LE FIBROME NASOPHARYNGIEN: EXPÉRIENCE DU SERVICE Pr F.Handis,Pr Z.Mallek,Dr N.Ouared,Pr D.Selmane,Service ORL CHU BEO
Le fibrome nasopharyngien (F.N.P) est une tumeur rare du nasopharynx qui touche essentiellement l adolescent de sexe masculin. Malgré un aspect histologique bénin, cette tumeur est hautement agressive pouvant s étendre vers les fosses nasales, la fosse ptérygomaxillaire, le sinus sphénoïdal et la selle turcique, la fissure orbitaire inférieure et l endocrâne. La chirurgie constitue le traitement de choix de cette tumeur. La riche vascularisation qui caractérise cette tumeur expose à un risque de saignement important lors de la biopsie et du traitement chirurgical. La tomodensitométrie et l imagerie par résonance magnétique permettent d évoquer le diagnostic et de faire un bilan d extension, constituant ainsi une étape importante dans le choix de la technique chirurgicale. L embolisation effectuée au cours d une angiographie permet de diminuer le saignement peropératoire et par là d effectuer une résection complète pour les tumeurs volumineuses. Dans ce travail, nous rapportons 8 cas de FNP traités par embolisation préopératoire et discutons les avantages induits par cette embolisation.
Matériels et méthode Il s agit d une étude rétrospective de 8 cas de FNP traités par embolisation pré-opératoire et ayant bénéficié d une cure chirurgicale. Tous les patients étaient de sexe masculin avec un âge variant entre 8 et 16 ans (moyenne 11,3 ans). Tous les patients ont été explorés par scanner du massif facial, comportant des coupes axiales et coronales avant puis après injection de produit de contraste. Sur la base des résultats du scanner réalisés nos malades ont été classés selon la classification de Radkowski comme suit : Stade IA: 1 cas Stade IB: 4 cas Stade IIA: 1 cas Stade IIB: 1 cas Stade IIC:1 cas
TDM DES SINUS APRÈS INJECTION DE PRODUIT DE CONTRASTE (TEMPS ARTÉRIEL) AVEC COUPES AXIALES ET RECONSTRUCTIONS DANS LE PLAN CORONAL *. VOLUMINEUSE MASSE HYPERVASCULARISÉE, POLYLOBÉE, DE LA FOSSE NASALE GAUCHE, S'ÉTENDANT VERS 1. LA FOSSE NASALE DROITE 2. LA FENTE SPHÉNO PALATINE, LA FOSSE TEMPORALE ET 3. LE SINUS MAXILLAIRE GAUCHE ASPECT ÉVOCATEUR D'UN VOLUMINEUX FIBROME NASOPHARYNGÉ GAUCHE EMBOLISATION PRÉ-OPÉRATOIRE INDISPENSABLE DEVANT LE RISQUE HÉMORRAGIQUE
L angiographie pratiquée chez tous les malades, par voie fémorale, sous anesthésie générale, a comporté une opacification de la carotide interne et externe du côté de la tumeur suivie par un cathétérisme sélectif des branches participant à la vascularisation de la masse et, enfin une étude de la carotide externe controlatérale. La vascularisation tumorale était exclusivement homo latérale dans 7 cas, et bilatérale dans un cas. La vascularisation était assurée par l artère maxillaire interne dans tous les cas. Aucune participation de l artère carotide interne n a été notée. L embolisation a été réalisée en même temps que l angiographie, dans tous les cas, après cathétérisme super sélectif des branches participant à la vascularisation de la tumeur (maxillaire interne droite 7 cas, maxillaire interne gauche 1 cas). Tous les malades ont été opérés dans un délai ne dépassant pas trois jours après l embolisation. Un contrôle par examen clinique et par scanner a été réalisé après 2 mois dans un cas et après 6 mois pour tous les autres malades. Tous les malades ont été suivis pendant 2 ans.
Résultats Sur le plan clinique, le symptôme le plus fréquent était l obstruction nasale et l épistaxis récidivante, trouvés dans 90 % des cas. Des signes associés ont été retrouvés à type d algie faciale (1 cas)et de troubles de l odorat et de rhinorrhée (2 cas). L examen physique a trouvé une tuméfaction jugale dans 1 cas,et l endoscopie a objectivé dans tous les cas une tumeur charnue, régulière richement vascularisée,saignant au moindre contact. L embolisationa été réalisée dans tous les cas sans difficulté technique notable. Le côté droit était plus souvent touché que le côté gauche et l embolisation était bilatérale dans un cas au niveau des deux artères maxillaires internes. Le contrôle angiographique au niveau de l origine des artères embolisées avait montré une dévascularisation totale de la tumeur dans tous les cas. Le contrôle au niveau des carotides a permis de confirmer l absence d autres branches participant à la vascularisation de la tumeur et l absence de migration d emboles.
A GAUCHE: AVANT EMBOLISATION A DROITE: APRES EMBOLISATION
Tous les malades ont été opérés dans un délai de 48 à 72 heures après l embolisation et la technique chirurgicale était choisie selon la taille et le siège de la tumeur. L exérèse chirurgicale effectuée par voie endonasale a été réalisée dans tous les cas. Le saignement peropératoire était minime dans tous les cas avec une moyenne de 550 ml (150 à 850 ml) et un cas ayant nécessité une transfusion sanguine. L exérèse tumorale était totale et en un seul temps opératoire et aucune complication peropératoire n a été enregistrée. Dans un cas, un saignement a été enregistré au deuxième jour post-opératoire en rapport avec la reperméabilisationd une branche embolisée. Le scanner de contrôle a objectivé une récidive tumorale dans 1 cas et un reliquat tumoral dans un cas confirmé par IRM. Une reprise, après une deuxième embolisation,a été réalisée par voie endoscopique pour la récidive et pour le reliquat tumoral. Après un recul moyen de 2 ans, aucune récidive ou complication n a été enregistrée.
Discussion Le fibrome nasopharyngien (F.N.P) est une tumeur rare dont l incidence varie entre 0,05 et 0,5 de l ensemble des tumeurs de la tête et du cou. Elle touche habituellement l adolescent de sexe masculin entre 7 et 25 ans et le diagnostic est fait fréquemment entre 14 et 17 ans. Il s agit d une tumeur bénigne composée d un stroma fibreux renfermant des structures vasculaires pouvant aller des capillaires aux veinules. Les vaisseaux les plus volumineux occupent le centre. Cette tumeur prend origine au niveau de la partie postérieure de la paroi latérale de la fosse nasale près du bord supérieur du foramen sphéno-palatin. Malgré leur aspect histologique bénin, ces tumeurs se caractérisent par une agressivité locorégionale avec extension sous-muqueuse dans toutes les directions. L extension se fait tout d abord vers la cavité nasale, le nasopharynx, la fosse ptérygopalatine et le sinus sphénoïdal.
L extension latérale à partir de la fissure ptérygo-maxillaire vers la fosse infratemporale est fréquente, alors que les extensions orbitaire et endocrânienne sont plus rares. Le diagnostic de ces tumeurs est généralement fait à un stade avancé, ce qui amplifie les difficultés chirurgicales notamment le saignement peropératoire. Le développement sournois de ces tumeurs et l installation progressive de ces symptômes, expliquent les délais tardifs du diagnostic. Les signes rhinologiques sont au premier plan dominés par l obstruction nasale uni ou bilatérale retrouvée dans 79 à 87 % des cas. Une épistaxis est associée dans 69 % des cas, elle serait d abondance variable : volontiers récidivante entraînant parfois une anémie sévère nécessitant des transfusions sanguines. Dans notre série, l obstruction nasale et l épistaxis étaient présentes dans 90 % des cas.
Le scanner et l IRM permettent de confirmer le diagnostic et d effectuer un bilan d extension précis de la tumeur, un élément fondamental pour le choix de la voie d abord chirurgicale. En tomodensitométrie, le FNP apparaît sous forme d une masse de densité tissulaire intéressant la fosse nasale et le nasopharynx se rehaussant intensément après injection de produit de contraste. L IRM permet une meilleure évaluation de l extension tumorale, notamment vers les espaces profonds de la face, et l envahissement endocrânien. Plusieurs classifications des FNP ont été proposées parmi lesquelles celle de Fisch, utilisée pour les indications opératoires, et celle de Radkowski. La classification de Radkowski est la plus récente et paraît la plus utilisée dans la littérature récente. Cette classification a le mérite de souligner les diverses modalités d extension latérale. Dans la plupart des cas la biopsie n est pas nécessaire avant la résection. En cas où l aspect n est pas typique ou si la présentation clinique n est pas habituelle une biopsie doit être réalisée avant l exérèse de préférence au bloc opératoire.
En effet le diagnostic différentiel peut se poser parfois avec la dysplasie fibreuse, le lymphopithéliome et le rhabdomyosarcome. L angiographie permet dans un premier temps de faire un bilan des artères participant à la vascularisation de la tumeur et dans un 2e temps de faire une embolisation. L examen comporte une étude de profil, à l aide d un cathéter 4 ou 5 French de la carotide interne, de l artère maxillaire, et des artères pharyngienne et palatine ascendantes. En cas d extension vers le côté controlatérale une étude des vaisseaux du côté opposé est réalisée. L injection montre au temps artériel précoce un aspect réticulé caractéristique avec un blush dense et homogène persistant au temps veineux. La présence d un drainage veineux précoce est rare. La visualisation d un rehaussement de la tumeur après injection de la carotide interne peut correspondre soit à une extension intracrânienne ou intra-orbitaire, soit à une suppléance par des collatérales de la carotide interne. Dans certaines séries, la participation de la carotide interne à la vascularisation des FN P était présente dans 30 % des cas
Les complications mineures à type de fièvre ou une douleur locale peuvent se voir 12 à 24 heures après l embolisation et sont traitées par les stéroïdes. Une bradycardie transitoire peut survenir au cours de l injection de la maxillaire, ou moins fréquemment de la pharyngienne ascendante, et qui peut être traitée par l injection d atropine en intraveineux. Des douleurs dentaires supérieures ou inférieures ou une anesthésie des téguments péribuccales et dans le territoire du V2 peut se voir pendant une semaine après l embolisation. Les complications majeures peuvent survenir avec l utilisation de matériel embolique inadéquat, le reflux de matériel emboligène (par spasme, cathétérisme non sélectif ou injection rapide) ou non identification d anastomoses dangereuses.
La chirurgie constitue le traitement de choix. Les voies d abord sont multiples. La voie transnasale sous guidage endoscopique est actuellement la plus utilisée. Certaines équipes l utilisent même pour les tumeurs IIC et pour certaines tumeurs IIIA. Les récidives surviennent généralement entre 6 mois et un an après le traitement avec un taux évalué entre 20 et 40 %. Dans notre série nous avons enregistré 2 cas de récidive. Une surveillance par scanner ou IRM doit être faite après 6 mois de l exérèse puis tous les ans pendant 2 ans.
Conclusion Le F.N.P est une tumeur rare de l adolescent. Malgré son aspect histologique bénin elle se caractérise par une agressivité loco-régionale. L imagerie en coupe permet d évoquer le diagnostic et d évaluer l extension de la tumeur qui constitue une étape importante dans le choix de la voie d abord. L embolisation préopératoire constitue une étape essentielle dans la stratégie thérapeutique par la diminution du saignement peropératoire. Les complications liées à l embolisation sont rares et peuvent être évitées notamment par la réalisation d une étude minutieuse de la cartographie vasculaire de la tumeur avant l embolisation.