Questions de méthode en vue du prochain exercice de projections du COR. Secrétariat général du Conseil d orientation des retraites

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CONSEIL D ORIENTATION DES RETRAITES Séance plénière du 25 janvier 2012 à 9 h 30 «Exercices de projections financières du système de retraite : aspects méthodologiques» Document N 8 Document de travail, n engage pas le Conseil Questions de méthode en vue du prochain exercice de projections du COR Secrétariat général du Conseil d orientation des retraites

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Questions de méthode en vue du prochain exercice de projections du COR Parmi les missions qui sont assignées au Conseil d orientation des retraites (Art. L.114-2.), figure notamment le fait de «décrire les évolutions et les perspectives à moyen et long termes des régimes de retraite légalement obligatoires, au regard des évolutions économiques, sociales et démographiques, et d élaborer, au moins tous les cinq ans, des projections de leur situation financière». Les dernières projections du COR ont été publiées en avril 2010. Il s agissait d une actualisation des projections de 2007, destinée à prendre en compte les effets de la crise économique de 2008-2009. Seules les hypothèses économiques avaient été modifiées par rapport aux précédentes projections de 2007, et seuls les principaux régimes avaient été mobilisés pour cet exercice. Depuis, plusieurs éléments nouveaux sont intervenus. Tout d abord, des modifications importantes des règles en matière de retraite ont eu lieu, liées à : o la réforme des retraites de 2010, o l accord AGIRC ARRCO du 18 mars 2011, o et l adoption des mesures de l automne 2011, notamment l accélération de la hausse des âges de la retraite et des mesures nouvelles de recettes. Depuis la mi-2011, les évolutions économiques ont été plus dégradées que prévues, et les perspectives apparaissent plus incertaines. Enfin, de nouvelles projections de population de l INSEE ont été publiées, ainsi que de nouvelles projections de population active, intégrant les effets de la réforme de 2010. Par ailleurs, les besoins en termes de projections et simulations en matière de retraite évoluent. Trois évolutions récentes méritent à cet égard d être soulignées. 1- Le besoin d articulation entre les prévisions pluriannuelles réalisées dans le cadre des projets de loi de financement de la sécurité sociale et les projections à long terme du COR est certainement plus fort que dans le passé - du fait de la dégradation rapide des comptes des régimes avec l arrivée à 60 ans depuis 2006 des premières générations nombreuses du baby boom, des fortes fluctuations de l activité à court terme depuis la crise de 2008-2009, ainsi que de l horizon de pilotage retenu (2018) dans le cadre du COPILOR suite à la réforme de 2010. 2- La nécessité de mieux articuler les projections relatives à l ensemble du système de retraite et celles relatives aux différents régimes s est également renforcée. 3- La nature des résultats demandés (plus détaillés), notamment dans le cadre des exercices européens (cf. document n 7), ou le type de réflexion à mener sur d éventuelles réformes «systémiques» notamment conduisent également à s interroger sur les outils les plus adaptés. 3

L objet de cette note est de lancer la réflexion sur les questions de méthode relatives aux projections du COR, en amont des travaux que le Conseil pourrait réaliser au second semestre 2012 conformément au programme de travail qu il a adopté en décembre dernier. 1. L organisation générale des projections du COR La démarche générale retenue par le Conseil d orientation des retraites depuis son premier exercice de projections (rapport du COR de 2001) consiste à définir d abord un (ou plusieurs) scénario(s) macro-économique(s) synthétisant les évolutions économiques et démographiques envisagées à moyen et long terme pour la France. Jusqu en 2010, un seul «scénario de base» était défini, accompagné de variantes qui illustraient la sensibilité des résultats aux différentes hypothèses démographiques ou économiques. En 2010, compte tenu de l incertitude sur les perspectives de sortie de crise, trois scénarios économiques alternatifs ont été examinés, sans qu aucun ne soit privilégié par le Conseil. Sur la base de ces scénarios ou variantes communs à tous les régimes, deux types d instruments de projection sont mobilisés : d une part, des projections par régime sont réalisées à partir des modèles propres à chaque régime de retraite 1 ; d autre part, une maquette agrégée du système de retraite est utilisée pour réaliser des projections relatives à l ensemble du système de retraite, sur la base des mêmes hypothèses. Les modèles utilisés par les régimes sont assez variés et plus ou moins élaborés. S y ajoutent aujourd hui plusieurs modèles plus généralistes, au sens où ils couvrent une population plus large que celle d un seul régime. Le document n 2 de ce dossier présente une comparaison détaillée des principaux modèles en question. La maquette agrégée utilisée pour produire les résultats relatifs à l ensemble du système de retraite fournit quant à elle un simple cadre comptable visant à assurer la cohérence avec les hypothèses macro-économiques globales. Côté recettes, la masse de cotisation est calée la première année sur les comptes de la protection sociale ; les évolutions à moyen et long termes des effectifs de cotisants et de la masse des cotisations sont ensuite en ligne avec respectivement celles de l emploi et de la masse salariale. Côté dépenses, la masse des pensions dans la maquette agrégée est calée la première année sur celle des comptes de la protection sociale puis évolue comme la somme des masses de pensions projetées par les régimes. Ainsi, même si elle utilise les dépenses de retraite projetées par les régimes, la maquette n est pas la simple agrégation des projections des régimes. Elle permet en revanche de réaliser facilement certaines variantes au niveau de l ensemble des régimes de retraite. Alors que les exercices 2007 et 2010 du COR n ont impliqué que les régimes les plus importants, les autres ayant fait l objet d un travail d actualisation par le secrétariat général du Conseil, le prochain exercice devrait mobiliser la vingtaine des principaux régimes de retraite obligatoires et prendre en compte en particulier le Fonds de solidarité vieillesse, comme pour les deux premiers exercices du COR de 2001 et 2005. 1 La vingtaine des principaux régimes de retraite obligatoires a participé aux exercices du COR de 2001 et de 2005. Les exercices de 2007 et de 2010 ont impliqué uniquement les plus importants d entre eux (CNAV, AGIRC, ARRCO, Fonction publique de l Etat et CNRACL - ainsi que l IRCANTEC en 2007-) et ont consisté en une actualisation par le secrétariat général du COR pour les autres régimes. 4

2. Questions de méthode sur les projections du COR Les besoins et les demandes en matière de projections ayant évolué comme rappelé en introduction, il semble utile de réfléchir suffisamment en amont des prochaines projections du COR sur différentes questions afin de déterminer quelles évolutions seraient souhaitables par rapport à l organisation adoptée jusqu ici. L horizon des projections et l articulation court terme / moyen terme / long terme Les projections en matière de retraite, celles du COR notamment, se doivent d éclairer le long terme pour plusieurs raisons : les phénomènes démographiques sous-jacents au système de retraite ont une forte inertie, les cotisants qui entrent aujourd hui sur le marché du travail prendront leur retraite dans plusieurs décennies, les mesures décidées par les réformes ont souvent une montée en charge lente... Les exemples étrangers présentés dans le document n 6 montrent ainsi que la grande majorité de ces pays réalisent en matière de retraite des projections à long terme (projections à 75 ans pour les Etats-Unis et la Suède, à 60 ans pour le Royaume-Uni, à 50 ans pour le Canada, à l horizon 2050 en Espagne et en Italie ). Au niveau européen, les projections en cours des dépenses de retraite dans le cadre du groupe de travail «vieillissement» du CPE (cf. document n 7) se font à l horizon 2060. Les dernières projections de population et de population active de l INSEE ont également pour horizon 2060. Dans le même temps, plusieurs éléments ont conduit à renforcer l intérêt pour les évolutions à plus court terme du système de retraite. D une part, avec l arrivée à 60 ans des premières générations du baby boom, les déficits des régimes de retraite ne sont plus seulement projetés : ils ont commencé à se matérialiser (la CNAV est en déficit depuis 2005). D autre part, les fortes turbulences économiques en 2008-2009 et à nouveau fin 2011 ont conduit à une dégradation beaucoup plus rapide que prévue des comptes des régimes de retraite (du fait de la chute des recettes liée à la crise) et à un accroissement de l incertitude sur les perspectives économiques. Pour ces différentes raisons, le pilotage du système de retraite interagit directement avec la programmation pluriannuelle des finances publiques, dans le cadre des PLF-PLFSS pluriannuels. Ce point renvoie également au niveau institutionnel à la question de l articulation des rôles du COR et du COPILOR en matière de projections financières du système de retraite, avec des positionnements différents pour les deux organismes 2. 2 Selon l article 2 de la loi du 9 novembre 2010, «chaque année, au plus tard le 1 er juin, le comité [COPILOR] rend au Gouvernement et au Parlement un avis sur la situation financière des régimes de retraite, sur les conditions dans lesquelles s'effectue le retour à l'équilibre du système de retraite à l'horizon 2018 et sur les perspectives financières au-delà de cette date. Lorsque le comité considère qu'il existe un risque sérieux que la pérennité financière du système de retraite ne soit pas assurée, il propose au Gouvernement et au Parlement les mesures de redressement qu'il estime nécessaires. [ ] Le comité s appuie sur les travaux du Conseil d orientation des retraites.». 5

Pour certains régimes disposant de réserves, comme l ARRCO et l AGIRC, ou ayant recours à des financements de marché, les perspectives à court ou moyen terme sont également devenues, dans ce contexte plus tendu, extrêmement importantes. Au total, s il reste nécessaire de réaliser des projections à long terme, il apparaît indispensable que ces projections soient aussi précises que possible sur les court et moyen termes, et soient non seulement cohérentes avec les prévisions qui servent de base à la préparation des PLF et PLFSS pluriannuels mais aussi, dans la mesure du possible, davantage coordonnées avec celles utilisées par les régimes eux-mêmes. Quel(s) scénario(s) économique(s)? La première question qui se pose aujourd hui est celle de la méthode à retenir pour prendre en compte l incertitude économique. En effet, même si la question des répercussions de la crise actuelle sur la croissance à long terme de la France reste ouverte, les risques pour le système de retraite d une période plus ou moins prolongée de croissance faible, voire d une révision à la baisse des perspectives de croissance à long terme, ne peuvent être ignorés. En février 2010, le COR a retenu trois scénarios économiques alternatifs, tout en précisant qu ils ne couvraient pas nécessairement le champ des possibles mais permettaient d illustrer des profils contrastés de sortie de crise à moyen ou long terme. Dans le cadre de la réforme de 2010, le gouvernement a retenu le scénario médian. Plus récemment, en décembre 2010, les partenaires sociaux gestionnaires de l ARRCO et l AGIRC se sont également appuyés sur trois scénarios économiques mais avec des hypothèses globalement moins favorables puisque le scénario médian correspondait au scénario le plus bas du COR et qu un scénario encore moins favorable était envisagé. Cette situation n est guère satisfaisante. Il peut être cohérent de retenir le (ou les) scénario(s) de croissance potentielle retenu(s) par le gouvernement et le parlement dans le cadre du programme de stabilité et des prévisions pluriannuelles associées au PLF-PLFSS, tout en illustrant les risques (à la hausse comme à la baisse) sous des hypothèses plus favorables ou plus dégradées. Ces hypothèses peuvent prendre la forme de véritables scénarios alternatifs ou de simples tests de sensibilité visant à illustrer les conséquences pour le système de retraite de situations économiques différentes, y compris les plus défavorables. Quelles hypothèses «réglementaires»? Les projections du COR sont réalisées «à législation inchangée», c est-à-dire qu elles prennent en compte les lois et textes existants. Trois questions peuvent néanmoins se poser : - L hypothèse d évolution de la durée d assurance au-delà de 2020 reste ouverte. Dans les projections du COR de 2010, la durée d assurance requise pour une retraite à taux plein était supposée constante au-delà de 2020, car la loi de 2003 ne disait rien de son évolution au-delà de 2020. La loi de 2010 a supprimé les rendez vous quadriennaux prévus par la loi de 2003 et a réaffirmé le principe d augmentation de la durée d assurance en fonction des gains d espérance de vie jusqu en 2020. Une projection «à législation inchangée» dans 6

laquelle la durée d assurance serait constante à partir de 2020 pourrait ainsi être réalisée. Une variante dans laquelle la durée augmenterait au-delà de 2020 pourrait également être présentée. - L évolution des rendements de l ARRCO et de l AGIRC a fait l objet dans les projections de 2010 de deux hypothèses alternatives (rendements constants ou décroissants). La ou les hypothèses à retenir en la matière devront être précisée(s), en tenant compte des termes de l accord du 18 mars 2011. - Enfin, le choix du taux de cotisation implicite retenu pour la fonction publique peut être débattu. En effet, le COR a choisi dès ses premières projections de geler ce taux à son niveau initial de 2000, de façon à ne pas «remettre à zéro» le solde financier du régime de la fonction publique de façon quelque peu artificielle. Ceci conduit toutefois à afficher en projection des besoins de financement plus importants que ceux restant réellement à couvrir compte tenu du niveau actuel de la contribution de l Etat. Cette présentation a pu conduire à des incompréhensions lors de la réforme de 2010 3. Tout en gardant le souci de faire apparaître la dégradation des comptes des régimes publics et la contribution de l Etat à leur financement, l affichage des besoins de financement prenant en compte le taux de cotisation actuel à la charge du budget de l Etat, désormais retracé dans le compte d affectation spécial Pensions, permettrait d éviter ces difficultés. Quelle articulation avec les prévisions à court terme des régimes? Une première façon de faciliter l articulation entre les projections du COR et les prévisions pluriannuelles (à 4 ans) réalisées dans le cadre du PLF-PLFSS consiste à retenir pour les projections du COR la comptabilité des comptes de la sécurité sociale et non celle des comptes de la protection sociale comme c est le cas actuellement. Concrètement, ceci consisterait à prendre comme point de départ des projections les comptes des régimes tels que présentés dans les rapports de la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS). Les principaux écarts entre le solde des projections du COR et celui de la CCSS, pour un régime donné, tiennent au fait que le COR projette des soldes techniques, différences entre les masses de cotisations et de prestations, 4 alors que la CCSS présente des soldes comptables, qui incluent notamment les charges financières, les charges de gestion et les transferts entre régimes (y compris les transferts de compensation). Ce choix a des avantages immédiats en ce qu il facilite la comparaison et donc l articulation entre le court terme et le long terme. Son principal inconvénient est de nécessiter des adaptations pour les projections au niveau européen, qui reposent sur des concepts plus proches des comptes de la protection sociale (comptabilité nationale). La deuxième évolution visant à mieux articuler le court terme et le long terme consiste à dériver plus directement les résultats pour l ensemble du système de retraite de ceux des régimes, en transformant la maquette du secrétariat général du COR en une agrégation des comptes des régimes. Dès lors que les modèles des régimes permettent d obtenir des résultats non seulement année après année mais également par génération, la maquette agrégée pourrait alors fournir des résultats à la fois par année et par génération, même si ceci pose davantage de difficultés pour les données non financières (effectifs et âges par exemple). 3 C est ce choix de présentation qui explique la ligne «Effort de l Etat» de 15,9 Mds dans les tableaux sur le bouclage financier de la réforme. 4 Et des soldes «élargis», qui incluent également les transferts de compensation et les charges de gestion, mais uniquement dans le cadre des exercices complets de projection de 2001 et de 2005. 7

Prise en compte de l incertitude relative aux comportements et effets des réformes? Outre l incertitude liée aux hypothèses économiques ou démographiques, il existe beaucoup d interrogations sur les comportements de départ à la retraite, comme illustré notamment par les travaux de D. Blanchet et alii à partir du modèle Destinie 2. Dans l exercice de projection de 2005 du COR faisant suite à la réforme de 2003, plusieurs hypothèses alternatives avaient ainsi été retenues sur les effets des réformes, de façon ad hoc 5. De façon analogue, dans les dernières projections de population active de l INSEE, une variante sans prise en compte d un effet du recul de l âge sur les taux d activité des 55-59 ans («effet horizon») a été publiée. Une façon d illustrer les incertitudes liées aux comportements de départ en retraite, en réponse ou non aux réformes, peut être d utiliser des modèles généralistes en variante, sur la base de différents modèles de comportement, comme cela est possible avec le modèle Destinie 2 (cf. document n 4) ou de confronter les résultats obtenus avec plusieurs modèles s appuyant sur différentes hypothèses de comportement (cf. document n 2, les suites du groupe de travail sur les modèles de projection). Quelle utilisation des modèles généralistes? Au-delà de l utilisation décrite précédemment, visant à illustrer l incertitude entourant les comportements de départ à la retraite, les modèles généralistes peuvent être utilisés pour s assurer de la cohérence globale des projections obtenues à partir de l agrégation des résultats des régimes, ou pour enrichir les résultats fournis par la maquette avec des données par génération par exemple et avec des indicateurs tels que les taux de remplacement ou les niveaux de vie (même si de tels indicateurs peuvent être développés aussi à partir des projections des régimes). Ceci suppose toutefois au préalable un minimum de cohérence entre les modèles généralistes et les modèles de régimes utilisés pour les projections. Dispose-t-on des outils pour répondre aux questions structurelles qui se poseront? La réflexion nationale de 2013 mentionnée par la loi du 9 novembre 2010 devrait, selon la loi, porter notamment sur trois thèmes : - les conditions d'une plus grande équité entre les régimes de retraite légalement obligatoires ; - les conditions de mise en place d'un régime universel par points ou en comptes notionnels, dans le respect du principe de répartition au cœur du pacte social qui unit les générations ; - les moyens de faciliter le libre choix par les assurés du moment et des conditions de leur cessation d'activité. Pour que les outils dont on dispose permettent de bien traiter ces sujets, il convient a minima qu ils soient en mesure de produire des données par génération et par régime. 5 Avaient été étudiées deux variantes par rapport à l hypothèse de base, l une supposant que la réforme de 2003 ne modifierait pas les âges effectifs de liquidation, l autre, à l inverse, qu elle aurait un impact à la hausse sur la population active deux fois plus élevé qu avec l hypothèse de base. 8

Comment prendre en compte les effets induits sur d autres dépenses ou recettes (y compris charges financières)? Le COR a pour mission de décrire les perspectives à moyen et long termes des régimes de retraite. Les projections du COR ont donc pour champ le système de retraite et il n est pas du ressort du Conseil de projeter l impact d une réforme des retraites sur les finances publiques dans leur ensemble. Pour autant, la question des effets induits par une réforme sur les autres comptes sociaux se pose, que ces effets soient négatifs (reports vers des dépenses de chômage ou d invalidité, par exemple) ou positifs (surcroît de cotisations pour les autres caisses). Elle se pose d autant plus quand les réformes supposent la possibilité de hausses des taux de cotisation à l assurance vieillesse en contrepartie de baisses des taux de cotisation à l assurance chômage. Le COR a ainsi présenté des projections relatives aux comptes de l UNEDIC en marge de ses différentes projections depuis 2005. Les modalités selon lesquelles le COR pourrait apporter un éclairage plus complet sur ces questions méritent d être examinées (commande passée aux administrations en charge des finances publiques ou à des organismes disposant de modèles globaux tels que l OFCE ). Quels indicateurs doivent être associés aux projections? Les résultats des projections du COR se présentent d abord comme une chronique de soldes financiers (techniques / comptables), qui peut être complétée par des indicateurs synthétiques (tels que les besoins de financement cumulés en pourcentage du PIB et en milliards d euros ou encore l écart de financement actualisé - ou tax gap - lors de l exercice de 2010). L évolution projetée du niveau des pensions, en euros constants et relativement au niveau des salaires, est également présentée. En revanche, les projections ne sont pas systématiquement accompagnées de projections de taux de remplacement par génération, qu il faudrait tâcher de développer, et d indicateurs tels que ceux demandés pour l AWG (cf. document n 7). Cette réflexion sur les indicateurs rejoint celle menée au sein du COPILOR. * * * Sur ces différentes questions, sans nécessairement trancher à ce stade tous les points, l objectif est d avoir de premiers échanges au sein du Conseil et de dégager le cas échant de premières orientations afin de préparer au mieux les prochains travaux de projection. 9