Impacts de la crise financière sur la Guinée



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2 ETUDE SUR L IMPACT DE LA CRISE FINANCIERE SUR LA GUINEE A la demande des Gouverneurs du Groupe des pays francophones du FMI et de la Banque Mondiale, la Banque Centrale de la République de Guinée présente quelques points de réflexion sur l impact de la crise financière sur la Guinée. En effet, compte tenu des phénomènes de mondialisation et surtout du caractère transfrontalier des opérations financières, nul pays ou zone n est à l abri de la crise financière née aux USA. Pour la Guinée, cette crise se transmet essentiellement par le système financier (notamment bancaire), le rapatriement des revenus des guinéens résidant à l Etranger, l Aide Publique au Développement (APD) et les Investissements Directs Etrangers (IDE) en Guinée. Cette étude analyse ces différents canaux de transmission de la crise, en mettant en exergue les risques liés à chaque canal. Il s agira, dans une première partie, de présenter l environnement financier guinéen, sa structure bilantielle, en mettant l accent sur les relations offshore, les risques liés à ces relations. La deuxième partie traitera les autres canaux de transmission de la crise. Enfin, dans une dernière partie, il sera abordé en termes de perspectives les efforts à déployer pour éviter ou contenir cette crise à travers une assistance financière ou une réglementation adéquate. I- ENVIRONNEMENT DU SYSTEME FINANCIER GUINEEN Le système financier guinéen est composé essentiellement du système bancaire, des compagnies d assurance, des institutions de microfinance, des bureaux de change et de l organisme de sécurité sociale. A noter qu il n existe pas de bourse en Guinée et que l institution postale n effectue

3 pas de services financiers à ce jour. Les compagnies d assurance, les institutions de microfinance et les bureaux de change sont faiblement exposés aux risques de la crise financière. L organisme de sécurité sociale, quant à lui, relève du domaine de l Etat avec une gestion classique de collecte des cotisations sociales et de versement des pensions de retraite aux salariés privés. Notre analyse portera donc sur le secteur bancaire. En effet, après la fermeture de toutes les banques d Etat en 1985, le système bancaire guinéen se compose aujourd hui de huit (8) établissements de crédit en activité. Trois banques viennent d être agréées. Ce qui porte à onze (11) le nombre d établissements de crédit agréés en Guinée. Ces banques sont toutes de droit guinéen. Elles sont toutes constituées sous forme de société anonyme à l exception d une seule constituée sous forme de société coopérative ou mutualiste. Les capitaux de ces banques appartiennent majoritairement (plus de 60%) à des personnes physiques et établissements bancaires, actionnaires de référence, étrangers en provenance notamment de la France (BNP PARIBAS et SG), du Maroc (Banque Centrale Populaire), de la Malaisie (International Commercial Bank) et de l Afrique de l Ouest (ECOBANK Transnational Incorporated, Groupe Financial). Ces banques entretiennent naturellement des relations d affaires avec leurs maisons mères, actionnaires de référence. Pour mieux cerner le degré d exposition aux risques, l analyse portera sur la structure bilantielle du système bancaire. I.1- Ressources Les ressources du système bancaire guinéen sont constituées en grande partie (81%) des dépôts de la clientèle, notamment des dépôts à vue. Ces dépôts appartiennent essentiellement aux personnes morales et physiques résidentes. A l exception des

4 ambassades et organismes et institutions financiers internationaux, très peu de ressources clientèle proviennent de personnes étrangères. 43% des ressources sont collectées en monnaies étrangères (USD et EUR essentiellement) auprès notamment des sociétés minières, des ONG, du système onusien, des producteurs de café et des PME étrangères. Cependant, le risque de change lié à ces ressources en devises est géré, en général, de manière prudente et conservatrice en regard de la volatilité des marchés. Les fonds propres représentent 12% des ressources des banques et sont essentiellement constitués des réserves, des provisions, du capital et des emprunts participatifs. Les opérations de trésorerie et interbancaire ne représentent que 3% des ressources des banques guinéennes. Ces ressources sont constituées pour 86% des emprunts auprès des correspondants étrangers. Les ressources interbancaires locales sont négligeables, dénotant le manque d opérations interbancaires. Structure des ressources des banques (en moyenne menseuelle de janvier 2007 au 30 septembre 2008) Opérations de trésorerie et interbancaires 3% -Emprunts aux correspondants étrangers 2% -Interbancaire locale 0% -Banque Centrale 0% -Marché Monétaire 0% Opérations avec la clientèle 81% -Dépôts à vue 72% -Dépôts à terme 9% Opérations sur Titres et opérations diverses 4% -Opérations sur titres 0% -Opérations diverses 4% Fonds propres 12% -Capital 3% -Réserves 5% -Autres 4% Total 100% I.2- Les emplois La plus grande partie (73%) des emplois des banques guinéennes demeurent ceux des opérations de trésorerie et interbancaire, dont :

5 27% des placements auprès des correspondants étrangers, qui sont des maisons mères actionnaires de référence, pour notamment honorer et garantir les opérations de commerce international ; 17% en caisses ou en comptes auprès de l Institut d Emission ; 29% de souscription en Bons du Trésor (BdT) et Titres Banque Centrale (Titres de Régulation Monétaire), pour les objectifs de financement des besoins de l Etat et des objectifs de politique monétaire ; Les opérations interbancaires locales et de marché monétaire sont négligeables. 46% des emplois de trésorerie et interbancaire sont en devises (USD et EUR essentiellement). Les crédits à la clientèle constituent 20% des emplois des banques guinéennes. Ces emplois sont essentiellement à court terme destinés au financement des opérations de commerce international, notamment l importation des produits pétroliers et des denrées alimentaires. Certains de ces crédits sont garantis par des banques européennes. Structure des emplois des banques (en moyenne mensuelle de janvier 2007 au 30 septembre 2008) Opérations de trésorerie et interbancaires 73% -Encaisses 5% -Intitut d'emission 12% -Banques étrangères 27% -Banqes locales 0% -BdT & TRM 29% -Marché Monétaire 0% Opérations avec la clientèle 20% -Crédits à Court Terme 14% -Crédits à Moyen et Long Terme 6% -Créances nettes en souffrance 0% Opérations sur Titres et opérations diverses 4% -Opérations sur titres 0% -Opérations diverses 4% Opérations immobilisées 3% -Immobilisations d'exploitation 3% -Immobilisations financières 0% -Participations 0% Total 100%

6 Les emplois sur titres et opérations diverses ne représentent que 4% de l ensemble des emplois. Tandis que les immobilisations d exploitation ne représentent que 3%. I.3- Opérations de hors bilan Les opérations de hors bilan représentent 30% du total bilan des banques. Elles sont constituées à hauteur de 77% des engagements par signature en faveur de la clientèle pour les cautions et avales et l ouverture des crédits documentaires importation. Toutefois, la pérennité des activités dans des conditions optima est d autant plus assurée que ces crédits documentaires, et en particulier les crédits documentaires sur le pétrole bénéficient de la confirmation des grands groupes bancaires européens. A l instar du bilan, aucune opération de marché de produits dérivés et de changes à terme ne figure en hors bilan. Au total, l essentiel des ressources des banques guinéennes proviennent des dépôts de clientèle. Ces ressources sont employées en grande partie pour le placement chez les correspondants étrangers, en souscription en BdT et Titres Banque Centrale et en crédits à court terme. Au demeurant, l activité des banques guinéennes demeure tournée autour des métiers de banque classique. I.4- Exposition aux risques Si la place guinéenne ne paraît pas exposée, pour l instant de manière sensible aux effets de la crise financière, à l exception d une banque qui a dû déplacer ses lignes de confirmation de crédits documentaires de la banque FORTIS, reprise par la BNP Paribas, les risques futurs demeurent non négligeables. Il s agit notamment de : 1. la défaillance d un actionnaire de référence et correspondant bancaire : les correspondants étrangers des banques guinéennes sont pour la plupart des actionnaires de référence, grands groupes bancaires internationaux basés en

7 Europe. Cependant, compte tenu du soutien des Etats européens à leurs banques, les risques pourraient être minimisés. 2. la baisse d activité de la banque liée au Crédit crunch mondial des sociétés minières sur les flux financiers de leurs filiales en Guinée (SMD, Russal, RIO TINTO, ). En effet, la crise pourrait entraîner des reports d investissement et par conséquent une baisse des entrées de devises en Guinée. 3. la diminution importante du prix du brut de pétrole, découlant visiblement de cette crise financière, même si cela est bénéfique à l économie nationale, aura une incidence sur le niveau des engagements par signature, et par conséquent sur les produits d exploitation des banques. II- LES EFFETS DE LA CRISE SUR LES FLUX DES CAPITAUX PRIVES. La transmission de la crise financière actuelle sur l économie réelle guinéenne pourrait se faire à travers la balance de paiements de la Guinée sur les Investissements Directs Etrangers (IDE), l Aide Publique au Développent (ADP) et le Transfert des émigrés. II.1 Les Investissements Directs Etrangers (IDE) Les flux des IDE en Guinée sont concentrés dans le secteur minier avec une contribution de 8,0% au PIB. Ces IDE sont essentiellement orientés dans l exploitation de la bauxite dont la Guinée détient les 2/3 des réserves mondiales, l exploitation de l or et du diamant ainsi que dans le développement des projets d exploitation des gisements de fer. Le montant total des IDE dans le secteur minier est projeté à USD 27 milliards sur la période 2007-2015. Rien qu en 2008, les IDE dans le secteur minier sont estimés pour USD 356,3 millions soit un accroissement remarquable de 36,0% par rapport aux flux enregistrés en 2007. La crise immobilière aux Etats Unis et la crise financière mondiale qu elle a engendrée pourraient frapper de plein fouet le secteur du bâtiment et l industrie, grande consommatrice de l aluminium. Déjà, on assiste à une chute drastique du cours de ce métal et de ses intrants (voir graphique ciaprès). Ainsi, de USD 2.905 la tonne en début du mois d Août de cette année, le prix à terme (3 mois) de l aluminium est passé à USD 1.910 à fin octobre 2008, soit une dépréciation de la cotation de plus de 52% en moins de trois mois. La chute du prix de

8 la bauxite et de l alumine que produit la Guinée pourrait être plus importante que celle de l aluminium. Cet effondrement du cours aura forcement des conséquences sur des projets d investissement des compagnies minières tant dans les projets en cours d exploitation que dans ceux en phase de démarrage. Un sondage effectué auprès des compagnies minières guinéennes a révélé que : La crise financière actuelle a eu un impact négatif sur l ensemble des cours des matières premières exploitées par ces compagnies. Même l or (exploité par deux des entreprises sondées) qui devrait constituer une valeur refuge en temps de crise, a vu ses cours s effondrer sous l action notamment de l appréciation du dollar américain. A court terme, les multinationales qui opèrent dans le secteur estiment qu il y aura une baisse du chiffre d affaires sur le dernier trimestre de 2008, baisse qui sera néanmoins compensée par les marges importantes réalisées au cours des trois premiers trimestres ainsi que par la baisse des coûts opératoires consécutive à la chute du cours du baril de pétrole. Ainsi, l impact à court terme de la crise sur le chiffre d affaires cumulé et les marges de l exercice 2008 sera moindre pour le secteur minier. A moyen terme, la baisse du prix des produits pétroliers sera insuffisante pour compenser la réduction des marges bénéficiaires. Ainsi, si la crise actuelle persiste, l exercice 2009 enregistrera une chute de l activité du secteur minier guinéen avec ses corollaires sur l emploi, les recettes fiscales minières (plus de 25% des recettes courantes) et sur l accumulation de réserves de changes. En outre, suite à la crise de liquidités, la majorité des

9 compagnies minières sondées évalue l augmentation du coût du crédit sur les marchés financiers internationaux de 1,0% à 1,5%. Ce renchérichement du crédit pourrait amener forcement les multinationales minières opérant en Guinée à revoir à la baisse leurs projets de renouvellement de l outil de production ou d extension. Dans l un ou dans l autre des cas de figures, la contribution du secteur minier dans le PIB diminuera à termes si les tendances actuelles perdurent. Les entreprises sondées impliquées dans des projets d exploration ou en phase de démarrage de l exploitation ont toutes marqué leur volonté de maintenir leur plan stratégique initial d investissement en estimant que la crise peut être passagère si les actions entreprises pour stabiliser les marchés sont poursuivies avec vigueur. Bien que des plus-values importantes auraient pu être engrangées au cours du dernier trimestre, l effet de la crise financière actuelle sur le flux des IDE miniers en Guinée sera moindre sur l exercice 2008. En revanche, dès l horizon 2009, l impact de la crise actuelle pourrait se ressentir par une diminution drastique des flux d investissements de renouvellement de l outil de production ou de renforcement des capacités de production du secteur minier guinéen. En ce qui concerne les nouveaux projets ou en phase de démarrage, l impact de la présente crise reste difficile à cerner dans la mesure où les multinationales minières affichent leur volonté de mettre en œuvre leur plan stratégique initial d investissement. II.2 L Aide Publique au Développent (ADP) Comme tout pays bénéficiaire d ADP, l intervention massive des autorités budgétaires dans les plans de sauvetage du système financier des pays donateurs peut susciter des inquiétudes quant au respect des engagements pris dans le cadre de l aide publique. Contrairement aux autres pays de l Afrique de l Ouest, la Guinée a

10 peu bénéficié de l ADP au cours des quatre dernières années. En effet, sur cette période, les flux d ADP représentent à peine 8% des recettes budgétaires contre une moyenne avoisinant 20% observée dans la sous-région. De même, dans sa balance de paiement, ces flux représentent 0,1% du PIB. Au vu de ces chiffres, l on pourrait estimer que la crise financière aura peu d impact sur les flux d ADP à la Guinée. Cependant, en se situant dans la dynamique d atteinte du point d achèvement de l Initiative PPTE que les autorités guinéennes se fixent comme objectif à fin décembre 2008, l on est fondé de se poser la question si les engagements d aides seront tenus dans un contexte de crise financière aigue. Ainsi, l impact à très court terme de la crise sur les flux d aides est marginal en Guinée. Néanmoins, sur le moyen terme, l impact de la crise pourrait se traduire par des engagements non tenus après que le pays ait consenti d énormes efforts pour l atteinte de ce point d achèvement. II.3 Les Transferts des émigrés La diaspora guinéenne forte de près de 2 millions d individus constitue une force économique considérable. En termes de transferts, cette communauté a réalisé USD 280,5 millions en 2007. Ce chiffre est projeté à USD 347,4 millions en 2008 soit une progression annuelle de 24%. Avec une contribution de 7,8% au PIB, les transferts des émigrés restent très importants et proches du flux des IDE. Contrairement aux autres canaux de transmission de la crise financière, l impact de la crise dans les pays développés sur le flux des transferts des émigrés est très immédiat. En effet, ces transferts qui sont assurés essentiellement sur des revenus salariés sont des premiers postes de dépenses qui sont supprimés en période d incertitudes. Or, une forte poussée du chômage suite à un ralentissement marqué de l activité économique dans les zones d immigration fait naitre des incertitudes qui aboutiront nécessairement à la réduction sinon à l assèchement de ces transferts.

11 III. LA VULNERABILITE DU SECTEUR REEL A LA CRISE FINANCIERE Avec un coefficient d ouverture de 30,5%, l économie guinéenne a toutes les caractéristiques d une petite économie fortement ouverte sur l extérieur. Ce degré élevé d ouverture expose le secteur réel guinéen et accroit naturellement sa vulnérabilité aux développements de la demande globale et plus particulièrement à ceux des marchés internationaux de matières premières (bauxite et or). De par le poids de la production minière dans son économie, la Guinée reste très vulnérable aux fluctuations internationales. En effet, les recettes fiscales minières représentent en moyenne 25% des recettes courantes de l Etat. Dans la balance de paiement, les recettes du secteur minier constituent, en moyenne, plus de 91% des recettes d exportation. Une diminution de 5% des recettes minières, toutes choses étant égales par ailleurs, augmente le ratio déficit budgétaire (hors dons)/pib de 10 points de base. Cette même diminution entraine une dégradation du ratio balance courante/pib de 140 points de base. Lorsque les recettes minières baissent de 10%, l impact sur les opérations financières de l Etat se traduit par une dégradation de 30 points de base du ratio déficit budgétaire (hors dons)/pib et de 280 points de base sur le ratio balance courante/pib. La dégradation des finances publiques et de la balance des paiements consécutive à la baisse du cours des seules recettes minières illustre suffisamment la vulnérabilité de l économie guinéenne aux chocs exogènes que pourrait provoquer la crise financière actuelle. Si cette baisse de revenus externes est combinée à une diminution des flux des IDE (8,0% du PIB) et des transferts des émigrés (7,8% du PIB), la crise financière pourrait avoir un impact considérable sur la croissance de la Guinée. L économie guinéenne, fragilisée par les conflits régionaux à ses frontières et par les crises sociales qui ont récemment secoué le pays, a réalisé des taux de croissance largement en deçà de la moyenne observée dans la sous-région. Les impacts négatifs de cette crise, si elle perdure, combinée aux effets néfastes de la flambée des prix des produits pétroliers et des denrées de première nécessité au

12 cours des trois premiers trimestres de l année, pourraient compromettre le processus de consolidation macroéconomique amorcé au début de l exercice 2008. IV- REGLEMENTATION Au regard des risques futurs de la crise financière, la Banque Centrale se doit de renforcer la réglementation du secteur bancaire. Le dispositif prudentiel actuellement en vigueur répond parfaitement aux normes et standards internationaux. A cet égard, l accent devrait être mis sur le contrôle de la liquidité des banques afin de prévenir l effet de la baisse d activité des grands projets miniers, la diminution des IDE et des APD sur les ressources des banques. La nouvelle instruction sur le coefficient de liquidité, qui sépare la liquidité GNF et devises devrait permettre de mener ce contrôle. En outre, la Banque Centrale devra renforcer le contrôle des risques de change, notamment par des mesures qualitatives permettant d éviter une prise de risque excessive sur les correspondants étrangers touchés par la crise financière. Enfin, la Banque Centrale devrait renforcer la réglementation sur la gouvernance d entreprise et sur celle relative au contrôle interne dans les banques. V- PUBLICATION ET DIFFUSION DES INFORMATIONS FINANCIERES De par la Loi, chaque établissement de crédit publie chaque année ses comptes annuels certifiés dans le journal officiel et dans des journaux à large diffusion. Toutefois, le pilier III du nouvel accord de Bâle commande que cette publication soit étendue au profil de risque des banques. Bien que Bâle II ne soit pas encore en vigueur en Guinée, la Banque Centrale devrait s atteler à mettre ce dispositif de publication en place. VI- RECOMMANDATIONS A la lumière des constats faits, il résulte que la crise financière pourrait ne pas avoir à court assez d impact sur le secteur financier guinéen.

13 A moyen et long terme, le secteur réel, à travers la diminution des IDE, des APD et du rapatriement des émigrés guinéens, pourrait connaitre un impact évident qui aura des répercussions négatives sur le secteur bancaire en termes d activités. Il est aussi important de souligner la nécessité de poursuivre les efforts d assainissement des finances publiques afin de stabiliser la situation macroéconomique. Face à ce constat, les autorités monétaires de notre région devraient renforcer la coopération en vue d un contrôle prudentiel coordonné de la liquidité et de la solvabilité des banques. En outre, avec le déséquilibre de la balance des paiements occasionné par la crise financière, l assistance du FMI aux PVD, notamment aux PMA, devrait être accrue et hautement concessionnelle. LA BANQUE CENTRALE