Maîtrise du risque sanitaire lié aux virus et prions. pour les médicaments dérivés du plasma. Jean-Noël COLIN 07 mars 2011

Documents pareils
POLITIQUE DE SECURITE DE L EFS ou la nécessité de construire un système sûr, durable, évolutif et raisonné

Diagnostic des Hépatites virales B et C. P. Trimoulet Laboratoire de Virologie, CHU de Bordeaux

Hépatite B. Le virus Structure et caractéristiques 07/02/2013

Annales du Contrôle National de Qualité des Analyses de Biologie Médicale

Christian TREPO, MD, PhD

LES HEPATITES VIRALES

La filière du sang en France

Diagnostic et suivi virologique des hépatites virales B et C. Marie-Laure Chaix Virologie Necker

Stratégie de dépistage des Hépatites virales B et C Apport des tests rapides. Dr. LAGATHU Gisèle Laboratoire de Virologie CHU Pontchaillou

Une gamme de services dédiés à la qualité cellulaire

L hépatite C pas compliqué! Véronique Lussier, M.D., F.R.C.P.C. Gastroentérologue Hôpital Honoré-Mercier 16 avril 2015

HEPATITES VIRALES 22/09/09. Infectieux. Mme Daumas

LISTE DES ACTES ET PRESTATIONS - AFFECTION DE LONGUE DURÉE HÉPATITE CHRONIQUE B

Actualités sur le Virus de l'hépatite C

FICHE D INFORMATION AVANT UNE TRANSFUSION

LES ACCIDENTS D EXPOSITION AU RISQUE VIRAL Prise en charge & Prévention

LES DIFFERENTS PSL : qualifications, transformations et leurs indications

Hépatite chronique B Moyens thérapeutiques

Suivi ambulatoire de l adulte transplanté rénal au-delà de 3 mois après transplantation

Item 127 : Transplantation d'organes

Infiltrats pulmonaires chez l immunodéprimé. Stanislas FAGUER DESC Réanimation médicale septembre 2009

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE AVIS DE LA COMMISSION. 10 octobre 2001

Le titrage de l AgHBs: un témoin du statut du patient et de la réponse au traitement. Denis Ouzan Institut Arnault Tzanck, Saint-Laurent-du-Var

Isolement automatisé d ADN génomique à partir de culots de cellules sanguines à l aide de l appareil Tecan Freedom EVO -HSM Workstation

Fiche professeur. Rôle de la polarité du solvant : Dissolution de tâches sur un tissu

Hépatite = inflammation du foie. Pr Bronowicki CHU Nancy Conférence mensuelle - section de Forbach

VIRUS DE L'IMMUNODEFICIENCE HUMAINE (HIV)

Hépatite C une maladie silencieuse..

Définition de l Infectiologie

Détection et prise en charge de la résistance aux antirétroviraux

ANTICORPS POLYCLONAUX ANTI IMMUNOGLOBULINES

Charges virales basses sous traitement: définition impact virologique. Laurence Bocket Virologie CHRU de Lille

CATALOGUE DES FORMATIONS

TD de Biochimie 4 : Coloration.

Traitement des hépatites h chroniques virales B et C

ACCIDENTS D EXPOSITION AU RISQUE VIRAL. Dr David Bruley Service de Maladies Infectieuses CHU Grenoble

Transfusion Sanguine et Produits dérivés du sang : indications, complication. Hémovigilance (178) Ph. De Micco Avril 2005

Y a-t-il une place pour un vaccin thérapeutique contre l hépatite B? H. Fontaine, Unité d Hépatologie Médicale, Hôpital Cochin

Résistance du VIH-1 aux antirétroviraux dans les compartiments anatomiques et cellulaires

Bonne lecture!! et si vous souhaitez consulter le document de l AFEF dans son intégralité, c est ici

TRAITEMENT DE L HÉPATITE B

Evaluation des coûts de dépistage d Entérocoques Résistants aux Glycopeptides : Résultats préliminaires

Infection à CMV et allogreffe de cellules souches hématopoïétiques : Expérience du Centre National de Greffe de Moelle Osseuse, Tunis.

PICT DOSAGE DES ANTICOAGULANTS 1. PEFAKIT PICT. Dosage chronométrique. PEFAKIT PiCT. PEFAKIT PiCT Calibrateur HNF. PEFAKIT PiCT Contrôles HNF

Les contre-indications au don de sang

Guide du parcours de soins Titre ACTES ET PRESTATIONS AFFECTION DE LONGUE DURÉE. Hépatite chronique B

Prévention des maladies infectieuses transmises par voie sanguine dans le secteur sanitaire

Devenir des soignants non-répondeurs à la vaccination anti-vhb. Dominique Abiteboul - GERES Jean-François Gehanno Michel Branger

Lecture critique d article ou comment briller en société sans en avoir trop l air

Sang, plasma, plaquettes...

Co-infection HVB HVC CO-infection VIH HVB et HVC

Vaccinologie et Stratégie de Développement des Vaccins

Journée Mondiale des Hépatites

L investigation chez la personne infectée par le VIH

DOSSIERS MÉDICAUX ET GESTION DES DONNÉES

Les hépatites virales chroniques B et C

PROJET ERP LFB/QUALIAC,

WHA63.12 Disponibilité, innocuité et qualité des produits sanguins 4,5

Les anticoagulants oraux directs dans la pratique médicale: implications pour le laboratoire d hémostase

Gestion des anticoagulants oraux directs dans le cadre de l urgence

Antiviraux ciblant les polymérases virales

TP3 Test immunologique et spécificité anticorps - déterminant antigénique

Transmission des maladies infectieuses. «maladies transmissibles»

Transplantation hépatique à donneur vivant apparenté. Olivier Scatton, Olivier Soubrane, Service de chirurgie Cochin

Liquides oraux : et suspensions. Préparations liquides pour usage oral. Solutions

Indication du test. Contexte clinique. LDBIO-TOXO II IgG 0459 CONFIRMATION NOTICE D'UTILISATION

MABioVis. Bio-informatique et la

MICROBIOLOGIE. 1. Strep A et Urine Slide. 2. Coloration de Gram 3. Virologie (HCV, HBV, HIV)

Maxwell 16 Blood DNA Purification System

PRINCIPES DE LA PROCÉDURE

Comparaison du kit Diapro pour la détermination des anticorps anti- HDV totaux avec le kit Murex utilisé en routine

Indications de la césarienne programmée à terme

pka D UN INDICATEUR COLORE

POURQUOI L HYGIENE HYGIENE = PROPRETE HYGIENE = PREVENTION DES INFECTIONS COMMUNAUTAIRES ET DES INFECTIONS ASSOCIEES AUX SOINS

Analyse d échantillons alimentaires pour la présence d organismes génétiquement modifiés

Droits des patients et indemnisation des accidents médicaux

Droits des patients et indemnisation des accidents médicaux

Apport de la biologie moléculaire au diagnostic des parasitoses

Comité d organisation

Pr Vincent CALVEZ CHU Pitié-Salpêtrière INSERM U 943 ANRS AC11 Resistance

altona altona RealStar CMV PCR Kit 1.0 always a drop ahead. 04/2015 altona Diagnostics GmbH Mörkenstr Hamburg Germany

I- L ÉTABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG ÎLE-DE- FRANCE, ACTEUR MAJEUR DE SANTÉ PUBLIQUE

Master de Bioinformatique et Biologie des Systèmes Toulouse Responsable : Pr. Gwennaele Fichant

Comment mesurer la résistance aux antiviraux???

Les solutions. Chapitre 2 - Modèle. 1 Définitions sur les solutions. 2 Concentration massique d une solution. 3 Dilution d une solution

GUIDE AFFECTION DE LONGUE DURÉE. Hépatite chronique B

Hépatites virales. Anomalies biologiques chez un sujet asymptomatique (83) A. Gerolami Janvier 2006

AGREGATION DE BIOCHIMIE GENIE BIOLOGIQUE

Prise en charge du. Dr FERNANE.Arezki Hôpital André Grégoire Montreuil

Traitement des hépatites virales B et C

L hépatite C. 50 questions et réponses. Dr. med. Daniel Lavanchy, PD Dr. med. Andrea De Gottardi, Prof. Dr. med. Andreas Cerny

Le VIH et votre foie

L immunoenzymologie. Technique puissante couramment utilisée e en recherche et en diagnostic cificité des anticorps pour leurs nes

Sang, plasma, plaquettes...

Les charges virales basses: constat et gestion

Prophylaxie infectieuse après exposition professionnelle

Hépatite C, les nouveaux traitements

La lutte contre la tuberculose est régie par l arrêté royal du 17 octobre 2002.

CHAPITRE 3 LA SYNTHESE DES PROTEINES

Conférence technique internationale de la FAO

Transcription:

Maîtrise du risque sanitaire lié aux virus et prions pour les médicaments dérivés du plasma. Jean-Noël COLIN 07 mars 2011

Médicaments dérivés du plasma (MDP) en quelques chiffres Médicaments dérivés du plasma (MDP) en quelques chiffres : Statut de médicaments depuis 1994 45 spécialités en France: immunoglobulines, albumine, facteurs de coagulation Spécialités principalement hospitalières, 7 dans le top 50 des dépenses médicamenteuses hospitalières Maladies souvent graves et rares, peu d alternatives thérapeutiques (2 recombinants) Fabriqués à partir de mélanges de 10 000 à 20 000 dons En France : 1 700 000 donneurs font 3 000 000 de dons par an Maîtrise de la sécurité biologique des MDP : Qualification du donneur et du don et contrôles biologiques au niveau des pools Etapes de sécurité virale multiples et complémentaires 2

Virus transmissibles par le sang VIRUS FAMILLE GENOME TAILLE (nm) VIH Retroviridae ARN 80-100 ENVELOPPE RISQUE MDP* CHARGE VIRALE (copies/ml) OUI 10 6 HTLV I/II Retroviridae ARN 80-100 NON VHB Hepadnaviridae ADN 42 OUI 10 4 OUI VHC Flaviviridae ARN 50-70 OUI 10 7 WNV et Chik V Flavi et Toga viridae ARN 50-70 NON CMV, HSV, EBV, VZV, HHV-8 Herpesviridae ADN 150-200 NON VHA Picornaviridae ARN 27-32 OUI 10 7 NON Parvo B19 Parvoviridae ADN 18-24 OUI 10 14 avant l introduction de mesures efficaces (inactivation ou élimination virale, détection) 3

Méthodes de sécurisation virale METHODE VIRUS ENVELOPPES VIRUS NON ENVELOPPES 4 INACTIVATION ELIMINATION PARTITION SOLVANT DETERGENT (S/D) PASTEURISATION (60 C - 10 h) CHAUFFAGE A SEC (80 C 72 h) ph acide (+/- pepsine) NANOFILTRATION 35 nm NANOFILTRATION 15 nm Fractionnement (éthanol) ++++ - +++ ++ +++ +/++ ++ - / ++ +++ + (> 35 nm ou Ac) +++ ++/+++ ++ +/++ Chromatographie +/- ++ +/- ++

Exemples de facteurs de réduction : IgIV Virus VIH-1 VIRUS ENVELOPPES Sindbis/ BVDV* Modèles de VIH VHC VIRUS NON-ENVELOPPES PRV SV-40 EMCV PPV Virus ADN Enveloppé (HBV) Virus ADN résistant VHA Parvo. B19 Etapes spécifiques Traitement S/D 4,4 5,4 4,1 N/A N/A N/A Nanofiltration 20N (4,3) 5.2* (4,3) 5,4 4,8 4,3 Etapes contributives Fractionnement acide caprylique Chromatographie d échange d ions NT NT NT NT 5,6 3,7 NT NT NT NT 1,3 3,8 5 ph acide 4 3.2 NT NT NT NT Capacité de réduction globale 12,7 13.8 8,4 5,4* 11,7 11,8 N/A : non applicable NT : non testé Une capacité de réduction virale globale élevée pour tous les types de virus, enveloppés ou non enveloppés.

Exemples de facteurs de réduction : Facteur VIII nanofiltré Virus VIH-1 VIRUS ENVELOPPES Sindbis/ BVDV* Modèles de VIH VHC VIRUS NON-ENVELOPPES PRV VSV HAV PPV SV-40 Virus ADN Enveloppé (HBV) - HAV Parvovirus Virus ADN résistant Etapes spécifiques Traitement S/D (0.3% TnBP et 1% Polysorbate 80) Nanofiltration 35-15 nm 4,4 NT 4,1 > 6,5 NT NT NT 3,8 4,1 4,9 nd 3,6 5,5 (1) 5,3 Capacité de réduction globale 8,2 4,1 9,0 > 6,5 3,6 5,5 5,3 6 NT : non testé (1) Résultat de validation en condition «worst case» (concentration élevée en protéines) Une capacité de réduction virale globale élevée pour les virus enveloppés, limitée pour les virus non enveloppés.

Maîtrise de la charge virale potentielle. Les apports du DGV/NAT : précocité Détection précoce de l infection, raccourcissement de la fenêtre virale Fenêtre sérologique (jours) Fenêtre virale NAT Pools (jours) Risque résiduel* France Fenêtre virale DGV unitaire** (jours) VIH 22 12 1 / 2 900 000 5,5 VHC 66 10 1 / 7 000 000 2 VHB 38-1 / 1 850 000 21 HTLV 51-1 / 3 700 000 - VHA - - - - B19 - - - - 7 * calculé sur la période 2008-2010 (données invs.santé.fr) ** appliqué dans EFS et CTSA au 01/01/2011 DGV : dépistage génomique viral; NAT:nucleic acid testing

Maîtrise de la charge virale potentielle. Les apports du DGV/NAT : quantification N = c x V/R N : nombre potentiel (log) de particules virales par flacon C : concentration potentielle dans le mélange de plasma : concentration dans poche x dilution par poolage, et/ou limite du pool V : volume de plasma nécessaire pour produire un flacon, inversement proportionnel au rendement R : facteur de réduction virale EMA NfG CHMP/BWP/706271/2010 8

Les apports du DGV/NAT : exemples FVIII nanofiltré / HIV FVIII nanofiltré / VHA 8 8 6 4 6 5.3 Facteur de réduction 8.2 7 6 7 6.3 Facteur de réduction 3.6 log5 2 0-2 1 1.3 1.3 sans PCR avec PCR log5 5 4 3 2 2.3 3.3 2.7 sans PCR avec PCR -4-6 -8 Charge virale plasma -2.7 Charge virale pool Quantité potentielle dans un flacon -2.9-6.9 Risque résiduel par flacon 1 0-1 -2 1 Charge virale plasma/ mini-pool -0.7 Charge virale pool Quantité potentielle dans un flacon -0.3 Risque résiduel par flacon 9

Apports et limites du DGV/NAT En 1996, 101 lots ont été rappelés par le LFB pour défaut d interrogatoire médical, sans vérification possible. Depuis la disponibilité de NAT, aucun lot rappelé par le LFB pour risque viral. Mais : - Description de nouveaux génotypes : B19V, puis B19V1, 2 et 3, maintenant B19V1a, 1b, 2, 3a, 3b. Les premiers tests commerciaux ne détectaient que le génotype 1. - Changement de répartition des génotypes : VHA circulation des génotypes I et III en Europe. En 2000, NAT disponible détectant le génotype I ultra majoritaire en France. En 2007, épidémie de VHA génotype III à Paimpol. Mesures spécifiques plus modification NAT - Arrivée de virus (ré)-émergents : - West Nile Virus, SRAS, grippe A (H1N1), VHE, PARV4. - Emergence de nouveaux agents : prions (ATNC) 10

Différence entre MCJ sporadique et variante Epidémiologie Lien BSE Infectiosité sang Transmission sang humain Rappel selon EMA SPORADIQUE Stable Universelle Non Peu documentée Non Non VARIANT Décroissante Royaume Uni et Europe de l Ouest Oui oui Oui Oui 11

Protection contre prions 12 - Détection : Charge plasmatique très faible (vmcj) voire peut être inexistante (smcj). Pas encore de test plasmatique, mais progrès significatifs : PMCA, QuIC assay Difficultés éthiques - Elimination : oui, multiples : précipitations, filtrations, chromatographies (aspécifique ou parfois spécifique), nanofiltration Facteurs de réduction 4,5 à 10,4 log selon les produits (quel spike?) Inactivation : non, sauf pour sanitisation : soude concentrée Risque théorique

Conclusion Sécurité biologique des MDP : Efficacité et anticipation Développements des dernières années haut niveau de sécurité biologique des MDP application du DGV/NAT pour le contrôle du plasma, nanofiltration, procédures d enregistrement, vigilances (virus connus et anticipation vis-à-vis des risques émergents) tous les procédés intègrent des étapes validées pour la réduction de l infectiosité prion Analyses de risque régulièrement actualisées à mesure de l évolution des connaissances 13

Je tiens à remercier : Benoît FLAN, Directeur Gestion du Risque et Veilles Qualité et Sécurité Biologique - LFB BIOMEDICAMENTS et Catherine VISSE, Chef de Département Biologie Moléculaire LFB BIOMEDICAMENTS pour leur aide à la réalisation de cette présentation. 14