GECO, 7 mai 2010 Risque de luxation d une PTH et responsabilités encourues Isabelle Lucas-Baloup Avocat à la Cour de Paris www.lucas-baloup.com
Luxation de PTH : Responsabilité du chirurgien? Responsabilité du fabricant?
Responsabilité du chirurgien? 1. pas de responsabilité sans faute 2. sauf produit défectueux 3. sauf infection nosocomiale art. L. 1142-1. - I
Responsabilité du chirurgien? Art. L. 1142-1. I : Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d un défaut d un produit de santé, les professionnels de santé ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins, ne sont responsables des conséquences dommageables qu en cas de faute.
Responsabilité du chirurgien? Fautes possibles : - dans l information du patient, - dans la prescription, - dans le choix de l implant, - dans la technique opératoire, - dans la gestion des complications immédiates.
Responsabilité du chirurgien? appréciation du comportement de l orthopédiste par expertise par rapport à l état de l art
État de l art opposable : données acquises de la science (arrêt 6 juin 2000 : écarte la «notion erronée de données actuelles de la science»), codes de déontologie médicale de 1955, 1979 et 1995, aujourd hui par l art. R. 4127-32 CSP, «Dès lors qu il a accepté de répondre à une demande, le médecin s engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s il y a lieu, à l aide de tiers compétents.»
État de l art opposable : loi Kouchner, 4 mars 2002 : art. L. 1110-5 «connaissances médicales avérées» aucune méthodologie opposable pour les définir rôle essentiel des experts mais «Le juge n est pas lié par les constatations ou les conclusions du technicien.» art. 246 code de procédure civile
Vice du consentement : Le consentement du patient à l intervention chirurgicale PTH peut être vicié par une information non pertinente donnée par l orthopédiste. La responsabilité du chirurgien est alors engagée du chef d une perte de chance d éviter le risque. Perte de chance réparation partielle du préjudice.
article L. 1111-2, code de santé publique Obligation d information : «Toute personne a le droit d être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. «Lorsque, postérieurement à l exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d impossibilité de la retrouver. Ex. : informer sur un lot de prothèses défaillantes
Obligation d information : avant loi Kouchner : obligation jurisprudentielle d informer sur les risques graves, même exceptionnels (critère de gravité) loi Kouchner : obligation d informer même sur risques fréquents pas graves, + sur les graves (critère de fréquence et/ou gravité)
Obligation d information : Le chirurgien doit-il informer le patient sur la durée de vie de la PTH? oui, s il l est lui-même par le fabricant, non, s il ignore la durée de vie de la PTH. Quelles sont les obligations du fabricant?
Quelle qualité de l implant? conformité aux exigences essentielles concernant la sécurité et la santé - des patients, - des utilisateurs, - et des tiers. art. L. 5211-3, CSP
Quelle qualité de l implant? Article R. 5211-21, CSP : «[ ] Ils sont conçus et fabriqués, compte tenu de l état de la technique généralement reconnu, de manière à pouvoir être utilisés aux fins qui sont les leurs, selon les indications du fabricant et atteindre les performances fixées par celui-ci et attestées par un certificat de conformité conformément aux dispositions législatives du présent chapitre. «Un effet secondaire et indésirable n est admis que s il présente un risque acceptable au regard des performances du dispositif.»
Directive DM 2007/47/CE (complète la 93/42) : transposée par décret du 28 avril 2009, ordonnance du 11 mars 2010, décret et arrêtés du 15 mars suivant. annexe I, exigences essentielles, I. exigences générales, article 4 : «Les caractéristiques et les performances [ ] ne doivent pas être altérées de façon à compromettre l état clinique et la sécurité des patients et, le cas échéant, d autres personnes pendant la durée de vie des dispositifs suivant les indications du fabricant lorsque ces derniers sont soumis aux contraintes pouvant survenir dans les conditions normales d utilisation.»
Quelle qualité de l implant? Article 1386-4 du code civil : (loi sur les produits défectueux du 19/05/98) «Un produit est défectueux lorsqu il n offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s attendre.»
Quelle qualité de l implant? qui est «ON»? que signifie «LEGITIMEMENT»? incidence de la durée de vie de la PTH dans l attente légitime du chirurgien et du patient.
Quelle qualité de l implant? Délit de tromperie sur les risques : (article L. 213-1 code consommation) «quiconque, qu il soit ou non partie au contrat, aura trompé ou tenté de tromper le contractant par quelque moyen ou procédé que ce soit même par l intermédiaire d un tiers : - sur les qualités substantielles, - sur la composition, - sur les risques inhérents à l utilisation du produit, les contrôles effectués, les modes d emploi ou les précautions à prendre» 2 ans et 37 500
Quelle qualité de l implant? En conséquence, le vice du consentement dû à une information insuffisante du patient par le chirurgien peut conduire à une condamnation pénale du chirurgien.
Toujours en droit pénal, ne pas oublier les obligations en matière de matériovigilance un délit :
Délit d omission de signaler : (article L. 5461-2 CSP) «Le fait, pour le fabricant, l importateur ou le distributeur d un dispositif ayant eu connaissance d un incident ou d un risque incident mettant en cause un dispositif médical ayant entraîné ou susceptible d entraîner la mort ou la.../
Délit d omission de signaler : (article L. 5461-2 CSP) «dégradation grave de l état de santé d un patient, d un utilisateur ou d un tiers, de s abstenir de le signaler sans délai à l Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, est puni de trois ans d emprisonnement et de 45 000 d amende.../...
Délit d omission de signaler : (article L. 5461-2 CSP) «Est puni des mêmes peines le fait, pour le professionnel de santé ayant eu personnellement connaissance, dans l exercice de ses fonctions, d un incident ou d un risque d incident de même nature, de s abstenir de le signaler sans délai à l agence.» (modifié par ordonnance n 2008-717 du 17 juillet 2 008)
Responsabilité du fabricant en l absence de faute du médecin : «Le débiteur est condamné, s il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l inexécution de l obligation, soit à raison du retard dans l exécution, toutes les fois qu il ne justifie pas que l inexécution provient d une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu il n y ait aucune mauvaise foi de sa part.» art. 1147, code civil le praticien s exonérera en prouvant la faute du fabricant, le fabricant s exonérera en prouvant la faute du praticien ou de l établissement.
Cour d appel Montpellier, 1 ère ch., 4 nov. 2008 : Prothèse de hanche (usure prématurée), «Cette prothèse a présenté un manque de sécurité dans son utilisation ( ) qui a d ailleurs abouti à son retrait du marché en 2002 ; ce manque de sécurité résultant de la faillite du polyéthylène est à l origine immédiate et certaine des préjudices invoqués par Mme B», Responsabilité du fabricant, Pas de faute du chirurgien dans la prescription et la technique opératoire (mais manquement à son obligation de diligence en postopératoire constitutif d un dommage indépendant du défaut de la prothèse, mais pas d indemnisation sollicitée par le patient à ce jour).
Cour admin. d appel Nancy, 3 e ch., 2 août 2007 : ostéotomie de la hanche en 1997, pseudarthrose et pose d une nouvelle plaque d ostéosynthèse avec greffe osseuse en 98, ablation du matériel et mise en place d une PTH en 1999, absence de récupération complète de la marche, «A supposer même que le CHU de Reims n ait pas informé la patiente de façon complète sur les risques afférents aux choix de l implant ainsi que sur les risques comparés des différents modes opératoires, la faute ainsi commise n a pas entraîné, dans les circonstances de l espèce, pour la patiente, qui aurait nécessairement choisi l intervention la moins lourde pratiquée et dont les séquelles actuelles sont, pour l essentiel, imputables à l évolution de l arthrose dont elle est atteinte, une perte de chance de se soustraire au risque qui s est réalisé ( )». patiente déboutée
Merci de votre attention.