LA CRÉATION D UNE VÉRITABLE COMMUNAUTÉ ÉDUCATIVE AUTOUR DE L ÉLÈVE ; UNE INTERVENTION COHÉRENTE ET DES SERVICES MIEUX HARMONISÉS RAPPORT DE RECHERCHE

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Transcription:

LA CRÉATION D UNE VÉRITABLE COMMUNAUTÉ ÉDUCATIVE AUTOUR DE L ÉLÈVE ; UNE INTERVENTION COHÉRENTE ET DES SERVICES MIEUX HARMONISÉS RAPPORT DE RECHERCHE ROLLANDE DESLANDES, Ph. D. RICHARD Bertrand, Ph. D. Université du Québec à Trois-Rivières Université Laval CQRS/MEQ 2000-2001 Septembre 2001 1

Dans le présent document, le masculin est utilisé sans aucune discrimination et dans le seul but d alléger le texte. 2

DESCRIPTION DES ACTIVITÉS SCIENTIFIQUES L objectif du projet était de réaliser une recension des écrits sur les conditions permettant de créer, autour de l élève, une véritable communauté éducative avec les parents d abord, puis avec les organismes de la communauté intervenant auprès des jeunes et les partenaires externes pour favoriser une intervention plus cohérente et des services mieux harmonisés. Nous présenterons d abord deux définitions du concept de «communauté éducative». Puis, nous rapporterons les résultats de l analyse des textes répertoriés sous deux grands volets : école-famille et école-communauté. Dans le volet école-communauté, nous aborderons également les résultats de l analyse de la documentation reliée aux thématiques «programmes parascolaires» et «intégration des services» offerts aux élèves et à leurs familles. Puis, nous discuterons du projet de méta-analyse effectuée sur la participation des parents et de la communauté. Pour réaliser ce travail, un ensemble de mots-clés ont été utilisés et des experts ont été consultés. 1. Apparaissent en annexe les références utilisées dans le présent rapport et dans la méta-analyse ainsi que les fiches signalitiques de tous les documents consultés. Une première recension des écrits portant sur la participation parentale au suivi scolaire et sur l ouverture à la communauté a été effectuée par Deslandes (2001). En voici un bref résumé. Les auteurs reconnaissent le caractère multidimensionnel de la participation parentale. Le soutien affectif parental (p. ex. : encouragements, compliments, aide aux devoirs, discussions sur les options à choisir, présence à l'école au cours des activités dans lesquelles les enfants sont engagés; accompagnement lors d'un voyage ou d'un événement spécial) apparaît la variable prédictrice de la réussite éducative la plus prépondérante. La 1 Les banques de données suivantes ont été consultées : ERIC, PsycLIT, Current Contents, Dissertation Abstracts et Francis afin de répertorier les plus récentes publications et communications. Les mots-clés étaient: academic achievement school adjustment well-being, quality of life, student motivation relation, participation, collaboration, students, special education students, physical disabilities, physical disorders, attitudes toward, physical disorders, physically-disabled, parent or family or community, school, education, parent-child-relations; parent-schoolrelationship; parent student relationship, educational reform, parent-school relationship; school-community relationship; community role ;community resources, family school relationship community services parent participation self-esteem teacher student relationship, substance abuse, in-service learning, outcomes of education, program evaluation; collectivité communautaire communauté école, student attitudes, school attendance, professional personnel, high risk students. Les experts consultés sont : Epstein et Sanders du Center on School, Family, and Community Partnerships de Johns Hopkins University et da Acosta, du Education and Training at the Milton S. Eisenhower Foundation à Washington D.C.; des chercheurs ayant présenté des communications à l Aera Annual Meeting à Seattle, Washington (10-14 avril 2001) et au congrès AIFREF à Saint-Sauveur (18-21 avril 2001) et des membres de la direction d une école communautaire de New York (MEQ, 14 mai 2001). 3

participation parentale au suivi scolaire semble bénéfique à la fois au développement des élèves, à leur rendement, à leurs attitudes par rapport à l'école et à leurs comportements. Les parents de même que les enseignants et l école retirent également des bénéfices de la collaboration entre l école et les parents. Les caractéristiques des parents, des enfants et des adolescents, les caractéristiques et les pratiques des éducateurs et de l école ainsi que les caractéristiques de la communauté influent sur le niveau de participation parentale. Par exemple, les parents plus scolarisés dont les enfants sont à leurs premières difficultés scolaires ont tendance à s impliquer davantage. Les activités mises en place par les enseignants et l école de même que le leadership de la direction sont les meilleurs prédicteurs de la participation des parents. Des exemples de pratiques et d effets sur les parents, les enfants et les éducateurs ont été illustrés. Finalement, quelques éléments essentiels à la réussite d'un programme de collaboration école-famille-communauté ont été mentionnés. Pour ce qui est de la communauté, très peu d éléments ont été discutés; c est pourquoi nous y revenons en incluant les références classiques. Une communauté éducative Selon le Conseil supérieur de l éducation du Québec (CSE, 1998), une communauté éducative est «une école qui mobilise tous ses acteurs, autant à l interne que dans la communauté environnante, et qui mise sur le partage et la qualité de leurs relations pour réaliser sa mission éducative»(p.15). Après la consultation de divers auteurs (p.ex. : Calderwood, 2000; Etzioni, 1993; Liberman, 2000; Sergiovanni, 1994), nous proposons la définition suivante : un «regroupement de partenaires qui se sentent concernés par la réussite et le développement du plein potentiel des élèves, qui partagent une vision et des valeurs communes et qui, dans leurs relations interpersonnelles, manifestent de la bienveillance, de la chaleur et du soutien à l égard des autres membres de la même communauté. La communauté éducative ne se développe que si elle est vécue. Elle se définit en termes d effectif et de sentiment d appartenance» (Wentzel, 1999). En accord avec le gouvernement français, nous postulons qu une communauté éducative a comme membres les élèves, tout ceux qui participent à la formation des élèves dans un établissement de même que les parents d élèves, les personnels administratifs, techniques, ouvriers, sociaux, de santé et de service et les collectivités territoriales, les entreprises et les associations, bref, les membres de la communauté (loi n o 89-486 du 10 juillet 4

1989d orientation sur l éducation, Journal officiel du 14 juillet 1989; http://www2.univlille2.fr/parfaire/public). Une communauté éducative sous l angle des relations école-famille Ce qu on sait maintenant. Une des percées majeures au cours des dix dernières années en ce qui concerne les relations école-famille est, sans contredit, la typologie d Epstein (2001). La chercheure a conceptualisé la participation parentale en identifiant six types de collaboration : la fonction parentale (parenting); la communication; le volontariat; l apprentissage à domicile; la prise de décisions et la collaboration avec la communauté. Les indicateurs de la réussite des élèves se sont aussi élargis pour inclure non seulement le rendement scolaire, mais aussi l engagement et la présence à l école et dans la classe, l obtention du diplôme d études secondaires, les aspirations scolaires, le temps consacré aux devoirs et les difficultés comportementales (Deslandes et al., 1997, 1998, 1999; Epstein, 2001; Steinberg, 2001). Les caractéristiques de relations école-famille collaboratives se sont davantage précisées. Pour être collaboratives, (1) les relations école-famille doivent être perçues comme une priorité : tous croient que du temps et de l énergie sont nécessaires pour maintenir la relation; (2) les relations doivent être équilibrées : le statut des parents et celui des enseignants sont complémentaires; (3) les relations doivent être coopératives, interdépendantes et empreintes de confiance mutuelle; (4) l élève doit être au centre des relations; (5) la flexibilité et la proactivité caractérisent les interactions entre l école et les familles; (6) les différences dans les points de vue et les perspectives doivent être perçues comme des forces; (7) un engagement doit être manifesté face à la diversité des élèves; (8) un accent doit être mis sur les résultats et l atteinte des buts (Christenson et Sheridan, 2001; Epstein, 2001; Raffaele et Knowff, 1999). Gestwicki (2000) et Deslandes (1999) y associent les idées et attitudes des enseignants (concept de professionalisme, humilité, respect pour les autres, compassion) et des facteurs externes comme le système d aide, la communication, une variété dans la participation parentale, l information, et les habiletés en communication. Plusieurs modèles théoriques ont été proposés pour conceptualiser les relations école-famille (Epstein, 2001; Swap, 1993). Deslandes (1999) considère que le modèle de transmission de l école à la maison décrit le mieux les 5

tentatives actuelles de collaboration entre l école et les familles au Québec. Le modèle de partenariat (Swap, 1993) et celui de l influence partagée (Epstein, 2001) qui sous-entendent une réciprocité dans les relations demeurent une visée à long terme. La participation parentale favorise la collaboration école-famille. Nous savons maintenant que lorsque les parents participent au suivi scolaire, les enfants et les adolescents ont de meilleurs résultats scolaires, un faible taux d absence, peu de difficultés comportementales, une perception plus positive de la classe et du climat scolaire, des habiletés auto régulatrices, une meilleure orientation vers le travail et de plus grandes aspirations scolaires (Deslandes et Potvin, 1998; Deslandes et al., 1997, 2000; Grolnick et al., 1997, 2000 ; Izzo et al., 1999; Jacobs et Eccles, 2000; Plank et Jordan, 1997; Steinberg et al., 1992; Zellman et Waterman, 1998). Il existe de nombreux répertoires d activités qui peuvent être mises en œuvre dans les écoles afin de favoriser la participation parentale, voire la collaboration école-famille (p.ex. : Barbour et Barbour, 2001; Lueder, 1998; Fuller et Olsen, 1998; U.S. Department of Education, 1997). Résultats d études récentes. Un premier groupe de recherches portant sur les comportements des parents sous l angle du style parental et de la participation parentale semble avoir atteint une certaine maturité. Au dire de Steinberg (2001), il y a suffisamment évidence que le style parental démocratique (c.-à-d. le soutien à l autonomie, à la sensibilité et à la supervision) est associé à la réussite et au développement de l autonomie des adolescents (Bouchard et al., 2001; Deslandes et al., 1997, 2000). Du côté de la participation parentale au suivi scolaire au secondaire, à la suite de leur méta-analyse, Fan et Chen (1999) soutiennent que les aspirations des parents pour la réussite scolaire de leur enfant correspondent à la variable la plus fortement reliée à cette réussite. Pour le primaire, Finn (1998) ajoute la gestion par les parents du temps de l enfant et la lecture. Des différences sont observées selon la perception des adolescents et en fonction du sexe des parents et des jeunes. Par exemple, les mères, comparativement aux pères, utilisent davantage un style permissif ou démocratique (Conrade et Ho, 2001). Les adolescents du Québec considèrent que l encouragement à l autonomie est plus élevé auprès des filles que des garçons tant par la mère que par le père (Deslandes et 6

Potvin, 1999). La mère est davantage engagée dans l accompagnement scolaire que le père (Deslandes et Cloutier, 2000). Elle apporte plus de soutien affectif, communique plus souvent avec les enseignants, interagit davantage avec l adolescent sur une base quotidienne, assiste plus souvent aux réunions à l école et communique plus souvent avec l adolescent sur ses projets d avenir. Que l adolescent soit de sexe masculin ou féminin, la mère semble intervenir de la même façon à l exception des contacts avec les enseignants qui se veulent plus fréquents lorsque c est un garçon. Quand l adolescent est de sexe masculin, le père participe plus par des discussions sur l actualité et ses projets d avenir (Deslandes et Potvin, 1999). Les études américaines montrent également que les pères sont aussi moins impliqués à l école que les mères (Shumow et Miller, 2001). Les études indiquent une diminution de la participation parentale au secondaire. L engagement et le soutien parental diminuent avec l âge. Par contre, les discussions parents-adolescents en lien avec la sélection des cours et les projets d avenir augmentent (Catsambis et Garland, 1997; Deslandes, en préparation; Scholte et al., 2001). Ce déclin se produit parce qu il y a moins d occasions de participer au secondaire, que les parents se sentent moins compétents pour aider ou qu ils s imaginent qu ils n ont plus besoin de le faire (Dauber et Epstein, 1993; Hoover-Dempsey et Sandler, 1995, 1997; Izzo et al., 1999). Au cours des trois dernières années, un nouveau courant de recherches a mis en lumière l importance de prendre en compte dans les relations école-famille, les perceptions, les croyances et les attentes des directions d école (Kirschenbaum, 2000; Griffith, 2000), des enseignants du primaire et du secondaire (Pelco et Ries, 1999; Phelps, 1999, 2000), des parents (Baker, 2000; Peel et Harrison, 1997) et des élèves (Deslandes et Cloutier, 2000; Hoover-Dempsey et al., 1998; Walker et al., 2000). À titre d exemple, des attitudes moins positives et un niveau d engagement moindre sont rapportés à l égard des activités de collaboration école-famille chez les enseignants du secondaire. Les directions d école perçoivent le message de bienvenue aux parents comme crucial. Plusieurs enseignants pensent que les parents ne veulent pas participer plus qu ils le font présentement. Ils décrient le manque de soutien de la part de la direction d école. Des parents trouvent que les enseignants les blâment pour les difficultés de leur enfant; ils se sentent comme des intrus à l école. Ils veulent participer davantage mais ne savent pas de quelle façon le faire. Les élèves 7

du secondaire québécois et américains sont en grande partie favorables à l idée de lire à un parent quelque chose qu ils ont appris mais se disent rébarbatifs à une visite parentale dans la classe. Les élèves du deuxième cycle du primaire qui valorisent la participation des parents rapportent de plus hauts niveaux de participation parentale (Connors et Epstein, 1994; Deslandes et Cloutier, 2001). Un autre courant de recherches s est développé en lien avec l influence des variables psychologiques sur la participation parentale. Hoover-Dempsey et Sandler (1995, 1997) ont conçu un modèle théorique du processus de participation parentale qui suggère que la décision du parent de participer au suivi scolaire varie en fonction de la compréhension de son rôle parental, de son sentiment d auto efficacité par rapport à l aide apportée à son enfant, et des occasions, invitations et demandes relatives à la participation parentale présentée soit par l enfant soit par l école. Les résultats d études révèlent que la compréhension du rôle parental est le meilleur prédicteur de la décision parentale de s impliquer. Autrement dit, plus les parents croient qu ils devraient être impliqués dans l éducation des enfants, plus qu ils s impliquent. Ce concept prédit davantage la décision de participer que le sentiment d auto efficacité (Reed et al., 2000; Sheldon, 1999). Au secondaire, l étude de Shumow et Lomax (2001) a mis en évidence la relation entre le sentiment d auto efficacité parentale, d une part, et la participation parentale et la supervision parentale, d autre part. La croyance selon laquelle les autres parents de l entourage s attendent à ce qu ils soient impliqués dans l éducation de leur enfant semblent aussi influencer le niveau de participation des parents (Sheldon 1999, 2000). Du côté québécois, des données ont été recueillies en mai 2001 auprès de 1 000 parents du primaire et de 1 000 parents du secondaire afin de tester le modèle de Hoover-Dempsey et Sandler (Deslandes, FCAR, 2000-03). Bref, les résultats d études sur l influence du style parental démocratique et la participation parentale au suivi scolaire apparaissent suffisamment concluants. Par rapport aux activités de participation parentale, des recherches doivent être poursuivies pour mieux comprendre les différences en fonction du sexe du parent et de celui de l enfant. Dans l élaboration d activités de collaboration école-famille, la transition du primaire au secondaire nécessite une attention particulière. Il apparaît primordial de vérifier la concordance dans les perceptions, les croyances et les attentes de chacun des partenaires concernés par la réussite des jeunes. Il est 8

clair que nous en savons davantage sur l influence de la famille relativement à la réussite des jeunes et sur les façons de faire participer les parents que sur les processus. Comment les écoles doivent-elles s y prendre pour promouvoir le développement positif des familles et des enfants? Comment des relations durables entre parents et éducateurs sont-elles établies? Quelques pistes à privilégier Questions de départ. Christenson et Sheridan (2001) recommandent de d élaborer des programmes de collaboration école-famille à partir des questions suivantes : Quelles formes de participation parentale sont désirables et faisables? Quelles stratégies peuvent être employées pour les réaliser? Aucun format ne convient à toutes les situations. Il faut une compréhension globale de la situation : Comment les différents acteurs perçoivent-ils l école et l éducation en général? La première étape à suivre pour amener ces changements consiste à déplacer le centre d attention de ce que les parents ne font pas vers ce qui pourrait être fait différemment dans les écoles. Les autres étapes relèvent de principes organisationnels (Raffaele et Knowff, 1999; Epstein, 2001). Epstein a conçu une structure d équipe pour implanter des programmes de collaboration école-famille au niveau institutionnel : (a) créer un groupe d action avec un membre qui siège au conseil de l établissement; (b) obtenir l appui officiel de la part de la direction de l école et un budget autonome; (c) offrir une formation axée sur la collaboration entre l école, la famille et la communauté aux membres du groupe; (d) déterminer les points de départ ainsi que les forces et les faiblesses actuelles; (e) concevoir un plan triennal en gardant comme point de repère central le projet éducatif de l école; (f) rédiger un plan annuel détaillé; (g) recruter du personnel enseignant, des parents, des élèves et des groupes communautaires pour aider le groupe d action; (h) évaluer annuellement tant la mise en œuvre du programme que les résultats obtenus et prendre les mesures correctives s il y a lieu; (i) organiser des fêtes annuelles et donner un compte rendu de la situation à tous les participants. Les volets planification, implantation, évaluation et amélioration dans une perspective écologique ne doivent pas être escamotés (Epstein, 2001; Raffaele et Knowff, 1999). 9

Programmes globaux et ingrédients essentiels. Il faut miser sur des programmes globaux. Les études de Sanders et al. (1999) et de Simon (2001) suggèrent que lorsque les écoles mettent sur pied des programmes avec différents types de participation parentale, un plus grand nombre de familles y prennent part et manifestent des attitudes positives à l égard de l école. Par exemple, la participation parentale est plus élevée lorsque l école met en place des activités de types 1 (parenting), 3 (bénévolat et audience) et 4 (apprentissage à la maison). Les activités de type 2 (communication) sont essentielles pour améliorer les autres types de participation. Plusieurs écoles commencent leur programme en mettant l accent sur les communications relatives aux programmes scolaires ainsi qu aux besoins et aux progrès des élèves (Sanders, 1998). Les programmes de collaboration école-famille efficaces (Comer et al., 1996; Epstein, 2001) sont planifiés et non pas une simple collection d activités. Il s agit de recherche-action dans une approche d équipe. Le modèle d Epstein est sans contredit le plus utilisé présentement, soit dans plus de 30 pays et dans 1 415 écoles américaines, situées dans 18 États et reliées à 59 organisations universitaires. Un guide (Epstein et al., 1997) et un site Web www.csos.jhu.edu/p2000 (sont présentement disponibles pour orienter les groupes d action). Au Québec, ce modèle sera expérimenté dans le cadre d un projet subventionné par le ministère de l Éducation sur Le partenariat entre l école, la famille et la communauté. Recherche-action (Deslandes, 2001-04). Une recherche antérieure a permis d identifier trois ingrédients essentiels au succès d un programme : le groupe d action, la typologie des six types de participation parentale d Epstein et la présence de facilitateurs de projets à temps plein (Sanders, 1996). Actions à privilégier. L école doit commencer avec un processus global de plusieurs années qui cible tous les parents d élèves à partir du début de la scolarisation. Il faut conceptualiser les actions sur un continuum de sensibilisation parentale à la participation et à la coopération des parents. Cette perspective d intervention primaire concerne toutes les familles. Il peut s agir de donner de l information générale sur le développement de l enfant, sur l importance des rencontres parents-enseignants, etc. La perspective d intervention secondaire vise les familles à risque. Il s agit d aider les élèves ayant des difficultés et leurs parents qui se 10

sentent aliénés face à l école. La perspective d intervention tertiaire cible ceux qui sont déjà désengagés (Raffaele et Knowff,1999). Quant à la nature des activités, il faut penser surtout à des activités visant à soutenir la famille dans l établissement d un environnement familial propice aux apprentissages (Deslandes et al., 1999), qui mettent l accent sur des expériences de socialisation (Bempechat et al., 1999) et sur le contenu et les processus familiaux en parallèle avec ceux de l école (p. ex. : habitude de travail, langage utilisé, discussion sur l actualité) (Christenson et Sheridan, 2001). En temps de réforme curriculaire, la participation des parents est perçue comme une composante indispensable (Swap, 1993). Des recherches ont montré qu il est important d intégrer les parents dans tout processus de renouvellement des programmes d études à l école (Dodd, 1998; Dodd et Donzal, 1999). Il faut penser à des ateliers qui permettent aux parents de s approprier les nouvelles façons d apprendre (Deslandes et Lafortune, 2000). Formation. Le manque de formation des directions d école et des enseignants comme partenaires avec les familles a été décrit comme un obstacle majeur à l implantation d une collaboration école-famille. Il est indispensable de réformer le rôle de l enseignant (Akkari, 1999). Deslandes (sous presse), dans sa recension des écrits, fait ressortir quelques lignes directrices quant aux éléments qui devraient être contenus dans une formation initiale ou continue des enseignants. De Williams et Chavkin (1989) et de Pourtois et Desmet (1997), l auteure retient quatre volets, dont un personnel (c.-à-d., prise de conscience de la part des enseignants de leurs croyances, valeurs, compréhension de l école et de l importance des différences individuelles), un autre, pratique (c.-à-d., information sur les modes de participation parentale et sur l efficacité de chacun d entre eux, sur les habiletés de communication interpersonnelle et sur les problèmes potentiels à envisager lors de l implantation d un programme), un troisième, conceptuel (c.-à-d., théories, résultats de recherche et nature développementale de la participation parentale) et un quatrième, contextuel (c.-à-d., influence des contextes sur la collaboration école-famille-communauté). Peu d'auteurs, hormis les membres du groupe Harvard Family Research Project (Shartrand, Weiss, Kreider et Lopez, 1997), ont élaboré un modèle global de collaboration école-famille-communauté qui peut être appliqué lors de formations initiale et continue. Les objectifs de ce modèle visent à : (1) accroître les connaissances des enseignants; (2) améliorer leurs attitudes, et (3) développer des capacités d'intervention dans le cadre de la 11

collaboration entre l'école, les familles et la communauté. Ce modèle repose sur quatre approches pouvant être utilisées seules ou conjointement. Il s'agit de l'approche fonctionnaliste et des approches axées sur l automatisation (empowerment), les compétences culturelles et le capital social. Ce dernier modèle sert d assise à la formation offerte depuis deux ans à l UQTR aux étudiants de deuxième cycle (Deslandes, Cours sur l École et son milieu) et aux futures directions de la Commission scolaire Chemin-du-Roy (Deslandes, Cours sur le Leadership participatif, 2 e cycle). Deslandes et al. (2001) ont réalisé une étude auprès de 229 étudiants inscrits en 4 e année du baccalauréat en enseignement offert à l UQTR. La majorité des étudiants rapportent un manque d information et manifestent un faible sentiment de compétence relativement à l animation de rencontres parents-enseignants et d ateliers s adressant aux parents. Ils manquent aussi d information sur les stratégies efficaces pour favoriser la participation des parents et des membres de la communauté, sur l influence des caractéristiques démographiques sur la participation parentale et sur le rôle de la communauté dans le soutien à la mission de l école. Ce constat est davantage accentué chez les futurs enseignants au secondaire. L étude de Hoover- Dempsey et de ses collaborateurs (2000) montre qu une formation continue sur la collaboration école-famille peut contribuer à améliorer, chez les participants, le sentiment d efficacité propre à favoriser la participation parentale et leur croyance relative à l efficacité des parents pour aider leur enfant. 12

Une communauté éducative sous l angle des relations école-communauté Fondements en faveur de la collaboration école-communauté. Les écoles du XXI e siècle ne réussiront que si les enseignants sont prêts à faire face à un avenir sans cesse mouvant. Les changements démographiques qui touchent les familles, les exigences des milieux de travail et la diversité grandissante parmi les jeunes font qu il est impérieux d unir nos forces pour aider les jeunes (Cathey, 2000; McLaughlin, 2000; Sanders, sous presse). La communauté retient particulièrement l attention des chercheurs et des décideurs politiques quant à son rôle direct et indirect sur la socialisation des jeunes (Sanders, sous presse). Les écoles sont situées dans des communautés et elles jouent un rôle clé non seulement dans l amélioration des expériences de vie des individus mais aussi dans les efforts fournis pour améliorer le tissu social dans le voisinage et dans la communauté (Riehl, 2000). La collaboration école-communauté est associée au développement du capital social (Coleman, 1987) et aux occasions d apprendre offertes à tous les élèves. Coleman explique le capital social par les relations entre des gens qui partagent des attitudes, des normes et des valeurs qui conduisent à des attentes et à une confiance mutuelle (Cathey, 2000). Une diminution du capital social expliquerait une diminution de la qualité de la vie familiale et communautaire (White et Wehlage, 1995). Définition. La collaboration école-communauté réfère aux liens entre les écoles, les membres de la communauté, les organismes et les entreprises de la communauté qui soutiennent et favorisent directement ou indirectement la croissance et le développement social, émotionnel, physique et intellectuel des enfants et des adolescents (Sanders, sous presse). Il peut s agir du voisinage, d organismes communautaires, d entreprises, de groupes culturels, de centres locaux de services communautaires et autres services de santé, de centres de loisirs et d institutions, de municipalités, d universités, etc. (Deslandes, sous presse). Cette collaboration renvoi à des interactions sociales qui se produisent à l intérieur et à l extérieur de bornes physiques (Nettles, 1991). La communauté est définie en termes d effectif et de sentiment d appartenance (Wentzel, 1999). 13

Mécanismes de fonctionnement. Dans sa recension des écrits, Nettles (1991) a identifié quatre façons dont la communauté exerce son influence, soit par : (1) la conversion ou l habileté de la communauté à agir directement sur les buts et les croyances des élèves; (2) la mobilisation qui se produit lorsque les membres de la communauté deviennent des agents de changement (p. ex. : quand les parents s impliquent dans la direction de l école ou amorcent des changements liés au curriculum); ce sont alors des actions qui visent à accroître la participation des citoyens et des organisations dans le processus éducatif; (3) l allocation qui réfère à l élimination des obstacles à l accès aux ressources essentielles comme les services de santé, à l utilisation d incitatifs visant l atteinte de résultats positifs comme l obtention du diplôme d études secondaires (activités par lesquelles les acteurs communautaires procurent un ensemble de ressources aux jeunes) et (4) l enseignement sous forme de programmes de tutorat, de mentorat, de projets littéraires, d éducation parentale, etc. Les communautés ont des règles, des normes et des valeurs (Lightfoot, 1978). Les interventions des membres de la communauté favorisent le développement intellectuel des jeunes et l apprentissage des règles et des valeurs qui régissent les relations sociales dans la communauté. Obstacles. Plusieurs obstacles à la collaboration école-communauté ont été relevés, comme la crainte qu à l école d être jugée et exposée au regard social, de voir la surcharge actuelle en ce qui a trait à la tâche du personnel de l école augmentée à la suite d un partenariat avec la communauté, de même que les attitudes et les perceptions des éducateurs et des administrateurs. Certains perçoivent leur communauté comme étant indifférente aux jeunes et dépourvue de ressources pouvant contribuer au succès scolaire de ces derniers. S ajoute le désir des éducateurs de l école de protéger leur «territoire» et l information qu ils détiennent (Crowson et Boyd, 1993; Sanders, sous presse; Mawhinney 1998). Epstein (2001) parle plutôt en termes de défis qui consistent à : (1) lier les activités école-communauté aux objectifs d amélioration de l école; (2) aider les familles à identifier les programmes et les services dans la communauté qui peuvent répondre à leurs besoins; (3) établir des collaborations école-communauté bidirectionnelles de sorte que les écoles puissent offrir des services utiles à leur communauté et en recevoir de celle-ci. 14

Activités de collaboration école-communauté. Les activités de collaboration école-communauté peuvent être regroupées selon qu elles sont centrées sur (1) l'élève (récompenses, incitatifs, programmes de tutorat ou de mentorat, activités ayant un volet scolaire, culturel ou sportif); (2) la famille (ateliers pour parents, éducation aux adultes, counseling,; (3) l'école (matériel, équipement, projets d'embellissement de l'école dans son ensemble ou activités de développement pour le personnel) et sur la communauté et ses citoyens (expositions scientifiques, artistiques, actions de revitalisation dans la communauté). Dans l étude de Sanders (sous presse), la plupart des activités étaient centrées sur l'élève et un faible nombre, sur la communauté. L auteure a conclu à la nécessité de mettre sur pied des activités de collaboration qui apportent des bénéfices à la communauté. L ensemble des activités de collaboration école-communauté correspondent au type 6 de la typologie d Epstein précédemment mentionnée. A) Programmes parascolaires et fondements en leur faveur. Les programmes parascolaires représentent un sous-groupe d activités de collaboration école-communauté. Ils constituent un moyen qu a l école d intégrer les ressources, les habiletés et les talents de la communauté dans son curriculum. Ces programmes nous renvoient à la problématique des enfants ayant la clé au cou. Selon une étude de Vandell et Shumow (1999), les élèves de première et de troisième année laissés à eux-mêmes après l école seraient moins sociables et obtiendraient de plus faibles résultats scolaires que leurs pairs. Pour les adolescents, le manque de supervision peut affecter leur santé mentale et mener à l usage de la drogue, à des activités criminelles ou à un désintéressement en regard de l école. Il importe de préciser que le moment culminant pour les activités criminelles se situe entre 15 h 00 et 18 h 00 (CEC Today, 2001). Au Québec, depuis l avènement du Sommet du Québec et de la jeunesse, des montants d argent sont octroyés aux écoles pour appuyer des projets innovateurs préparés en partenariat avec des organismes du milieu (FCSQ, 2000). Quelques exemples de programmes. Dans leur revue de la documentation, Fashola (1998) et Wasik (1997) décrivent quelques-uns des programmes parascolaires pour lesquels un impact significatif a été rapporté, par exemple, des programmes de tutorat en lecture et de méthodologie du travail. Les écrits font aussi état d apprentissages-services qui correspondent à un type de programmes dans lequel les élèves 15

s engagent afin de répondre à des besoins locaux, régionaux, nationaux ou internationaux. Ces expériences sont intégrées au curriculum scolaire des écoles et comprennent quatre stades : préparation (connaître la communauté, choisir un problème, élaborer un plan d action), action, réflexion et célébration (Poudrier, 2001). Ces programmes diffèrent des services communautaires et des services bénévoles par leur recherche d équilibre ou de réciprocité entre les besoins de la communauté et ceux de l apprenant (Muscott, 2001; Rockwell, 2001). Les participants développent des habiletés interpersonnelles et une meilleure compréhension du monde et d eux-mêmes, un sens plus aigu de la justice et un désir de relever des défis. (Claus et Ogden, 1999; Jordan et Nettles, 1999). Il existe aussi des programmes de mentorat qui visent l établissement d une relation d aide significative entre un adulte bénévole et un élève à risque d abandon scolaire. Les buts sont en relation avec l actualisation de soi (p. ex. : estime de soi et confiance en soi); l apprentissage, la prévention du redoublement (p. ex. : attitudes plus positives envers l école et meilleurs résultats scolaires), et l amélioration du comportement. Certaines évaluations rapportent chez les participants de plus grandes aspirations scolaires, un plus faible taux d absentéisme et de meilleurs résultats en langue maternelle (Brown, 1996; McPartland et Nettles, 1991) alors que d autres ne sont pas concluantes (Théorêt, 1996). Conditions de succès. Les animateurs des activités sont souvent des bénévoles de la communauté. Il importe de cibler des individus enthousiastes, chaleureux et dotés des habiletés requises pour offrir un soutien aux jeunes (CEC Today, 2001; McLaughlin, 2000; Halper et al., 2001). Pour assurer une implantation efficace de programmes parascolaires, soit sur les lieux de l école, dans la communauté ou ailleurs, Fashola (1998) recommande de donner une formation aux bénévoles, puis de créer un programme global avec structure, d inclure des jeunes et leurs familles dans la planification et de prévoir l évaluation du programme. Évaluation des initiatives. Malgré les défis reliés à l école, au voisinage et à la famille, les adolescents impliqués dans des activités de type scolaire et offertes après l école réussissent mieux que leurs pairs. Ils sont plus optimistes, davantage conscients de leur valeur. Ils font preuve d une plus grande responsabilité 16

sociale et abandonnent moins l école spécialement lorsqu ils se sont engagés tôt dans les activités (Mahoney et Cairns, 1997). Les participants à des programmes parascolaires manifestent un taux d absentéisme moindre, une amélioration dans les habiletés sociales et dans le rendement scolaire de même qu une diminution du nombre de grossesses à l adolescence et de problèmes de délinquance ou de toxicomanie (CEC Today, 2001; Jordan et Nettles, 1999). De façon générale, les programmes parascolaires semblent plus bénéfiques aux enfants défavorisés, situés en milieux urbains ou dans des milieux à haut taux de criminalité, aux plus jeunes enfants et aux garçons (Vandell et Shumow, 1999). Défis des évaluations. Lorsqu il s agit d évaluer des programmes parascolaires, des a priori relativement au choix des enfants sont quasi inévitables. Parce qu ils préfèrent certaines activités, les enfants font leur choix en conséquence et témoignent donc d une plus grande motivation. De plus, plusieurs programmes ont comme cibles les enfants à risque qui performent moins bien au départ (Fashola, 1998; Vandell et Shumow, 1999). Fashola (1998) suggère quelques stratégies pour contrer ces a priori (p. ex. : assignation aléatoire). Frank et Walker-Moffat (2001) discutent des défis associés à l évaluation de 25 programmes parascolaires subventionnés au coût de 5,6 millions de dollars dans une même ville. Les programmes avaient donné lieu à 369 activités différentes. Les chercheures ont choisi de mesurer la qualité de l implantation du programme plutôt que son impact. Elles ont privilégié un modèle d évaluation basé sur l autonomisation (empowerment) et des stratégies traditionnelles quantitatives et qualitatives (sondage auprès des jeunes, groupes de réflexion de parents, observations sur le terrain et entrevues avec les directeurs de programmes). B) Intégration des services offerts aux élèves et à leurs familles et fondements en leur faveur. De nombreux cris d alarme sont lancés relativement à la complexité des problèmes des jeunes et de leurs familles (p. ex. : abandon scolaire, suicide, sida, violence). Le mouvement associé à l intégration des services aux élèves et à leurs familles a émergé à la suite du constat selon lequel la réussite scolaire et éducative d un enfant est compromise si ses besoins primaires ne sont pas comblés. Il importe de lier à la fois la réforme en éducation et la réforme des services proposés aux jeunes et à leurs familles. En solo, l école ne suffit plus. Le renfort concerté de partenaires est désormais une nécessité stratégique qui va 17

permettre d offrir des services complémentaires afin d améliorer le fonctionnement des élèves et de leurs familles. Ce constat de crise émane de trois perspectives intellectuelles : (1) une nouvelle écologie de l école et de la scolarisation (écoles, familles et voisinage); (2) une perspective d inverstissement dans les ressources (humaines et financières) en éducation et (3) un accent sur le développement de l enfant (Adelman, 1996; Burt et al., 1998; Crowson et Boyd, 1993; Dryfoos, 1994, 1998a, 1998b; Keith, 1996; MEQ, 1999; Sailor et Skrtic, 1996; Skrtic et Sailor, 1996; Smrekar et Mawhinney, 1999; U.S. Ed., 1996). Objectifs du mouvement. Le mouvement de l intégration des services vise à incorporer des services éducatifs, de bien-être et de santé dans un système unique de distribution dans lequel les éducateurs, les intervenants sociaux et les intervenants en santé collaborent entre eux pour offrir des services personnalisés aux enfants et à leurs familles (Calfee et al., 1998; Dryfoos, 1998; Sailor et Skrtic, 1996; U.S. Ed., 1995, 1996). Il s agit de rendre les services plus accessibles, d améliorer les études de cas, de mieux coordonner les ressources, de réduire la redondance et d accroître l efficacité dans la distribution des services (Adelman, 1996). Définitions. Différentes approches sont utilisées pour intégrer les services offerts aux élèves. Il peut s agir de services situés sur les lieux même de l école, liés à l école, ou d écoles communautaires avec services globaux et intégrés. Les services situés sur les lieux même de l école réfèrent aux services de santé physique et de santé mentale et aux centres de ressources familiales qui offrent des services de soutien, incluant l éducation parentale, une garderie après l école, des rencontres individuelles et des interventions en situation de crise. Ces services ne sont pas habituellement offerts par l école. Ils sont introduits par des agences externes. L école est alors l organisation centrale pour la location, l administration et l intégration des services. Pour les services liés à l école, cette dernière est un partenaire égal avec d autres agences de services engagées dans l entente-cadre. Les services sont soit offerts à l école ou dans un endroit situé près de l école ou coordonnés par le personnel de l école. Une école avec services intégrés regroupe des services éducatifs, médicaux, sociaux et humains afin de répondre aux besoins des jeunes et de leurs familles sur les lieux mêmes de l école ou dans des endroits facilement accessibles. Ces services de haute qualité se 18

retrouvent sur le continuum prévention, traitement et soutien (Dryfoos, 1994, 1998a, 1998b). L école est tout indiquée pour être le point de liaison à cause de sa relation unique avec les élèves et les familles (Doktor, 1996 ; Smrekar et Mawhinney, 1999; Wyatt et Novak, 2000). L école devient communautaire lorsqu elle est ouverte le soir, les fins de semaine et pendant la saison estivale (Dryfoos, 1994, 1998a, 1998b; Jackson et Davis, 2000). Ce concept d école communautaire avec services intégrés comprend donc la coordination des services de même que leur location. Obstacles. Les difficultés rencontrées par les initiatives d intégration des services ont été amplement documentées dans la littérature. Certains auteurs parlent de problèmes reliés aux attitudes des individus et des organisations, à la taille et à la complexité du système, à l ambiguïté des rôles, aux types de problèmes et au manque d information et d aide technique. L obstacle le plus persistant correspond aux attitudes des individus et des organisations rattachées à des facteurs historiques, législatifs et éducationnels. D autres auteurs parlent davantage en termes d obstacles liés au fonctionnement organisationnel tant sur le plan local, gouvernemental, étatique, privé et public, de problèmes administratifs tels les problèmes d espace, les politiques salariales, la négociation de nouveaux rôles et de nouvelles relations, le type de leadership, la planification, les programmes de développement professionnel et les procédures professionnelles entre elles, de problèmes de communication, de confidentialité et même de retrait d information. Des dilemmes de structures et de processus sont aussi rencontrés. Certains auteurs vont plutôt parler de continuum de coopération vers la collaboration et de coordination des services en fonction d un point sur le continuum de peu à beaucoup. Des problèmes rencontrés lors de la mise sur pied de l initiative sont décrits en termes de comportements compétitifs pour accéder au pouvoir et à l autonomie (Calfee et al., 1998; Crowson, 1998; Crowson et Boyd, 1993, 1996; Kagan et Neville, 1993; Smrekar et Mawhinney, 1999; Wyatt et Novak, 2000). Conditions facilitantes. Les leaders de la communauté, de l école et les parents doivent créer une vision commune de leur nouvel établissement. La planification demeure une étape importante et elle requiert du temps. Il faut préciser les buts, décider des services et des programmes qui seront offerts, en quelle quantité 19

et à qui. Il faut ainsi connaître les besoins et les ressources de la communauté (étude de besoins, inventaire des ressources; sondage, inventaire des services communautaires et des installations physiques et décider de quelles ressources on aura besoin (collaboration avec d autres écoles, d autres ressources communautaires, d autres volontaires, d autres professionnels). Le tout doit être précisé dans un plan d action. En ce qui concerne les écoles communautaires, les services provenant de la communauté doivent compléter ceux qui sont déjà accessibles dans l école. Le rôle de la direction d école est crucial dans l implantation et le fonctionnement de l école communautaire. La direction gère la restructuration de l école, fait en sorte que les partenaires communautaires se sentent à l aise dans l école et qu ils aient suffisamment d espace. Tous les membres du personnel doivent recevoir une formation axé sur le développement des jeunes, la diversité culturelle et à l autonomisation (empowerment) de la communauté. Un endroit doit être désigné dans l école pour servir de point d ancrage aux organismes communautaires. Pour contribuer au succès de ces efforts de collaboration, il faut des individus dans les différentes sphères des organisations qui aient à la fois des habiletés en communication, une compréhension des dynamiques organisationnelles et une habileté à exercer un jugement indépendant dans des situations non familières. Sur le plan national, un organisme de coalition entre les écoles communautaires constitue un atout intéressant (Calfee et al., 1998; Dryfoos, 1998a, 1998b; Kastan, 1998; McMahon et al., 2000). Mécanismes de fonctionnement. Où commencer? Dryfoos (1994, 1998) et Adelman (1996) décrivent différentes versions du processus de démarrage. Dryfoos met en lumière un processus orienté vers la communauté où une agence communautaire assume la responsabilité de l organisation et l administration de l initiative. Adelman décrit les composantes du processus de développement de programme qui met l accent sur le rôle central joué par le consultant externe. Ce dernier, fort d une formation sur les changements dans les systèmes agit comme catalyseur dans le cadre de la création d un nouveau système de distribution de services. Le consultant doit partir cependant une fois que le programme a été implanté (McMahon et al., 2000). Par contre, les écoles communautaires de la Children s Aid Society exigent l embauche d un coordonnateur de programmes à temps plein (WRDF, 2000). En partenariat avec la direction de l école, celui-ci prend la relève lorsque les classes sont terminées. 20

Modèles d intégration des services. Pour l État de la Floride, Calfee et al. (1998) rapportent plus de 350 différents modèles d écoles avec services intégrés. Chaque modèle unique est modulé par les besoins, les ressources et les réalités politiques des communautés. Voici quelques exemples de programmes qui ont acquis une certaine maturité : (1) «School-Based Youth Services Program», subventionné par le «New Jersey Department of Human Services» et situé sur les lieux de l école, qui offre cinq catégories d interventions visant à prévenir le décrochage scolaire : services en santé mentale (p. ex. : toxicomanie), services en santé physique, services de garderie et d éducation aux parents adolescents, services d aide à l emploi, et services sociaux et récréatifs; (2) Centres de ressources familiales et Centres jeunesse du Kentucky qui sont localisés dans l école ou près de celle-ci et (3) «New Beginnings» à San Diego, Californie, qui offre des services aux familles et à leurs enfants dans l école ou près de celle-ci. Des services additionnels sont dispensés par la communauté. On parle plutôt de colocation d agences de services dans un centre multiservice. Les «Beacons» de New York sont des centres dirigés par des agences de la communauté en collaboration avec la direction de l école et un comité consultatif communautaire. Ces structures offrent des programmes aux jeunes et aux familles ainsi que des services après les classes. Plusieurs ont des services de cliniques de santé, des programmes d emploi, des programmes artistiques et récréatifs (Burt et al., 1998; Dokor et Poertner, 1996; Dryfoos, 1998a, 1998b; Smrekar et Mawhinney, 1999; U.S. Ed., 1995). Les modèles plus récents d écoles communautaires réorganisent le volet scolaire et l intègre aux les volets intégration des services et développement de la communauté. Ils s inspirent de réformes globales en éducation. Les écoles communautaires de la Children s Aid Society prennent appui entre autres, sur les modèles suivants : «School Development Program» de Comer, élaboré en 1968 (Comer, Haynes et Joyner 1996; Michel, 1997); «Accelerated Schools Project» fondé par Levin en 1986 (Dryfoos, 1994, 1998; Michel, 1997); «Talent Development Middle School model», de Mac Iver (1994) (LaPoint et al., 1996; Mac Iver et Plank, 1996; Madhere et Mac Iver, 1996; McPartland et al., 1996; Plank et Young, 2000). L école communautaire selon le modèle de CoZi est également bien connue (Desimone et al., 2000; Dryfoos, 1998). Ce modèle combine le programme de «Développement social» de James Comer (participation parentale, équipe de santé mentale, changement du climat scolaire) et le modèle des écoles du 21

XXI e siècle de Zigler (1989) (garderie préscolaire et scolaire et soutien de la famille tout au long de l année sur les lieux mêmes de l école) (Dryfoos, 1998a, 1998b). Formation. De telles initiatives d intégration de services commandent des changements dans les rôles et les fonctions des intervenants. Les activités de spécialisation et la formation doivent être balancées par une perspective généraliste. La tendance actuelle est de contrecarrer la surspécialisation en mettant sur pied des programmes de formation interdisciplinaire afin de mieux équiper les professionnels dans leur nouveau rôle (Adelman, 1996). Ces derniers doivent acquérir de nouvelles compétences (p.ex. : en négociation et résolution de problèmes) et, par conséquent, leur formation a besoin d être modifiée (Doktor et Poertner, 1996). Évaluation des initiatives en intégration de services. Très peu d initiatives existent depuis plus de dix ans et, dans l ensemble, les évaluations sont disponibles à partir de rapports avec diffusion limitée. La plupart du temps, la mise en oeuvre de nouveaux projets est guidée par la description de projets déjà en place. (Burch et Palanski, 1995; Calfee et al., 1998; Dryfoos, 1994, 1998a, 1998b; OCDE, 1996). En général, il ressort que, malgré la difficulté de mise en place et d institutionnalisation, les écoles avec services intégrés contribuent à promouvoir une meilleure interface entre les systèmes de services humains et ceux de l école, à augmenter l utilisation des services et à affecter positivement les résultats auprès de jeunes à risque (McMahon et al., 2000). Jusqu à maintenant, les résultats disponibles semblent montrer une diminution du taux d absence des élèves en raison de troubles de santé mineurs comme des maux de tête ou des crampes prémenstruelles. Les clients des cliniques sont moins actifs sexuellement; ils utilisent davantage de contraceptifs; il y a moins de grossesses chez les adolescentes; les jeunes font moins usage de drogue et décrochent moins. Quant aux services liés à l école, ils sont plus efficaces quand ils sont concentrés sur des lieux mêmes de l école. Les élèves, les parents et les membres du personnel enseignant rapportent un haut taux de satisfaction à leur égard et apprécient leur accessibilité et l attitude bienveillante manifestée. Les évaluations des écoles communautaires sont plus nombreuses. Dans son rapport intitulé Evaluation of Community Schools : Findings to date, 2000, Dryfoos décrit l efficacité de 49 écoles communautaires. Elle 22