KF/KAD/KS REPUBLIQUE DE CÔTE D IVOIRE ------------------- COUR D APPEL D ABIDJAN --------------- TRIBUNAL DE COMMERCE D ABIDJAN --------------- RG N 1145/15 ------------- JUGEMENT CONTRADICTOIRE Du 02/07/2015 ----------------- Affaire : Monsieur ALI Larry Schwaib Pascal (SCPA Abel KASSI-KOBON & Associés) Contre La Banque Atlantique Côte d Ivoire dite BACI (SCPA LAGO & Associés) DECISION : ------- CONTRADICTOIRE Reçoit Monsieur ALI Larry Shwaib Pascal en son action ; L y dit mal fondé ; L en déboute ; Le condamne aux dépens de l instance. AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU 02 JUILLET 2015 Le Tribunal de Commerce d Abidjan, en son audience publique du deux juillet deux mil quinze tenue au siège dudit Tribunal, à laquelle siégeaient : Docteur KOMOIN FRANCOIS, Président du Tribunal ; Messieurs KACOU BREDOUMOU FLORENT, ALLAH KOUAME JEAN MARIE, FOLOU IGNACE, RENE DAOUDA, N GUESSAN GILBERT et Madame TIENDAGA GISELE, Assesseurs ; Avec l assistance de Maître KONE SONGUI ADAMA, Greffier ; A rendu le jugement dont la teneur suit dans la cause entre : Monsieur ALI Larry Schwaib Pascal, né en 1962 à Porto-Novo, de nationalité béninoise, exerçant sous la dénomination commerciale de RIACOM, entreprise individuelle, inscrite au registre de commerce et du crédit mobilier sous le N CI-ABJ-2006-A-700, dont le siège social est sis à Abidjan Koumassi, boulevard Giscard d Estaing zone 4, 10 BP 986 Abidjan 10, Tél : 21 35 29 15, Fax : 21 35 29 14 ; Demandeur représenté par la SCPA Abel KASSI- KOBON & Associés, Avocats près la Cour d Appel d Abidjan, y demeurant Cocody les II Plateaux, Boulevard Latrille, résidence «SICOGI LATRILLE», 06 BP 1774 Abidjan 06, Tél : (225) 22 525 679/22 525 680, Fax : (225) 22 525 677, comparaissant et concluant ; d une part, Et La Banque Atlantique Côte d Ivoire, dite BACI, Société Anonyme avec Conseil d Administration, au capital de 14.963.330.000 francs, sise à Abidjan Plateau, 04 BP 1036 Abidjan 04, Tel : 20 31 59 50, Fax : 20 31 68 52/20 31 59 51, prise en la personne de son représentant légal, en ses bureaux ; 1
Défenderesse représentée par Maitre LAGO-ZAN, Avocat à la Cour, comparaissant ; d autre part ; Enrôlée pour l audience du 30 avril 2015, l affaire a été appelée. A cette audience, ayant constaté la non conciliation des parties, le tribunal a ordonné une instruction soldée par une ordonnance de clôture n 751/2015 sous la responsabilité du juge TIENDAGA Gisèle, et renvoyé le dossier à l audience publique du 04 juin 2015. A cette dernière date la cause a été mise en délibéré au 25 juin 2015, prorogé au 02 juillet 2015. Advenue cette audience, le tribunal a vidé son délibéré comme suit : Vu les pièces du dossier ; LE TRIBUNAL Vu l échec de la tentative de conciliation ; Ouï les parties en leurs fins, demandes et conclusions ; Et après en avoir délibéré conformément à la loi ; FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES Par exploit d huissier en date du 19 mars 2015, Monsieur ALI Larry Schwaib Pascal a assigné la Banque Atlantique Côte d Ivoire dite BACI à comparaître par-devant le Tribunal de ce siège le 30 avril 2015 pour s entendre : - dire et juger que le banquier dispensateur de crédit a manqué à son obligation de conseil et de mise en garde ; - conséquemment le décharger des intérêts et autres agios générés par ce prêt ; 2
Au soutien de son action le demandeur explique que par un acte d ouverture de crédit en date du 08 mai 2008, la BACI lui a octroyé un crédit relais à moyen terme d un montant de 150.000.000 francs CFA destiné à l acquisition de matériels d une imprimerie et à son exploitation ; Il ajoute que ce crédit a été consenti au taux de base bancaire de (10% +4%+tps 10%) et qu il est mentionné dans l acte d ouverture de crédit que toute variation des taux sera répercutée sur le coût du crédit ; Ce prêt, précise-t-il, a été consenti pour une durée de 03 ans de différé et adossé à une garantie à première demande émise par la GNA-CI ; Il révèle que les machines ont été livrées à Abidjan et qu il a dû faire face aux frais de dédouanement et d installation des équipements, la BACI n ayant pas inclus dans les sommes prêtées les frais de douanes et les frais d installation des machines ; Il ajoute avoir eu recours à une caution de monsieur VIDJANAGNI D. Antoine pour voir la banque lui octroyer la somme de 50.000.000 FCFA afin de faire face aux frais ci-dessus spécifiés ; En outre, il fait observer que le crédit d investissement n était pas suivi du crédit commercial, de sorte qu après l installation des machines, et face au refus de la BACI de lui octroyer un crédit commercial, il n a pu produire ni vendre pour faire face aux mensualités du prêt ; et que la BACI a appelé la garantie à première demande qui a pratiqué des saisies sur les machines ; Selon le demandeur la BACI a manqué à son obligation de conseil et de mise en garde consacrée par plusieurs arrêts de principe de la jurisprudence française ; En effet, il explique que la BACI qui a un droit de regard sur son compte d où se dessinaient des difficultés de remboursement du prêt, n a jamais attiré son attention sur les risques de souscrire à un prêt 3
bancaire et sur sa capacité à rembourser le crédit, l entrainant ainsi dans une situation compromise ; Ce manquement à l obligation de conseil et de mise en garde, déclare-t-il, lui a causé préjudice et est source de perte de gain qui mérite compensation en application des dispositions de l article 1149 du code civil ; Aussi, sollicite-t-il être déchargé des intérêts de droit et autres agios générés par ce prêt d une part, et d autre, que la BACI soit condamnée à lui payer la somme de 50.000.000 FCFA en compensation de sa perte de gain ; Poursuivant, le demandeur affirme que la BACI a violé la disposition de l article 3 de la loi 2005-du 02 décembre 2005 relative au taux d intérêt légal en ce qu elle n a pas indiqué dans l acte d ouverture de crédit le taux effectif global d intérêts ; Or, ajoute-t-il, cette disposition étant d ordre public, sa violation entraine la nullité de la stipulation d intérêt contractuelle et sa substitution par le taux d intérêt légal ; En réplique, la BACI fait valoir que la jurisprudence française sur laquelle le demandeur fonde son action n est pas applicable dans les Etats de l UEMOA et doit donc être écartée des débats ; Elle indique que dans les Etats membres de l UEMOA la notion jurisprudentielle retenue est celle de l obligation générale d information et de conseil qui consiste pour le banquier à donner ses conseils avisés de professionnels sur les conditions de l opération et l opportunité de la décision ; Dans ces conditions, dit-elle, il est indiscutable que les actes d ouverture de crédit conclus entre les parties les 23 mai et 20 octobre 2008, après échanges entre les structures de la banque et le demandeur prouvent que chacune des parties a été suffisamment instruite sur le projet et ses conséquences financières ; 4
Elle affirme que le prétendu manquement à son obligation n est pas justifié dans la mesure où le demandeur a bénéficié d une ouverture de crédit pour les besoins d investissement de son imprimerie et des facilités de caisse d un montant de 50.000.000 FCFA pour faire face à l exploitation de son activité ; La BACI estime qu en le faisant, elle lui a permis d installer son imprimerie et de faire face aux charges de fonctionnement de celle-ci pendant les premiers moments de son fonctionnement ; Elle ajoute que la demande de mise en place d un crédit additionnel formulée par le demandeur n a pas prospéré compte tenu des difficultés qu il avait à respecter le remboursement des échéances du crédit principal telles que détaillées dans le tableau d amortissement ; C est donc à tort, indique-t-elle, que le demandeur soutient qu elle avait l obligation de lui accorder une ligne additionnelle de crédit ; Elle conclut que la faute alléguée n est pas fondée et sollicite que la demande en annulation des agios et frais liés aux crédits formulée par le demandeur soit rejetée, celle-ci étant mal fondée ; Par ailleurs, la BACI fait noter que contrairement aux allégations du demandeur, elle a bel et bien indiqué sur la page 1 du tableau d amortissement du prêt qui constitue un annexe contrat de prêt, le Taux Effectif Global ; Dès lors, affirme-t-elle, les intérêts et agios relatifs au prêt sont dûs, de sorte que la demande de Monsieur ALI Larry Schwaib Pascal ne peut prospérer sur cette base ; En la forme SUR CE Sur le caractère de la décision 5
La Banque Atlantique Côte d Ivoire dite BACI a été assignée à son siège et a conclu ; il convient de statuer contradictoirement ; Sur le taux du ressort L article 8 de la loi organique n 2014-424 du 14 juillet 2014 portant création, organisation et fonctionnement des juridictions de commerce dispose : «Les Tribunaux de commerce statuent : - en premier ressort, sur toutes les demandes dont l intérêt du litige est supérieur à un milliard de francs CFA ou est indéterminé ; - en premier et dernier ressort, sur toutes les demandes dont l intérêt du litige n excède pas un milliard de francs CFA». En l espèce, l intérêt du litige est indéterminé ; il convient de statuer en premier ressort ; Sur la recevabilité de l action Monsieur ALI Larry Schwaib Pascal a initié son action selon les forme et délai prescrits ; il y a lieu de la déclarer recevable Au fond Sur la responsabilité de la banque Le demandeur soutient que la BACI a manqué à son obligation de conseil et de mise en garde au motif qu elle ne l a pas mis en garde sur les risques de contracter un prêt bancaire et sa capacité à rembourser ; En droit bancaire, l obligation générale d information et de conseil consiste pour le banquier à renseigner le client sur l opération projetée et l opportunité de la décision et non à dissuader l emprunteur de contracter un crédit ; celui conservant la liberté de s engager ; Dans le cadre de ces devoirs, il repose sur le banquier une obligation de moyen et la responsabilité 6
qui pèse sur ce dernier est en principe une responsabilité pour faute, de sorte qu il appartient au client qui estime que son banquier a manqué à son devoir d information de prouver la faute de celui-ci ; Il appartient donc au demandeur de prouver que la BACI ne l a pas informé sur le prêt et l opportunité de la décision ; En l espèce le demandeur se fonde sur le fait qu il n a pas pu rembourser le prêt pour prétendre que la BACI a manqué à son obligation d information et de conseil ; Cette allégation ne peut cependant constituer une preuve de la faute commise par la BACI ; En effet, il est constant comme résultant de l économie générale des pièces du dossier que la BACI a accordé un prêt d un montant de 150.000.000 francs CFA au demandeur destiné à l achat des matériels de production d une imprimerie et des facilités de caisse d un montant de 50.000.000 francs CFA ; En lui octroyant des facilités de caisse, la BACI a permis au demandeur d installer son imprimerie et de faire face aux premières charges de fonctionnement dont l exploitation devait permettre le remboursement du prêt ; Dans ces conditions, il ne peut soutenir que la Banque lui a accordé un prêt tout en sachant qu il ne peut le rembourser ; celle-ci ne pouvant présager des difficultés dans l exploitation de l imprimerie ; En outre, il est établi qu en raison des difficultés pour le demandeur de respecter le remboursement les échéances du crédit principal, la BACI a refusé de lui accorder un crédit additionnel ; En agissant ainsi, la BACI a agi dans l intérêt du demandeur afin d éviter de lui accorder un crédit excessif qui pourrait aggraver sa situation d endettement ; de sorte que ce refus ne peut être constitutif d une faute ; 7
Il résulte de ce qui précède que la BACI n a pas manqué à ses obligations, et que c est à tort que le demandeur sollicite l annulation des intérêts et autres agios générés par le prêt ; Partant il y a lieu de dire sa demande mal fondée et la rejeter ; Sur le défaut d indication du Taux Effectif Global Le demandeur soutient que la BACI n a pas indiqué dans l acte d ouverture de prêt le taux effectif global ; Ce qui n est pas exact car il est établi, tel qu il résulte du tableau d amortissement du prêt annexé au contrat de prêt, que la BACI y a indiqué le taux effectif global ; Il y a lieu en conséquence de rejeter ce moyen ; Sur la demande en paiement de dommagesintérêts pour perte de gain Monsieur ALI Larry Schwaib Pascal sollicite la condamnation de la BACI à lui payer la somme de 50.000.000 francs CFA en compensation de la perte de gain qu il subit ; Il est constant comme ci-dessus jugé que la BACI n a commis aucune faute dans ses relations avec lui ; Partant sa demande ne peut prospérer, et il convient de la rejeter comme mal fondée ; Sur les dépens Monsieur ALI Larry Shwaib Pascal succombe ; il y a lieu de le condamner aux dépens ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort ; Reçoit Monsieur ALI Larry Shwaib Pascal en son action ; 8
L y dit mal fondé ; L en déboute ; Le condamne aux dépens de l instance. Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus. ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER. 9
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