EYB 2014-242146 Texte intégral Cour supérieure CANADA PROVINCE DE QUÉBEC DISTRICT de Montréal 500-17-083909-146. DATE : 29 août 2014



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EYB 2014-242146 Texte intégral Cour supérieure CANADA PROVINCE DE QUÉBEC DISTRICT de Montréal 500-17-083909-146 DATE : 29 août 2014 DATE D'AUDITION : 29 août 2014 EN PRÉSENCE DE : Nicole-M. Gibeau, J.C.S. Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine Demandeur c. X. Défenderesse et I. G., personnellement et en sa qualité de tutrice à X. ey A. Y., personnellement et en sa qualité de tuteur à X. Mis en cause NDLR N.D.L.R. : Le jugement répertorié sous le présent numéro EYB a été rectifié le 17 septembre 2014. Les corrections apportées par le juge à cette date ont été intégrées à la présente version du jugement. Gibeau J.C.S. : 1 Il s'agit d'une requête pour obtenir l'autorisation de fournir des soins requis par l'état de santé de X («X») en vertu des articles 14, 16 et 33 du Code civil du Québec. 2 Cette demande émane du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine («Sainte-Justine») et vise une jeune fille de quatorze ans et un mois et ses deux parents I G... et A Y... 3 Les allégations essentielles de cette requête amendée se retrouvent aux paragraphes 7 à 11 lesquels énoncent ce qui suit : 7.X est atteinte d'une maladie grave, tel qu'il appert du rapport médical du Dr Yves Pastore, hémato-oncologue pédiatrique exerçant au CHU Sainte-Justine, communiqué au soutien de la présente requête comme pièce P-1; Page 1

8.Considérant la condition actuelle de l'enfant, il est probable qu'une ou plusieurs transfusions sanguines soient requises dans les jours et les semaines à venir, ainsi qu'au courant de son traitement pour la maladie grave dont elle souffre si sa condition physique se dégrade au point de constituer une menace à sa vie, tel qu'il appert plus amplement de la pièce P-1; 9.X ne peut pas signer le consentement aux transfusions sanguines requises pour des raisons religieuses (Témoins de Jéhovah); 10.Pour les mêmes motifs, les parents de X s'opposent aux transfusions sanguines; 11.Les alternatives aux transfusions sanguines, tel un traitement d'érythropoïétine, ont été discutées avec X et ses parents, qui ont été informés que ces traitements ne sont pas recommandés en l'espèce pour les motifs énoncés dans la pièce P-1; 4 Les alternatives aux transfusions sanguines, tel un traitement d'érythropoïétine, ont été discutées avec X et ses parents, qui ont été informés que ces traitements pourraient ne pas être efficaces faisant en sorte que seules les transfusions sanguines seraient envisageables et ils ont été informés que ces traitements ne sont pas utiles pour pallier une diminution des plaquettes. 5 Dans ses conclusions, Sainte-Justine sollicite l'autorisation pour ses médecins d'administrer sur la personne de X, enfant mineur, des transfusions sanguines dans les cas cliniques qui constituent une menace à sa vie, et à la fréquence et à la quantité qu'ils jugeront appropriés, et ce, pour la durée de son traitement pour la maladie grave dont elle est atteinte, soit pour une période maximale de deux ans. 6 X refuse toute transfusion sanguine en raison de ses convictions religieuses; elle et ses parents sont Témoins de Jéhovah. 7 Quant à ses parents, ils entendent soutenir la décision de leur fille. 8 Le Tribunal a entendu Dr Caroline Laverdière, hémato-oncologue de Sainte-Justine, sur la condition médicale de X. 9 En août 2014, à la suite d'une investigation de douleurs ostéo-articulaire et de fatigue sévère dont se plaignait X, Sainte-Justine confirme le diagnostic d'une leucémie lymphoblastique aiguë de type B. 10 Une telle maladie nécessite de commencer rapidement un traitement par chimiothérapie car en l'absence de celui-ci, celle-ci risque d'être fatale pour le patient. 11 Ce traitement de chimiothérapie à la moelle épinière détruit non seulement les cellules cancéreuses mais affecte également les bonnes cellules qui produisent les globules rouges essentiels au transport de l'oxygène dans le corps. 12 Si le taux d'hémoglobine chute en bas de 60, il existe alors un réel danger pour la vie de X et seules des transfusions sanguines peuvent la sauver. 13 En outre, X subira de nombreuses ponctions lombaires dans les prochains mois et son taux de Page 2

plaquettes doit être minimalement de 50 pour qu'elle soit en mesure de subir cette intervention; il est actuellement de 212. 14 Toutefois, les cinq prochains jours peuvent s'avérer cruciaux pour cette dernière car elle vient de subir son premier traitement de chimiothérapie, sans qu'on lui administre une transfusion sanguine, de sorte, qu'on ignore, si son corps sera en mesure de produire suffisamment de globules rouges pour éviter une défaillance fatale pouvant mener à de sérieuses complications y compris ultimement la mort. 15 L'administration de produits sanguins et dérivés (transfusion de globules rouges au cas d'anémie, transfusion de plaquettes au cas de saignement associé à une baisse importante du taux de plaquettes, ou transfusion de plasma en cas de saignement important avec ou sans abaissement de plaquettes) se fait par perfusion au travers d'un cathéter veineux d'une durée de trois heures pour les globules rouges et d'une heure pour les plaquettes ou le plasma. 16 Les risques reliés à ces transfusions sont minimes alors que les bénéfices sont immenses. Selon Sainte-Justine, les études démontrent un taux de guérison, sans récidive, de cette maladie à hauteur de 88 %. 17 En alternative à ces transfusions, il existe le traitement d'érythropoïétine («EPO»), une hormone favorisant la production de globules rouges par le corps. 18 Toutefois, un tel traitement s'avère souvent inefficace pour traiter la leucémie lymphoblastique aiguë. Les études et les opinions sur l'efficacité de ce traitement ne font cependant pas l'unanimité auprès des oncologues. 19 X accepte de recevoir le traitement d'epo mais refuse toute transfusion sanguine en raison de ses convictions religieuses. 20 Le Code civil du Québec précise à son article 33 que «les décisions concernant l'enfant doivent être prises dans son intérêt et dans le respect de ses droits». 21 Quant à l'alinéa 2 de l'article 16 C.c.Q., il stipule que : [L'autorisation du Tribunal] est, enfin, nécessaire pour soumettre un mineur âgé de 14 ans et plus à des soins qu'il refuse, à moins qu'il n'y ait urgence et que sa vie ne soit en danger ou son intégrité menacée, auquel cas le consentement du titulaire de l'autorité parentale ou du tuteur suffit. 22 En l'espèce, les parents et tuteurs de X refusent de consentir aux transfusions sanguines même si l'absence de tels traitements devait entraîner le décès de leur fille. 23 En outre, l'article 23 alinéa 2 C.c.Q. impose au Tribunal de recueillir l'avis de X et, à moins qu'il ne s'agisse de soins requis par son état de santé, de respecter son refus. 24 Ainsi, dans les cas de soins exigés par l'état de santé d'une personne, le Code exige seulement que le tribunal consulte la personne concernée avant de prendre une décision en faveur ou contre le traitement proposé, et ce, en tenant compte du critère fondamental de l'intérêt de la personne. 25 En 2009, la Cour suprême du Canada a eu à son prononcer sur un cas semblable dans l'affaire A.C. 1 mais en appliquant les principes de la Common Law et en fonction des dispositions de la Loi sur les 1.A.C. c. Manitoba (Directeur des services à l'enfant et à la famille)2009 CSC 30[2009] 2 R.C.S. 181. Page 3

services à l'enfant et à la famille de la province du Manitoba 2, 26 Dans cet arrêt, la Cour suprême énonce qu'il y a lieu de considérer la décision d'un mineur âgé de quatorze ans. Toutefois dans les cas les plus graves, où le refus d'un traitement présente un risque élevé de décès [ ] il faudra nécessairement procéder à une évaluation minutieuse et approfondie de la maturité de l'adolescent pour décider si sa décision est prise de façon véritablement indépendante et s'il comprend et évalue bien la décision et ses conséquences possibles 3. 27 Le Tribunal a eu l'opportunité d'entendre X par visioconférence. 28 Il s'agit d'une belle jeune fille, animée, intelligente (elle a appris le français en quelques mois) et qui démontre un certain degré de maturité. 29 Confrontée à l'idée de recevoir des transfusions sanguines, elle dit que cela lui causerait des difficultés. Elle est cependant incapable d'approfondir et de définir les difficultés qu'un tel traitement lui causerait si ce n'est que cela affecterait sa conscience. 30 Il est également apparu au Tribunal que X est convaincu du succès du traitement à l'epo et qu'elle est, de ce fait, incapable d'analyser les impacts en cas d'échec de celui-ci, savoir une condition médicale sévère d'anémie pouvant entraîner la mort. 31 X a la maturité d'un enfant de quatorze ans, qui souhaite ardemment vivre. Elle voudrait devenir radiologue et réaliser un jour son rêve de visiter sa famille en Italie. 32 Le Tribunal n'est pas convaincu que X réalise véritablement la notion «de décès» à ce stade-ci ni qu'elle possède une maturité suffisante pour être capable de prendre des décisions médicales aussi importantes alors que sa vie est en danger. 33 Le Tribunal accorde un très grand respect à la religion et aux valeurs religieuses de X et de ses parents. 34 Toutefois, il en va de la vie de cet enfant. Le traitement de 2 e étape, savoir les transfusions sanguines, permettrait d'éviter des conséquences fâcheuses voir même donner une chance réelle de guérison à X. 35 Tel que l'exprimait la juge en chef McLachlin dans l'arrêt A.C. 4 : [133] Il est manifeste que, selon le cadre législatif, le juge doit dans chaque affaire procéder à une analyse indépendante de tous les facteurs pertinents, notamment ceux énumérés au par. 2(1). C'est pourquoi il est dangereux d'émettre des hypothèses sur la question de savoir si un juge pourrait, dans le cadre d'un régime législatif semblable à celui de l'espèce, refuser d'ordonner le traitement médical d'un enfant de moins de 16 ans lorsque cela aurait probablement pour conséquence d'entraîner sa mort. De même, il est peut-être inutile de faire des suppositions quant à l'endroit où il faut tracer la ligne de démarcation entre le droit à l'autonomie et le devoir d'imposer un traitement dans des cas particuliers. Il est toutefois logique que, plus la situation est dangereuse du point de vue de la sécurité de l'enfant, plus il importe que celui-ci ait atteint la maturité, non 2.CPLM c C80. 3.Id., note 2, paragr. 95. 4.A.C. c. Manitoba (Directeur des services à l'enfant et à la famille), précité, note 2. Page 4

seulement sur les plans de l'intelligence et de la compréhension, mais aussi sur le plan de l'appréciation de ce que pourra être la vie qui l'attend et de toute l'ampleur des répercussions futures de son choix actuel. 36 Or, même si X choisit elle-même quelle robe elle va porter depuis qu'elle est petite, elle a somme toute peu de vécu, à quatorze ans, pour apprécier l'ampleur des répercussions de son choix s'exposant ainsi à ce qu'elle n'ait aucun futur ni aucune possibilité de réaliser ses rêves, alors qu'elle souhaite ardemment vivre et guérir. 37 Dans la présente affaire, Dr Laverdière convient d'essayer en premier lieu le traitement d'epo, ce à quoi X consent. 38 Les transfusions de produits sanguins et dérivés devront se limiter au cas où la vie de X serait menacée sérieusement ou qu'elle se trouve en danger de mort. 39 En raison de la particularité de ce dossier, le délai de deux ans demandé par Sainte-Justine est trop long. 40 Il est possible que le traitement d'epo donne les résultats espérés par X avec ou sans quelques transfusions sanguines. 41 Toutefois, ce traitement prendra deux mois avant de produire des effets et entre-temps, il est impératif de s'assurer de l'absence de toute défaillance grave chez X. 42 La présente autorisation sera en conséquence valide pour seulement six mois. 43 POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL : 44 ACCUEILLE en partie la requête amendée pour obtenir l'autorisation d'administrer un traitement médical (transfusion sanguine); 45 DONNE ACTE au consentement de la défenderesse X de recevoir le traitement d'érythropoïétine (EOP) par le Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine; 46 AUTORISE pour une durée de six mois, les médecins traitants du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine à administrer sur la personne de X, âge de 14 ans, des transfusions de produits sanguins ou dérivés mais uniquement dans les cas suivants : a) lors d'un abaissement du taux d'hémoglobine à moins de 60, associé à une détérioration de l'état clinique de X notamment dans un contexte infectieux ou de détérioration des fonctions cardiaques ou respiratoires; b) un taux de plaquettes inférieur à 50 ou au cas de saignements aigus associés à un taux de plaquettes trop bas; c) une anémie associée à une défaillance multiorganique; 47 ORDONNE l'exécution provisoire de ce jugement nonobstant appel; 48 SANS FRAIS. Gibeau J.C.S. Me Marie-Ève Rock, pour le demandeur Me Sylvain Deschênes, pour les mis en cause Me Jadiki Kashale, pour l'enfant X Page 5

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