2014-2015 Thermodynamique Application aux réactions chimiques Jérôme Creuze SP2M/ICMMO Bât. 410-3 e étage 01 69 15 48 18 jerome.creuze@u-psud.fr
1. PREMIER PRINCIPE DE LA THERMODYNAMIQUE : APPLICATIONS À LA CHIMIE
Étude de la chaleur mise en jeu lors de réactions chimiques... mais pourquoi??? Cela permet d indiquer si une réaction est possible ou non (endothermique difficile à réaliser) ; la quantité d énergie dont on dispose lors d une réaction exothermique ; la quantité d énergie à fournir pour une réaction endothermique.
Soit X une fonction d état extensive dépendant de T, P et n i (quantité de matière des constituants du système, i [1, N]), notée X (T, P, n i ). ( La grandeur molaire partielle X (T,P,ni ) par rapport au constituant i est alors donnée par X mi =. n i )T,P,n j i Son unité est le «X.mol 1». Toute fonction d état extensive X (T, P, n i ) vérifie la relation d Euler : X (T, P, n i ) = i X mi n i. On dit qu il y a transformation chimique lorsqu il y a changement des quantités de matière de certains constituants de S, en dehors de tout échange avec ME. Lorsqu il y a une seule réaction chimique dans S fermé, le bilan de matière (ensemble de tous les n i ) ne dépend que d une seule grandeur, appelée avancement de la réaction, exprimée en moles et notée ξ. On écrira toujours l équation chimique de telle sorte que la réaction évolue de gauche à droite. Ainsi, ξ est toujours croissant et ξ max est obtenu par épuisement du réactif en défaut (on ne l atteind que si la réaction est totale). Enfin, pour tout constituant A i, de nombre stœchiométrique ν i, on a n i = n i,0 + ν i ξ.
grandeurs de réaction Soit X (T, P, n i ) une fonction d état extensive de S. Au cours d une réaction thermodynamique élémentaire, on a : ( ) ( ) dx = X dt + X dp + ( X T P,n P i dn i T,n n i. i i )T,P,n j i Or, dn i = ν i dξ et donc ( ) X i dn n i = ( ( ) i i ν X i dξ = X T,P,n n i j i )T,P,n ξ dξ, j i T,P ( ) où X ξ = i ν i X mi est appelée grandeur de réaction et est notée r X. Comme X T,P dépend des coefficients stœchiométriques, elle est donc associée à une équation chimique donnée. Remarques : r X est une grandeur intensive. À T et P constants, dx = r X dξ et donc X = ξ 2 ξ 1 r X (T, P, ξ)dξ, autrement dit r X est la valeur de X à T et P constants par mole d avancement de la réaction. Pour un système idéal, les X mi sont indépendants de la composition du réacteur, c.-à-d. de ξ, donc r X aussi! X = r X (ξ F ξ I ).
enthalpie de réaction On définit finalement l enthalpie de réaction comme : r H = ( ) i ν i H mi = H ξ. T,P Lorsque la transformation est isobare, on a alors H = Q p = ξ 2 ξ 1 r H(T, P, ξ)dξ. Ainsi, lorsque r H(T, P, ξ) cste lors de la réaction, on alors Q p = H = r H (ξ F ξ I ). Remarques : si r H > 0, alors Q p > 0 et la réaction est endothermique ; si r H < 0, alors Q p < 0 et la réaction est exothermique ; si r H = 0, alors Q p = 0 et la réaction est athermique.
Etat standard et grandeurs standard Comme nous l avons vu, les grandeurs de réaction sont définies pour une température et une pression données. Il est nécessaire de choisir un état de référence pour toutes les réactions. On le nomme état standard et c est l état physique le plus stable du corps à la température considérée et à la pression de P 0 = 1 bar. Dans le cas d un élément en solution, son état standard est celui de la solution infiniment diluée ayant les propriétés d une solution hypothétique de concentration c 0 = 1 mol.l 1. Une réaction standard est donc une réaction isotherme à la température T et isobare à la pression standard P 0 où tous les constituants sont dans leur état standard. Les grandeurs de réaction associées sont appelées grandeurs standard et sont notées r X 0 (= ( ) i ν i Xmi 0 = X 0 ξ ). T,P En toute rigueur, la température doit être précisée. Cependant, un abus de langage fait que l état standard correspond à P = 1 bar et à T = 298 K, dite «température ambiante».
Le super quizz de l état standard des corps purs À P = 1 bar et à T = 298 K, qui est gazeux/liquide/solide?
Le super quizz de l état standard des corps purs... la solution! les gaz H 2, O 2, N 2, F 2, Cl 2... mais He, Ne, Ar, Kr, Xe, Rn
Le super quizz de l état standard des corps purs... la solution! les liquides Br 2... mais Hg
Le super quizz de l état standard des corps purs... la solution! les solides C graphite, P 4, Si diamant, Cu,...
Chaleur de réaction Enfin, on appelle chaleur de réaction la variation d enthalpie lors d une réaction. À l état standard, on alors Q = H = r H 0 (ξ F ξ I ). Exemple : H 2gaz + Cl 2gaz 2HCl gaz À T = 298 K, r H 0 = 185 kj.mol 1. Si initialement n H2 = 3 mol et n Cl2 = 5 mol et qu on suppose la réaction totale, on a alors ξ F ξ I = 3 mol et Q = 555 kj.mol 1.
Enthalpie de formation L enthalpie de formation est l enthalpie accompagnant la formation à P = cste d un composé à partir des corps purs constitutifs pris à l état le plus stable ou ils existent à la pression et à la température où la réaction est considérée. Elle se note f H. Dans les conditions standard, l enthalpie de cette réaction est tout simplement l enthalpie standard de formation de ce composé. Elle se note alors f H 0. C graphite + O 2 gaz CO 2 gaz à T = 298 K avec C graphite et P O2 = P CO2 = 1 bar f H 0 = 395 kj.mol 1 ; la réaction est donc exothermique. le composé est dans un état plus stable que les corps purs. 2 C graphite + 2 H 2 gaz C 2 H 4 gaz à T = 298 K avec C graphite et P H2 = P C2 H 4 = 1 bar f H 0 = +52 kj.mol 1 ; la réaction est donc endothermique. le composé est dans un état moins stable que les corps purs. L enthalpie standard de formation d un corps pur sous sa forme la plus stable est nulle
Le cycle de Hess Considérons la réaction : état initial (réactifs) H? état final (produits). P=cste, T =cste Généralement, il s agit d une transformation irréversible. Étant donné que H ne dépend pas du chemin suivi, il est possible de décomposer cette réaction en plusieurs réactions dont on connaît les H, même si cette décomposition est fictive et qu elle ne correspond pas à la réalité. C est la construction du cycle de Hess. Sur le cycle, on a i H i H = 0 et donc H = i H i.
Exemple d application... et généralisation Considérons la réaction : Na solide + HCl gaz Les tables thermodynamiques donnent 1 2 H2gaz + 1 f H 0 (HClgaz)= 92 kj.mol 1 2 Cl2gaz HCl gaz Na solide + 1 2 Cl2gaz P=1 bar 1 T =298 K 2 H 2gaz + (Na + Cl ) solide. f H 0 ((Na + Cl ) solide )= 411 kj.mol 1 (Na + Cl ) solide On peut alors considérer le cycle suivant : r H 0 = f H 0 (HCl gaz) + f H 0 ((Na + Cl ) solide ) soit r H 0 = 319 kj.mol 1. Plus généralement : ~ Les cycles de Hess ne sont pas toujours aussi simples. r H 0 = i ν i f H 0 (produit) i ν i f H 0 (réactif).
Pour une transformation quelconque, il est toujours possible de construire un cycle de Hess, en fonction des données dont on dispose. ~ Pour chaque étape, un seul paramètre doit varier (T, P, changement d état,...) Considérons la transformation On pourra alors écrire avec r H = H 1 + H 2 + H 3 + H 4. r H = f H 0 (H 2 O liquide ) + 373 298 nc P(H 2 O liquide )dt + vaporisation H 0 (H 2 O) + 400 373 nc P(H 2 O gaz)dt
L énergie interne de liaison et l enthalpie de liaison sont définies comme étant l énergie interne et l enthalpie libérée lors de la formation d un produit gazeux dans les conditions standard à partir d atomes eux-mêmes pris à l état gazeux et supposés au départ éloignés à l infini les uns des autres. Comme dans les cas précédents, nous pourrons considérer l énergie interne de liaison si la transformation est à volume constant ; l enthalpie de liaison si la transformation est à pression constante. On les note respectivement l U ou E l et l H. Si une liaison s établit spontanément, cela signifie que le produit formé est plus stable que l ensemble formé par les réactifs E l ou l H < 0. À l opposé, l énergie interne de dissociation et l enthalpie de dissociation sont définies comme étant l énergie interne et l enthalpie qu il faut fournir pour rompre une liaison D XX ou d H > 0. Dans le cas particulier des molécules diatomiques, D XX = E l et d H = l H. ~ D une manière générale, il ne faut pas confondre les grandeurs de liaison avec celles de dissociation. Les premières représentent en fait la moyenne des secondes présentes au sein d une molécule.
Quelques ordres de grandeur (en kj.mol 1 ) : H H : E l = 436 O=O : E l = 498 Cl Cl : E l = 244 N N : E l = 157 N=N : E l = 416 N N : E l = 944 C C : E l = 342 C=C : E l = 613 C C : E l = 810 On peut également déduire l énergie interne de la liaison O H dans la molécule H 2 O. En effet, en considérant le cycle suivant 2E l (O H) = E l (H H) + 1 2 E l (O = O) + f U(H 2O) et donc E l (O H) = 463, 5 kj.mol 1. Si la réaction s opère à pression constante, on parlera d enthalpie de liaison. Lorsque tous les composés sont gazeux, on a alors la relation l H = E l + RT n gaz ou encore Q P = Q V + RT n gaz. ~ Lors de la construction d un cycle, écrire tous les termes en énergie ou en enthalpie mais ne surtout pas mélanger les deux.
DIFFÉRENCE ENTRE ENTHALPIES DE LIAISON ET DE FORMATION f H(CH 4 ) = 75 kj.mol 1 à T = 298 K 4 l H(C H) = 1664 kj.mol 1 à T = 298 K f H(HCl) = 92 kj.mol 1 à T = 298 K l H(H Cl) = 430 kj.mol 1 à T = 298 K
L enthalpie réticulaire est l enthalpie mise en jeu lors de la cristallisation d un solide à partir des constituants pris à l état d ions gazeux s approchant depuis l infini pour former le cristal. C est une grandeur standard. Exemple : Na + gaz + Cl gaz reticulaire H 0 (Na + Cl ) solide De même que l enthalpie de liaison, l enthalpie réticulaire est négative, le cristal étant un état plus stable que celui des constituants. Cette quantité fait intervenir un certain nombre de grandeurs qui apparaissent en construisant le cycle dit «de Born-Haber» H 0 1 est l enthalpie d ionisation de Na mais également l énergie d ionisation puisque n gaz = 0. Cela correspond à la réaction Na gaz Na + gaz + e. H 0 2 est l affinité électronique de Cl. Là-encore, il n y a pas à distinguer l enthalpie de l énergie puisque n gaz = 0. Cela correspond à la réaction Cl gaz Clgaz + e. H 0 3 est l enthalpie de sublimation de Na. H 0 4 est la moitié de l enthalpie de la liaison Cl Cl. H 0 5 est l enthalpie de formation de (Na+ Cl ) solide. Dans cet exemple, reticulaire H 0 = 496 + 349 106 238/2 413 = 785 kj.mol 1.
Connaissant la variation d enthalpie pour une réaction à une température donnée, on peut avoir besoin de connaître la variation d enthalpie de cette même réaction à une autre température. Considérons la réaction générale suivante : aa + bb cc + dd. On cherche alors r H = i ν i f H i j ν j f H j = f (T ) (ν i coefficients stœchiométriques) soit r H(T ) = d f H D + c f H C b f H B a f H A. Or, si on peut considérer les capacités calorifiques indépendantes de T, on a δq P = d f H k = c P,k dt. Ainsi, r H T = ( i T ν i f H i ) j ν j f H j = i ν i c P,i j ν j c P,j = C P où C P = dc P,D + cc P,C bc P,B ac P,A. En intégrant, on obtient [ r H] T T 0 = T T 0 C P dt
La loi de Kirchhoff qui conduit finalement à la loi de Kirchhoff r H(T ) = r H(T 0 ) + T T 0 C P dt U r (T ) = r U(T 0 ) + T T 0 C V dt ~ Dans le cas où des changements d état interviennent dans l intervalle de température considéré, cette loi n est plus valable. Il faut alors construire un cycle faisant apparaître explicitement les changements d état.
Prenons l exemple de la réaction en phase gazeuse à T = 400 K : H 2 gaz + 1 2 O 2gaz H 2 O gaz. Connaissant f H 0 (H 2O) = 285 kj.mol 1, vaph 0 (H 2O) = 44 kj.mol 1 et en supposant les capacités calorifiques constantes sur l intervalle de température considéré telles que c P (H 2gaz) = 30 J.K 1.mol 1, c P (O 2gaz) = 29 J.K 1.mol 1, c P (H 2O gaz) = 33 J.K 1.mol 1 et c P (H 2O liquide ) = 75 J.K 1.mol 1, on peut écrire le cycle : soit r H = (c P (H 2)+1/2c P (O 2))[T ] 298 400 + f H 0 (H 2O)+c P (H 2O liquide )[T ] 373 298 + vaph0 (H 2O)+ c P (H 2O gaz)[t ] 400 373 et en aucun cas autre chose! Ainsi, r H = (30.10 3 + 0.5 29.10 3 )(298 400) 285 + 75.10 3 (373 298) + 44 + 33.10 3 (400 373) = 239 kj.mol 1.
Étudions pour finir le cas de réactions chimiques suffisamment rapides afin de pouvoir les considérer comme adiabatiques sur un intervalle de temps pas trop grand, provoquant ainsi une brusque variation de la température du système sur ce même intervalle de temps. On peut alors définir deux températures particulières : la température de flamme qui est la température atteinte par une réaction adiabatique à pression constante ; la température d explosion qui est la température atteinte par une réaction adiabatique à volume constant. Pour les calculer, on utilise le cycle suivant : d où on peut extraire T f ou T e via la relation : r H 0 (T 0 ) + T f T 0 ν k c P,k dt = 0 ou r U 0 (T 0 ) + T e T 0 ν k c V,k dt = 0, en tenant compte des éventuels changements d état.
On considère un système gazeux à T = 298 K constitué de 2 moles de O 2, 8 moles de N 2 et de 1 mole de CH 4. On amorce la réaction violente en phase gazeuse : CH 4 + 2 O 2 2 H 2 O + CO 2 à l aide d une étincelle. D après le résultat énoncé précédemment, on a donc : r H 0 + [n CO2 c P (CO 2 ) + n N2 c P (N 2 )](T f 298) +n H2 Oc P (H 2 O liquide )(373 298)+ vaph(h 2 O)+n H2 Oc P (H 2 O gaz)(t f 373) = 0 à pression constante ; r U 0 + [n CO2 c V (CO 2 ) + n N2 c V (N 2 )](T e 298) +n H2 Oc V (H 2 O liquide )(373 298)+ vapu(h 2 O)+n H2 Oc V (H 2 O gaz)(t e 373) = 0 à volume constant ; d où on tire T f 2100 K et T e 3500 K. Ces deux valeurs ne sont que des approximations. En effet, les capacités calorifiques dépendent de la température d une part, et il y a échange de chaleur avec ME dès le début de la réaction d autre part. Pour cet exemple, si la température de flamme trouvée est une estimation accepatable de celle d un chalumeau, la température d explosion est en revanche un peu trop élevée.