Régulation du système de santé

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Transcription:

Régulation du système de santé Rôle des acteurs, organisation de l offre, concurrence et planification, modes de paiements : Quelles leçons tirer de l émergence de nouvelles approches de la régulation des services publics en réseau? Quel apport potentiel de l analyse économique?

Objectifs fondamentaux d un système de santé cf.m.mougeot, 2015 Etablir un bon arbitrage entre le bénéfice social de la qualité des soins et de l état de santé de la population et le coût imposé à la société pour cela: i.e.assurer l efficacité «allocative» Assurer l efficacité productive (minimiser le coût de fourniture des soins pour leur niveau de qualité) Assurer l équité d accès aux soins Au niveau des principes, mêmes objectifs fondamentaux que pour les autres services publics de réseaux mais, outre l acuité «sociale» des enjeux de santé, complexité résultant de leur double-dimension «gestion des risques» et production-achat de soins.

La gestion des services publics de réseaux Le monde d avant Fondement: services essentiels engageant de forts coûts fixes (ie. situations de «monopole naturel»: libre-concurrence inefficace ou impraticable) monopoles publics ou «utilities» privées, régulés Plus généralement, prééminence de la réglementation et des mécanismes de planification quantitative, jugés nécessaires pour assurer l équité, contrôler ou répartir l offre professions réglementées, mécanismes de tour de rôle Régulation économique: Contrôle des prix Evaluation des grands programmes d investissement (ACB)

Les raisons d une remise en cause Convergence de critiques à partir des années 80: Sur la rigidité de l offre et son décalage croissant par rapport aux attentes de la société ou l évolution des technologies (ex: mobiles), Choix technologiques biaisés, Incapacité à définir des priorités compte-tenu de la multiplicité des objectifs poursuivis, Rentes indues associées aux réglementations des quantités, et, surtout, insuffisance des incitations à minimiser les coûts, à innover dans l organisation des services. En un mot, caractère virtuel de l efficacité attendue des mécanismes de régulation traditionnels Nécessité d une vision plus réaliste, reconnaissant les avantages et inconvénients des marchés, et de la gestion publique, et analysant en conséquence les arbitrages à réaliser (notion de proportionnalité, besoin d instruments diversifiés)

Un nouveau «design» de la régulation J.Tirole, 2015 Accroissement des incitations à l efficacité, grâce à l introduction de mécanismes de partage des gains d efficacité, notamment l usage de prix-plafonds pluriannuels («IPC-X%») imposant à l entreprise régulée une borne supérieure sur le prix moyen de ses services Ouverture à la concurrence de certains segments d activités, avec régulation des conditions de l accès aux «infrastructures essentielles» (ex: boucle locale télécoms) Remise à plat des structures tarifaires (ex. entre abonnement, appels locaux/ld) pour mieux orienter la demande, mais aussi le développement des infrastructures (les investisseurs considèrent forcément les seuls segments «rémunérateurs» ) Transfert de la régulation économique vers des régulateurs indépendants (ARCEP, CRE, ARAFER )

Pour mémoire: influence dans le secteur de la santé Incitations à contrôler les coûts par des contrats à prix fixes: paiement prospectif au cas (DRG), Fundholders Remise à plat des structures tarifaires (cf.tarmed) Concurrence régulée: génériques; LAMal suisse (avec obligations de s assurer, d assurer, paquet de prestations régulé, franchises, mécanisme de compensation des risques ) Mais, «dans tout système de santé, la question délicate est celle de la maitrise des dépenses», avec comme fonction essentielle «l ACHAT DE SOINS». cf. A.Holly, 2015 Comment arbitrer et alléger les conflits d objectifs entre: -réduction des coûts, -qualité des soins, -non-sélection des patients -rentes laissées aux producteurs?

L apport de l analyse économique: principes pour construire des régulations efficaces La qualité du service, la pertinence des choix de production ou d organisation, l importance des «efforts» ne sont jamais parfaitement mesurables ou vérifiables de l extérieur (cf. problème des case-mix): le coût est-il élevé parce que cas plus lourds ou effort insuffisant? Les règles de paiement construites en ignorant ces «asymétries d information» s avèrent très inefficaces (cf. cost-plus, fair rate of return) On peut cependant alléger les conflits d objectifs dans le cadre de contrats incitatifs, responsabilisateurs. Mais ceci ne peut se faire de manière naïve: plus les incitations sont fortes, plus les profits potentiels sont élevés, ou les risques de réduire la qualité, sélectionner ou transférer les patients, délaisser les tâches moins rémunérées (Germinal E Zola) Il faut donc accompagner la mise en place des mécanismes incitatifs d un meilleur contrôle de ces risques, et aussi, admettre que, pour la santé, les incitations doivent être renforcées mais ne peuvent être aussi fortes que dans d autres secteurs

Exemple de contrat (un peu) plus élaboré Tarifs à deux composantes de Medicare Paiement Cost-plus Prix prospectif «Outliers» Coût observé (Mougeot-Naegelen, 2009)

Les institutions: rôle des régulateurs indépendants Organiser l accès aux équipements critiques pour le fonctionnement de l organisation choisie des marchés (segmentation de l offre, type de concurrence -«sur» versus «pour» le marché, par les prix ou la qualité-, non discrimination, neutralité ); en fixer le prix et contrôler sa qualité Fixer (approuver) les prix des segments en monopole Organiser les conditions de fourniture des «obligations de service public» (ex. enchères négatives) ou de service universel (rémunération), dont le financement ne devrait ou ne peut plus l être par des subventions croisées opaques Missions précises, accordant une attention forte à l efficacité productive et au long-terme (cf. investment ladder), Indépendance, car les gains d efficacité attendus d incitations plus fortes nécessitent la confiance dans la capacité du régulateur à tenir ses engagements (cf. a contrario, cycles tarifaires, ratchet/hold-up) «Level playing field» (exnational Express, BT-Mercury)

Retour d expérience Réformes plus faciles pour des services «marchands», dans un contexte de progrès technique procurant «spontanément» des gains d efficacité et un élargissement des services offerts Choix («d architecture» mais aussi des modalités très pratiques de mise en œuvre) à établir au cas par cas (ex. séparations infrasservices vs interconnexion, FAI vs investissement, modalités dégroupage; rôle du régulateur de règlement des différends ) Nécessité de cadres et institutions solides, construits rigoureusement (cf. analyses de marchés, livres blancs, correctionscf DRG Chirurgie), suffisamment crédibles pour stimuler les investissements mais évolutifs pour intégrer l évolution de la demande et des technologies (cf. AdP, marchés biface, numérique)