Mardi 17/11/2009 Virologie Dr. C. Amiel RT1 & RL2 : Anh-Dao Phan RT2 & RL1 : Numa Simons Biologie moléculaire et génétique du virus de la grippe humaine, aviaire et de la grippe A(H1N1)v I - Généralités 1 - Description du virus : protéines, espèces infectées 2 - Historique de la grippe 3 - Mécanismes de variabilité des virus grippaux II - La grippe saisonnière 1 - Epidémiologie 2 - Clinique 3 - Diagnostic virologique 4 - Traitement 5 - Vaccination III - La grippe aviaire 1 - Historique 2 - Transmission 3 - Contamination et clinique IV - La grippe A(H1N1)v 1 - Historique 2 - Le virus 3 - Clinique, épidémiologie 4 - Prévention 5 - Traitement 6 - Vaccination I - Généralités 1 - Description du virus : protéines, espèces infectées Le virus de la grippe : classification au sein des virus à ARN Vrai nom du virus de la grippe : orthomyxovirus influenzæ de la famille des orthomyxoviridiae
Le virus de la grippe est un virus : - enveloppé : les virus enveloppés empruntent leur enveloppe aux cellules-hôtes et sont plus fragiles que les virus. Il faut donc un contact assez rapproché pour les transmettre. - à ARN segmenté simple brin : La réplication du matériel génétique se fait par l intermédiaire d une ARN polymérase. Or, toutes les ARN polymérases font des erreurs qu elles ne peuvent pas corriger, des mutations spontanées vont donc apparaitre. L ARN étant segmenté, il va y avoir des échanges de gènes et de matériel génétique : ce sont des réassortiments Le virus de la grippe : famille des Orthomyxoviridae Le virus de la grippe est un virus du genre influenzavirus. Il existe 3 types de virus de la grippe : A, B et C. Structure du virus de la grippe - l exemple de la grippe de type A Comme tous les virus enveloppés, l enveloppe du virus est dite spiculée : des glycoprotéines transmembranaires à la surface de l enveloppe vont faire réagir le système immunitaire. Ce sont des déterminants antigéniques majeurs. Il existe 3 protéines principales à la surface de la membrane du virus : - HA ou H = hémagglutinine : reconnue par le système immunitaire - NA ou H = neuraminidase : reconnue par le système immunitaire - M2 : canal ionique A l intérieur, on a une protéine de matrice M1. Dans le corps du virus : ensemble de protéines et matériel génétique du virus formant la nucléocapside contenant 8 segments d ARN simple brin associés à des nucléoprotéines (enzymes de réplication) - grippe A = 8 segments d ARN - grippe B = 7 segments d ARN Virus de type A : 8 segments d ARN donnent 10 gènes Les 8 segments d ARN sont toujours présentés de la même façon : - segment 1 = PB2 : transcriptase (enzyme de réplication) - segment 2 = PB1 : transcriptase (enzyme de réplication) - segment 3 = PA : transcriptase (enzyme de réplication) - segment 4 = HA : hémagglutinine - segment 5 = NP : nucléoprotéine - segment 6 = NA : neuraminidase - segment 7 = M1 et M2 : M1 protéine de matrice et M2 protéine mb (canal ionique) - segment 8 = NS1 et NS2 : NS1 transport ARN cell, épissage, traduction et NS2 (?) Cycle réplicatif du virus (non fondamental) Un virus ne rentre pas dans n importe quelle cellule (tropisme) : pour qu une cellule soit infectée, il faut - une certaine quantité de virus - un récepteur cellulaire particulier pour le virus Le virus de la grippe, lorsqu il arrive à la surface d une cellule exprimant l acide sialique comme récepteur, rentre par endocytose. Dans la vésicule d endocytose, il va y avoir modification du ph grâce à la protéine virale M2 : ce qui provoque son ouverture (décapsidation) avec libération du contenu dans la cellule. Une partie de l ARN va servir à fabriquer le matériel génétique viral, et l autre partie va servir à la transcription puis la traduction pour la synthèse de nouvelles protéines virales. Le tout va s assembler et bourgeonner à la surface de la cellule. La particule virale qui vient d être formée reste fixée à la surface de la cellule par l intermédiaire de l acide sialique : la libération du virus hors de la cellule se fait uniquement par clivage par la neuraminidase de la
particule virale. L hémagglutinine (HA) L HA se lie à son récepteur cellulaire (l acide sialique) qui est lié à une molécule de galactose. Selon les espèces, l acide sialique est lié au galactose dans 2 positions possibles : - chez oiseaux : position 2-3 - chez l homme : position 2-6 - chez le porc : positions 2-3 et 2-6. Le porc est donc un excellent récepteur pour toutes les HA : co-infection possible par souches humaines et aviaires. L HA et son récepteur cellulaire L ARN polymérase fait des erreurs : risque de mutation sur différents gènes. Si la mutation touche le segment 4(HA), HA mutée présente un risque de modifier la spécificité de liaison au récepteur cellulaire. Les espèces sensibles Quelles sont les espèces qui peuvent être contaminées par le virus de la grippe? Le type A (majoritaire) : toutes les espèces - mammifères terrestres : dont homme et porc - mammifères marins : dont baleine et phoque - espèces aviaires : tous les oiseaux peuvent être contaminées (oiseaux domestiques, oiseaux sauvages dont les migrateurs) = réservoir mondial du virus de la grippe, réservoir de la diversité génétique virale (15 HA différentes, et 9 NA différentes) qui introduit de nouveaux sous-types chez l homme. Le type B (circule un peu en France) : impliqué dans les épidémies annuelles - humains - phoques 2 - Historique de la grippe Dates de pandémies : - 1918 : grippe espagnole H1N1 (40 millions de morts) - 1957 : première pandémie H2N2, grippe asiatique «asian flu» - 1968 : pandémie de grippe de Hong-Kong H3N2-1977 : réémergence de H1N1 lors de la grippe russe Depuis 77 jusqu à maintenant, circulent toujours chez l homme H1N1 et H3N2, que l on retrouve dans nos vaccins. Ce virus H1N1 est dit saisonnier, à différencier du A(H1N1)v (lire A(H1N1) nouveau variant) Il y a donc une pandémie tous les 10-40 ans : avec un nouveau virus, non reconnu par l immunité et donc un risque de létalité élevée. Quid du A(H1N1)v? 3 - Mécanismes de variabilité des virus grippaux Variabilité des virus grippaux - causes et conséquences Elle concerne principalement la variation des GP de surface (principales cibles de Ac neutralisants), d où un échappement à la réponse immune. 2 mécanismes : - glissement ou dérive Progressif (drift) Mutations ponctuelles dues à des erreurs de l ARN polymérase Formation de nouveaux variants - cassure ou saut Brutal (shift) Réassortiments
Formation de nouveaux sous-types Le glissement ou dérive (drift) Phénomène constant pour types A, B et C (surtout A) Accumulation des mutations ponctuelles des gènes lors de la réplication du génome viral : formation de nouveaux variants avec nécessité de réactualiser la composition du vaccin contre la grippe saisonnière La cassure ou saut (shift) Beaucoup plus rare et beaucoup plus grave, uniquement pour le type A Variation antigénique brutale majeure des Ag de surface (HA, NA), associée à des réassortiments (échanges de gènes) et donc émergence de nouveaux sous-types viraux A C est ce mécanisme qui est à l origine des pandémies (en absence d anticorps dans la population), puis le virus circulera dans l espèce humaine et s installera pour induire les épidémies. Comme c est un nouveau virus, le système immunitaire ne le reconnaît pas, ce qui donne un taux de mortalité plus élevé : 3% pour les anciennes pandémies contre 0,1%. Un nouveau virus (nouvelle HA) pas de mémoire immunitaire pandémie avec augmentation de la mortalité Réassortiment : nouveau sous-type (rôle du porc) Ce réassortiment se déroule très bien chez le porc. Lorsqu il est contaminé par un virus puis sur-contaminé par un virus différent, il va se produire un réassortiment par échanges de gènes à l origine d un 3 e virus. Le porc est souvent au cœur des problèmes, mais les réassortiments peuvent se faire chez l homme. Les différentes causes de pandémie 3 acteurs principaux : l homme, le porc et l oiseau 3 causes principales de pandémie - réémergence chez l homme d un sous-type jadis humain : perte de mémoire immunitaire - réassortiments entre 2 virus parentaux d origine différente, chez le porc ou chez l homme - transmission intégrale d un sous-type de virus animal à l homme II - La grippe saisonnière 1 - Epidémiologie Epidémiologie et clinique de la grippe humaine Transmission efficace par voie aérienne (postillons, toux : gouttelettes de Pflüge) mais peut se faire par les mains. L organe cible est l arbre respiratoire : la maladie étant locale, le temps d incubation est donc très court. Entre la cible du virus et sa porte d entrée, la distance est très courte. Dans les pays tempérés : épidémies annuelles (mi-automne à mi-printemps) Les épidémies sont imprévisibles, brève, de diffusion rapide et d intensité variables. Dans le monde, la grippe saisonnière fait 3 à 5 millions de grippés/an dont 250 000 à 500 000 décès. La grippe saisonnière est ubiquitaire Elle touche généralement en premier les enfants. En France, 2 à 5 % de la population est grippée, soit plus de 2 millions de grippés. Le taux de mortalité est de 0,1% des malades (soit 3000 à 6000 décès/an). 90% des décès ont plus de 65 ans
Sur l ensemble des grippés : les enfants de moins de 15 ans représentent d un tiers de l ensemble, alors que les séniors représentent moins de 15% (avec plus de décès). Ce sont essentiellement les enfants qui sont porteurs du virus (1 enfant sur trois est porteur, contre 1/10 pour les adultes), et donc qui sont en cause dans la transmission de la grippe. Temps d incubation : 1 à 7 jours (en moyenne 2 jours) Signes cliniques : 5 à 10 jours Réplication virale dans les voies aériennes inférieures et supérieures : le portage viral a lieu - 1 à 2 jours avant les symptômes - jusqu à 4 à 5 jours après le début des symptômes Le virus est donc présent avant et pendant les signes cliniques. Chez l enfant et l immunodéprimé, les titres viraux sont plus élevés et le portage est prolongé (10 jours). 2 - Clinique Clinique de la grippe humaine classique Grosse différence entre grippe et rhume. Signes/symptômes Grippe Rhume Début Brutal Progressif Fièvre/Frissons Caractéristique, élevée (38- Rare 40 ) Toux Courante et plus sévère Moins fréquente Céphalées Prononcées Moins fréquentes Myalgies, Arthralgies Précoces, prononcées Moins fréquentes Malaise général Précoce, prononcé Peu fréquent Rhinorrhée Claire +/- obstruction nasale Profuse et fréquente Mal de gorge Fréquent Plus rare Chez les fumeurs dont la toux est initialement grasse et productive, il n y pas de toux sèche lors d infection grippale. La grippe provoque des otites chez l enfant, à 25% Nombreuses formes paucisymptomatiques (peu de signes clinique) ou asymptomatiques (sans signes cliniques) Principales complications - Surinfection bactérienne avec toux devenue grasse et productive : 1/3 des «grippés» reçoivent une antibiothérapie - Grippe maligne : atteinte directe des voies aériennes inférieures du virus de la grippe qui va donner un peu œdème hémorragique alvéolaire, fréquente avec la grippe saisonnière. Elle serait liée à la réponse délétère du système immunitaire (cytokines) et non à un effet direct du virus Sujets fragiles : âges extrêmes, femmes enceintes 3 - Diagnostic virologique de la grippe Recherche du virus à faire rapidement dans les milieux riches en virus : - nez : écouvillonnage naso-pharyngé ; lavages ou aspirations nasales - trachée/bronches : aspiration - poumons : lavage bronchoalvéolaire (LBA)
- gorge : sans intérêt car le pharynx n est pas infecté Méthodes de diagnostic : - recherche d antigènes viraux : tests rapides en routine, mais problème de sensibilité (et de spécificité) par immunofluorescence (IF), immunoenzymatique (IEA) immunochromatographie (bttes) - RT-PCR, outil biochimique : le plus sensible, remplace de plus en plus la recherche d Ag viraux, et valide le diagnostic de la grippe humaine A(H1N1)v et aviaire H5N1 - culture : sur lignée cellulaire (rare en routine) - sérologie : peu d intérêt en pratique courante (diagnostic trop tardif) 4 - Traitement Traitement de la grippe Traitements symptomatiques : repos, eau, antipyrétique, bactériothérapie en cas de surinfections bactériennes Antiviraux spécifiques Traitements des complications (antibiothérapie si surinfection) Cibles des antiviraux 2 cibles - protéines M2 : des médicaments inhibent cette protéine dont l amantadine, mais ils sont peu utilisés - neuraminidase : médicaments inhibiteurs dont le zanamivir et l oseltamivir Les antiviraux «antigrippe» Inhibiteurs de la protéine M2 - actifs uniquement sur le virus de type A : Amantadine (Mantadix ) - effets secondaires importants - acquisition de résistance, H5N1 résiste H1N1 nouveau variant aussi Inhibiteurs de la neuraminidase (INA) : actifs sur les virus de type A et B - Zanamivir (Relenza ) et Oseltamivir (Tamiflu ) résistance H5N1 et H1N1 décrite pour Oseltamivir mutation H274Y sur N1 : le virus reste sensible au Zanamivir (mutation naturelle > pression sélection). Tamiflu Forme orale (gélules, suspension) Diffusion systémique Traitement curatif adulte Traitement curatif enfant de plus d un an Traitement prophylactique adulte Tolérance : troubles digestifs modérés et transitoires (ne pas prendre à jeun) Relenza Poudre pour inhalation Dépôt oropharynx Traitement curatif adulte Pas d indication (en cours de modification avec A(H1N1)v Pas d indication (en cours de modification avec A(H1N1)v Rares bronchospasmes On parle essentiellement du Tamiflu car il est pris sous forme orale alors que le Relenza est absorbé par inhalation. Cependant, il ne faut pas oublier le Relenza car des résistances commencent à être décrites au Tamiflu : des résistances du virus aviaire, mais aussi du virus de la grippe saisonnière
Règles de prescription Ce sont les mêmes pour la grippe saisonnière et la grippe H1N1 nouveau variant. Le traitement curatif doit être donné au mieux dans les 48 h suivant les symptômes (adulte = 2 x 75 mg/j pendant 5 jours) - il réduit les signes cliniques de 0,5 à 1,5 jours - il diminue la durée du portage et donc la période de transmission - il réduit l incidence des complications (ATB pour surinfection) Le traitement prophylactique doit être donné au maximum 48 h après le contact avec un patient (adulte = 1 x 75 mg/jour pendant 10 jours) en cours de modification pour A(H1N1)v - il réduit le risque de contracter le grippe de 68 à 89% selon les études (syndrome grippal ou grippe prouvée) Une prescription non ciblée conduit à l apparition de résistance. 5 Vaccination Une immunisation (généralement en octobre) protège tout au long de l hiver. Cependant, la protection n est pas à 100%. Seulement, le risque d infection est plus faible, et les symptômes seront moins marqués en cas de contraction de la maladie. On parle généralement de 70% de protection. Les mutations ponctuelles des segments obligent à réviser la composition du vaccin chaque année. Il est composé de trois souches virales : A(H3N2), A(H1N1) et B, qui sont sélectionnées en février pour l hiver suivant. Par exemple, entre le vaccin 2008 et le vaccin 2009, les souches A(H3N2) et A(H1N1) sont restées inchangées, seule la souche B a varié. En France, les virus sont multipliés sur œuf de poule embryonné et inactivé : une allergie aux protéines de l œuf entraine une contre-indication. Recommandations de vaccination : - plus de 65 ans (gratuit) - plus de 6 mois, en fonction du facteur de risque (retenir problème cardiaque, respiratoire, ou diabète) - entourage des moins de 6 mois - déficits immunitaires graves - personnel de santé La couverture nationale reste très faible, et seulement 30% du personnel hospitalier est vacciné chaque année, malgré la sensibilisation. De nombreux efforts restent à faire dans ce sens. III - La grippe aviaire 1 - Historique, épidémiologie de la grippe aviaire chez l homme 1996 grippe aviaire H5N1, grippe du poulet touche les élevages 1997 extension de la grippe aviaire à Hong-Kong et premiers cas humains, qui reste très isolé 1999 autres élevages décimés par H9N2, cas humains en Chine 2003 quelques cas humains de H7N7 transmis par des mouettes aux Pays-Bas, qui se manifestent par des conjonctivites et grippes 2003-2004 H5N1 revient chez l homme, notamment au Viêt-Nam puis s étend vers l ouest, touchant 62 pays, et se transmettant 15 fois à l homme. L OMS souligne le risque de réassortiment. 2 - Transmission de la grippe aviaire La grippe aviaire possède trois sous-types connus : H5N1, H7N7 et H9N2. Elle touche tous les oiseaux, domestiques comme sauvages, et donc également les oiseaux migrateurs. Le canard sauvage notamment a une infection asymptomatique, et excrète beaucoup de virus et pendant longtemps. De part sa migration, c est un vecteur privilégié vis-à-vis des oiseaux d élevage.
Le virus a énormément changé entre 1999 et 2004. Seuls sont conservés les 4 e et 6 e segments (codant pour H5 et N1), qui ont néanmoins accumulé de nombreuses mutations. Tous les autres proviennent de réassortiments avec d autres virus. Le virus H5N1 a touché les élevages asiatiques, européens et africains. En France, un élevage a été reporté infecté en 2006. Cependant, l Asie a été plus touchée : il y a peu de séparations entre humains et animaux d élevage (volailles, porcs), et la propagation se fait facilement de ferme à ferme. De plus, les ressources du pays étant plus limitées, un cas de grippe aviaire reste plus facilement non déclaré, donc non pris en charge, par peur de voir l élevage détruit sans compensation de l État. H5N1 peut contaminer principalement les oiseaux, mais de nombreuses espèces ont été touchées à un moment ou un autre : l homme, le porc, tigres et léopards nourris avec des carcasses de volailles infectées, les mustélidés (vison, fouine), un chien et les chats domestiques (surveiller les contacts avec les oiseaux dans les zones infectées ainsi que les causes de décès). Cependant, ces cas restent très rares, la barrière d espèce étant très difficile à franchir pour le virus. 3 - Mode de contamination et clinique chez l homme La contamination se fait par contact très rapproché avec les volailles (déjections, sécrétions respiratoires). Il y a quelques cas rarissimes de contamination intra-familiale (donc d homme à homme). Cliniquement, les symptômes initiaux sont les mêmes que ceux de la grippe saisonnière : fièvre persistante, syndrome polyalgique. Cependant, cela évolue vers une insuffisance respiratoire accompagnée d une pneumopathie interstitielle. L infection peut ne pas rester cantonnée à l arbre respiratoire et devenir systémique, entraînant diarrhée et parfois une encéphalite. Le virus est alors retrouvé dans les selles, le LCR, le sérum ainsi que dans les sécrétions respiratoires. Depuis 2003, 15 pays ont déclaré un ou des cas humains de grippe aviaire. L Égypte est un cas particulier : en 2009, 87 cas de grippe aviaire ont été déclarés en plus des cas de A(H1N1)v. La peur d un possible réassortiment entre les deux virus, associant la contagiosité du H1N1 (très importante) et la létalité du H5N1 (60%, contre 0,1% pour la grippe saisonnière) est forte. Le plan grippe original, datant de 2007, concernait en fait une pandémie de grippe H5N1. Il a du être adapté au 0,1 à 0,5% de mortalité de A(H1N1)v. Les indications en cas de contraction ou exposition à la grippe aviaire sont les mêmes que pour la grippe saisonnière, en double dose : - infection : Tamiflu (oseltamivir) 300mg/j pendant 7 à 10 jours - prévention : demi-dose De nombreux vaccins ont été fabriqués et ont déjà été utilisés. Cependant, on ne sait pas contre quelle souche d H5N1 il faut immuniser, et ce n est pas le propos en ce moment. La peur de H5N1 provient essentiellement du risque de réassortiment avec un autre virus. De plus, au moment de son apparition, on attendait la nouvelle pandémie (cycle de 10 à 40 ans). Une mutation sur le gène de l hémaglutinine par exemple pourrait permettre une adaptation possible à l homme. IV - La nouvelle pandémie grippale : A(H1N1)v On avait prévu une grippe provenant des oiseaux, elle est venue des cochons ; on l attendait à l est elle est venue de l ouest. On attendait également une grippe tueuse, or on ne connaît pas encore précisément la mortalité de A(H1N1)v, mais elle devrait être proche de celle de la grippe saisonnière. Cependant, elle présente quelques particularités inattendues, comme de nouveaux facteurs de risque (obèses et femmes enceintes). 1 - Historique
Les premiers cas ont été décrits en mars 2009 au Mexique, et l OMS a donné l alerte en avril. Au 28 avril, 1900 cas de pneumopathies sévères avaient été recensées, ainsi que 150 décès, ce qui est très rare pour cette période de l année. Sur ceux-ci, 942 cas ont été confirmés, dont 29 décès. L OMS est passée directement au niveau d alerte 4 fin avril, puis au niveau 6 le 11 juin. La France n a jamais dépassé le niveau 5A, car les mesures du niveau 6 (plus de transports ou de crèches, etc.) concernaient une épidémie de H5N1 et non de H1N1, qui a une pathogénéité nettement moindre. Cependant, on est vraiment en pleine pandémie grippale. D après le plan de 2007, la grippe n était prise en charge que dans les hôpitaux, qui ont été rapidement surchargés. La prise en charge se fait maintenant également en ville. 2 - Quel est ce virus? C est le virus A(H1N1), mais différent du virus saisonnier A(H1N1) donc le A(H1N1)v pour nouveau variant. C est un mélange d une souche aviaire, de deux souches porcines, et d une souche humaine, qui se sont réassorties chez le porc. 3 - Clinique, épidémiologie Définition officielle : si fièvre ou courbature ou asthénie et toux ou difficultés respiratoires. C est une définition un peu large. - Taux d attaque (nombre de cas infectés par rapport à la population) supérieur à la grippe saisonnière, sans doute plus de 5% - Atteint essentiellement les gens nés après 1957 - Taux d hospitalisation les plus élevés chez les moins enfants de moins de 5 ans - 10 à 20% des patients hospitalisés sont en soins intensifs ou réanimation (critère propre à cette grippe) - Contagiosité : de 1 jour avant l apparition des symptômes et jusqu à environ 7 jours après (les enfants et les immunosupprimés ont une période sans doute plus longue) - Incubation médiane : 1,7 jour, extrêmes à 1 et 7 jours Les symptômes des 335 premiers cas sont notamment - toux (88% des cas) - fièvre supérieure à 38 (86%) - myalgies (48%) - asthénie (40%) Aucun symptôme n est présent dans 100% des cas, et on ne trouve pas de signe clinique différenciant la grippe A(H1N1)v de la grippe saisonnière. Il n y a actuellement quasiment pas de cas de grippe saisonnière. Le pic épidémique de grippe saisonnière est fin janvier début février, on ne sait pas s il en sera de même pour la grippe A(H1N1)v. Le taux de mortalité est encore inconnu pour A(H1N1)v. 6000 décès y ont été liés, et des chiffres de 0,3 à 0,6% de mortalité sont avancés. 30% des décès sont sans facteurs de risques préalables. L âge moyen au décès est de 37 ans, et 65% des décès surviennent chez les 20-60 ans. En France, au 3 novembre 2009, concernant les patients hospitalisés - 3% décédés - moyenne d âge : 25 ans - moyenne d âge des cas graves : 35 ans - 25% de pathologies respiratoires chroniques - 12% de grossesses - 23% aucun terrain particulier
Journées GROG (Groupe Régional d Observation de la Grippe) : simulation H1N1 (oct. 2009) Le scénario pessimiste prévoit donc 100.000 morts. L excès de risques chez la femme enceinte a été prouvé. Par contre, pour le nourrisson, les données actuelles n indiquent pas de sur-risque. Il faut retenir que ⅔ des décès concernent les moins de 60 ans. En France, au 10 novembre, il y a eu 26 décès confirmés, dont 2 patients sans facteurs de risques et seulement 2 patients ayant plus de 65 ans. Les facteurs de risques sont les même que ceux de la grippe saisonnière (pathologies cardiaques, respiratoires et diabète notamment), avec deux items supplémentaires : - femme enceinte (immunodéprimée) - obésité Le seuil épidémique est dépassé depuis deux semaines : on est en pleine épidémie. On ne connaît pas l évolution future de la pandémie. 4 - Prévention de la transmission Les plus tousseurs sont les plus transmetteurs : la transmission se fait par les gouttelettes. Il faut donc de préférence tousser dans la manche, dans un mouchoir qu on jette, et se laver les mains au savon ou avec une solution hydro-alcoolique. La distance de sécurité est d environ 1,5m. Il est recommandé de porter un masque chirurgical pour éviter de contaminer, et un masque FFP2 pour ne pas être contaminé. 5 - Traitement anti-viral C est le même que pour la grippe saisonnière (2 x 75mg/j de Tamiflu pendant 5 jours en curatif, la moitié pendant le double de temps en préventif) avec une tendance au préemptif, donc aux doses curatives même en cas de simple prévention. Il faut cependant faire attention à la prescription non-ciblée qui pourrait faire apparaître une résistance : les enfants et adultes de plus de 1 an sont sous prescription non-systématique (que en cas jugé sévère), les femmes enceintes (2e et 3e trimestre) présentant signes respiratoires et fébriles sont automatiquement mises sous Tamiflu et subissent un prélèvement nasopharyngé pour recherche virologique. Les nourrissons de moins d un an sont traités en cas de facteurs de risques. En préventif : les adultes et enfants de plus de un an sont non traités sauf en cas de facteurs de risque de la personne ou d un de ses proches. La femme enceinte est directement traitée, quelque soit son âge de grossesse. Le nourrisson n est traité qu en cas de facteur de risque. 6 - Vaccination H1N1 En France, cinq vaccins ont reçu une AMM (autorisation de mise sur le marché). Le Pandemrix est celui utilisé à l hôpital, cultivé sur œufs (contre-indication en cas d allergie). Une dose de vaccin ne contient que
3,75µg de hémaglutinine, ce qui n est pas suffisant pour une bonne immunisation (normalement 15µg). Il y a donc utilisation d adjuvants, pour combler le manque en hémaglutinine dû à la vitesse de fabrication du vaccin. L adjuvant est le squalène, molécule présente naturellement dans le corps. Très peu de femmes enceintes et d enfant ont été vaccinés, donc le principe de précaution empêche de conseiller le vaccin avec adjuvant pour ces catégories dans le cas de la grippe A(H1N1)v. Le thiomersal est un conservateur contenant du mercure présent dans la plupart des vaccins. Les généralistes ne peuvent vacciner pour la simple raison qu il y a trop de papiers à remplir, qu il faut prendre le temps de répondre aux questions des patients. De plus, les flacons contiennent 10 doses, conservables qu un jour, ce qui est peu pratique en dehors de centres de vaccination. D après une étude sur les 40 millions de personnes ayant reçu un vaccin contenant du squalène, le risque de Guillain-Barré (0,4 à 1,2/100 000 vaccinations) n est pas supérieur au risque annuel de la population générale, et reste 10 fois plus bas que le risque post grippe saisonnière. Le vaccin a plusieurs effets indésirables : urticaire, mal de bras, œdème, réactions généralisés, Guillain- Barré. Il est actuellement conseillé de faire deux injections, cependant l OMS n en conseille qu une, ce qui pourrait devenir la norme en France sous peu. Ordre de priorité : - personnel médical et paramédical, personnes à risques - femmes enceintes - entourage des nourrissons etc. Questions soulevées par le vaccin : - Quelle sera l immunogénicité induite? - Les deux injections sont-elles indispensables? - Quels sont les effets secondaires? - Quid du pic épidémique, de la durée de l épidémie et du taux de mortalité? - Sans vaccination de masse : pas de réduction de l épidémie?