L effet joint de l auto-protection et de l auto-assurance en santé



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Transcription:

L effet joint de l auto-protection et de l auto-assurance en santé Fabrice YAFIL CERESUR, Université de la Réunion, Faculté de Droit et d Economie, 5 avenue René Cassin, BP 75, 9775 Saint Denis Cedex 9, France. Tel.: +33 6 93 84 6. Email: fabrice.yafil@univ-reunion.fr Abstract : Dans la littérature économique, les efforts d auto-protection et d auto-assurance sont étudiés de manière séparée mais il est fréquent que ces deux activités interagissent entre elles, surtout en matière de santé. Ainsi, si deux types de soins préventifs sont distingués en médecine : les soins préventifs primaires qui réduisent la probabilité de survenance de la maladie et les soins préventifs secondaires qui réduisent la gravité ou lextension de la maladie, ces efforts peuvent avoir des effets joints. Par exemple, un individu qui fait des efforts sur son mode de vie, réduit à la fois la probabilité de contracter une maladie mais aussi les conséquences de celle-ci. Notre objectif est d étudier ces efforts de prévention de manière liée lorsque l agent a la possibilité soit de se soigner, soit de recourir à une assurance de marché. Nous montrons que la prévention est dans notre modèle un substitut à ces deux autres outils de réduction du risque. Mots clés : Risque, santé, auto-protection, auto-assurance, soinscuratifs. Classification JEL : D8, I.

. Introduction Les différentes formes de protection en matière de santé (prévention primaire et secondair sont étudiés par Eeckhoudt et alii. (998). Ceux-ci adaptent le modèle de Ehrlich et Becker (97) qui porte sur les relations entre l auto-protection et l autoassurance. Afin de le rendre plus apte aux problèmes spécifiques posés par les soins de santé, ils introduisent une fonction d utilité bi-dimensionnelle dont les arguments sont le revenu et l état de santé (avec aversion vis-à-vis des risques de santé et neutralité par rapport au risque de revenu). Dans leur modèle, l agent peut en plus entreprendre des soins curatifs une fois que l incertitude concernant la l apparition de la maladie a été levée. Ce modèle étudie ainsi l arbitrage entre médecine curative et prévention primaire puis secondaire. Dans chaque cas, ils montrent qu il existe un mélange optimal entre médecine curative et préventive et détaillent la statique comparative du modèle. Les résultats sur la prévention secondaire sont assez intuitifs et démontrent que prévention secondaire et médecine curative sont des substituts : une surconsommation de l une est compensée par une sous-consommation de l autre. Les résultats sur la prévention primaire sont plus délicats à interpréter : si on consomme moins de soins que dans la situation optimale (rationnement), on compensera cet effet par une sur-prévention, ce qui va dans le sens de l hypothèse de substitution. Par ailleurs, si on consomme plus de soins que nécessaire, on fera aussi plus de prévention que nécessaire, ce qui peut s expliquer par une tentative de réduire la probabilité d avoir à supporter les conséquences d un choix irrationnel qui consiste à trop consommer de soins. En revanche, quel que soit le niveau de prévention choisi, le niveau optimal de soins reste le même. Ce résultat reflète le fait que l état de santé et les soins qui permettent de l ajuster au niveau désiré sont les variables centrales qui intéressent l individu : on utilise la prévention si l on n obtient pas l optimum de soins, mais on ne la valorise pas en tant que telle. Comme la prévention secondaire a un impact plus direct sur l état de santé, elle constitue un substitut plus proche aux soins. Dans ce modèle qui prolonge l analyse d Ehrlich et Becker (97), l individu n a cependant pas explicitement recours à l assurance dans ce modèle.

Dans un article plus récent, ces mêmes auteurs (Eeckhoudt et alii, 000), traitent du lien entre médecine préventive et curative, mais cette fois à travers la décision de remboursement optimal de ces deux activités par le régulateur en intégrant le choix individuel des patients. Ils montrent ainsi qu à travers les choix de remboursements, le régulateur doit effectuer un arbitrage entre le besoin d assurance des individus supposés riscophobes et la nécessité d éviter la surconsommation de soins financés (au moins partiellement) collectivement. Prévention et soins curatifs sont des activités complémentaires dans la mesure où il est montré que le financement des deux activités évolue dans la même direction, même si c est pour des raisons différentes : la médecine curative est remboursée pour répondre aux besoins assurantiels des patients tandis que le financement des soins préventifs répond exclusivement à des besoins budgétaires (dans la mesure ou plus de prévention réduit la probabilité de maladie et donc de remboursement des soins curatifs). De manière tout à fait logique, il apparaît que le régulateur ne doit rembourser aucune de ces deux activités si les individus sont neutres vis-à-vis du risque dans la mesure où, dans ce cas, ils ne sont pas demandeurs d assurance. Ehrlich et Becker (97) montrent dans leur article fondateur que l auto-assurance et l assurance sont substituts alors que l auto-protection et l assurance peuvent être complémentaire. Dans cet article, nous nous intéressons à la manière dont évolue la relation entre la prévention et l assurance de marché quand l effort réduit à la fois la probabilité et le montant du sinistre. Nous allons à présent nous intéresser à l effet joint de ces deux activités en présence d un seul niveau d effort. A cette fin, nous reprenons dans un premier temps la méthodologie proposée par Lee (998) qui étudie cet outil dans le cas d une perte portant sur un seul argument, ce qu il nomme la "self-insurance-cumprotection". Puis, de manière similaire à l analyse de Eeckhoudt et alii (998), nous retranscrivons la modélisation dans un contexte bivarié où les préférences de l individu dépendent à la fois de sa richesse et de sa santé. Dans notre cas de figure, Nous pouvons considérer l exemple du fumeur qui cesse de fumer, cela va réduire à la fois la probabilité de contracter un cancer (poumon, œsophage ) et les conséquences de celui-ci en cas de maladie. 3

la distinction entre soins préventifs primaires et secondaires n a plus lieu d être, nous parlerons simplement de prévention. D une manière similaire à l analyse de Eeckhoudt et alii (998), nous nous intéressons au lien entre cette forme de prévention et les soins curatifs. Nous nous intéressons ensuite à la relation existant entre la prévention et l assurance maladie, nous montrons sous quelle condition elles sont substituts. Ce papier est organisé de la manière suivante. Dans une deuxième section, nous présentons le modèle de base de la prévention inspirer de la modélisation de Lee (998). Puis dans une troisième section, nous introduisons la possibilité de recourir à des soins curatifs afin de voir son influence sur le niveau de prévention optimal. La quatrième section établit un développement similaire en présence d une assurance de marché. Enfin nous concluons dans une dernière section.. Le Modèle Nous considérons un individu dont les préférences dépendent de son niveau de richesse (w) et de son stock de santé (H). Elles sont représentées par une fonction d utilité de vn-m de dimension, de la forme w,h) strictement croissante en la richesse et en la santé, au moins deux fois continuellement différentiable et concave. Dans un premier temps, nous supposons que cet individu est soumis à un risque de maladie. Soit il est malade, avec une probabilité d occurrence p, auquel cas son niveau de santé est H - L, soit l individu est en bonne santé avec une probabilité d occurrence (-p) et son capital santé est H. L individu investit e (l effort) en activité de prévention, ce qui affecte à la fois la probabilité de la perte p( ]0,[ et le montant de la perte L(, ces deux fonctions sont décroissantes et concaves. Ce type d activité change la distribution du risque contrairement à l assurance et modifie aussi les conséquences financières du risque. L utilité espérée de l agent en présence de soins préventifs est donnée par : 4

EU (w, H) = p( w - c(, H - l() + (-p() w - c(, H) () où c(, fonction croissante et convexe, représente le coût de l effort. Le niveau optimal d effort de prévention correspond ainsi à la maximisation de cette fonction par rapport à e. EU e = p ( B)] p( c ( u ( + l( u ( ] ( p( )[ B) c ( ] = 0 () où = w-c(, H-l(), B) = w-c(, H) et.) W,.) H. Le signe de la condition de second ordre dépend des caractéristiques de u, de p( et de l(. Nous supposons que celles-ci sont telles la condition de second ordre soit satisfaite. Ainsi le problème devient concave en e et l unique solution de (5) est notée e *. Proposition Nous pouvons ainsi montrer que cette équation établit que le niveau optimal de soins préventifs e* est tel que le bénéfice marginal espéré de la réduction de la probabilité d apparition de la maladie ( p ( B)] ) et de la réduction de la gravité de celle-ci ( p( l( u ( ] ) égal le coût marginal espéré des soins ( c( u ( p( + ( p( ) u ( )]). B Dans notre cadre d analyse, de manière similaire à l analyse de Lee (998), un individu plus averse au risque n exercera pas nécessairement un niveau d effort supérieur en prévention, cela va dépendre de la forme des fonctions de perte l(, de coût c( et de probabilité p( 3. Dans la littérature sur les choix risqués, il est bien connu que la condition du second ordre n est pas naturellement satisfaite pour les choix préventifs. Pour une discussion à ce sujet, voir Eeckhoudt et alii. (005), chapitre 9 et la condition C de Jullien et al. (999), p.3, qui est une condition suffisante à l unicité de la solution. 3 Dans sa proposition, p.4, Lee (998) montre qu une condition possible pour qu un individu plus averse au risque exerce plus d effort est que : c ( + l ( 0. 5

3. Lien entre la prévention et les soins curatifs Nous allons à présent voir si le niveau d effort de l individu diffère lorsque celuici à la possibilité de se soigner suite à l apparition de la maladie. Nous supposons que si létat de santé de lindividu nest pas satisfaisant, il peut avoir recours à des soins curatifs, ce qui amputera sa richesse. Soit y lintensité de ce recours à des soins curatifs (quantité de médicaments, nombre dépisodes de traitement,...). En cas de maladie, lindividu dépensera θy en soins de santé, où θ représente le prix unitaire du traitement. La fonction de production de santé est notée par m(y) ; elle correspond à l effet de la médecine curative sur l état de santé de l individu. La fonction m(y) est supposée non décroissante et concave en y, ce qui implique respectivement que plus de soins curatifs améliore l état de santé et que la productivité marginale des divers épisodes de soins est décroissante. Lindividu cherche dans un premier temps le nombre dépisodes de traitement qui maximise son utilité dans le cas où la maladie se déclare. Cette situation correspond à une incertitude immédiate puisque lindividu, lorsquil a recours aux soins, a une information parfaite sur son état de santé. Cela revient donc à maximiser l utilité de l agent : max W - c( - θy, H - l( + m(y)) (3) y Si l on note par y *, le choix optimal des soins curatifs tel que : * y = arg max W c( θ y, H l + m( y)) (4) Alors l utilité espérée en présence de soins curatifs devient : EV (w, H) = p( w - θy- c(, H - l( + m(y)) + (-p() w - c(, H) (5) En dérivant par rapport à e, l effort de prévention, nous obtenons : EV e = p ( A ) B)] p( c ( u ( A ) + l ( u ( A )] ( p( )[ B) c ( ] = 0 (6) 6

où A ) = W - θy - c(, H - l( + m), B) = W - c(e ), H) et.) W,.) H. Nous allons voir si cet effort est plus important ou moindre en présence de soins curatifs en évaluant le signe de cette dernière équation au point e *. Proposition En présence de soins curatifs, l individu fait un effort de prévention moins important. En effet si lon substitue e * dans la solution précédente de maximisation de lespérance dutilité, nous obtenons : dev e * 0 de Nous pouvons donc en conclure que les soins curatifs et la prévention sont substituables. Démonstration : dev p( ] + e* = de p( c( ( ) + l( ( u ( u ( )] 0 Par hypothèse A A, puisque le recours possible aux soins curatifs améliore la situation où l agent subit la dégradation de son état de santé ou au pire ne la détériore pas sinon son usage serait nul. Cela implique que le premier terme est négatif. De même, nous considérons que ( A ) u ( ) u > et ( A ) u ( ) A A u < cest-à-dire que l utilité marginale de la richesse est supérieure en cas d assurance alors que l utilité marginale de la santé est plus faible, propriétés venant de la concavité de la fonction d utilité par rapport aux deux arguments, ce qui permet d obtenir un signe toujours négatif pour le deuxième terme. Nous pouvons donc en conclure sans ambiguïté que le niveau de prévention est plus faible si le recours aux soins curatifs est possible. Les soins curatifs n intervenant qu en cas de maladie, ceux-ci diminue l effet négatif de la maladie et donc le risque encouru puisque la possibilité du recours aux soins diminue, en terme de variance, le risque de maladie, mais crée en retour un 7

risque financier. Le nouveau risque est donc plus faible pour l assuré il apparaît dès lors assez intuitive que celui-ci consacre une part moins importante de ses revenus à la prévention en vue d une éventuelle dépense pour des traitements. 4. Le niveau de prévention en présence d assurance A présent, nous allons voir comment évolue cet effort de prévention en présence d une assurance. Pour simplifier la modélisation nous supposons qu un unique contrat d assurance est disponible sur le marché ; en échange d une prime π ce contrat prend en charge partiellement les coûts des soins curatifs rétablissant le niveau de santé à hauteur de m < l(. L utilité espérée en présence d assurance devient : EV (w, H) = p( w- π- c(, H - l( + m) + (-p() w - π- c(, H) (7) En dérivant par rapport à e, l effort de prévention, nous obtenons : EV e = p( B )] p( c( u ( + l ( u ( ] ( p( )[ B ) c( ] = 0 (8) où A ) = W - π - c(, H - l( + m), B ) = W - π - c(e ), H) et.) W,.) H. De manière similaire à l analyse sur les soins curatifs, nous allons voir si cet effort est plus important ou moindre en présence d assurance en évaluant le signe de cette dernière équation au point e *. Proposition 3 En présence d assurance l individu fait un effort de prévention moins important. En effet si lon substitue e * dans la solution précédente de maximisation de lespérance dutilité, nous obtenons : dev e * 0 de 8

Nous pouvons donc en conclure que la prévention et l assurance sont substituables. Démonstration : p( + B) B)] dev e* = + p( c( ( ) + l( ( u de ( p( )[ c( ( u ( B) u ( B))] ( u ( )] 0 Par hypothèse A > A et B < B, puisque le but de l assurance est de répartir les richesses entre les états du monde possibles (réduction du risqu, le premier terme est donc négatif. De nouveau du fait de la concavité de la fonction d utilité, nous considérons que ( A ) u ( ) u > et ( A ) u ( ) A A u < cest-à-dire que l utilité marginale de la richesse est supérieure en cas d assurance alors que l utilité marginale de la santé est plus faible, ce qui permet d obtenir un signe toujours négatif pour le deuxième terme. De plus, d après les propriétés de la fonction d utilité, u ( B) > u ( ), l utilité B marginale est plus forte en B qu en B, nous obtenons un troisième terme encore négatif. Nous pouvons donc en conclure sans ambiguïté que le niveau de prévention est plus faible en présence d assurance. Ce résultat est assez intuitif puisque le but de l assurance étant de réduire le risque encouru par l agent et ainsi son coût ; celui-ci est donc moins inciter à faire de la prévention. Cela s apparente à de l aléa morale puisqu en présence d assurance l individu modifie son comportement. Dans la théorie de l assurance, le risque doit être aléatoire. Cela veut dire qu il ne doit pas pouvoir être influencé par l assuré. Ainsi, nous voyons que le système français décourage la prévention et en diminuant le prix apparent du sinistre pour l assuré. La dérive des dépenses en résulte. Cependant les éléments qui posent problème ne sont que de l ordre des modalités d exécution et non des principes. Il ne paraît dès lors pas concevable de leur accorder plus d importance qu on en accorde traditionnellement à des moyens. 9

5. Conclusion Nous avons examiné un cas particulier de prévention des risques de santé, consistant en un effet joint de l effort sur la probabilité de survenance et sur la gravité d une maladie potentielle. L observation de ce cas montre que l ambiguïté à propos du niveau l effort en présence d assurance disparaît par rapport au cas de l autoprotection standard et évolue dans le même sens que l auto-assurance à savoir une substituabilité entre ces deux outils de réduction des risques. Ainsi, notre modèle met en évidence le phénomène d aléa moral ex-ante, ce traduisant par une diminution de la prévention lorsque l individu est assuré en partie contre les conséquences de la maladie. D une manière similaire, quand nous avons comparé le niveau de prévention dans un contexte où le recours aux soins curatifs est possible, nous avons observé que celui-ci était plus faible. Ces deux constations montrent que le système d assurance maladie devrait être réformé afin de rétablir en partie les bénéfices de la prévention ; ceci pourrait passer par une indemnisation partielle de la prévention afin d éviter le «tout curatif» qui prédomine actuellement. References ARROW K.J. (97), Essays in the Theory of Risk Bearing, Markham Publishing, Chicago. BARIGOZZI F. (004), Reimbursing Preventive Care, The Geneva Papers on Risk and Insurance Theory, 9: 65-86. BRIYS E. and H. SCHLESINGER (990), Risk aversion and the propensities for selfinsurance and self-protection, Southern Economic Journal, 57: 458-467. COURBAGE C. (999), Primes de risque et soins de santé, Actualité Economique, 75, 665-675. DIONNE G. and L. EECKHOUDT (985), Self-insurance, self-protection and increased risk aversion, Economics Letters, 7: 9-4. EECKHOUDT L., P. GODFROID and M. MARCHAND (998), Risque de santé, médecine préventive et médecine curative, Revue d Economie Politique, 08, 3-337. EECKHOUDT L., P. GODFROID and M. MARCHAND (000). "Le subventionnement des médecines curatives et préventives", Revue d Economie Politique, 0 (4), 483-49. 0

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