www.jeanclaudegaudin.net juin 2006 Les pouvoirs de police du Maire Le ministre de l Intérieur et de l Aménagement du territoire, Nicolas Sarkozy, doit présenter prochainement en Conseil des ministres un projet de loi visant à organiser la prévention de la délinquance autour des maires. Plusieurs maires ont déjà signalé leur opposition à ce projet, craignant que l Etat ne leur fasse jouer le rôle de «pères fouettards» (Pierre Cardo, maire de Chanteloup les Vignes). D ores et déjà, nous profitons de l actualité inattendue sur ce thème récurrent pour faire le point sur les prérogatives des maires en matière de sécurité. I. La délinquance : un des aspects de la sécurité Lorsqu ils parlent de prérogative du maire en matière de sécurité, les spécialistes du droit des collectivités locales pensent généralement d abord à la sécurité civile (prévention des risques d incendie, d effondrement des bâtiments ) ou à la réglementation de la circulation et du stationnement. Toutefois, dans ce dossier, nous ne traiterons pas cet aspect, pourtant fondamental, mais qui impliquerait des développements trop étendus ; nous nous cantonnerons donc à ce que les Français entendent généralement par sécurité, à savoir l opposition à la délinquance et à la criminalité Rappelons que les crimes et délits sont des actes répréhensibles et sanctionnés par la loi. Le crime est jugé en cour d assises, tandis que le délit est jugé par le tribunal correctionnel (qui ne peut prononcer que des peines d emprisonnement inférieures à dix ans vingt ans en cas de récidive, des peines d amende ou des peines complémentaires, comme l interdiction d exercer un activité professionnelle). Il existe également des infractions réglementaires (c est-à-dire non sanctionnées par la loi), sanctionnées par des contraventions. II. Maire et Préfet L acteur essentiel de la lutte contre la délinquance est le Préfet, qui dirige notamment l action de la police et de la gendarmerie nationale, et peut faire appel aux services dépendant du ministère des Finances et du ministère de l Emploi, ainsi qu aux agents de l Etat chargés de la police de la chasse, de la police de la pêche ou de la police de l eau. Toutefois, à côté de ces pouvoirs de police du Préfet, représentant de l Etat et donc garant de la sécurité des biens et des personnes, existent des pouvoirs de police du maire. 1
Ces pouvoirs, précise l article L.2212-2 du Code général des Collectivités territoriales, obligent le maire à assurer le bon ordre, la tranquillité, la sécurité et la salubrité publique dans sa commune : - bon ordre : éviter les incidents, en particulier lors des rassemblements ; - tranquillité : prévenir les tapages, disputes, rixes - sécurité : prévenir les accidents, les pollutions, les incendies et assurer la police des voies de circulation ; - salubrité : prendre les mesures d hygiène des personnes, des animaux et des choses. Il est à noter que le maire a des pouvoirs de police administrative et des pouvoirs de police judiciaire : - au titre de la police administrative, il peut édicter des règles visant à assurer la tranquillité de ses administrés (il s agit donc ici de pouvoirs de police préventifs) ; - au titre de la police judiciaire, il peut sanctionner les contrevenants (il s agit alors de pouvoirs répressifs). En matière de police municipale, le maire dispose de l intégralité des pouvoirs de police. Aucune délégation n est possible, sauf à un adjoint au maire. En particulier, l impossibilité de déléguer les pouvoirs de police du maire au conseil municipal interdit à celui-ci d édicter un règlement de police. Le Préfet ne peut contrevenir à cette exclusivité d attribution qu en cas de carence du maire ou en cas de problème de maintien de l ordre concernant plusieurs communes limitrophes. Au cas où le Préfet souhaiterait se substituer au maire en matière de police, il doit le faire par un arrêté motivé, précédé par une mise en demeure (sauf dans le cas où plusieurs communes limitrophes sont concernées). III. Les pouvoirs de police du maire 1) Limites territoriales Les pouvoirs de police du maire ne s exercent, naturellement, que sur l étendue du territoire de la commune. Le maire est toutefois également compétent pour intervenir sur les rivages maritimes, jusqu à 300 mètres du rivage, ainsi que sur l espace aérien (étant entendu que la réglementation de la navigation aérienne n est pas de son ressort) : il peut par exemple interdire le survol de sa commune par des ULM. Enfin, il faut noter que les pouvoirs de police du maire s étendent aux propriétés privées sur le territoire de sa commune : il peut ainsi prendre des décisions réglementaires. En revanche, il ne peut pénétrer à l intérieur desdites propriétés privées sans l autorisation du propriétaire ou sans mandat. 2
2) Limites matérielles Les pouvoirs de police du maire ne peuvent s opposer à des normes juridiques plus hautes (la loi ou des règlements nationaux). Le maire doit, en particulier, respecter les libertés publiques et individuelles et appliquer le principe fondamental de l égalité de ses concitoyens devant la loi. Enfin, le maire ne peut prendre de mesure générale ou absolue d interdiction, si une mesure temporaire ou partielle serait suffisante. IV. La responsabilité du maire Le maire engage sa responsabilité civile et pénale (notamment pour des infractions non intentionnelles comme la mise en danger de la vie d autrui ou l homicide involontaire) dans l exercice de ses pouvoirs de police. Cette responsabilité civile n est toutefois engagée que dans le cas où la faute est partiellement ou totalement détachable du service. La mise en cause pénale étant, à juste titre, redoutée par la plupart des maires, nous rappelons ici quelques éléments qui précisent la nature de cette responsabilité pénale. L article 121-3 du Code pénal précise qu il n y a pas de crime sans intention de le commettre, mais il ajoute aussitôt : «Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s il est établi que l auteur des faits n a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.» C est au titre de cet article que les maires peuvent voir engagée leur responsabilité pénale. Concrètement, cette mise en cause est limitée aux obligations de prudence prévues par la loi et le règlement (c est-à-dire les décrets et arrêtés), ce qui exclut les textes d autorité inférieure. La faute non intentionnelle doit être prouvée par l accusation. Enfin, si la causalité entre la faute et le dommage n est pas directe, il faut que la première soit particulièrement grave pour entraîner une condamnation. 3
V. La responsabilité de la commune Si la faute n est pas détachable du service, c est la responsabilité civile de la commune qui est mise en cause. Néanmoins, celle-ci ne peut être mise en cause sur le plan pénal. Notons également que, dans les cas où la police est nationale sur le territoire de la commune, les réparations liées à la responsabilité civile de la commune incombent à l Etat et non à la commune elle-même. VI. La police municipale La police municipale n est pas une police supplétive de la police nationale. Elle est placée sous l autorité exclusive du maire pour accomplir les missions que celui-ci lui attribue, dans le cadre de sa politique de la ville. En particulier, elle ne doit en aucun cas viser à accomplir des missions propres à la police nationale, comme l investigation. Un agent de police municipal est un fonctionnaire territorial. Il doit être agréé par le Préfet et le Procureur de la République, puis prêter serment devant le tribunal d instance dans le ressort duquel il exerce ses fonctions. L agent de police municipal dispose, en outre, de la qualité d agent de police judiciaire adjoint, ce qui lui fait obligation de seconder les officiers de police judiciaire. VII. La police intercommunale La loi n 2004-809, du 13 août 2004, relative aux libertés et responsabilités locales a permis de transférer certains pouvoirs de police des maires à des présidents d Etablissements Publics de Coopération Intercommunale. Pour cela, il faut que l EPCI en question soit doté d une fiscalité propre. Le transfert de ces pouvoirs de police concerne, en général, les EPCI ayant reçu tout ou partie des compétences en matière de circulation et de stationnement. Il peut également s agir des EPCI ayant reçu les prérogatives relatives à la sécurité des manifestations sportives ou culturelles. Il est à noter qu une commune ne peut, en règle générale, obtenir la mise à disposition d un policier municipal d une commune voisine, sauf s il s agit de la mise en commun exceptionnelle des effectifs de police municipale prévue par l article L.2212-9 du Code général des Collectivités territoriales, dans le cas : - d une manifestation exceptionnelle ; - de communes limitrophes ou appartenant à la même agglomération ; - d une mise en commun d agents de police municipale limitée à la police administrative ; 4
- sur proposition des maires des communes concernées, après publication d un arrêté préfectoral précisant les modalités de cette mise en commun. VIII. Pouvoir de transaction du maire L article 44-1 du Code de procédure pénale permet au maire, pour les contraventions qui ont porté préjudice à un bien appartenant à la commune, de proposer une transaction au coupable. Cette transaction a pour conséquence d éteindre l action publique. Elle peut consister à réparer le préjudice ou à effectuer un travail non rémunéré d une durée maximale de trente heures. Cette transaction doit être homologuée par les autorités judiciaires. Par ailleurs, si une infraction n a pas été commise au préjudice de la commune elle-même, mais sur son territoire, le maire peut proposer au Procureur de la République une peine alternative. IX. Responsabilité parentale La loi n 2006-396, du 31 mars 2006, pour l égalité des chances prévoit, dans ses articles 48 et 49 la mise en œuvre d un contrat de responsabilité parentale, notamment en cas d absentéisme scolaire (on sait que l absentéisme scolaire est souvent le premier symptôme d un comportement pouvant conduire à la délinquance des mineurs), mais également pour la constatation de toute difficulté liée à une carence de l autorité parentale. Ce contrat de responsabilité parentale est proposé aux parents ou représentants légaux du mineur par le Président du Conseil général, soit de sa propre initiative, soit sur saisine de personnalités, parmi lesquelles figure le maire de la commune de résidence du mineur. Le défaut de respect de ce contrat peut conduire au non-versement des allocations familiales pour une durée de trois mois maximum, et renouvelable dans la limite de douze mois au total. 5
X. Gens du voyage L installation illégale de gens du voyage sur le territoire d une commune est l un des cas typiques où les administrés du maire exigent de lui un exercice ferme et rapide de ses pouvoirs de police. Voici quelques éléments juridiques qui encadrent ce cas très particulier. L article 322-4-1 du Code pénal punit de six mois d emprisonnement et de 3750 euros d amende le fait de s installer en réunion, en vue d établir une habitation, même temporaire, sur un terrain appartenant à une commune qui s est conformée aux obligations qui lui incombent en vertu du schéma départemental prévu par la loi relative à l accueil et à l habitat des gens du voyage. Ces sanctions s appliquent également au cas d un terrain appartenant à tout autre propriétaire qu une commune. Il est précisé qu en cas d infraction, il est possible de saisir les véhicules (hors véhicules destinés à l habitation), en vue de leur confiscation par la justice pénale, ainsi éventuellement que d effectuer la suspension du permis de conduire. Signalons enfin qu il est possible au maire de saisir le président du tribunal aux fins d évacuation d un terrain privé, lorsque le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques. 6