LAP Poy Char - Programme 7-89 Point fort de notre voyage de sept mois en famille en Asie du Sud-Est, nous avons séjourné quinze jours sur le centre scolaire Enfants du Mékong de Sisophon, avec nos trois enfant, Constant (12 ans), Léopoldine (10 ans) et Ambroise (7 ans). Nous avons partagé la vie des jeunes du centre pendant ces quelques journées et visité de nombreux programmes de filleuls dans la province pour rédiger des lettres aux parrains. La région de Poy Char se trouve dans le district de Phnom Srok, dans la province du Banteay Meanchay, à 50 km au nord-ouest de Sisophon. Le programme 7_89 parraine des enfants des huit villages de cette commune. Le responsable de ce programme est M. Saphy Sann. En 2014, il a 76 filleuls. Il y a aussi des foyers de lycéens. La région est rurale et jouit d une bonne irrigation locale grâce à la proximité du lac Tropeang Thmor, retenue d eau creusée par les prisonniers des Khmers rouges à la fin des années 70. Mais malgré la présence de l eau et une relative prospérité, il y a un très fort contraste social dans les communes de cette région. Beaucoup d habitants de la région ont des rizières qu ils cultivent, il y a aussi une activité de la culture et du tissage de la soie, mais nombre d entre eux se tourne vers d autres métiers pour compléter leurs revenus car ils sont trop faibles. Pour cela, beaucoup d entre eux doivent avoir recours à l endettement pour investir et cet endettement déséquilibre la situation financière de certaines familles. Enfants du Mékong est présent dans cette région depuis près de trente ans. Avant le développement du programme local de parrainage, les lycées avaient des places dans des foyers d Enfants du Mékong à Phnom Penh pour aller au lycée. Leur exemple a eu un certain impact et une certaine émulation locale, et aujourd hui il y a un bon niveau de scolarisation et d études dans ce village. Enfants du Mékong soutient aussi des étudiants originaires de cette région dans les programmes étudiants, notamment en école d instituteurs. Ces derniers, recrutés par région seront aussi
affectés dans cette région qui jusqu à présent a souffert d un déficit de candidats instituteurs et professeurs. Saphy, le responsable du programme 7_89 ne cache pas sa satisfaction de voir dans ces étudiants compétents et d un bon niveau, les futurs et solides relais d un projet à long terme de scolarisation. Le programme 7_89 comporte aujourd hui le parrainage de 76 élèves, ainsi que des foyers de lycéens répartis sur l ensemble de la commune. ENFANTS DU MÉKONG a pour projet aujourd hui de renforcer le développement des classes de maternelles, très peu implantées à la campagne, car trop souvent, les petits enfants accompagnent leurs parents au travail. Il n est pas rare de voir des tous petits jouer à coté de leurs parents sur des chantiers, au détriment du danger que cela représente pour eux. La distribution des parrainages : Nous passons la journée à Poy Char, pour la distribution des parrainages, les visites de quelques familles de filleuls et des foyers de lycéens. La distribution a lieu au collège-lycée, où les enfants de l école primaire sont venus pour recevoir leur parrainage. Dans la cour, il y a des dizaines de vélos, et des jeunes qui jouent au volley, insensibles apparemment à la chaleur extrême de cette fin de mars.. Nous nous rassemblons dans une grande salle, et nous prenons place derrière une grande table dressée en face des filleuls. Sur le côté de la salle sont entreposées des dizaines de machines à coudre, données par l état, mais elles sont encore emballées car il n y a pas d enseignant pour donner des cours de couture Les filleuls sont nombreux, 76, du grade 3 (CE2) au grade 12 (terminale), et de l avis du responsable du programme, leur niveau scolaire est très bon. Comme avant chaque distribution, le responsable du programme ainsi que les professeurs et instituteurs rappellent l importance des études, de l assiduité, et ont un mot général d encouragement.
Appelés l un après l autre, chaque filleul reçoit de l argent en liquide, et pour les primaires aussi un sac de cosmétiques. Notre fils Ambroise, 7 ans, aide à la distribution des sacs avec beaucoup de sérieux Les lettres aux parrains, rédigées avec l aide des instituteurs et des professeurs sont collectées, et s il y en a, celles des parrains sont remises aux filleuls qui les reçoivent toujours avidement et avec beaucoup de joie. Après la distribution, nous rendons visite à quelques familles de filleuls du village.
Phuinsy a onze ans et est en grade 6 (6 ème ). Elle vit avec son petit frère et ses parents dans une grande maison qui accueille aussi une tante et les quatre grands-parents, qui sont à la charge de la famille car ils n ont pas de retraite. Deux autres jeunes tantes font des études d enseignantes à l école pédagogique de Battambang. Les parents de Phuinsy sont agriculteurs mais les revenus sont trop faibles pour faire vivre toute cette grande maison. Afin d avoir quelques revenus complémentaires, les grands parents tissent des paniers. La famille dispose aussi d un métier à tisser, élève des vers à soie et tisse des écharpes en soie. Mais cette production est limitée et les produits des ventes sont maigres car il y a peu de tourisme. Phuinsy sait tisser et nous montre comment elle lance la navette d un coté à l autre du métier. Phuinsy travaille très bien, elle est deuxième en classe. Elle ne sait pas encore ce qu elle souhaite faire plus tard, mais elle souhaite étudier. Le parrainage est très important pour elle car sa famille souhaite aussi qu elle étudie, comme ses tantes. Nous rendons également visite également à Sarika, qui a 13 ans en grade 7 (5 ème ). Elle n est pas présente mais nous sommes accueillis par sa maman et sa petite sœur. La situation de cette famille est difficile car les parents sont séparés depuis 2 ans. Ils ont un hectare de rizière mais le père boit, ne travaille plus et accumule les dettes. Elle continue de vivre dans la maison dont ils sont propriétaires. Ils ne sont pas divorcés car le divorce est trop cher, et la maman de Sakira continue de payer les dettes de son mari. Pour subvenir à ses besoins, elle travaille comme couturière chez les voisins qui ont une machine à coudre. Elle va aussi couper le manioc et travailler à la rizière. Pendant ce temps, la grand-mère peut s occuper des filles. Pour ces femmes, la solidarité entre voisins et avec la famille est une question de survie, et le parrainage de Sakira est tout simplement la seule solution pour qu elle puisse rester à l école. La dernière filleule à qui nous rendons visite s appelle Aimsean. Elle est en grade 7 (5 ème ), et a 13 ans. Sa maison, comme toutes les autres, est construite sur pilotis au milieu desquels courent les poules et les chiens.
Il y a un jardin autour et la famille fait pousser quelques bananiers. Aimsean a un frère qui est mécanicien, et une sœur qui poursuit des études d institutrice de maternelles. Elle est parrainée depuis 2012 et est deuxième de sa classe. Le parrainage l aide à se payer les cours supplémentaires, indispensables à partir du collège (grade 7). Ses parents sont agriculteurs, mais les revenus sont faibles. Lorsque ce n est plus la saison du manioc, la maman travaille comme couturière chez elle. Le problème de l endettement : la période de la guerre civile a particulièrement touché cette région car elle a été occupée longtemps par les khmers rouges. Cette période a déformé le tissu économique en instaurant une économie de guerre, à court terme. L endettement y est aujourd hui particulièrement fort. Il n est pas rare qu il soit pratiqué à des taux usuriers, sur des périodes très courtes. Micro-crédits et organismes d enquête ne parviennent pas toujours à écarter le risque d abus, car parfois les emprunteurs mentent sur leur situation et cumulent les emprunts. Quand ils ne veulent pas avoir recours à des circuits contraignants ils se tournent vers les commerçants du village qui pratiquent des taux usuriers ou proposent des marchés intenables à moyen terme. Ainsi la tentation de gains rapides pousse par exemple des agriculteurs à changer de métier et à investir dans des commerces ou des taxis. Ils mettent alors leurs terres en location ou vendent leur production à des intermédiaires et découvrent trop tard qu ils sont perdants. Les projets de mécanisation de parcelles trop petites sont parfois menés aussi en dépit de toute étude de rentabilité, et condamnés d avance. Même les fonctionnaires, tentés par des métiers parallèles, prennent parfois le risque de s endetter au-delà de leurs capacités financières. Quand la spirale s enchaine, certaines familles peuvent voir leur maison saisie, et être contraints de retourner vivre dans la maison des grands-parents. Lorsque ce n est pas possible, ils partent alors en Thaïlande, sans les enfants s ils sont trop jeunes, et c est alors le risque de l éclatement de la famille. Si les enfants sont assez grands (14 ans), ils partent aussi travailler en Thaïlande et abandonnent leurs études. A Poy char il y a plus de 20 % des jeunes adolescents partis en Thaïlande pour travailler. Le lycée compte aujourd hui plus de filles que de garçons. Les foyers de lycéens : Enfants du Mékong soutient de nombreux lycéens également en les logeant en foyers. Le plus souvent, les foyers sont ouverts par l initiative d un professeur qui repère les élèves, souvent bons et motivés, mais dont l environnement familial n est pas propice.
En effet, dans les familles pauvres ou peu instruites, les enfants aident et travaillent, négligeant alors leurs études. Il y a beaucoup de foyers dans la commune de Poy Char et les villages environnants. Nous en visitons deux. De nombreux jeunes sont en cours lorsque nous passons. L un d eux se trouve dans une maison sur pilotis, avec un rez de chaussée en plein air, ce qui permet de cuisiner et de vivre dehors à l abri du soleil. L autre est en dur. Il y a deux grandes pièces. Les jeunes vivent à une vingtaine dans chacune des deux pièces. A côté du bâtiment, une cabane sert de cuisine et de garde-manger. Les conditions de vie sont très simples, voire dures, surtout pour les filles qui pour des raisons de sécurité doivent fermer fenêtres et portes la nuit dans des pièces surchauffées entre 35 et 40 degrés. Mais ces foyers représentent une grande chance pour ces jeunes. Ils sont très motivés car chez eux ils seraient tentés ou poussés à abandonner leurs études. D autre part, au contact d Enfants du Mékong qui leur rend visite tous les mois et reste informé de près par les professeurs, ces jeunes
sont incités se faire leurs projets d études. Les foyers d étudiants représentent une belle chance pour les jeunes. Parfois nous avons trouvé les conditions un peu spartiates car les maisons sont petites mais la vie communautaire et l émulation qui s opère entre eux sont des forts atouts pour leurs études.