disponible. - via deux interfaces web (textuel et graphique) Les communications sont possibles via S-TESTA (réseau européen) ou internet (https). Le protocole 2 way SSL sera appliqué, pour toutes les interfaces, à partir de Janvier 2011. Fig 1: Architecture de SafeSeaNet Country A NCA Country C NCA Hyperlinks to Sirenac Equasis BPWIS BPWIS SIRENAC EQUASIS Data Center -Equant Secured by a firewall TESTA (Controled by Equant for the commission, secure) INTERNET Network (Different providers, not secure) Data Center -SNET Incoming proxy server 2 HTTPS HTTP HTTPS HTT P for test Outgoing proxy server HTTPS For test HTTP HTTPS HTTP S Incoming proxy server 1 Outgoing proxy server SSL HTTP HTTP Safe Sea Net Data Center Operations (Sun systemat Datacenter) Application (Weblogic/Java) Oracle DB Le fonctionnement de SSN est le suivant: -Une notification est envoyée, via le système national, au serveur central européen hébergé dans les locaux de l AESM à Lisbonne. 3
Cette notification contient un jeu minimum de données, son but est d avertir les autres États Membres que des informations plus détaillées sont accessibles par requête/réponse. Le détail des données est stocké par l'état Membre (fournisseur de données). Sur requête, en cas de besoin, un autre État Membre peut demander le détail des informations. Le serveur central de SSN va alors diriger cette requête vers le système d information du fournisseur de données. Celui-ci répondra alors (via SSN) à l'état membre à l origine de la requête. Le schéma ci dessous explicite ce processus. Fig 2: Fonctionnement requête-réponse de SSN Data Requester 2a-Request Data Provider 1a-Notification 2g-HTTP 202 3a-Response 2f-Request NCA 1b-Notification NCA 3g-Response 3f-HTTP 202 2b-Request 2c-HTTP 202 1c-HTTP 202 3b-Receipt 2e-HTTP 202 3b-HTTP 202 3c-Response 2c-Receipt 1c-Receipt 2d-Request 3e-Response SSN CORE 3d-Receipt 3d-HTTP 202 2.3: Informations échangées Quatre types d informations sont échangées à travers de SSN : -Les prévisions d escale ou 24h prior. Les navires doivent avertir les autorités du port d arrivée au moins 24h à l avance ou dès que le navire a appareillé lorsque la navigation est inférieure á 24h. Les informations à fournir sont: ETA/Port d escale/etd/nombre de personnes à bord. -Les informations concernant les matières dangereuses transportées à bord (Hazmat). Le détail des marchandises dangereuses transportées ainsi que leur localisation à bord sont fournis. 4
-Les informations liées à des incidents, accidents, des pollutions ou autres évènement. On y trouve des messages tels que des SITREP, POLREP, Lost&found Container et Autres ). -les reports de position de navires générés par l AIS ou lorsque les navires s identifient dans des systèmes de compte-rendu obligatoires (CRO). Le détail de ces informations est accessible de différentes façons : -un contact (téléphone/fax), mais cette solution temporaire devrait être abandonnée -un document à télécharger (URL) -XML Au premier janvier 2011, une nouvelle version de SafeSeaNet (SSN V2) sera opérationnelle. Elle permettra de gérer les informations, fournies par les Etats Membres, d arrivée (ATA) et de départ (ATD) des navires dans les ports Européens. Les prévisions d escale (72 et 24h prior) ainsi que les ATA/ATD seront envoyés au nouveau système Européen d information pour le contrôle par l'état du port THETIS pour la planification et le suivi des visites de contrôle par l'état du Port. 2.4: Utilisateurs Les utilisateurs ayant accès à SSN sont les autorités maritimes, les stations côtières (VTS, CROSS ), les ports, les services de suivi et de lutte contre les pollutions. Chaque État Membre a désigné une Autorité Nationale Compétente (NCA) responsable de la gestion du système SSN national ainsi que de la gestion des droits d accès. Ces NCAs désignent les Autorités Locales Compétentes () qui fournissent (via le système national) les données obligatoires. Ces peuvent également, en fonction de leurs droits d accès requêter des informations. Actuellement, près de 2000 utilisateurs sont identifiés. L accès à SSN pour d autres types d utilisateurs (Défense, Police aux frontières, douanes, etc.), selon des modalités particulières, a été acté par le SSN High Level Steering Group en charge du la politique de SSN. Les demandes doivent êtres effectuées auprès des autorités nationales compétentes (NCA). 3. L interface graphique de SafeSeaNet (SSN GI) Depuis Mars 2010, une nouvelle interface de SSN est disponible. Elle s appuie sur la transmission et la réception de donnés AIS en utilisant une application dédiée (SSN Proxy). Celle-ci permet, via des serveurs régionaux ou directement vers SSN, de transmettre des positionnements AIS échantillonnés toutes les 6 minutes pour toutes les côtes Européennes. 5
3.1: Architecture L interface graphique (web) de SSN permet de visualiser, sur un fond de carte ECDIS, les informations de positionnement AIS «enrichies» par les notifications envoyées par les états membres (cf point 2.3). Les informations AIS sont envoyées, au format IEC, au travers d une application dédiée (SSN proxy) soit directement vers le serveur central, soit en passant par des serveurs régionaux (North Sea and Helcom localisés au Danemark MAREΣ situé en Italie). Fig 3 : l architecture de SSN et de son interface graphique 3.2: Fonctionalités et informations échangées La principale fonctionnalité de cette interface graphique est de lier à une piste AIS, les données disponibles dans le serveur index de SSN. Ce processus est appelé «l enrichissement». L interface graphique permet ainsi de visualiser les informations de positionnement (AIS), celles concernant les matières dangereuses transportées à bord (HAZMAT) et celles concernant les incidents ou accidents. Si l utilisateur souhaite avoir les détails concernant ces notifications, une requête au serveur index est possible (cf Fig 4). Les tankers simple-coque et les navires bannis des ports européens au titre du mémorandum de Paris pour le contrôle par l état du port sont également identifiés avec une symbologie particulière. Les report LRIT (Long range Identification and Tracking) concernant les navires de son propre pavillon «Flag report» sont accessibles aux État Membres, via cette interface, sous certaines conditions. 6
Fig 4 : écran de l interface graphique de SSN ( navire avec Hazmat) 3.3: Utilisateurs L interface graphique est ouvert à trois utilisateurs par état membre. Il est prévu d augmenter ce nombre pour atteindre une dizaine d utilisateurs par Etat Membre vers la fin de l année. Cette nouvelle interface graphique permet donc de visualiser le trafic maritime (basé sur les données AIS) le long des côtes Européennes sur une carte marine de grande précision (il est possible de visualiser les navires précisément jusque dans les ports). Le processus d enrichissement, unique en Europe, permet pour la première fois de visualiser ces informations AIS et d y associer les notifications de matières dangereuses, d incidents/accidents, de navires simple coque et ceux bannis au titre du contrôle par l État du port. 7
4. Les projets pilotes et SafeSeaNet 4.1: Surveillance maritime Suivant la Communication de la Commission Européenne sur une future politique maritime intégrée pour l UE, et afin de travailler sur l intégration de systèmes existants et futurs dans le domaine de la surveillance maritime, l EMSA a contacté les administrations maritimes Française, Espagnoles et Italiennes. Deux projets pilotes ont été décidés et des experts nommés pour ces projets initiés en Juin 2009. 4.1.1 L échange de données VMS Les navires de pêche de plus de 15 m doivent reporter leur positionnement via satellite (données VMS) à leur Centre de surveillance des pêches (FMC) toutes les deux heures. Ces informations sont ensuite échangées avec le FMC responsable de la zone dans laquelle se trouve le navire. Le projet pilote vise à recevoir dans SSN les données VMS (Format NAF) toutes les deux heures pour un échantillon de quelques navires sélectionnés, de corréler ces informations avec les informations AIS disponibles (toutes les 6 minutes) et de renvoyer ces informations AIS vers les FMCs (et éventuellement l Agence Communautaire de Contrôle des Pêches (CFCA) sous le format NAF. Ces données seront également visibles aux participants à travers l interface graphique de SSN. Les bénéfices anticipés sont : -une information de positionnement plus fréquent pour un meilleur suivi -Les données AIS permettront de vérifier l information VMS fournie et d assurer un système de secours en cas d arrêt de la transmission VMS. -Pas de coûts pour les États participants (SSN reçoit le format NAF et renvoi l information AIS sous ce même format compatible avec les systèmes d information des FMCs). La figure 5 ci-dessous représente le flux d échanges prévu pour le projet pilote. La fin du développement nécessaire dans SSN est prévue pour mi 2011 et sera suivie d une période de test opérationnel de 6 mois. Ensuite une évaluation du projet sera réalisée afin d en analyser les résultats et bénéfices. 8
Fig 5 : échange de données VMS dans SSN 4.1.2 L échange de données radar des VTS L échange des données radar des VTS à travers SSN sert les objectifs de la directive 2002/59 en permettant l échange de données concernant la sécurité ou sûreté maritime. Certains États Membres ont développé des systèmes de surveillance radar afin de couvrir des missions de surveillance maritime (défense, contrôle aux frontières, etc.). Les échanges via SafeSeaNet se feront sur une mode de requête-réponse conforme à l architecture de SafeSeaNet. Par exemple, la France pourra demander via SSN une «image radar» d une zone spécifique à l Italie. Le résultat permettra de visualiser l «image radar» sur le fond cartographique employé actuellement dans l interface graphique de SSN. Les formats envisagés pour ce projet sont : -IVEF (Inter VTS Exchange Format), c est un format proposé par un groupe de contractants. Il est déjà utilisé dans des centres opérationnels aux Pays Bas et sera proposé comme standard à l Association Internationale de Signalisation Maritime (IALA) au printemps 2011. Les spécifications et le protocole de ce standard sont libres. 9
-IEC est un standard de l AIS et est celui utilisé pour l interface graphique de SSN. L avantage de ce format est que les États Membres l utilisent déjà pour fournir des données à l interface graphique de SSN. Les développements nécessaires en sont donc réduits. Des échanges concrets avec l Italie utilisant ce format sont déjà possibles afin de recevoir des pistes radar dans SSN pour des navires «non identifiés». Les bénéfices envisagés pour l échange de données radar via SSN sont : le suivi des navires non identifiés par d autres senseurs (AIS, LRIT etc ) accessibles à d autres partenaires de l UE. -L utilisation de SSN permet de limiter les développements en proposant un interface -Tester des standards techniques pour échanger de telles données. Pour ce projet pilote, les trois pays participants envisagent de connecter un ou plusieurs de leur VTS via SSN et d échanger des informations basées sur une détection radar (positionnement, route, vitesse) qui pourront être enrichies si nécessaire par des informations complémentaires disponibles (nom, information de voyage, cargaison, etc.). Il n y a pas de planning encore établi pour lancer les développements du projet pilote. Pour le moment des échanges sont déjà réalisés avec l Italie via MAREΣ. Navires non identifiés Fig 6 : exemple d image «radar» envisagé dans SSN Exemple d image entre la France et l Italie 10
5 Conclusion SafeSeaNet, le système Européen d échange d information maritime, est lancé depuis 2004. Tous les États membres sont connectés, fournissent des informations en continu et sont capables de requêter les détails auprès des autres États Membres fournisseurs de données. L année 2010 a marqué un tournant pour SafeSeaNet. Tout d abord, le lancement de son interface graphique (SSN GI) a permis de visualiser sur un même écran les données AIS le long des côtes Européennes «enrichies» des informations concernant les matières dangereuses, les incidents et accidents, les prévisions d escale, les tankers simple coques et les navires bannis des ports Européens. Fin 2010, la nouvelle version de SSN (SSN V2) permettra d échanger outre les messages existants, de nouvelles informations telles que les prévisions d escale à 72 h, les arrivées et départs de navires au profit du système Européen d information pour le contrôle par l'état du port THETIS. Un interface spécifique lie ces deux systèmes d information pour une coopération efficace des systèmes liés à la sécurité maritime. Les projets pilotes VMS et radar présentés précédemment permettront également de tester les potentialités de SafeSeaNet dan le domaine de la surveillance maritime. L utilisation d autres senseurs tels que l AIS par satellite sera aussi testée dans le futur afin d enrichir encore l image du trafic maritime fournie via SafeSeaNet. Enfin à l horizon 2015, deux nouveaux messages seront échangés via SafeSeaNet au titre de la Directive concernant les formalités déclaratives applicables aux navires à l'entrée ou à la sortie des ports des États membres (Directive «FAL»). Il s agit des déclarations de déchets (Waste message) et des déclarations de sûreté (Security message). SafeSeaNet, le système communautaire d échange d information pour la sécurité maritime, la sûreté portuaire et maritime, la protection de l'environnement marin et l'efficacité du trafic et du transport maritimes est déjà un système opérationnel et fiable. L étendue des informations que l on y trouvera et les senseurs utilisés sont amenés à augmenter dans les années à venir pour une image du trafic maritime toujours plus complète et détaillée. 11