Annick Hellebuyck Conseiller Département affaires sociales T +32 2 515 08 58 F +32 2 515 09 13 ah@vbo-feb.be CIRCULAIRE La CCT n 102, la CCT n 5quater et la réforme de la loi sur la continuité des entreprises entrent en vigueur le 1 er août 2013 22 août 2013 Résumé Faisant suite à l évaluation par la FEB et les Réseaux CAP (2011-2012) de l application de la loi du 31/01/2009 relative à la continuité des entreprises (LCE), le gouvernement a consulté en 2012 toutes les parties prenantes, y compris le CNT, afin de développer des ajustements équilibrés aux dispositions légales existantes. Il a ensuite introduit début 2013 un projet de loi visant à améliorer la procédure de réorganisation judiciaire et à lutter contre certains abus. C est ainsi que la loi du 27 mai 2013 modifie à partir du 1 er août 2013 diverses législations en matière de continuité des entreprises (M.B. 22/07/2013). Parallèlement entre en vigueur à la même date la CCT n 102 du 5 octobre 2011 qui avait, entretemps, été rendue obligatoire par un A.R. du 14 avril 2013 (M.B. 25/04/2013). La CCT n 5quater du 5 octobre 2011 entre également en application le 1 er août 2013. Ces deux CCT, ainsi que les recommandations contenues dans l Avis n 1779 du CNT, ont déjà fait l objet d un commentaire détaillé dans notre circulaire sociale n 2011/073 du 2/12/2011. La présente circulaire résume les principales modifications légales. Elle détaille davantage les nouvelles mesures ayant un impact sur les relations du travail et les dettes sociales. FEB ASBL - Rue Ravenstein 4 - B - 1000 BRUXELLES T + 32 2 515 08 11 - F + 32 2 515 09 99 info@vbo-feb.be - www.feb.be Membre BUSINESSEUROPE
Circulaire (-2-) 1. Contexte Faisant suite à l évaluation par la FEB et les Réseaux CAP (2011-2012) de l application de la loi du 31/01/2009 relative à la continuité des entreprises (LCE), le gouvernement a consulté en 2012 toutes les parties prenantes, y compris le CNT, afin de développer des ajustements équilibrés aux dispositions légales existantes. Il a ensuite introduit début 2013 un projet de loi visant à améliorer la procédure de réorganisation judiciaire et à lutter contre certains abus. C est ainsi que la loi du 27 mai 2013 modifie à partir du 1 er août 2013 diverses législations en matière de continuité des entreprises (M.B. 22/07/2013) Parallèlement entre en vigueur à la même date la CCT n 102 du 5 octobre 2011 qui avait, entretemps, été rendue obligatoire par un A.R. du 14 avril 2013 (M.B. 25/04/2013). La CCT n 5quater du 5 octobre 2011 entre également en application le 1 er août 2013. Ces deux CCT, ainsi que les recommandations contenues dans l Avis n 1779 du CNT, ont déjà fait l objet d un commentaire détaillé dans notre circulaire sociale n 2011/073 du 2/12/2011. La présente circulaire résume les principales modifications légales (cf. point 2). Elle détaille davantage les nouvelles mesures ayant un impact sur les relations du travail et les dettes sociales (cf. point 3). 2. Réforme de la loi sur la continuité des entreprises La nouvelle loi vise à limiter l accès à la procédure aux entreprises «viables», à prévenir les abus d utilisation de la LCE à mauvais escient, à informer de manière plus simple et plus efficace les créanciers et également à veiller à respecter leurs droits, à améliorer les procédures mises en place par la LCE et, enfin, à mettre en place une politique de prévention plus proactive. Voici un aperçu des principales modifications légales. 2.1. Accès à la procédure en réorganisation et prévention des abus Un des objectifs des auteurs de ces adaptations à la LCE était de répondre aux critiques émises à son encontre en ce qui concerne l accès trop aisé à la procédure permettant notamment à des entreprises non viables ou trop peu organisées pour se redresser d en bénéficier ainsi qu à certaines entreprises de se mettre temporairement à l abri de quelques créanciers et donc, dans certains cas, d utiliser à mauvais escient la procédure de réorganisation. C est pourquoi, les mesures suivantes ont été prévues dans la nouvelle version de la loi sur la continuité des entreprises :
Circulaire (-3-) - Le débiteur qui sollicite l ouverture d une procédure de réorganisation judiciaire devra déposer un dossier complet, aucun délai ne lui sera plus permis pour le dépôt de pièces manquantes. Cela évitera les dépôts de requêtes farfelues ou «en urgence» visant uniquement à échapper à un créancier - Le débiteur devra disposer d une comptabilité «suffisante» pour déposer sa requête, caractère suffisant attesté par un professionnel du chiffre externe à l entreprise du débiteur - Une attestation d un professionnel du chiffre devra également être fournie confirmant que les mesures envisagées par le débiteur viseront effectivement à la continuité de l entreprise - Un droit de 1.000 EUR destiné à couvrir les frais de la procédure devra être payé par le débiteur qui introduit sa requête. Ce faisant, on évitera les procédures farfelues ou visant juste à obtenir un sursis temporaire pour échapper à un créancier (Code des droits d enregistrement, d hypothèque et de greffe) - Les pouvoirs des juges délégués sont étendus : ils peuvent, comme le tribunal, exiger la production de pièces que tout intéressé estime nécessaires à joindre au dossier et demander d initiative la fin anticipée de la procédure - Le débiteur ne pourra plus effectuer n importe quel paiement volontaire à n importe quel créancier. Ce paiement est subordonné à la condition que celui-ci soit nécessaire pour préserver la continuité de l entreprise - Dans le cadre de la procédure, en cas de manquements graves de la part du débiteur, le tribunal peut désigner soit un mandataire de justice pour accompagner ce débiteur dans sa gestion soit un administrateur provisoire qui sera chargé d administrer l entreprise pendant la durée du sursis - Le président du tribunal peut dessaisir le débiteur de la gestion de tout ou partie de ses biens lorsqu il existe des indices graves, précis et concordants que les conditions de la faillite sont réunies et que le débiteur ne pourra plus redresser son entreprise. Ainsi, il peut être mis fin plus aisément à une procédure de réorganisation «inutile» (cf. art. 76 LCE qui assouplit le recours à l article 8 de la loi sur les faillites). 2.2. Information des créanciers et transparence de la procédure La nouvelle loi améliore l information de tous les créanciers, à savoir les fournisseurs, les créanciers institutionnels, les travailleurs, pendant la procédure de réorganisation judiciaire. Seront ainsi développées : l informatisation du dossier et la consultation de celui-ci à distance par voie électronique. Ce droit d accès via login sera accordé automatiquement aux créanciers, y compris aux travailleurs. En outre, toute personne justifiant d un intérêt à la procédure pourra solliciter ce droit auprès du juge délégué. Cette plus grande transparence et cet accès facilité au
Circulaire (-4-) dossier de réorganisation permettra aux créanciers de mieux faire valoir leurs droits. 2.3. Amélioration de la prévention L amélioration de la prévention des situations d insolvabilité est une des clés permettant d améliorer le fonctionnement des procédures de réorganisation et d augmenter le nombre de redressements efficaces d entreprises en difficulté. C est ainsi que les mesures suivantes ont été prises, associant notamment les professions comptables à la détection des risques de discontinuité: - Une procédure d alerte est instituée avec le concours des professionnels du chiffre externes à l entreprise qui informent le président du tribunal lorsqu ils constatent des faits graves susceptibles de menacer la continuité de l entreprise - Le juge enquêteur est encouragé à questionner les professionnels du chiffre sur les recommandations fournies et mesures prises pour assurer la continuité de l entreprise depuis que celle-ci s est trouvée en difficulté, ce qui devrait contribuer à les rendre plus conscients de leurs responsabilités. - C est dès la première omission de comparution (et non plus après la seconde) que le juge enquêteur est autorisé à descendre d office dans l entreprise. - Les enquêtes commerciales sont accélérées. - Les services d enquêtes commerciales collectent des «clignotants» permettant de détecter les entreprises en difficulté. Parmi ces clignotants, on retrouve le signalement par l ONSS des retards de paiement des cotisations sociales. Il avait été constaté que ce signalement par l ONSS intervenait trop tardivement. C est pourquoi, à partir du 1er août 2013, l ONSS transmettra au greffe du tribunal de commerce, dans le mois qui suit chaque trimestre, une liste des débiteurs qui n'ont plus versé les cotisations de sécurité sociale dues depuis un trimestre (au lieu de deux trimestres). Cette liste indique, outre le nom du débiteur, le montant de la somme due. Il en ira de même pour le retard du paiement de créances fiscales (cf. nouvel art. 10, LCE). 2.4. Egalité des créanciers L égalité des créanciers était une des exigences de l ensemble des créanciers y compris les travailleurs. Une meilleure prise en compte de leurs intérêts respectifs était nécessaire. L examen des cas concrets et la concertation avec les parties concernées ont abouti à l adoption des mesures suivantes : - Dans le cadre d une procédure par accord collectif, le tribunal de commerce pourra refuser l homologation du plan de réorganisation en cas de non
Circulaire (-5-) respect des formalités légales ou de violation de l ordre public. Une différence entre les créanciers ne peut être faite que s il existe une justification raisonnable, à savoir un lien suffisant entre le sauvetage d une activité économique et les avantages accordés à certains créanciers - La principale nouveauté est l obligation de garantir au moins 15% des créances au principal dans les plans de réorganisation soumis au vote des créanciers concernés. En outre, les créanciers institutionnels munis d un privilège général, comme l ONSS et le fisc, bénéficient désormais du traitement réservé aux créanciers les plus favorisés dans le plan de réorganisation. Enfin, les créances salariales relatives à des prestations de travail antérieures à l ouverture de la procédure ne peuvent plus être ni réduites ni abandonnées (cf. point 3) - Comme en matière de faillite, le sursis profite au conjoint, ex-conjoint et cohabitant légal (si cette déclaration a été faite depuis au moins 6 mois) du débiteur qui est coobligé à quelque titre que ce soit des dettes de son époux, ex-époux ou cohabitant légal afférentes à l activité commerciale du débiteur - Les droits et obligations relatifs aux contrats en cours sont précisés et la nature des créances susceptibles de constituer des dettes de masse (article 37 LCE), les conditions de ce régime, et son application en cas de transfert d entreprise sont précisés. 2.5. Transfert sous autorité de justice Les dispositions relatives au transfert d entreprise telles que prévues par la CCT n 102 du 5 octobre 2011 et les recommandations des partenaires sociaux formulées dans leur Avis CNT n 1779 ont donné lieu à diverses adaptations légales (cf. point 3). Une nouvelle disposition importante dans le cadre du transfert d entreprise est que le mandataire de justice n est plus autorisé à réaliser des transferts pour un prix symbolique, ce qui lèserait les droits des créanciers de façon excessive. Pour qu une offre puisse être prise en considération, le prix offert pour l ensemble des actifs vendus ou cédés doit être égal ou supérieur à la valeur de réalisation forcée présumée en cas de faillite ou de liquidation. 3. Mesures ayant un impact sur les relations du travail et les dettes sociales 3.1. Harmonisation entre la CCT n 102 et l art. 61, LCE L art. 61, LCE a été mis en concordance avec les dispositions de la CCT n 102. Pour rappel, l art. 61 initial avait été établi dans l attente d une CCT du CNT rendue
Circulaire (-6-) obligatoire par A.R. «réglementant de façon plus précise les droits des travailleurs concernés par un transfert d entreprise dans le cadre d une réorganisation judiciaire» (ancien art. 61,, LCE). Etant donné que la CCT n 102 a été conclue le 5 octobre 2011 et a été rendue obligatoire par l A.R. du 14 avril 2013 (M.B. 25/04/2013), l art. 61, LCE a été réécrit. Les modifications sont essentiellement formelles. Sur le fond, notons la disparition à partir du 1 er août 2013 de la procédure judiciaire particulière en dommages et intérêts devant le tribunal du travail, qui était initialement prévue à l art. 61 3, al.3, LCE, et que le juge devait traiter en urgence tout en statuant au fond. Les partenaires sociaux ont privilégié l approche pragmatique de contestation par les travailleurs entre les mains du mandataire de justice (cf. circulaire sociale n 2011/073, pt 6.3.3), sans préjudice du droit d action individuel sur base des compétences habituelles du tribunal du travail. 3.2. Transfert sous autorité de justice : sort des organes sociaux Comme expliqué au pt 7.e. de notre circulaire sociale n 2011/073, les partenaires sociaux avaient choisi de transposer l art. 6 de la Directive 2001/23/CE en appliquant, en cas de transfert sous autorité de justice, le régime légal applicable au transfert des organes sociaux en cas de transfert conventionnel 1. La législation organisant les conseils d entreprise (loi du 20/09/1948) et celle organisant les CPPT (loi du 4/08/1996) ont, par conséquent été adaptées pour mettre en œuvre cette solution, dont nous rappelons les principes ci-après : Ces règles sont supplétives : les organisations des travailleurs représentées dans l entreprise transférée peuvent conclure avec le candidat-repreneur (nouvel employeur) un autre accord valable jusqu'aux prochaines élections sociales. Ces règles sont temporaires : elles valent jusqu aux prochaines élections sociales. Les représentants des travailleurs et les candidats non élus transférés conservent chez le repreneur leur protection légale contre le licenciement acquise dans l entreprise transférée, et ce en application de la Directive 2001/23/CE (art. 6.2), de la loi du 19 mars 1991 qui est d ordre public, ainsi 1 Il aurait été possible de se calquer sur le régime applicable au transfert des organes en cas de reprise d actif après faillite, mais ceci comportait un effet pervers pour le repreneur qui n avait pas encore d organe. En effet, selon l art. 76 de la loi du 4/08/1996 sur le CPPT (auquel renvoie l art. 21 11 de la loi du 20/09/1948 pour le CE), un organe doit être institué chez le repreneur, même s il ne dispose encore d aucun organe, en respectant le nombre de mandats fixé par la législation sur les élections sociales. On en arrive concrètement à créer systématiquement un organe comportant au minimum 8 représentants du personnel (4 effectifs + 4 suppléants), alors que l application des règles proposées dans l Avis conduira parfois à constituer des organes plus légers chez le repreneur (mandats repris uniquement), et parfois même à l absence temporaire d organe lorsque moins de 2 représentants seront transférés.
Circulaire (-7-) que de la CCT n 5 qui a été élargie sur ce point par la nouvelle CCT n 5quater. Le régime applicable au transfert des organes sociaux en cas de transfert conventionnel d entreprise sera appliqué mutatis mutandis au transfert d activité de type LCE3. A ce niveau, une distinction doit être établie selon que l entreprise transférée conserve ou non son identité : Si l entreprise transférée conserve son identité, le CE/CPPT/DS continuera de fonctionner après le transfert. Si l entreprise ne conserve pas son identité, il convient pour le CE/CPPT de vérifier si le repreneur dispose ou non d un organe : - S il y a un CE/CPPT chez le repreneur, les représentants du CE/CPPT occupés dans la partie transférée doivent être intégrés dans le CE/CPPT du repreneur. L organe du repreneur sera donc temporairement élargi à concurrence des représentants repris. - S il n y a pas de CE/CPPT chez le repreneur, un CE/CPPT sera constitué chez le repreneur (jusqu aux prochaines élections sociales), quel que soit le nombre de travailleurs repris/occupés, à moins que les parties n en décident autrement. Ce CE/CPPT sera uniquement composé des délégués repris. Ici également, les règles générales en matière de fonctionnement du CE/CPPT s appliqueront, en particulier le fait que l organe ne pourra pas fonctionner s il se compose de moins de 2 représentants du personnel repris. - La DS est reconstituée au plus tard endéans les 6 mois 2. 3.3. Situation de l ONSS dans le cadre des plans de réorganisation (accord collectif) Un nouvel art. 49/1, LCE précise les limites applicables aux droits des créanciers dans le cadre des plans de réorganisation. Parmi les nouvelles règles, les créanciers institutionnels munis d un privilège général, comme l ONSS et le fisc, bénéficient désormais dans le plan de réorganisation du traitement réservé aux créanciers les plus favorisés. 3.4. Situation des dettes salariales dans le cadre des plans de réorganisation (accord collectif) En vue de conformer la législation belge à la Convention internationale n 95 sur la protection de la rémunération, le nouvel art. 49/1, LCE protège désormais les 2 La CCT n 5 prévoit qu en cas de transfert conventionnel, les délégués syndicaux poursuivent leur mandat si l entité conserve son identité après le transfert. Si l autonomie de l entité transférée n est pas conservée, une nouvelle délégation syndicale doit être reconstituée, au plus tard 6 mois après le transfert, si toutes les conditions d installation prévues par les CCT applicables sont remplies.
Circulaire (-8-) dettes salariales sursitaires des travailleurs dont l entreprise fait l objet d un plan de réorganisation. Par conséquent, les créances salariales relatives à des prestations de travail antérieures à l ouverture de la procédure ne peuvent plus être ni réduites ni abandonnées contre l avis des travailleurs concernés. 3.5. Suspension du signalement pendant la période du sursis En vue de mettre fin aux controverses liées, d une part, à la protection du débiteur contre ses créanciers pendant le sursis et, d autre part, à la nécessité de lutter contre le non-paiement des dettes sociales et fiscales grâce au signalement de certains entrepreneurs et sous-traitants (cf. art. 30bis, loi du 27 juin 1969 & art. 408, CIR), le législateur vient de trancher en suspendant temporairement les effets du signalement pendant la période du sursis dans le cadre d une procédure en réorganisation judiciaire. Concrètement, l art. 30bis 11 de la loi du 27/06/1969 et l art. 408 du Code des impôts sur le revenu ont été modifiés à partir du 1 er août 2013 3. Il en résulte que le sursis suspend désormais l exigibilité des créances sursitaires des créanciers institutionnels. Cette suspension ne concerne cependant pas les dettes contractées pendant la poursuite des activités au cours de la période du sursis. 3 Suppression dans ces articles de la référence à la procédure en réorganisation judiciaire, qui avait été ajoutée par une loi du 14/04/2011.