REPUBLIQUE DE COTE D IVOIRE ----------------- COUR D APPEL D ABIDJAN ----------------- TRIBUNAL DE COMMERCE D ABIDJAN ------------------- RG 1178 /2014 ------------- JUGEMENT CONTRADICTOIRE DU 27 JUIN 2014 -------------- Mademoiselle HACCANDY RITA (Maitre Dadje Rodrigue) C/ Monsieur BONY BERTIN (Maître KOUASSI Kouadio Pierre) DECISION CONTRADICTOIRE Reçoit mademoiselle HACCANDY RITA en son action ; Déclare recevable l intervention volontaire de monsieur KOUASSI OUSSOU ; Dit mademoiselle HACCANDY RITA partiellement fondée en son action ; Condamne monsieur BONY BERTIN à lui payer la somme de 11.160.000 FCFA à titre d indemnité d occupation pour la période allant de septembre 2006 à mai 2014 ; Dit n y avoir lieu à exécution provisoire ; Condamne le défendeur aux entiers dépens de l instance. AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU 27 JUIN 2014 Le Tribunal de Commerce d Abidjan, en son audience publique ordinaire du vendredi vingt sept juin deux mil quatorze tenue au siège dudit Tribunal, à laquelle siégeaient : Madame TOURE AMINATA épouse TOURE, Président du Tribunal ; Messieurs YEO DOTE, OUATTARA LASSINA, DAGO ISIDORE, EMERUWA EDJIKEME, Assesseurs ; Avec l assistance de Maître DOLEGBE SELIKA, Greffier assermenté ; A rendu le jugement dont la teneur suit dans la cause entre : Mademoiselle HACCANDY RITA, née le 13 décembre 1935 à Abidjan, de nationalité ivoirienne, propriétaire immobilier demeurant à Abidjan, 08 BP 1313 Abidjan 08 ; Ayant pour conseil maitre DADJE RODRIGUE avocat près la Cour d Appel d Abidjan, demeurant à Abidjan Plateau boulevard Clozel, immeuble les Acacias, 4 ème étage, porte 401, téléphone : 20 22 94 25/26, 08 BP 594 Abidjan 08 ; Demanderesse comparaissant et concluant par le canal de son conseil ; D une part ; Et Monsieur BONY BERTIN, né le 29 septembre 1962 à Agboville, de nationalité ivoirienne, commerçant exerçant son activité commerciale sous la dénomination commerciale de O Cielo PRESSING, demeurant à Abidjan, appartement SICOGI N 194/050102 à Cocody Nord, Rue des goyaviers ; Ayant pour conseil maître KOUASSI KOUADIO PIERRE, avocat près la Cour d Appel d Abidjan ; Défendeur comparaissant et concluant par le canal de son conseil ; D autre part ; Enrôlée le 05 mai 2014, l affaire a été appelée à l audience du 07 mai 2014 puis renvoyée au 09 mai 2014 devant la 2 ème chambre pour attribution ; Le Tribunal ayant constaté l échec de la conciliation, ordonnait une
instruction et renvoyait l affaire au 06 juin 2014 ; A cette date, le Tribunal ordonnait la jonction des procédures RG 1178/2014 et RG 1448/2014 ; La cause étant en état d être jugée, elle a été mise en délibéré pour décision être rendue le 27 juin 2014 ; Advenue cette audience le Tribunal a rendu le jugement dont la teneur suit : LE TRIBUNAL Vu les pièces du dossier ; Vu l échec de la tentative de conciliation ; Ouï les parties en leurs fins, demandes et conclusions ; Et après en avoir délibéré conformément à la loi ; FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES Par exploit en date du 23 avril 2014 enregistré sous le numéro RG 1178/2014, mademoiselle HACCANDY RITA a fait servir assignation à monsieur BONY BERTIN d avoir à comparaître devant le Tribunal de céans pour entendre condamner le défendeur à lui payer la somme de 11.160.000 FCFA à titre d indemnité d occupation ; Au soutien de son action elle expose, qu en octobre 1976, monsieur KOUAKOU OUSSOU a bénéficié de la part de la société SICOGI d un contrat de location avec promesse de vente d un terrain bâti situé à Abidjan Cocody, formant le lot 194 et qui lui a été finalement cédé suivant acte notarié de maître VERONIQUE WILLIAMS en date des 07 janvier et 24 mai 2005 ; Entretemps précise-t-elle, monsieur KOUAKOU OUSSOU a confié la gestion de la villa à monsieur HACCANDY ACKA qui courant 1978 l a fait louer à monsieur KUEGAH EMMANUEL qui, à son tour, l a fait occuper par monsieur BONI BERTIN à son insu ; Poursuivant, il soutient que les 27 mars et 27 septembre 2006, monsieur KOUAKOU OUSSOU a conclu une promesse de vente portant sur ladite villa à madame HACCANDY RITA ; Ainsi devenue propriétaire de la villa SICOGI N 194/310501 mademoiselle HACCANDY n a pu jouir pleinement de son bien, du fait de son occupation par monsieur BONY BERTIN qui y exploite un pressing sans payer de loyers, alors que monsieur KOUAKOU OUSSOU faisait louer sa maison à 120.000 FCFA par mois ;
C est pourquoi, selon lui, le défendeur qui occupe le local sans l accord du propriétaire et sans payer de loyer durant 93 mois, doit être condamné au paiement de la somme de 11.160.000 FCFA à titre d indemnité d occupation ; Réagissant aux allégations de monsieur BONY BERTIN selon lesquelles mademoiselle HACCANDY RITA n est pas propriétaire de la villa litigieuse, de sorte qu elle ne peut valablement obtenir sa condamnation à lui payer ni loyer ni indemnité d occupation, la demanderesse fait valoir que la promesse de vente en date des 27 mars et 27 septembre 2009 a été confirmée par la réalisation de ladite vente par devant maitre YOLANDE FOLDAH-KOUASSI, notaire, les 12 novembre 2009 et 15 janvier 2010 ; Fort de cette cession, elle a entrepris les opérations de mutation auprès de la société SICOGI, et ainsi, depuis février 2013, elle est l unique propriétaire de la villa dans les livres de la SICOGI ; En outre, elle ajoute que monsieur BONY BERTIN l a déjà attraite avec son employé devant le Tribunal correctionnel pour faux et usage de faux relativement à la propriété de la villa litigieuse et que le Tribunal a prononcé la relaxe des prévenus en se fondant sur le témoignage de monsieur KOUAKOU OUSSOU qui a reconnu, tant à l instruction qu à la barre, que l acte de cession était authentique ; En conclut que cette décision n ayant jamais fait l objet de voie de recours, monsieur BONY BERTIN ne peut valablement lui contester sa qualité de propriétaire ; Par acte d assignation en intervention volontaire en date du 21 mai 2014 enregistré sous le numéro RG 1448/2014, monsieur KOUAKOU OUSSOU a saisi le Tribunal de céans qui a ordonné la jonction des procédures 1178/2014 et 1448/2014 pour une bonne administration de la justice ; Monsieur KOUAKOU OUSSOU explique au soutien de son action, qu il n a jamais cédé son bien à personne ; C est pourquoi, ayant appris qu un premier litige opposait mademoiselle HACCANDY RITA à monsieur BONY BERTIN qu il présente comme son locataire, il a adressé un courrier au juge en charge de l affaire pour lui faire comprendre qu il demeure le propriétaire du bien litigieux et qu il n a initié aucune action à l encontre de son locataire ;
C est donc avec surprise qu il apprend que les mêmes parties sont à nouveau en procès devant le Tribunal de céans pour les mêmes fins ; En outre, il relève qu il a aussi adressé une correspondance à la société SICOGI pour contester la mutation que celle-ci a faite de son titre de propriété au profit de la demanderesse ; Monsieur BONY BERTIN, à son tour sollicite que mademoiselle HACCANDY RITA soit déboutée de son action, au motif qu elle n est pas propriétaire de la villa litigieuse et que les documents qu elle excipe sont le fruit d un faux manifeste, puisque monsieur KOUAKOU OUSSOU dément avoir procédé à la vente de son bien immobilier dans son acte en intervention volontaire ; EN LA FORME DES MOTIFS Sur le caractère de la décision Les défendeurs ont comparu et fait valoir leurs moyens de défense ; Il sied donc de statuer contradictoirement ; Sur la recevabilité de l action L action principale et l action en intervention volontaire ont été, toutes deux, initiées dans le respect des prescriptions légales de forme et de délai ; Il sied de les recevoir ; AU FOND Sur la demande en paiement de la somme de 11.160.000 FCFA Mademoiselle HACCANDY RITA sollicite la condamnation de monsieur BONY BERTIN à lui payer la somme de 11.160.000 FCFA à titre d indemnité d occupation équivalant à 93 mois d occupation de son local ; Le défendeur s y oppose au motif que la villa qu il occupe appartient à monsieur KOUAKOU OUSSOU et que la demanderesse qui n en est pas propriétaire, ne peut lui réclamer ni loyer ni
indemnité d occupation ; Il résulte des pièces du dossier, notamment de l acte de vente sous conditions suspensives par la SICOGI au profit de monsieur KOUAKOU OUSSOU des 07 janvier et 24 mai 2005, de la promesse de vente par monsieur KOUAKOU OUSSOU au profit de MADAME RITA HACCANDY en date des 27 mars et 27 septembre 2006, et de l acte de réalisation de la promesse de vente par monsieur KOUAKOU OUSSOU au profit de MADAME RITA HACCANDY en date des 12 novembre 2009 et 15 janvier 2010, que monsieur KOUAKOU OUSSOU était propriétaire d un terrain bâti situé à Abidjan Cocody formant le lot 194 et qu il a cédé à dame HACCANDY RITA ; Il ressort également des éléments du dossier, que reprochant à monsieur DONVIDE SEGBEDJI FIRMIN, employé de mademoiselle HACCANDY RITA, d avoir falsifié des documents administratifs pour s emparer de l immeuble de monsieur KOUAKOU OUSSOU, monsieur BONY BERTIN a porté plainte contre lui pour faux et usage de faux ; Le Tribunal correctionnel vidant sa saisine, par jugement numéro 3304/10 rendu le 22 mars 2010, motivait ainsi sa décision de relaxe : «attendu que le prévenu est poursuivi pour des faits de faux et usage de faux dans un document administratif ; Il résulte des déclarations de l enquête préliminaire et de l instruction à la barre que l acte de cession argué de faux a été reconnu comme authentique par monsieur KOUAKOU OUSSOU le cédant lui-même, lequel a déclaré l avoir dressé au profit de l époux de dame HACCANDY ; L examen des signatures apposées sur l acte de vente d avec celle contenue sur la pièce d identité de monsieur OUSSOU a démontré qu il est non seulement le propriétaire de la maison, objet de la vente, mais aussi l auteur de la cession ; Dès lors, il convient de dire que les faits de faux et usage de faux tels que décrits aux poursuites ne sont pas caractérisés» ; C est donc en pure perte que ce dernier prétend qu il n a jamais procédé à la vente de son bien immobilier ; Au demeurant, les actes notariés faisant foi jusqu à inscription de faux, il revient à monsieur KOUAKOU OUSSOU de rapporter la preuve que les actes susvisés ont fait l objet d annulation par suite d une procédure en inscription de faux ;
Cette preuve n étant pas rapportée, il convient de dire que mademoiselle HACCANDY RITA est devenue propriétaire du terrain urbain bâti situé à Abidjan Cocody formant le lot 194 depuis le 15 janvier 2010, date de la cession intervenue entre les parties ; L acte de promesse de vente en date des 27 mars et 27 septembre 2006 conclu par devant maître YOLANDE FOLDAH-KOUASSI, notaire, stipule au titre transfert de propriété - entrée en jouissance, que «le transfert de propriété de l immeuble aura lieu le jour de l acte authentique constatant la réalisation de la promesse de vente. L entrée en jouissance de la bénéficiaire a lieu ce jour par la perception des loyers, ledit immeuble faisant l objet d un bail d habitation au profit de monsieur KUEGAH EMMANUEL» ; En outre, l acte notarié en date des 12 novembre 2009 et 15 janvier 2010 constatant la réalisation de la promesse de vente précise «l acquéreur aura la pleine propriété de l immeuble dont la vente est l objet des présentes à compter d aujourd hui. Il en a la jouissance depuis la signature de l acte de promesse de vente visé en exposé, à savoir le 27 septembre 2006» ; Il s ensuit que même si elle n en a acquis la pleine propriété que le 15 janvier 2010, mademoiselle HACCANDY RITA bénéficie de la jouissance de l immeuble occupé par monsieur BONY BERTIN depuis le 27 septembre 2006 et qu elle devait en percevoir les loyers suivant l accord des parties ; Monsieur KOUAKOU OUSSOU qui prétend que monsieur BONY BERTIN occupait le local par son fait avant même la conclusion de la promesse de vente, ne rapporte pas la preuve de ses allégations ni par la production d un contrat de location, ni par celle de quittances de paiement de loyers ; En outre, ses déclarations sont contredites par l acte notarié de promesse de vente qui mentionne que le locataire de la villa au moment de la conclusion du contrat était monsieur KUEGAH EMMANUEL ; Monsieur BONY BERTIN ne justifiant ni du droit ni du titre en vertu duquel il occupe la villa de mademoiselle HACCANDY RITA, doit donc être considéré comme un occupant sans droit ni titre ; L indemnité d occupation est une somme d argent due au propriétaire d un bien immeuble par une personne ayant occupé ledit bien alors qu il n avait ni le droit ni le titre pour le faire ; Il sied, par voie de conséquence, de condamner monsieur BONY
BERTIN à payer à la demanderesse la somme de 11.160.000 FCFA à titre d indemnité d occupation pour la période allant de septembre 2006 à mai 2014 ; Sur l exécution provisoire La demanderesse sollicite l exécution provisoire de la présente décision ; Cependant, les conditions de l exécution provisoire telles que prévues par les articles 145 et 146 du code de procédure civile, commerciale et administrative ne sont pas réunies en l espèce ; En effet, il n y a entre la demanderesse et la défenderesse ni titre authentique ou privé non contesté, ni aveu ou promesse reconnue ; En plus, la présente cause n est relative ni à une contestation entre voyageurs, et hôteliers ou transporteurs ni à un jugement nommant un séquestre ou prononçant une condamnation à caractère alimentaire encore moins à un jugement allouant une provision sur des dommages-intérêts en réparation d'un préjudice non encore évalué ; Enfin la demanderesse ne rapporte pas la preuve de l extrême urgence à même de justifier l exécution provisoire ; Il sied, dans ces circonstances, de dire n y avoir lieu à exécution provisoire ; Sur les dépens Monsieur BONY BERTIN succombe à la présente instance et doit en supporter les dépens par application de l article 149 du code de procédure civile, commerciale et administrative ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort ; Reçoit mademoiselle HACCANDY RITA en son action ; Déclare recevable l intervention volontaire de monsieur KOUASSI OUSSOU ; Dit mademoiselle HACCANDY RITA partiellement fondée en son
action ; Condamne monsieur BONY BERTIN à lui payer la somme de 11.160.000 FCFA à titre d indemnité d occupation pour la période allant de septembre 2006 à mai 2014 ; Dit n y avoir lieu à exécution provisoire ; Condamne le défendeur aux entiers dépens de l instance. Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jours, mois et an que dessus ; Et ont signé le Président et le Greffier.