«Je crois que j aurais aimé la vérité en tout temps, mais au temps où nous vivons je suis prêt à l adorer.» Alexis de Tocqueville



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Transcription:

«Je crois que j aurais aimé la vérité en tout temps, mais au temps où nous vivons je suis prêt à l adorer.» Alexis de Tocqueville

Préface Q UOTIDIENNEMENT, dans notre pratique, les patients et leurs familles nous interrogent sur la prise en charge des frais médicaux. «J ai le 100 % docteur» ou «j ai une bonne mutuelle, docteur» sont des phrases régulièrement entendues dans les cabinets médicaux. Tous les jours à la radio, à la télévision, dans les journaux, sur internet, dans l affichage public, nous sommes inondés de messages publicitaires vantant telle mutuelle ou telle assurance. Le patient est perplexe à la lecture de son contrat d assurance complémentaire ou devant sa carte de mutuelle. Quand il doit subir une intervention chirurgicale, et donc régler des compléments d honoraires, une chambre particulière, des soins de suite et de rééducation..., les questions se multiplient. Que rembourse l assurance maladie obligatoire? Que rembourse l assurance complémentaire? Que veut dire le 100 % du tarif de remboursement sécurité sociale en termes de prise en charge réelle par la complémentaire? Que restera-t-il à la charge du patient? Autant d incompréhension pour la grande majorité des patients et de questions pertinentes qui nous sont posées.

VI COMPLÉMENTAIRES SANTÉ : LE SCANDALE L assurance maladie obligatoire, en situation difficile, a volontairement abandonné le remboursement des soins chirurgicaux à sa juste valeur depuis plus de 20 ans et n a plus les ressources pour rembourser la vraie innovation technologique et thérapeutique. Les assureurs complémentaires, payeurs toujours aveugles, «les yeux grands fermés», préfèrent rembourser des prestations à service médical extrêmement faible voire inexistant plutôt que l innovation technologique médicale. Une opacité permanente est savamment entretenue depuis de longues années sur les frais de gestion et sur les pratiques commerciales. Les relations ambigües entre le monde politique et les mutuelles entraînent une valse des taxes et modifications fiscales à chaque projet de loi annuel de financement de la sécurité sociale. Tout cela ne fait que perpétuer une complexité redoutable et une incompréhension inévitable. Nous avons sollicité l esprit libre et indépendant de Frédéric Bizard, économiste de la santé et enseignant à Sciences-Po Paris, afin de nous apporter les réponses à toutes ces questions et permettre d introduire clarté et transparence dans ce système. L Union des Chirurgiens de France, premier syndicat de chirurgie en France, espère que cet ouvrage sera un outil pédagogique utile pour les professionnels de santé et les usagers afin de mieux comprendre le financement des soins. Elle souhaite vivement qu il contribue au nécessaire débat et à l indispensable réforme du système afin d améliorer la qualité et l accès aux soins pour tous les Français. Bonne lecture! Docteur Philippe CUQ, chirurgien vasculaire Président de l Union des Chirurgiens de France Co-président «LE BLOC»

Sommaire Préface V Introduction 1 1. Qui sont les organismes de complémentaire santé? 5 2. Que font les complémentaires santé de votre argent? 35 3. Les complémentaires santé sont-elles utiles? 57 4. Établissements et réseaux de soins mutualistes : les inquiétudes des mutuelles 97 Conclusion 113 ANNEXES 1. Le compte de résultat technique «santé» en 2009 et 2010 123 2. Coûts d administration des systèmes de santé 129 3. Mieux comprendre vos remboursements 133

VIII SOMMAIRE 4. Tarifs opposables (TO) d une vingtaine d actes courants de chirurgie 137 5. Détails de la consommation des ménages tests sur cinq ans 139 6. Résultats de l enquête auprès de trente mutuelles réalisée par l Union des chirurgiens de France 147 Glossaire 157 Remerciements 167

Introduction Dunod Toute reproduction non autorisée est un délit. TOUS LES FRANÇAIS BÉNÉFICIANT d un contrat de complémentaire santé, ou ayant tenté d en souscrire un, ont vécu l expérience kafkaïenne que représente le choix d une complémentaire dans le maquis des offres du marché. Garanties incompréhensibles, comparaison des prix impossible, offres non personnalisées... En dépit de toute cette galère, on a le sentiment d être rassuré et protégé par sa complémentaire santé. Le matraquage publicitaire des assureurs complémentaires finit de convaincre ceux qui ne le seraient pas encore. Il ne manquait plus que la bénédiction du président de la République, c est chose faite depuis le congrès de la Mutualité en octobre 2012. François Hollande a promis que «tous les Français pourraient disposer d une complémentaire santé à l horizon 2017». De prime abord, il semble logique que meilleure sera la protection sociale des Français, meilleure sera leur situation face au risque santé. Plus de neuf Français sur dix en possèdent déjà une aujourd hui, et sa généralisation à tous serait ainsi la solution pour régler les problèmes d accès aux soins dans notre pays. Cette vision des choses devant se transformer en réalité au cours du quinquennat, il nous a semblé utile d explorer les «fonds marins» du monde des organismes complémentaires, que nous appellerons OC par la suite. La promesse du président Hollande résulte-t-elle vraiment d une réflexion centrée sur l intérêt général des citoyens? Les OC en général et leurs offres

2 COMPLÉMENTAIRES SANTÉ : LE SCANDALE en particulier sont-ils structurés aujourd hui de telle façon que les pouvoirs publics peuvent leur confier un rôle majeur dans l accès aux soins pour tous, rôle jusqu ici tenu par l assurancemaladie? Nous sommes sur ce point à un tournant historique en matière de protection sociale. Le secteur privé de l assurance santé, jusqu ici limité à un rôle de payeur complémentaire des soins, se verrait confier, avec l aide financière et politique des pouvoirs publics, un rôle structurant dans le fonctionnement de notre système de santé. L objet de ce livre est d abord de donner au citoyen l information nécessaire à la bonne compréhension de ce secteur économique. Il est aussi de lui fournir les moyens d évaluer son besoin de couverture complémentaire et de choisir en connaissance de cause le contrat le mieux adapté. Il est enfin de dénoncer une série de faits relatifs aux comportements de certains acteurs et à l organisation du secteur qui sont de véritables scandales, au sens étymologique du terme dans l expression petra scandali «pierre d achoppement» pour le bon fonctionnement de la protection sociale. La liberté de choix de sa complémentaire santé exige d abord du citoyen qu il comprenne mieux le secteur des OC, son histoire, ses acteurs et son fonctionnement (chapitre 1). Tout assuré doit ensuite savoir ce que fait son organisme complémentaire de son argent. Il doit aussi connaître quels postes de dépenses sont réellement couverts par son contrat, dans quelles conditions et à quelle hauteur. L organisme complémentaire ne pouvant redistribuer que la somme non utilisée pour ses frais de gestion et de fonctionnement, une analyse de ces frais est donc indispensable pour apprécier la capacité d un OC à assurer une bonne couverture des soins à un juste prix (chapitre 2). Nous verrons ensuite si la souscription à une assurance complémentaire est vraiment utile pour tous les Français. Comment évaluer la rentabilité financière de son assurance complémentaire? Comment choisir une assurance complémentaire adaptée à ses besoins et à son budget? Nous révélerons

INTRODUCTION 3 Dunod Toute reproduction non autorisée est un délit. les résultats d une enquête effectuée début 2013 par l Union des Chirurgiens de France auprès de trente mutuelles sur la qualité des garanties et le prix de leurs contrats, en considérant trois profils de ménages classiques de la société française (chapitre 3). Nous verrons aussi qu en plus de leur activité d assureurs, les mutuelles sont aussi des offreurs de soins et disposent de deux mille cinq cents services de santé et d accompagnement des malades. Le développement de réseaux de soins conventionnés, au cœur de la stratégie des OC, sera évalué quant à leur valeur ajoutée pour les assurés et leur pertinence dans notre système de santé (chapitre 4). Alors que la doxa ambiante laisse penser que la souscription d une assurance complémentaire, en complément de la couverture par l assurance-maladie, serait le seul chemin à suivre par tous les Français, il est utile de vérifier où mène ce chemin et s il n en existe pas d autres. Dans la fable «Le Loup et le Chien», La Fontaine nous parle de pédagogie de la liberté. Un loup se laisse séduire par la «félicité» de la vie d un chien, dont le confort d existence le fait «pleurer de tendresse». Mais soudain, découvrant «le col du chien pelé», la trace de son collier, il s indigne : «Vous ne courez donc pas où vous voulez.» «Qu importe» lui dit le chien, fataliste. La réponse du loup est immédiate : «Je ne voudrais pas même à ce prix un trésor.» Et il s enfuit... De manière subtile, La Fontaine nous invite nous aussi à devenir loups, ce qui ne signifie pas pour autant de sa part un quelconque égarement anarchiste. Le fabuliste évoque les dangers de la servitude et du confort d une société dans laquelle le citoyen perd son aptitude à résister aux forces conservatrices qui réduisent sa capacité d initiative et son espace de responsabilité. Nous espérons que ce livre sera une pédagogie de la liberté en matière de complémentaires santé, pour tenter d éliminer toute trace de collier!

Chapitre 1 Qui sont les organismes de complémentaire santé? «Il ne s agit pas de tuer la liberté individuelle mais de la socialiser.» Pierre-Joseph Proudhon

6 COMPLÉMENTAIRES SANTÉ : LE SCANDALE HISTOIRE DE LA PROTECTION SOCIALE : LÉGITIMITÉ HISTORIQUE DES MUTUELLES DE SANTÉ Du principe d assistance au principe d assurance sociale Avant le XIX e siècle, la gestion du risque social était aléatoire et de nature charitable. Elle reposait sur l assistance, sauf dans les corporations où la notion de solidarité apparaissait. Le début d une réponse globale est mis en place en Angleterre avec une série de lois, dont celle de 1601 la Poor Law Act qui organise l assistance des plus démunis au niveau des paroisses, en vigueur jusqu en 1834. Ces lois d assistance des pauvres étaient très controversées. Marx les qualifiait de sanguinaires, dotées d un caractère répressif car elles forçaient les pauvres à mendier. La pensée libérale du XIX e siècle (Adam Smith, Ricardo, Malthus) leur reprochait de multiplier le nombre de pauvres en favorisant une natalité excessive et en provoquant la baisse des salaires et le chômage. Les libéraux s opposaient à toute aide systématique destinée à prendre en charge les risques sociaux. La Révolution française va condamner les associations ouvrières et le corporatisme. La loi Le Chapelier de 1791 qui interdit la formation de tout groupement professionnel, de toute corporation afin de protéger la liberté d entreprendre ne reconnaît pas les sociétés de secours mutuels. Elle considérait que c était aux pouvoirs publics (à la Nation) de gérer ces risques sociaux, qu elle qualifiait de «dettes sacrées». Le principe de solidarité sociale est inscrit dans la Déclaration des droits de l Homme et du Citoyen de 1793. Il ne sera appliqué qu un siècle plus tard, dans les années 1880, par le premier chancelier allemand Otto Von Bismarck. En France, les libéraux opposent une forte résistance et n admettent que des mesures limitées de bienfaisance publique. La France connaît une phase d assistance publique et de libre