2010-2012 L intérêt et l implication des travailleuses de l industrie de la construction envers le syndicalisme au Québec Rapport de recherche et diffusion : Avril-Mai 2012 Projet : «Déconstruire les préjugés» -Femmes et syndicat : des outils nécessaires Objectif principal du projet : Augmenter la représentation des femmes aux postes électifs et investies de pouvoir dans les syndicats de l industrie de la construction. PARTENAIRES CONTEXTE DU PROJET L industrie de la construction est un des secteurs les plus importants de l économie du Québec. Cette industrie emploie en 2007 une personne sur 20, soit 137 450 travailleurs et travailleuses, un nombre record depuis les 30 dernières années. Une croissance remarquable, mais plus de 98% de la main d œuvre de l industrie est masculine. Le Québec connaîtra dans quelques années un déficit démographique important. Ce choc démographique se jumelle cependant à une conjoncture économique qui favorisera le développement de l industrie de la construction. Cette pénurie de main-d œuvre anticipée devra être comblée par des mesures qui favorisent l intégration en emploi des femmes et des personnes immigrantes. Présentement, le milieu de la construction s avère le secteur d emploi du Québec où les femmes sont le moins intégrées. Après plus de 10 ans d application du Programme d Accès à l Égalité (PAÉ) créé par la Commission de la Construction du Québec (CCQ), on assiste à une trop lente augmentation de la représentation des travailleuses, moins de 1,5 % de travailleuses se retrouve dans l industrie de la construction au Québec. Selon la Commission de la Construction du Québec, une des raisons expliquant le manque de représentation des femmes dans cette industrie s avère le faible taux de rétention des travailleuses. Les femmes qui abandonnent l industrie le font davantage
en raison des mauvaises relations avec les collègues et les employeurs, ainsi qu en lien avec des problèmes de discrimination et de harcèlement. 1. En somme, afin de se maintenir en emploi, les travailleuses de la construction doivent démontrer des capacités de résilience pour faire fi des tabous présents et de la répression vécu. Dans un contexte où les femmes sont en mode de stratégie d adaptation et même de survie à l intégration nous devons apporter une expertise aux syndicats afin de développer un dialogue inclusif pour que les femmes puissent prendre une place plus active au sein de leur organisme. Selon la majorité des études sur le sujet, les femmes ont plus de difficultés que les hommes à obtenir du travail dans le milieu de la construction. Les résultats de recherche de Court et Moralee suggèrent que 48% des femmes ayant quitté l industrie de la construction l ont fait parce qu elles n arrivaient pas à se trouver du travail. L enquête Relance, réalisée par le ministère de l Éducation, du Loisir et du Sport, montre que la recherche d emploi est plus longue et difficile, de façon générale, pour les femmes diplômées (en moyenne 13 semaines de recherche pour les femmes, comparativement à 6 semaines pour les hommes) 2. Les acteurs principaux du milieu de la construction sont donc encore réfractaires à la simple présence des femmes dans ce milieu et hésitent à les embaucher. L intégration et le maintien en emploi des femmes dans l industrie des la construction s avère donc un enjeu important à considérer : Pour agir en conformité avec les principes d égalité des chances en emploi et d égalité entre les sexes qui prévalent au Québec ; Pour éviter les impacts négatifs d une pénurie de main d œuvre, favoriser la croissance et la productivité de cette industrie importante dans l économie du Québec. 1 Idem 2 Ces deux exemples sont recensés dans l ouvrage de Geneviève Dugré, Travailleuses de la construction, Remueménage, Montréal, 2006, p. 43-44.
BESOINS OBSERVÉS FRONT est le porte-parole d un réseau de femmes oeuvrant dans des secteurs d emploi non traditionnels, c est-à-dire où l on retrouve moins de 33% de représentation féminine. Ce sont d ailleurs les membres de l organisme qui ont manifesté des besoins criants pour le respect de l égalité des sexes dans le milieu de la construction. C est donc afin de répondre à des demandes de ses membres que l organisme désire travailler à enrayer la discrimination systémique vécue par les travailleuses de cette industrie. Il y a de cela deux ans, FRONT a initié un projet de recherche intitulé Construire avec Elles pour faire le bilan sur le niveau d atteinte des mesures d accès pour les femmes dans l industrie de la construction, telles que mises en place en 1996 par un Programme d accès à l égalité spécifique. Ce projet, dont les résultats de recherche et les recommandations ont été rendus publique le 28 mai 2008, se fait en partenariat avec la CSN-Construction, le Comité de la Condition féminine du Conseil central du Montréal métropolitain de la CSN et le Service aux collectivités de l UQAM. De ce projet de recherche découle plusieurs recommandations qui s articulent autour de deux enjeux principaux : 1. Un seuil critique doit être atteint : des mesures d action positives doivent être mises en place pour augmenter le nombre de femmes actives dans l industrie de la construction ; 2. Pour enrayer les effets pervers souvent associés aux mesures d action positives (par exemple : la marginalisation des personnes qui en bénéficient), des actions de sensibilisation et de formation doivent être conjointement implantées. La présente demande de subvention vise ce deuxième aspect en souhaitant favoriser la participation des travailleuses de la construction dans les différents postes de décision de leurs syndicats. À titre de représentants des travailleuses et des travailleurs, les organisations syndicales se doivent de mettre en place des mesures qui favorisent l égalité des chances en emploi et d enrayer toutes les formes de discrimination et de harcèlement que l on retrouve en milieu de travail. Les organisations syndicales ont donc un rôle clé à jouer dans l intégration et le maintien en emploi des femmes dans l industrie de la construction. De par les principes et valeurs défendus, les syndicats doivent promouvoir la parité dans leurs instances, favoriser l appropriation de pouvoir par la formation et sensibiliser leurs membres à l importance de l application de l égalité formelle des sexes. Pour se maintenir dans l industrie de la construction, les travailleuses doivent être soutenues et ressentir une ouverture. Plus encore, il est nécessaire de favoriser le développement d un sentiment d appartenance des femmes à leur milieu de travail. C est pourquoi nous considérons qu augmenter la participation syndicale des travailleuses de la construction va aider les femmes à intégrer cette industrie où elles sont présentement si marginalisées.
Développer un sentiment d appartenance à son milieu par l implication sociale et user d un leadership positif sont des aspects qui ont beaucoup d impacts positifs. Le mouvement des femmes a d ailleurs beaucoup travaillé avec cette idée d appropriation du pouvoir (empowerment). En effet, l appropriation du pouvoir favorise le développement individuel, la confiance en soi et la réalisation personnelle, mais instaure aussi un lien collectif, une capacité à vivre la démocratie participative 3. Ainsi, la participation syndicale est un bel espace pour apprendre l empowerment et il est nécessaire que les travailleuses de la construction en jouissent pour arriver à s intégrer et se maintenir en emploi dans cette industrie. Dans un même ordre d idée, améliorer la participation syndicale des travailleuses de la construction se fait aussi par l application du concept de citoyenneté au travail. En effet, la reconnaissance des droits fondamentaux est nécessaire dans la sphère du travail. À la «citoyenneté industrielle» classique, il faut désormais ajouter l affirmation nouvelle et croissante de diverses identités individuelles et collectives qui défigurent les milieux d emploi 4. La présence nouvelle de femmes dans l industrie de la construction encore un bastion de la masculinité en est un exemple patent. Les travailleuses de la construction doivent donc participer à la redéfinition identitaire de leur milieu de travail afin d y acquérir la reconnaissance et le droit à la «citoyenneté au travail». Cette participation peut particulièrement se vivre grâce à l obtention de postes de pouvoir au sein des instances syndicales. En somme, les besoins observés par des rencontres avec des travailleuses de la construction membres du réseau de FRONT et par les résultats de la recherche (quantitative et qualitative) Construire avec Elles sont nombreux pour les femmes dans le milieu de la construction. Au niveau de la sensibilisation, ils s articulent autour de trois idées principales : 1. Les femmes actives dans l industrie de la construction ont besoin du soutien et de la participation active de leurs organisations syndicales (qui les représentent et les défendent) pour assurer leur maintien en emploi. 2. Les travailleuses de la construction ont besoin de développer de l empowerment pour faire leur place dans leur milieu d emploi en démontrant leur compétence et leur confiance. 3. Les femmes doivent avoir l espace nécessaire pour redéfinir la citoyenneté au travail dans le milieu de la construction afin d assurer que leurs droits à l égalité soit respectés. 3 Nancy Guberman, «Appropriation du pouvoir et démocratie : l un va-t-il sans l autre?», dans Jocelyne Lamoureux, Nancy Guberman, Jennifer Beeman, Danielle Fournier, Lise Gervais (dir.), Le défi des pratiques démocratiques dans les groupes de femmes, Saint-Martin, 2004. 4 Michel Coutu et Gregor Murray, «la citoyenneté au travail? : Une introduction», Relations industrtielle, Volume 60, numéro 4, automne 2005, p. 601-630.
PROBLÉMATIQUE À LAQUELLE RÉPOND LE PROJET Il manque de femmes dans le l'industrie de la construction (Après plus de 10 ans du PAÉ, on retrouve seulement 1,5% de travailleuses dans l industrie) N'incite pas d'autres femmes à rejoindre le milieu Sur cette minorité féminine, peu d'entre elles se retrouvent aux postes décisionnels des syndicats Démocratie majoritairement masculine l'emporte La structure ne permet pas aux femmes d'accéder aux plus hauts niveaux décisionnels S'il n' y a pas de femmes aux postes stratégiques décisionnels = plus difficile de faire la différence au plan de l'intégration et du maintien des femmes dans l'industrie
OBJECTIFS Le projet proposé répond à deux objectifs du programme A égalité pour décider. 1. En suscitant l action des instances visées en vue d une répartition équitable des postes de décision de tous niveaux. Le projet déposé implique des activités de représentation et de sensibilisation auprès des décideurs syndicaux pour les sensibiliser à cette situation et faire en sorte qu ils mettent en place des mécanismes pour favoriser l intégration de femmes dans les différents postes de décisions. 2. En favorisant une socialisation non stéréotypée des femmes et des hommes, des filles et des garçons, de façon à encourager notamment la parité dans les instances décisionnelles. FRONT veut participer à la sensibilisation, l information et la formation de femmes pour des postes de pouvoir dans les instances syndicales.