LE RENFORCEMENT DES CAPACITES DANS LA MISE EN PLACE D UNE ADMINISTRATION ELECTRONIQUE EN AFRIQUE Par Mamosi LELO INTRODUCTION La modernité n est pas l apanage des pays développés. Tous pays, comme toute institution aspire au progrès et au développement. Cependant, tout changement demeure le fruit d un travail assidu, réfléchi et planifié. Le développement et la modernité sont aussi possible à tout pays et à tout organisme s engageant résolument dans la réforme et la restructuration. Les pays Africains ont compris les méfaits de leur retard économique et des difficultés de gestion de leurs services publics. D importants efforts sont déployés et des moyens énormes sont mobilisés pour sortir l Afrique du désordre économique, des conflits sociaux et de l inefficacité administrative. Ci-après nous analysons quelques pistes qui peuvent renforcer les actions actuelles et si possible, réorienter leur conception et leur réalisation. Cependant, ces efforts ne porteront les résultats escomptés qu en repensant et en reformulant les programmes actuels de réforme administrative, en investissant davantage dans l utilisation de nouvelle technologies de l information et de communication, en jetant les bases d une administration électronique et en renforçant les capacités et les compétences nationales. Ces actions, si elles sont maîtrisées et menées à terme, peuvent non seulement améliorer la performance et la productivité des services publics mais également soutenir les initiatives des efforts de développement social et économique du continent. En passant d une administration publique gigantesque, lourde, réglementaire et impersonnelle à des services administratifs de proximité, tournés vers la satisfaction des besoins des usages et l accomplissement des missions du gouvernement, les pays Africains peuvent grandement profiter des programmes de réformes, tout en développant les capacités et l expertise menant à une administration électronique. Ces quelques idées sont détaillées dans les quatre points ci-après.
1) Les programmes de réforme, de restructuration et de modernisation de l administration publique Presque tous les pays Africains sont actuellement embarqués dans les programme de réforme administrative. Certaines réformes sont d origine interne, c est à dire voulues et menées par les autorités en place, d autres par contre sont imposées et pilotées par des instances internationales. Egalement, certaines de ces réformes sont sectorielles ou partielles, se limitant par exemple à la réforme de la gestion du personnel de l Etat ou à la mise en place de nouveaux organigrammes ou encore à la réforme de la fonction publique. Pour les pays qui ont compris l enjeu, la réforme est devenue une affaire de l Etat, impliquant tout le gouvernement, c est à dire tous les départements ministériels et tous les services publics du pays. La commission nationale de réforme administrative n est plus un organe du Ministère de la fonction Publique, mais un point de coordination national, ayant des pouvoirs et des moyens importants pour mener sa mission ; Dans cette vue, la réforme administrative est devenue globale ou holistique, impliquant les institutions politiques, législatives judiciaires, économiques et sociales. Devenant une préoccupation nationale, la réforme administrative est conçue par l ensemble des partenaires, qui sont le gouvernement, les fonctionnaires, la société civile, le privé et les citoyens. Tous participent et influencent la formulation, la mise en œuvre et l évaluation des réformes à mener. Du caractère ponctuel et imprévisible des réformes, on est passé à la mise en œuvre des programmes à moyen et à long terme, visant à pérenniser l action administrative. La réforme administrative, dans sa nouvelle conception et sa nouvelle dimension est avant tout un soutien à l action gouvernementale et un moyen de parvenir au développement économique et social du pays. 2) L utilisation de nouvelles technologies de l information et de Communication dans l administration publique Quand on parle de nouvelles technologies de l information et de communication (NTIC), certaines administration se contentent de se limiter à l installation des ordinateurs, principalement pour le traitement de texte, les bases de données et les calculs statistiques. Nul ne peut douter de l apport appréciable de l ordinateur dans la rapidité, la facilité et la qualité des textes produits, ni de la quantité importante de données traitées, stockées ou communiquées. L ordinateur a permis, dans beaucoup d administrations, une meilleur appréciation des effectifs, une bonne maîtrise de masses salariales et un gain de temps de travail très significatif. Cependant, l ordinateur à lui seul ne suffit pas. Les nouvelles technologies de l information et de communication englobent tout un ensemble d équipements, des méthodes, des procédures et des structures visant à faciliter et à simplifier le traitement, le stockage, le calcul, la gestion et la communication des données. Au sein d une administration, les NTIC concernent toute l utilisation moderne de l information et de sa communication en vue de rendre efficace et performant les actions administratives. En plus de l utilisation de l ordinateur, on ajoute, de ce fait, les différents modèles de téléphones, fax, photocopieuses, télévisions, scanners, ainsi que d appareils
de transformation et de transmission des données, de son et d images. Les NTIC ne se limitent donc pas à l utilisation de l ordinateur mais à la connectivité de plusieurs appareils, soutenus par des techniques et des structures appropriées et adaptées à cet effet. Comme on peut le constater, les NTIC ne constituent pas une fin en soi. Leur utilisation n est bénéfique que lorsqu elles concourent à un objectif bien défini et qu elles sont utilisées dans un environnement approprié. 3) La mise en place d une administration électronique (e-administration) D une façon générale, tous les programmes de réforme administrative comporte un volet informatique. L informatisation des services publics est une priorité qui doit accompagner la simplification des procédures administratives, la restructuration des services et des organigrammes, la rapidité de communication et de traitement des dossiers, la décentralisation, le mécanisme de prise de décision et l efficacité des services rendus aux citoyens. En réalité, les programmes de réforme administrative ne doivent pas se contenter à informatiser mais à créer des réseaux informatiques qui ayant un caractère interne et externe. Il s agit surtout, pour chaque service, chaque ministère ou chaque organisme de l Etat, de se constituer en Web, c est à dire, à rassembler toutes les informations utiles et de les disposer ensemble pour un accès facile et rapide. La connectivité de l ensemble de Webs sous forme de réseaux, à la disposition des usagers, est envisagée comme une révolution dans l administration des affaires publiques. C est quelque sorte, ce qui est appelé administration électronique (eadministration). L administration électronique n intéresse pas les informaticiens, mais tous ceux qui veulent accéder facilement et rapidement à l information voulue. Il s agit surtout de remplacer la lenteur administrative et le méandre des procédures administratives par des méthodes et des techniques qui facilitent la coordination des actions, la gestion des services, la communication, l évaluation et la transparence. Cependant, l administration électronique ne peut se faire qu avec un changement de méthode de gestion, une modification ou simplification des structures organisationnelles et une nouvelles approche de leadership et de travail. L administration électronique écarte les barrières et l hiérarchie, tout en privilégiant le contact et la communication avec tous les services, la collaboration et le travail en commun. L administration électronique n incluse pas que les machines, dans son sein, mais également de nouvelles méthodes de management public, de nouvelle répartition des tâches et une nouvelle conception du capital humain. L administration électronique encourage le travail à distance, la transparence et l imputabilité des transactions, tout en évitant le gaspillage, la lenteur et l inefficacité. Une réforme administrative tendant vers l administration électronique est avant tout holistique, visant des effets à long terme et concourant à une nouvelle administration de proximité, rendant des services d une façon efficace, et oeuvrant pour le pouvoir public et le citoyen.
4) Renforcement des capacités et des compétences Mener un programme holistique de réforme administrative ou s embarquant dans la mise en place d une administration électronique, exige non seulement l engagement et le soutien total du pouvoir public mais également et surtout des capacités et des compétences nationales. Un programme de réforme, quel qu il soit ne peut pas être copié ou imposé de l extérieur, et ne doit non plus être entièrement mené par les étrangers. Une réforme doit émaner des besoins réels du pays et de ce fait, doit être conçue et réalisée par les nationaux eux-mêmes, avec l appui de l extérieur. Tout pays qui s engage dans la voie de réforme doit, de ce fait, se mettre à former les réformateurs. La formation à la réforme est indispensable pour réussir les programmes de réforme administrative. Cette formation concerne, d une part, la conception et la conduite des réformes, et d autre part, la formation dans les divers volets de réforme. A ce stade, l Afrique a besoin de renforcer ses efforts dans les programmes de formation à la réforme. Les compétences nationales sont indispensables pour réussir les réformes. En outre, les capacités et les compétences sont recherchées pour réformer les systèmes administratifs actuels et viser vers la mise en place progressive des administrations électroniques, fondées sur la convivialité et l interface entre pouvoir public, société civile, secteur privé et citoyen. Pour ce faire, des sessions de formation et de perfectionnement sont à prévoir à différents niveaux de l administration, pour permettre la participation de tous les partenaires. Seule la formation peut procurer l expertise nationale et la compétence à formuler, coordonner, mettre en place et évaluer les actions de réformes. L administration publique Africaine qui se veut moderne et performante n a de choix que de se tourner résolument vers des réformes concrètes et efficaces, voulues et menées par les pays Africains, tout en comptant sur le développement et le renforcement des compétences nationales. CONCLUSION L administration électronique, ou l utilisation de nouvelles technologies de l information et de communication dans le traitement des dossiers, la résolution des problèmes administratifs, la prise de décisions, la fourniture des services et la communication des résultats, devient de plus en plus une nécessité. Qu il s agisse de la paie, des opérations comptables ou statistiques, en passant par le remplissage de fiches ou l accès aux informations, ou encore la formation ou l information, l administration électronique rend des services appréciables aux citoyens, aux fonctionnaires, au secteur privé et au gouvernement en place. C est en quelque sorte un instrument de la coordination et de contrôle de l action gouvernementale, permettant également aux citoyens et aux hommes d affaires d accéder aux informations administratives à travers les sites administratifs. La création des sites ou Webs par services, organisme ou Ministère et leur mise en commun sous forme de réseaux internes et externes amène non seulement à l efficacité et à l économie mais aussi à la transparence, la décentralisation et démocratisation des actions administratives.
Comme on peut le constater, une telle administration doit être l aboutissement des efforts de réforme, de restructuration et de modernisation de l ensemble des services administratifs du pays. En outre, c est un travail qui mobilise la créativité, l entreprenariat et l esprit inventif qui met en cause le système réglementaire et la rigidité, mais qui privilégie l innovation et l initiative tournée vers l avenir et vers la coopération dans un monde de mondialisation. L administration électronique guette les bases d une administration solide, professionnelle et flexible. En Afrique, le développement de l administration électronique ou virtuelle doit se faire dans un plan global de réforme et de modernisation de tous les secteurs du pays. Il s agit avant tout de développer les capacités matérielles, humaines et institutionnelles des pays pour non seulement concevoir le changement mais également le piloter pour pouvoir bénéficier de ses bienfaits.