MISE AU POINT SUR LES MARQUEURS DE L INFLAMMATION UTILISÉS EN ROUTINE AU LABORATOIRE INTRODUCTION L inflammation est une manifestation incontournable et très fréquente de nombreuses pathologies. D expression parfois très discrète, il est nécessaire de pouvoir la dépister, la quantifier, la spécifier et suivre son évolution. Cet article a pour but de faire le point sur les moyens de détection que notre laboratoire met à votre disposition à l heure actuelle, pour la mise en évidence des états inflammatoires aigus et de présenter leurs intérêts et leurs limites. 1. L hémogramme : La mise en évidence de l activité inflammatoire aiguë se manifeste le plus souvent par une augmentation des leucocytes (leucocytose) ou plus rarement par une diminution des leucocytes (leucopénie). Elle peut s accompagner d une anémie peu ou pas régénérative normochrome normocytaire et d une thrombocytose. (Voir notre article déjà paru : L étude des leucocytes) Leucocytose : Elle est dans ce cas réactionnelle, elle s accompagne d une neutrophilie avec leftshift et/ou d une monocytose (inflammation ou infection chronique). Leucopénie : Soit liée à une neutropénie (infection bactérienne ou virale, septicémie, toxémie) Soit liée à une lymphopénie (infection virale, septicémie, endotoxémie). Son utilisation est quotidienne et généralement de première intention, mais elle peut montrer des limites, en effet, certains états inflammatoires marquants ne montrent pas d augmentation des leucocytes et peu ou pas de modification de la formule sanguine. 2. La vitesse de sédimentation : Analyse simple basée sur la sédimentation accélérée des rouleaux d hématies en présence de protéines inflammatoires. Elle augmente lors de processus inflammatoire. Limite : Elle est non spécifique d une maladie, manque de sensibilité, sa valeur de base peut varier lors d anémie ou lors de polyglobulie. Valeurs normales : de 0-1mm Mise au point sur les marqueurs de l'inflammation utilisés en routine au laboratoire, 1/6
3. L électrophorèse des protéines : L électrophorèse est une technique de séparation des protéines en fonction de leur concentration et poids moléculaire. Antérieurement, la technique utilisée était une technique de migration sur gel d agarose. Depuis deux ans, nous utilisons une technique de pointe par migration sur capillaire. Les résultats sont présentés sous deux formes : d une part un graphique qui est le résultat de l intégration par densitométrie de la bande électrophorétique et d autre part de valeurs chiffrées pour chacune des fractions en % et en g/l. NB: Ce graphique est actuellement conservé au laboratoire mais peut vous être transmis sur simple demande. Le tracé met en évidence 5 zones : l albumine, la plus importante, et les globulines, alpha1, alpha 2, bêta et gamma. Fig 1: tracé d'électrophorèse «standard» Les marqueurs de l inflammation migrent au niveau des globulines et se marquent par une augmentation d une ou plusieurs globulines. L augmentation des globulines entraîne généralement une augmentation des protéines totales sauf dans le cas d une hypoalbuminémie, c est pourquoi, il est important de demander systématiquement un dosage de l albumine pour éviter de passer à coté d une hyperglobulinémie couplée à une hypoalbuminémie. L augmentation des globulines alpha 1 et 2 signe généralement des états inflammatoires aigus. L augmentation des globulines en bêta évoque des pathologies parasitaires, tumorales, hépatiques. Attention : lors d hémolyse, un pic étroit se manifestera en bêta. L augmentation des globulines en gamma porte le nom de gammopathies, elles sont soit monoclonales soit polyclonales : Mise au point sur les marqueurs de l'inflammation utilisés en routine au laboratoire, 2/6
polyclonales : Infection prolongée (pyodermite, pyomêtre, Erhlichiose, affections fongiques et virales) Parasitisme (gastro-intestinale et respiratoire, Leishmaniose, trichinose) Pathologie auto-immune (lupus discoïde, polyarthrite, pathologie infiltrative à éosinophiles) Etats inflammatoires chroniques (amyloïdose, tumeurs, dermatoses, affections hépatiques, cirrhose, hépatite, cholangite) Fig 2: tracé typique de gammopathie polyclonale monoclonales : prolifération maligne d un seul clone de cellules lymphoïdes : Myélomes multiples, macroglobulinémie de waldenström, leucémie lymphoïde chronique, lymphome, plasmocytomes Affections non tumorales : Erhlichiose, leishmaniose, inflammations lymphoplasmocytaires Gammopathies monoclonales bénignes idiopathiques. Fig 3: tracé typique de gammopathie monoclonale Remarque importante : un traitement aux corticoïdes va entraîner un aplatissement des pics du tracé électrophorétique et générer une image faussée (Voir notre article sur les dysprotéinémies) Mise au point sur les marqueurs de l'inflammation utilisés en routine au laboratoire, 3/6
Tableau montrant les pathologies associées aux augmentations et diminutions individuelles de chaque fraction Fractions électrophorétiques Fractions électrophorétiques Albumine Pathologies associées Pathologie hépatique, rénale, protéin loosing enteropathy Alpha 1 Arthrite rhumatoïde Hépatome Alpha 1 et alpha 2 Inflammation aiguë Alpha et Beta Albumine Néoplasie Alpha 2 Albumine Protein losing enteropathy Alpha 2, Beta, Gamma Albumine Mycoses systémiques, infections chroniques,pneumonie, PIF Leishmaniose Alpha, Beta Albumine Syndrome néphrotique et hépatique Beta Beta et gamma (polyclonal) Obstruction biliaire Infections parasitaires sévères Pyodermite, toxoplasmose Infections chroniques et prolongées Parasitisme Maladie à médiation immune Etats inflammatoires chroniques (Amyloïdose, tumeurs, affections hépatiques) Leucémie féline Gamma (monoclonal) Hypoglobulinémie Hypergammaglobulinémie Myélomes multiples Erhlichiose canine Lymphome Leucemie Plasmocytomes extramédullaire Affections non tumorales (Ehrlichiose, leishmaniose, inflammation de type lymphoplasmocytaire, gammapathies monoclonales bénignes) Deficit selectif en IgA (Sharpei, Beagle) Deficit immunitaire sévère lié au chromosome X. Mise au point sur les marqueurs de l'inflammation utilisés en routine au laboratoire, 4/6
4. Fibrinogène : Cette protéine est connue pour son implication dans les processus de coagulation plasmatique. Synthétisée par le foie, elle est un témoin précoce et mesurable de l inflammation aiguë. Elle augmente de 2 à 4 x lors d inflammation aiguë en 24h et revient à la normale au bout de deux semaines. Lors de pathologie chronique, elle restera élevée aussi longtemps que dure la pathologie. Elle n est pas proportionnelle à l intensité de l inflammation. Elle augmente lors : d inflammation aigue et chronique de traumatisme de pathologies suppuratives Elle diminue lors: d insuffisance hépatique sévère de CIVD 5. CRP ou C-Réactive Protéine Très fréquemment utilisée chez l homme en routine où elle a supplanté les autres marqueurs, cette protéine est un marqueur très sensible de l inflammation et de nombreuses études ont également démontré son intérêt en médecine vétérinaire. Il s'agit d'une protéine de grande taille, synthétisée exclusivement par le foie par induction des cytokines de l inflammation. Elle a une action anti-inflammatoire et anti-tumorale : - par la fixation directe des débris cellulaires et des bactéries - par l activation du complément et de la phagocytose - en protégeant la paroi vasculaire. Elle migre en position bêta sur le protidogramme mais, même une augmentation très importante ne se voit pas sur le tracé électrophorétique. Sa concentration augmente dans les 4 heures suivant l agression, atteint son maximum en 24h (X100) et revient à la normale en 3 à 4 jours. Elle augmente précocement lors de pathologies inflammatoires d origine infectieuse, auto-immune et tumorale, elle permet le suivi du traitement anti-antibiotique, immunosuppresseur lors de pathologie auto-immune et le suivi post opératoire après chirurgie. Elle augmente également lors de pathologie valvulaire chronique et lors de gestation (la CRP d une femelle gestante peut monter jusqu à 7 à 9 ng/dl, 30 à 45 jours après l ovulation et à ce titre pourrait constituer une approche dans le diagnostic de gestation, malheureusement cette augmentation est peu marquée chez certaines chiennes). La mise en évidence se fait sur sérum, par une technique immunoturbidimétrique, automatisée et rapide. Cette technique, avant de vous être proposée, a été préalablement controlée pendant deux ans, sur une centaine de chiens. Normes : < 0.7ng/dl NB : La CRP est aussi un bon marqueur de l inflammation chez le cheval. Mise au point sur les marqueurs de l'inflammation utilisés en routine au laboratoire, 5/6
6. Haptoglobine Globuline migrant dans la zone alpha 2 et synthétisée par le foie, elle augmente fortement mais lentement en quelques jours sous l action des cytokines libérées lors de l inflammation. Son usage est limité car elle est fortement tributaire de l hémolyse, elle augmente aussi dans de nombreuses autres affections et sous l action de la prise de glucocorticoïdes. Par contre, elle conserve son utilité dans le suivi de la cinétique de l inflammation. 7. Autres marqueurs en cours d étude prochainement : SAA : Serum Amyloide A : Cette protéine est le précurseur de la protéine amyloïde, elle a une action proinflammatoire et participe au recrutement cellulaire dans le foyer inflammatoire et une action anti-inflammatoire en limitant l extension du foyer inflammatoire Bon marqueur de l inflammation chez le chat et chez le cheval, moins étudiée chez le chien, elle augmente précocement et fortement dans de nombreuses affections liées à un processus inflammatoire et notamment dans les cas de blessures, maladie infectieuse et insuffisance rénale. Une étude a notamment montré que lors de pathologie liée au virus de la Pif : un chat exposé à la Pif mais non atteint montrait une augmentation transitoire alors qu un chat porteur et malade montrait une augmentation persistante. CONCLUSIONS Pour la mise en évidence d états inflammatoires d origines diverses, il est recommandé d utiliser les analyses suivantes: Chez le chien : Hématologie couplée au dosage de la CRP (dont l utilisation devrait être systématique). Chez le chat : Hématologie couplée à l électrophorèse des protéines. Chez le cheval : Hématologie, CRP, Fibrinogène, électrophorèse des protéines Mise au point sur les marqueurs de l'inflammation utilisés en routine au laboratoire, 6/6