Item 124. Ostéopathies fragilisantes - Pr. B.Bannwarth, Service de Rhumatologie, Pellegrin -

Documents pareils
Evaluer le risque fracturaire: l outil FRAX (Fracture Risk Assessment Tool)

Traitement de l ostéoporose post-ménopausique Janv ier 2006 TRAITEMENT MEDICAMENTEUX DE L OSTEOPOROSE POST-MENOPAUSIQUE RECOMMANDATIONS

DENSITOMÉTRIE OSSEUSE : CE QUE LE RADIOLOGUE DOIT SAVOIR

Ostéoporose chez l homme

LA LOMBALGIE CHRONIQUE : Facteurs de risque, diagnostic, prise en charge thérapeutique

GUIDE D INFORMATIONS A LA PREVENTION DE L INSUFFISANCE RENALE

I - CLASSIFICATION DU DIABETE SUCRE

Le diagnostic de Spondylarthrite Ankylosante? Pr Erick Legrand, Service de Rhumatologie, CHU Angers

INTERET PRATIQUE DU MDRD AU CHU DE RENNES

TRAITEMENT MEDICAMENTEUX DE L OSTÉOPOROSE CORTISONIQUE

Quoi de neuf dans la prise en charge du psoriasis?

Cinq stratégies essentielles pour prendre soin de ses os après 50 ans.

Spondylarthropathies : diagnostic, place des anti-tnf et surveillance par le généraliste. Pr P. Claudepierre CHU Henri Mondor - Créteil

SYNDROME DU TUNNEL CARPIEN, EPICONDYLITE ET TRAVAIL : POINT DE VUE DU RHUMATOLOGUE

LES DOULEURS LOMBAIRES D R D U F A U R E T - L O M B A R D C A R I N E S E R V I C E R H U M A T O L O G I E, C H U L I M O G E S

LIGNES DIRECTRICES CLINIQUES TOUT AU LONG DU CONTINUUM DE SOINS : Objectif de ce chapitre. 6.1 Introduction 86

Implantologie et Bisphosphonates

Ordonnance du DFI sur les prestations dans l assurance obligatoire des soins en cas de maladie

OSTÉOPOROSE PRÉVENIR ET AGIR À TOUT AGE

Accidents des anticoagulants

7- Les Antiépileptiques

sur les fractures Didier Hannouche Service de Chirurgie Orthopédique Hôpital Lariboisière

Migraine et céphalées de tension: diagnostic différentiel et enjeux thérapeutiques

Utilité clinique du dosage de la vitamine D

Tableau récapitulatif : composition nutritionnelle de la spiruline

Pathologies osseuses

La migraine. Foramen ovale perméable. Infarctus cérébral (surtout chez la femme)


Les Jeudis de l'europe

1- Parmi les affirmations suivantes, quelles sont les réponses vraies :

Réflexions sur les possibilités de réponse aux demandes des chirurgiens orthopédistes avant arthroplastie

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE AVIS. 10 mai 2006

Anatomie. Le bassin inflammatoire. 3 grands cadres. 4 tableaux. Spondylarthrite ankylosante. Spondylarthrite ankylosante 26/10/13

Les nouveaux anticoagulants oraux, FA et AVC. Docteur Thalie TRAISSAC Hôpital Saint André CAPCV 15 février 2014

Item 215 : Rachialgies

Ostéoporose au cours des hépatopathies chroniques en 2006

Collection Soins infirmiers

E04a - Héparines de bas poids moléculaire

Fibrillation atriale chez le sujet âgé

LE GRAND LIVRE Du. Pr Jean-Jacques Altman Dr Roxane Ducloux Dr Laurence Lévy-Dutel. Prévenir les complications. et surveiller la maladie

Item 182 : Accidents des anticoagulants

LISTE DES ACTES ET PRESTATIONS - AFFECTION DE LONGUE DURÉE HÉPATITE CHRONIQUE B

Sujets présentés par le Professeur Olivier CUSSENOT

Trucs du métier. L arthrite psoriasique en l absence du psoriasis. clinicien@sta.ca. Avez-vous un truc? Son épidémiologie et son expression

Actualisation de la prescription en biologie rhumatologie

HERNIE DISCALE LOMBAIRE

LE PSORIASIS ET SES CO-MORBIDITES PARTICULIEREMENT LE DIABETE

Item 154 : Tumeurs des os primitives et secondaires (Évaluations)

Assurance Maladie Obligatoire Commission de la Transparence des médicaments. Avis 2 23 Octobre 2012

Problèmes locomoteurs

Livret des nouveaux anticoagulants oraux. Ce qu il faut savoir pour bien gérer leur utilisation

Lombosciatalgie aigue et chronique Quelle prise en charge? Dr Azizi Fatima Rabat

Le reflux gastro-oesophagien (280) Professeur Jacques FOURNET Avril 2003

LES TROUBLES MUSCULOSQUELETTIQUES. Le 2 décembre 2008

Généralités sur fractures, luxation et entorses

TRAUMATISME CRANIEN DE L ENFANT : conduite à tenir?

PROCEDURE D EVALUATION ET DE PREVENTION DU RISQUE DE CHUTE ET DE MAINTIEN DE LA MOBILITE

La dysplasie fibreuse des os

Guide du parcours de soins Titre ACTES ET PRESTATIONS AFFECTION DE LONGUE DURÉE. Hépatite chronique B

Diagnostic différentiel des infections ostéoarticulaires

Contraception après 40 ans

Unité d enseignement 4 : Perception/système nerveux/revêtement cutané

HERNIE DISCALE LOMBAIRE

ÉVALUATION DE LA PERSONNE ATTEINTE D HYPERTENSION ARTÉRIELLE

LE RACHIS : UNE ENTITE COMPLEXE IMPORTANTE A PRESERVER

Atelier N 2. Consultation de patientes porteuses d une maladie générale

QU EST-CE QUE LA PROPHYLAXIE?

Professeur Diane GODIN-RIBUOT

Surpoids et obésité de l adulte : prise en charge médicale de premier recours

Le syndrome de Cushing

Ordonnance collective

Pharmacologie des «nouveaux» anticoagulants oraux

Consolidation osseuse et biotechnologies État des lieux. Prof. L. GALOIS Centre Hospitalier Universitaire de NANCY

HEPATITES VIRALES 22/09/09. Infectieux. Mme Daumas

Information pour les patients dialysés qui prennent du chlorhydrate de sévélamer (RENAGEL)

RÉFÉRENCES ET RECOMMANDATIONS MEDICALES

Traitement des Pseudarthroses des Os Longs par Greffe Percutanée de Moelle Osseuse Autologue Concentrée

L APS ET LE DIABETE. Le diabète se caractérise par un taux de glucose ( sucre ) trop élevé dans le sang : c est l hyperglycémie.

Plan. Introduction. Les Nouveaux Anticoagulants Oraux et le sujet âgé. Audit de prescription au Centre Hospitalier Geriatrique du Mont d Or

Arthralgies persistantes après une infection à chikungunya: évolution après plus d un an chez 88 patients adultes

L exercice à la retraite. Dr. Bich-Han Nguyen Résidente II, Physiatrie Université de Montréal

Psoriasis et travail dans le BTP. Pr E. Delaporte

27 ème JOURNEE SPORT ET MEDECINE Dr Roukos ABI KHALIL Digne Les Bains 23 novembre 2013

I. TECHNIQUES DE RÉÉDUCATION ET DE RÉADAPTATION 1. KINÉSITHÉRAPIE PASSIVE : PAS D ACTION MUSCULAIRE VOLONTAIRE DU PATIENT

Grande journée de Charleroi. Cas cliniques en biologie clinique: quoi de neuf docteur? M.Lambert

Les fractures de l extrémité inférieure du radius (238) Professeur Dominique SARAGAGLIA Mars 2003

LA TUBERCULOSE Docteur ALAIN BERAUD

Diabète de type 1 de l enfant et de l adolescent

La maladie de Still de l adulte

Carte de soins et d urgence

Grossesse et HTA. J Potin. Service de Gynécologie-Obstétrique B Centre Olympe de Gouges CHU de Tours

La prise en charge de votre polyarthrite rhumatoïde

Item 169 : Évaluation thérapeutique et niveau de preuve

Laurence LEGOUT, Michel VALETTE, Henri MIGAUD, Luc DUBREUIL, Yazdan YAZDANPANAH et Eric SENNEVILLE

DÉFICITS IMMUNITAIRE COMMUN VARIABLE

Hémostase et Endocardite Surveillance des anticoagulants. Docteur Christine BOITEUX

La Dysplasie Ventriculaire Droite Arythmogène

Migraine et Abus de Médicaments

Votre guide des définitions des maladies graves de l Assurance maladies graves express

L arthrose, ses maux si on en parlait!

Transcription:

Item 124. Ostéopathies fragilisantes - Pr. B.Bannwarth, Service de Rhumatologie, Pellegrin - Objectifs 1. Diagnostiquer une ostéoporose, évaluer le risque fracturaire 2. Argumenter l attitude thérapeutique devant une ostéoporose et planifier le suivi du patient 3. Diagnostiquer une ostéomalacie et connaître les principes du traitement d une ostéomalacie carentielle

Ostéopathies fragilisantes Découvertes à l occasion d une fracture par insuffisance osseuse (traumatisme mineur, voire fracture d allure spontanée), de douleurs et autres symptômes liés à l affection causale (Cushing, myélome, HPT primaire, ), d un bilan systématique Le plus souvent liées à des ostéopathies déminéralisantes diffuses (ostéoporose, ostéomalacie, HPT primaire, myélome, ostéodystrophie rénale, mastocytose osseuse, ostéogénèse imparfaite ou maladie de Lobstein) et, bien plus rarement, à des ostéopathies condensantes diffuses (ostéoses fluorées, ostéopétroses, voire certaines ostéodystrophies rénales, ) L ostéoporose est la plus fréquente,mais non la seule, ostéopathie fragilisante associée à une déminéralisation diffuse du squelette

Définition OMS de l ostéoporose Maladie diffuse du squelette caractérisée par une diminution de la masse osseuse et des altérations de la micro-architecture du tissu osseux, responsables d une augmentation de la fragilité osseuse et d un risque élevé de fracture (pour un traumatisme faible = chute de sa hauteur en marchant ou équivalent) C est la plus fréquente des ostéopathies fragilisantes mais son diagnostic nécessite l élimination préalable des autres causes de déminéralisation (ostéomalacie, affections déminéralisantes métaboliques et malignes)

Solidité de l os = masse osseuse + qualité de l os

Absorptiométrie biphotonique aux rayons X (DXA) = technique de référence pour la mesure de la DMO Elle évalue la masse osseuse sur 2 sites : - le rachis lombaire (L1-L4, en excluant toutefois les vertèbres fracturées) - extrémité supérieure du fémur (col) Intérêt de cette double mesure : - prédominance de l os spongieux (trabéculaire) au rachis - proportion plus importante d os cortical à l ESF - mesure au rachis peut être surestimée par la présence de lésions arthrosiques rachidiennes ou de calcifications aortiques

Expression des données densitométriques La densité minérale osseuse (DMO) est mesurée en g/cm 2. Sa valeur diminue quelle que soit l étiologie de la pathologie déminéralisante +++ Expression de la DMO en T ou Z-scores : ces scores correspondent au nombre d écarts-types (+ ou -) entre la DMO d un sujet donné et la DMO moyenne au même site dans la population normale de référence de même sexe - Z-score : se rapporte à la valeur moyenne dans la population générale de même âge - T-score : se rapporte à la valeur moyenne chez l adulte jeune, ie, au pic de masse osseuse (20-30 ans)

Expressions des données de l ostéodensitométrie

Expression des données de la DMO dans le cadre du bilan d une ostéoporose potentielle T-score > -1 : densité normale T-score < -1 et > -2,5 : «ostéopénie» (en principe, n a pas de signification pathologique. Mais quand survient une fracture après un faible traumatisme, ce score est compatible avec un diagnostic d ostéoporose fracturaire) T-score -2,5 : ostéoporose T-score -2,5 et une ou plusieurs fractures par fragilité osseuse : ostéoporose sévère

Comprendre la DMO Une DMO basse ne suffit pas au diagnostic d ostéoporose : un T-score < -2,5 peut se voir dans un myélome, une HPT primitive, une ostéomalacie, des métastases osseuses diffuses d un K sein, La DMO est insuffisante pour évaluer le risque fracturaire individuel puisqu elle dépend de la masse osseuse uniquement : - possibilité de fracture par fragilité malgré un T-score > -2,5 (mais si > -1, remettre le diagnostic en question). Inversement, nombreux sujets avec un T-score < -2,5 sans jamais faire de fracture - A T-scores équivalents (ie, à masses osseuses équivalentes), risque de fracture variable selon les sujets

Risque fractures / 1000 personnes année Le risque de fracture varie en fonction de l âge à masse osseuse (DMO) identique 160 140 Age (années) 80+ 120 100 75-79 80 60 40 20 0 50-54 45-49 <45 70-74 65-69 60-64 55-59 >1.0 0.90-0.99 0.80-0.89 0.70-0.79 0.60-0.69 <0.60 Masse osseuse (g/cm 2 ) Hui SL et al. J Clin Invest 81:1804-1809; 1988

Interprétation de la DMO : évaluation du risque fracturaire individuel Globalement, toute diminution de la DMO d un écarttype (10-15%) ~ double le risque de fracture. Individuellement, pour une valeur donnée de la DMO (pour un T-score donné), le risque de fracture (RF) varie avec les principaux facteurs suivants: - antécédent personnel de fracture par fragilité +++ - âge : doublement du RF pour chaque décennie après la ménopause - antécédent maternel de fracture par fragilité - IMC < 19 - corticothérapie systémique prolongée => La DMO intervient pour < 45 % dans le RF

Quand demander une mesure de la DMO par DXA? En présence de facteurs de risque d ostéoporose, en particulier chez la femme ménopausée : en l absence d événement osseux ou toute autre circonstance prédisposante, la DMO doit plutôt être réalisée > 60 ans En cas de fracture après un traumatisme de basse énergie (simple chute de sa hauteur, traumatisme mineur ou «absent») Lors de l introduction d un traitement prolongé par des médicaments déminéralisants (corticothérapie systémique, anti-aromatases, analogues de la GnRH ou Gonadotrophine releasing hormone, anti-androgènes) surtout s il existe d autres facteurs tels que la ménopause

Prévalence de l ostéoporose «densitométrique» en fonction de l âge

Épidémiologie de l ostéoporose * ~ 50% des femmes > 75 ans * Sur 100 femmes parvenant à l âge de la ménopause, 40 feront une fracture ostéoporotique dans leur vie : 18 fracture de l extrémité sup du fémur (82 ans) 16 fracture vertébrale (64 ans) 16 fracture du poignet (60 ans) 3 millions de femmes en France

Facteurs influençant la masse osseuse Facteurs génétiques : Le risque d ostéoporose est plus élevé chez les Asiatiques > Caucasoïdes, que dans les populations noires (faible risque) L héritabilité du pic de masse osseuse est de 60 à 80 % Le risque d ostéoporose est important chez les descendants de sujets ostéoporotiques Facteurs anthropométriques : Le poids (IMC) est un déterminant important de la masse osseuse La petite taille, le faible poids et un IMC bas sont associés à un risque accru d ostéoporose

Facteurs influençant la masse osseuse Activité physique : Une activité physique régulière (en charge+++) augmente l acquisition de masse osseuse durant la croissance et participe au maintien du capital osseux chez l adulte La sédentarité est associée à un risque accru d ostéoporose Des périodes d immobilisation prolongée (à la suite de fractures par ex) Alimentation : La carence d apports calciques (produits laitiers) limitent l acquisition de masse osseuse durant la croissance et favorise la perte osseuse chez l adulte

Facteurs influençant la masse osseuse Le déficit en vitamine D : Freine la croissance osseuse et favorise la perte osseuse chez l adulte Favorisé par un ensoleillement insuffisant, une carence d apports alimentaires Facteur particulièrement important chez le sujet âgé

Conséquence de la carence en vitd tendance à l hypocalcémie mais aussi hyperpth secondaire insuffisance musculaire os = 99% des réserves de Ca perte de masse osseuse troubles statiques l ostéoporose et action des bisphosphonates risque chute

Ostéoporose - facteurs favorisants - Endocriniens : carence estrogénique +++ ; hypogonadisme masculin ; hyperparathyroïdie; hypercorticisme, hyperprolactinémie, hyperthyroïdie Constitutionnels : ethnie, génétique, IMC bas Médicaments : corticoïdes, anticonvulsivants, inhibiteurs de l aromatase, glitazones, analogues de la GnRH (K prostate ou sein, endométriose) Toxiques : alcool, tabac Inflammation chronique : RIC (PR, SA), MICI Divers : sédentarité, immobilisation prolongée, carence Vit D, Ca

Évolution de la masse osseuse au cours de la vie Pic de masse osseuse Ménopause

Ostéoporose post-ménopausique - physiopathologie - Carence estrogénique : accélération du renouvellement osseux dans la décennie postménopause (résorption > formation) Vieillissement : activité ostéoblastique ± hyperparathyroïdie secondaire (carence Ca & vitamine D) Au total : perte osseuse de 30-50 % (spongieux > cortical) fracture chez 40 % des femmes > 50 ans, notamment poignet (60 ans), vertèbres (64 ans) et ESF (82 ans)

Ostéoporose masculine - traits distinctifs - Moindre fréquence/femme : 1 homme sur 5 après 50 ans (absence de la cassure dans l évolution courbe de DMO en fonction de l âge) Ostéoporose secondaire dans > 50 % des cas Ménopause mise à part, étiologies identiques, avec plus forte prépondérance de certaines causes toxiques (alcool) et génétiques/métaboliques (hémochromatose) Fractures ostéoporotiques associées à une plus grande morbidité et mortalité

Fractures ostéoporotiques - facteurs de risque - Sévérité de l ostéoporose : masse osseuse (DMO) et architecture (anastomoses entre les travées) Chutes (sauf vertèbres) : favorisées par affections concomitantes, ostéo-articulaires, neurologiques, ophtalmologiques, causes domestiques médicaments (sédatifs) => La prévention des fractures ne se limite pas au traitement de l ostéoporose

Ostéoporose - circonstances diagnostiques - L ostéoporose est asymptomatique quand elle n a pas donné lieu à une fracture +++ Deux circonstances diagnostiques : fracture secondaire à un traumatisme mineur (poignet, ESF, côte, bassin, métatarsien), voire absent (vertèbre < T4). Tous les sites peuvent être concernés SAUF crâne, mains, orteils, cheville, rachis cervical et thoracique haut détermination de la DMO : justifiée si femme ménopausée à risque (cf facteurs favorisants)

Fractures de l extrémité inférieure des avant-bras Typiquement, fracture la plus précoce dans l histoire de l ostéoporose (60 ans) Souvent considérée comme une fracture traumatique banale (après chute de sa hauteur) d évolution simple, ne laissant ~ aucune séquelle. En réalité, Signe d alerte : tournant évolutif dans l ostéoporose post-ménopausique => risque accru de survenue d autres fractures ostéoporotiques, notamment vertébrales (RR = 9) et ESF (RR = 2)

Fracture vertébrale ostéoporotique Typiquement révélée par un «syndrome fracturaire» (douleur vive, invalidante, à la mobilisation ou la mise en charge, au decubitus) apparu après un effort mineur, mais fréquence des formes peu symptomatiques, voire méconnues Pas de manifestations neurologiques (tels qu un syndrome lésionnel ou sous-lésionnel, atteinte radiculaire isolée ou queue de cheval) Evolution spontanément favorable, avec une consolidation en 6-8 sem, mais persistance du tassement (=> cyphose, taille) et fréquence des récidives (50% des fractures ultérieures surviennent dans les 3 ans qui suivent la 1 ère fracture)

Fracture vertébrale ostéoporotique - caractéristiques radiologiques - Fracture du corps vertébral allant du simple enfoncement d un plateau à un aspect cunéiforme, voire en «galette» Respect des contours de la vertèbre, sans lyse, ni atteinte de l arc postérieur Sur un fond de déminéralisation, plus ou moins marquée, sans atteinte suspecte des vertèbres sus et sous jacentes

CAT devant un tassement vertébral Bilan clinique, biologique et RX IRM si argument pour une fracture symptomatique ou devant des troubles neurologiques Traitement symptomatique : Repos relatif au lit Antalgiques En l absence de sédation de la symptomatologie douloureuse dans un délai de 6 à 8 semaines, une injection de ciment chirurgical dans le corps vertébral fracturé (cimentoplastie)??? Traitement de l ostéoporose

Fracture vertébrale «spontanée» Ostéoporose = diagnostic d élimination ostéoporose cancer du sein myélome Au dessus de T5, un tassement doit être considéré jusqu à preuve du contraire comme symptomatique (cancer, myélome )

Conséquence des fractures vertébrales perte de taille raccourcissement du tronc Cyphose et rachialgie chronique troubles compensateurs de la statique

Fractures de l extrémité supérieure du fémur Survient généralement > 75 ans (> 80 ans, en pratique) Après une chute de sa hauteur, douleur et impotence fonctionnelle complète (mais il existe des fractures «lentes») Grevée d une lourde morbidité (complications immédiates et médiates avec perte d autonomie) et mortalité (~ 20% dans l année suivante, voire 30% chez l homme)

Ostéoporose commune - diagnostic - Nécessité d éliminer une autre cause d ostéopathie fragilisante ou déminéralisante : interrogatoire (antécédents médicaux, chirurgicaux, thérapeutiques), recherche de symptômes et signes associés [absents dans l ostéoporose commune], facteurs de risque, DMO (cf ante) et examens d imagerie selon le contexte Bilan biologique : NFS, VS, créatininémie, électrophorèse des protéines (IF) calcémie, phosphatémie, calciurie des 24 h, transaminases, PAL, 25 OH-vitamine D Selon orientation : PTH (tenir compte de 25-OH vitd ++), TSH, ferritinémie, cortisol libre urinaire, testostéronémie chez l homme «jeune»

Ostéoporose primitive (post-ménopausique) - Résultats du bilan biologique - Les examens biologiques sont normaux dans l ostéoporose «primitive», en particulier : hémogramme VS, CRP électrophorèse des protéines sériques calcémie, phosphatémie, créatininémie, transaminases et PAL La calciurie des 24 h peut être : élevée en cas d hypercalciurie idiopathique, responsable d une fuite calcique obligatoire et d un hyperparathyroïdisme secondaire basse si déficit en vitamine D [avec éventuellement une hyperpth secondaire], ou si défaut d apport calcique Insuffisance en vit D (25 OH-vit D < 20-30 ng/ml) fréquente, notamment chez le sujet âgé (à corriger avant traitement)

Ostéoporose commune - biologie ciblée- Les marqueurs du remodelage osseux : Ostéocalcine, phosphatase alcaline osseuse = marqueurs de l ostéoformation Télopeptides du collagène (CTX, NTX) = marqueurs de la résorption osseuse Ces marqueurs n ont pas d intérêt diagnostique ou dans l orientation thérapeutique Le dosage des marqueurs de la résorption est parfois utilisé pour vérifier l observance des traitements inhibiteurs de la résorption osseuse

Ostéoporose - principes du traitement - But : prévenir la survenue de fractures ou leur récidive Moyens : alimentation équilibrée, apports suffisants en Ca et vitamine D (au besoin, sous forme médicamenteuse) exclusion des toxiques et correction des troubles métaboliques ou endocriniens activité physique régulière, en charge +++ (marche >20 min, au moins 3x par sem) prévention des chutes +++ (corriger des troubles de la vue, aménager l intérieur, penser aux médicaments sédatifs, ) médicaments anti-ostéoporotiques

Médicaments de l ostéoporose post-ménopausique Agents anaboliques (ostéoformateurs): - tériparatide (analogue synthétique de la PTH 1-34 Agents anti-résorptifs (anti-ostéoclastiques): - [estrogènes] et SERM - bisphosphonates - denosumab Ca et VitD ( médicaments anti-ostéoporotiques) - Ca : si apport alimentaire insuffisant (< 1g/j) uniquement - Vit D : correction de toute carence et insuffisance avant traitement, puis supplémentation à dose physiologique (800 UI/j) durant le traitement

PTH de synthèse (tériparatide) PTH 1-34 à demi-vie très brève qui agit préférentiellement sur les récepteurs ostéoblastiques (une élévation continue de la PTH est nécessaire au recrutement des ostéoclastes) Augmente le remodelage osseux au bénéfice de l ostéoformation ( la masse osseuse) = seul agent anabolique Administration sous-cutanée quotidienne pendant18 mois Diminue l incidence des fractures vertébrales et périphériques (pas d efficacité démontrée sur le col fémoral) Réservée aux formes sévères ( 2 fractures vertébrales)

SERM (selective estrogen receptor modulator) - raloxifène - Modulateur sélectif des récepteurs aux estrogènes : antagoniste sur les récepteurs du sein et de l endomètre, agoniste sur les récepteurs osseux et vasculaires Freine la résorption osseuse, augmentent la masse osseuse et diminuent le risque de fractures vertébrales (sans action sur les fractures périphériques +++) Diminue le risque de cancer du sein Augmente les bouffées de chaleur et risque veineux thrombo-embolique

Bisphosphonates - alendronate, risédronate, zolédronate - Inhibent la résorption osseuse (agent anti-ostéoclastiques) et freinent le remodelage osseux Augmentent la densité osseuse Les 3 produits cités (remboursés) ont une efficacité sur les fractures vertébrales et périphériques (dont ESF) Administration orale (très faible biodisponibilité) en prise quotidienne ou hebdomadaire (alendronate 70 mg, risédronate 35 mg), ou voie intraveineuse (zolédronate, 5 mg en 1 perfusion annuelle) Contre-indications : hypocalcémie, insuffisance rénale (clairance Créat < 30 ml/min) Vérifier état bucco-dentaire et faire préalablement les soins nécessaires

Traitement hormonal substitutif de la ménopause Freine le remodelage osseux et la résorption osseuse, en compensant la carence estrogénique d où prévention des fractures, mais pas de rémanence d effet Mais usage au long cours limité par l augmentation du risque de cancer du sein + risque veineux thromboembolique Indiqué essentiellement pour le traitement des troubles climatériques (bouffées de chaleur) lors de l installation de la ménopause, en l absence de risque particulier (antécédent personnels ou familiaux de cancer du sein, mastose )

Décision thérapeutique Fondée sur une analyse du risque individuel +++ de fracture : prise en compte de l existence ou non d une fracture par fragilité, résultat de l ostéodensitométrie (T-score), âge (civil, délai/ménopause) & facteurs de risque associés (IMC, médicaments «déminéralisants», antécédents familiaux, tendance aux chutes, ) Schématiquement, 2 situations: - fracture ostéoporotique prévalente: traitement anti-ostéoporotique, après exclusion de toute autre cause de déminéralisation, compensation préalable d une insuffisance/carence vitd, maintenue ensuite - pas de fracture prévalente: traiter les femmes avec une DMO nettement abaissée (T-score < -3) ou abaissée (T-score < -2,5) avec au moins un autre facteur de risque * Choix du médicament en fonction de ses performances (efficacité sur quels types de fractures), du risque fracturaire individuel (pas de médicament agissant uniquement sur les vertèbres chez les patients > 75 80 ans) & du terrain du patient (contre-indications éventuelles)

Suivi thérapeutique Critère essentiel de jugement de l efficacité : absence de nouvelle fracture (échec si survenue d une fracture après plus d un an de traitement) Problème essentiel : observance +++ (50 % d arrêt au-delà d un an): expliquer le but du traitement (pas d efficacité sur rachialgies), la nécessité d un traitement continu et prolongé et les conditions de prise des médicaments Durée optimale du traitement: 4-5 ans, puis réévaluation du risque individuel Intérêt d un suivi par ODM : pas de parallélisme entre évolution de la DMO sous traitement et efficacité antifracturaire, ni intérêt de faire une DMO avant 2-3 ans (variation faible de la DMO & marge d erreur), donc DMO à la fin du traitement (4-5 ans)

Ostéomalacie L ostéomalacie est une ostéopathie fragilisante caractérisée par un défaut de minéralisation du tissu ostéoïde et une accumulation de substance ostéoïde (matrice collagène préosseuse) => «os mou» Equivalent chez l adulte du rachitisme de l enfant (où s ajoute une anomalie de maturation des cartilages de croissance) Elle est habituellement l expression d une carence en vitd. Bien plus rarement, un autre mécanisme est en cause (déplétion phosphorée, trouble du métabolisme de la vitd). Dans tous les cas, nécessité d un diagnostic étiologique pour proposer le traitement approprié.

Que faut-il pour minéraliser un os? Calcium Vitamine D Phosphore Phosphatase alcaline Si carence d un de ces éléments : défaut de minéralisation = ostéomalacie

Métabolisme de la vitamine D Alimentation Vitamine D2 ou ergocalciférol (végétale) Sels biliaires Stockage Hydroxylation 25(OH) FOIE Vit D3 Peau Vitamine D3 cholécalciférol (animale) cholestérol 1/3 Rein 2/3 Hydroxylation en 1-α

Vitamine D 1-25 (OH) 2 vitd (calcitriol) = forme active sur les tissus cibles Concentration sérique de 25-OH vitd = reflète le statut vitd - pas d ostéomalacie si > 10 ng/ml (25nMole/l) => seuil de «carence en vitd» - pas d HPT secondaire si > 20 ng/ml => seuil OMS de l «insuffisance en vitd» - «health-based reference value» ou concentration cible de référence : 30 40 ng/ml Métabolisme vitd : régulé au niveau de (1-OH) dans le rein ( 25-OH hépatique) par - PTH : calcémie => PTH => synthèse 1-25 (OH) 2 vitd - Ph : hypophosphatémie => synthèse 1-25 (OH) 2 vitd alors qu une hyperphosphatémie a l effet inverse - baisse brutale des apports calciques => synthèse 1-25 (OH) 2 vitd

Vitamine D, métabolisme PhCa et tissu osseux Tube digestif : - la 1-25 (OH) 2 vit D favorise l absorption intestinale du calcium et du phosphore et, partant, met à la disposition, dans le sang, les éléments nécessaires à la minéralisation de l os. En d autres termes, elle - ne participe pas directement à la fixation de Ca sur l os Effets par le biais de la PTH (sur la réabsorption tubulaire rénale du Ph et Ca et sur l os) : le taux de 1-25 (OH) 2 vit D exerce un rétrocontrôle sur la sécrétion de PTH (comme dans un système hormonal)

Etiologies de l ostéomalacie OM carentielles : - carence d apport en vitd (conjonction de facteurs : grand âge, confinement, peau noire, facteurs socio-économiques, ) - malabsorption intestinale (maladie coeliaque +++, résection du grêle, bypass, absence de sels biliaires par cholestase) OM par trouble du métabolisme de la vitd : - OH rénale (IRC sévère), rarement hépatique - catabolisme de la vitd (inducteurs enzymatiques) - protéine porteuse vitd (syndrome néphrotique) OM associée à une hypophosphatémie : - carence d absorption du Ph (anti-acides Al/Mg) - fuite tubulaire rénale du Ph: Fanconi, tumeur mésenchymateuse, médicaments dont ténofovir, OM par trouble de la minéralisation du squelette : fluor, étidronate

Clinique : ostéomalacie par carence en vitd La carence en vitd est longtemps asymptomatique. Les formes évoluées associent ± - douleurs osseuses «mécaniques» d installation insidieuse, d aggravation progressive, d abord pelvicrurales, puis thoraciques et rachidiennes - impotence fonctionnelle, liée aux douleurs osseuses et insuffisance musculaire des ceintures (démarche en canard ou dandinante) - fractures des membres ou vertébrales, rares et tardives - déformations du squelette, rares et tardives (cyphose dorsale, thorax en cloche, sternum en carène, membres inf en arc ou parenthèses, ) - altération de l état général (asthénie, pâleur, perte de poids), fréquente, susceptible d égarer le diagnostic

Imagerie : radiographies Déminéralisation osseuse : hypertransparence avec un aspect flou, «délavé» de la trame osseuse ( ostéoporose) Stries ou fissures de Looser-Milkmann : bandes claires, ± larges et longues, perpendiculaires à la corticale, entourées d une bande d ostéocondensation, siégeant surtout au cadre obturateur, col fémoral, côtes, omoplate Déformations squelettiques, tardives et très rares : bassin en cœur de carte à jouer, vertèbres biconcaves, coxa vara,

Strie de Looser-Milkmann (cadre obturateur)

Strie de Looser-Milkmann (bord externe omoplate)

Stries de Looser-Milkmann à la scintigraphie os

Ostéomalacie : biologie Les anomalies biologiques dépendent de l étiologie Ostéomalacie par carence en vitamine D : - calciurie de 24 h : effondrée - hypocalcémie - hypophosphatémie (liée à HPT secondaire) - PAL (reflet de hyperostéoïdose) - parathormone circulante (HPT secondaire) - concentration sérique de 25-OH vit D < 10 ng/ml (voire indosable)

Ostéomalacie carentielle : traitement Curatif : - supplémentation en vitd ( 4 000 UI/j) pdt qqes sem, jusqu à disparition des symptômes et correction des anomalies biologiques (calcémie, phosphatémie, PAL) & apport Ca suffisant ( 1g) - puis traitement d entretien (800 1000 UI/j) + règles hygiéno-diététiques. Préventif : envisager une supplémentation chez les sujets à risques (grand âge, comorbidités, inducteurs enzymatiques, ). Une supplémentation en vitd 800 UI/j chez le sujet âgé diminue le risque de fractures périphériques, dont celles de l ESF