Rapport d analyse. Décision de la Commission des Relations du Travail Plainte de l Association des Psychologues du Québec



Documents pareils
COMMISSION DE L ÉQUITÉ SALARIALE

COMMISSION DE L ÉQUITÉ SALARIALE

BULLETIN QUESTIONS-RÉPONSES PROGRAMME D ÉQUITÉ SALARIALE

COMMISSION DE L ÉQUITÉ SALARIALE

Foire aux questions. 1. Comment savoir quels ajustements s appliquent aux trois fonctions suivantes :

Table des matières Mise en contexte...3 Historique Lettre d entente no Diagnostic du plan Imbeault, le plan qui est

OSGOODE HALL LAW SCHOOL Université York MÉMOIRE PRIVILÉGIÉ ET CONFIDENTIEL

DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE Division générale Assurance-emploi

Projet de loi n o 30 (2003, chapitre 25)

Type d'action REQUÊTE pour ordonnance spéciale fondée sur l'article 158 de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. REJETÉE.

1. Politiques en matières d appel. 2. Définitions. 3. Portée de l appel

Droits et obligations des travailleurs et des employeurs

CE : comment obtenir vos budgets

Le 15 décembre 2014 ADOPTION DE LA LOI FAVORISANT LA SANTÉ FINANCIÈRE ET LA SUIVEZ RETRAITESAI SUR. Numéro 14-22

Crédit : Comment vous êtes coté

Décision de la Chambre de Résolution des Litiges

Loi modifiant la Loi sur les régimes complémentaires de retraite, la Loi sur le régime de rentes du Québec et d autres dispositions législatives

Équité salariale. 21 décembre e Équité salariale

Régimes flexibles et comptes de gestion santé : est-ce pour nous?

A Nancy 14 novembre 2012 n 12/00388, Ch. soc., M. c/ Sté Lorraine Environnement

Principes de gestion et leadership. Kaoutar Mdarhri Alaoui Chef de division de l observatoire de l emploi public MFPMA

Les salariés de l économie sociale et solidaire

QUATRE ÉLÉMENTS À NE PAS SOUS-ESTIMER DANS LE CONTEXTE D UNE TRANSMISSION D ENTREPRISE

Délibération n du 27 septembre 2010

Guide sur les mutuelles de formation. Règlement sur les mutuelles de formation

Guide Questionnaire d analyse. Préparé par : Jean-Pierre Brisebois

Dossier : Date : Commissaire : M e Diane Boissinot MICHAËLLA LESSARD. Demanderesse MULTI-RESSOURCES. Entreprise DÉCISION OBJET

C est en forgeant qu on devient forgeronne

DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE Division d appel Demande de permission d en appeler

Équipe de la vérification et de l évaluation. Vérification de la gestion financière des ententes de recherche concertée

Rapport sur la rémunération des cadres de direction du secteur public : année scolaire 2011/2012 Conseil scolaire francophone District scolaire n o 93

Le Parlement jeunesse du Québec PARLEMENT JEUNESSE DU QUÉBEC 64 E LÉGISLATURE. Projet de loi n 1

Le statut juridique de l archivage électronique : questions choisies

Rapport du comité d experts du Québec sur les moyens de pérenniser le système de retraite

DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE Division générale Assurance-emploi

L éduca onfinancière. Manuelduparticipant Lacotedecrédit. Unedivisionde

Focus. Lien entre rémunération du travail et allocation de chômage

Guide du programme Transition vers l'après-secondaire

RÈGLEMENT SUR LA NÉGOCIATION ÉLECTRONIQUE ET L ACCÈS ÉLECTRONIQUE DIRECT AUX MARCHÉS

CHAPITRE 7 RELATIONS DE TRAVAIL

Projet de loi n o 94. Présentation. Présenté par Madame Kathleen Weil Ministre de la Justice

FAILLITE ET RESTRUCTURATION

Vu la directive 2004/49/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 concernant la sécurité des chemins de fer communautaires modifiée ;

CRÉDIT D IMPÔT RELATIF À L INTÉGRATION DES TI DANS LES PME DES SECTEURS MANUFACTURIER ET PRIMAIRE INVESTISSEMENT QUÉBEC

CFP 059M C.P. Rapport D Amours

Étude comparative sur les salaires et les échelles salariales des professeurs d université. Version finale. Présentée au

Consultation du Conseil du patronat du Québec sur le Régime québécois de santé et de sécurité du travail

Mémoire relatif au Règlement sur le dépannage et le remorquage des véhicules sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal

COMMISSION DES NORMES DU TRAVAIL. Votre employeur a fait faillite?

LES PRESTATIONS D ASSURANCE TRAITEMENT (Pour une invalidité de 104 semaines et moins)

Loi modifiant la Loi sur la protection du consommateur et la Loi sur le recouvrement de certaines créances

BUREAU DE LA SÉCURITÉ DES TRANSPORTS DU CANADA

VÉRIFICATION DES PRÊTS À L AFFECTATION. 31 janvier Direction de la vérification (SIV)

Article. Bien-être économique. par Cara Williams. Décembre 2010

ARBITRAGE DE GRIEF EN VERTU DU CODE DU TRAVAIL DU QUÉBEC (L.R.Q., c. C-27) CENTRE HOSPITALIER LE GARDEUR

Responsabilité civile des administrateurs et des réviseurs d une société anonyme : questions choisies

DEMANDE D AGRÉMENT DU RÉGIME DE RETRAITE

Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée

Calcul du versement périodique 2014 Guide détaillé

Projet de Loi no 98 Loi modifiant la Loi sur l assurance médicament et d autres dispositions législatives

VOTRE RÉGIME COLLECTIF d assurance salaire de longue durée

UN AVOCAT PEUT-IL AGIR À TITRE DE COURTIER IMMOBILIER?

L écart salarial entre les femmes et les hommes en Belgique

La délégation de pouvoirs

Observation des modalités et performances d'accès à Internet

Manuel des directives - Indemnisation des dommages corporels 1. CHAMP D'APPLICATION

Mémoire Portant sur le rapport intitulé «Innover pour pérenniser le système de retraite» (Rapport D Amours)

RÉGIME d assurance collective CSQ. À la disposition des membres des syndicats affiliés à la Centrale des syndicats du Québec

MEMOIRE DU GOUVERNEMENT SUR LA RECEVABILITE ET LE BIEN-FONDE

L EVALUATION PROFESSIONNELLE

Fiche thématique sur l équité salariale. Au Québec. Parties de loin 1

ASSOCIATION CANADIENNE DES PAIEMENTS CANADIAN PAYMENTS ASSOCIATION RÈGLE E2

Demande de règlement d invalidité de longue durée

Questionnaire du projet Innocence

Régime à cotisation déterminée. On sait ce qu on met dedans; ce qu on retirera à la retraite dépend du rendement.

LE HARCÈLEMENT PSYCHOLOGIQUE AU TRAVAIL AU QUÉBEC

Info-assurance Séance d information de l IASB du 19 mars 2015

environics research group

MÉMOIRE CONSEIL QUÉBÉCOIS DU COMMERCE DE DÉTAIL SUR LE DOCUMENT DE CONSULTATION VERS UN RÉGIME DE RENTES DU QUÉBEC RENFORCÉ ET PLUS ÉQUITABLE

Soumission à la consultation pré-budgétaire du Nouveau-Brunswick janvier 2011

Demande de prestations d'assurance-invalidité Déclaration de l'employeur N de police G

PRIORITÉS POUR LE BUDGET FÉDÉRAL DE 2012

Berne, mai Questions fréquentes au sujet de l aide sociale

Berne, le 15 avril Secrétariat d Etat à la formation, à la recherche et à l innovation Monsieur Josef Widmer Effingerstrasse Bern

LE TITRE FAIT LA DIFFÉRENCE L Ordre et le MICC : un partenariat profitable!

Cessation d emploi et protection d assurance collective

Numéro : 300. Excédents, méthodes de calcul - Ligne 7 de la Déclaration des salaires

Genre et évaluation du travail : le compte n y est pas

Politique de la Commission canadienne des droits de la personne sur le dépistage d alcool et de drogues

AVERTISSEMENT CONCERNANT LA NORME 20 EN MATIÈRE D ÉVALUATION MUNICIPALE

Interpréter correctement l évolution de la part salariale.

ECVET GUIDE POUR LA MOBILITÉ

Règlement numéro 11 portant sur LES DROITS DE TOUTE NATURE EXIGIBLES DES ÉTUDIANTS

Etat des lieux de la nullité pour fausse déclaration intentionnelle de risques S. Abravanel-Jolly

Demande de règlement invalidité Demande initiale

Services de conciliation en assurance Cadre de collaboration et de surveillance. Approuvé par le CCRRA en juin 2015

ACCORD DU 15 DÉCEMBRE 2011

POLITIQUE INTERCULTURELLE

Calcul du versement périodique 2015 GUIDE.

ÉNONCÉ DE PRINCIPES LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE DES PRODUITS D ASSURANCE

Transcription:

Rapport d analyse Décision de la Commission des Relations du Travail Plainte de l Association des Psychologues du Québec Dossier de l équité salariale Julie Cloutier Professeure École des sciences de la gestion Université du Québec à Montréal 2 juin 2015

Introduction Insatisfaite de la démarche d équité salariale du Conseil du trésor (Gouvernement du Québec), l Association des Psychologiques du Québec porte plainte devant la Commission des Relations du Travail. Selon l Association des Psychologues, la démarche mise en œuvre est discriminatoire ce qui rend invalides les résultats qui en découlent. Le 2 juillet 2013, la plainte était rejetée par la Commission. L objectif de ce document consiste à analyser cette décision. Contexte Le Comité d équité salariale a complété ses travaux et réalisé son deuxième affichage le 28 août 2006 [32 1 ]. Or, suite à une plainte de l Association des Psychologues du Québec, la catégorie d emplois psychologue est reconnue comme une catégorie d emplois à prédominance féminine. Le Comité d équité salariale procède donc à l évaluation de la catégorie d emplois psychologue en septembre et octobre 2006 et le rangement 22 lui est accordé [40, 54]. Cette décision est contestée en février 2007 par l Association des Psychologues du Québec. Elle dépose une plainte à la Commission de l équité salariale en alléguant que la reconnaissance tardive de la prédominance féminine de la catégorie d emplois psychologue fait en sorte que le Comité d équité salariale a agi de façon arbitraire puisque la catégorie d emplois psychologue n a pas été traitée selon les mêmes règles que les autres catégories d emplois à prédominance féminine [42,48]. Cependant, la plainte n a pas été retenue par la Commission de l équité salariale. L Association des Psychologues conteste alors la décision devant la Commission des Relations du Travail. Elle soutient que : «l évaluation tardive et conséquemment isolée de la catégorie d emplois psychologue [ ] a des effets néfastes sur la cotation empêchant une évaluation juste et compromettant, du coup, le processus puisque le travail de comparaison des emplois ne peut être effectué» [58, 68]. En d autres termes, l Association affirme que le processus d équité salariale est entaché par la discrimination systémique, ce qui a pour effet de sous-estimer le niveau d exigences de la catégorie d emplois psychologue et par conséquent, de sous-payer les psychologues. 1 Commission des Relations du Travail, dossier 102194, paragraphe 32. 2 P a g e

Fondements de la plainte à la Commission des Relations du Travail Pour comprendre les fondements de la plainte déposée à la Commission des Relations du Travail, il faut revenir au principe de discrimination systémique fondée sur le sexe et déterminer si le Comité d équité salariale l a transgressé. Ainsi, la Loi sur l équité salariale : «a pour objectif de corriger les écarts salariaux dus à la discrimination systémique fondée sur le sexe à l égard des personnes qui occupent des emplois à prédominance féminin» (L.R.Q. c. E-12.001). Comme le précise la Commission sur l équité salariale : «la discrimination systémique est une forme de discrimination qui relève d'un système, c'està-dire d'un ordre établi provenant de pratiques volontaires ou non, neutres en apparence, mais qui donne lieu à des écarts salariaux entre les emplois traditionnellement occupés par les hommes et ceux traditionnellement occupés par les femmes» (Commission de l équité salariale, 2014 2 ). En d autres termes, la discrimination systémique fait référence à des règles et des procédures qui ont pour effet de sous-évaluer les exigences des emplois à prédominance féminine et du coup, de souspayer les titulaires de ces emplois. À première vue, ces règles et procédures semblent objectives : la discrimination systémique est subtile, c est-à-dire difficile à percevoir. Selon la Commission de l équité salariale, l évaluation des emplois est un processus subjectif propice à l intervention des préjugés. Par conséquent : «Le choix judicieux d une méthode d évaluation n est donc pas d emblée la garantie d une évaluation exempte de discrimination à l égard des catégories d emplois à prédominance féminine visées par l exercice. L utilisation qui en est faite lors de l évaluation est aussi déterminante que la méthode elle-même» (Commission de l équité salariale, 2014, p.62). On comprend donc ici que la manière dont les outils sont utilisés est très importante car elle risque d entrainer des biais, c est-à-dire des erreurs qui mènent à une sous-évaluation des exigences des emplois à prédominance féminine. Or, comme le souligne la Commission de l équité salariale : «La Loi sur l équité salariale n impose pas un modèle de méthode d évaluation des catégories d emplois. Il revient donc au comité d équité salariale ou, en l absence de comité, à l employeur de choisir la méthode et les outils convenant le mieux à l entreprise» (Commission de l équité salariale, 2014, p.54). Ceci dit, la méthode d évaluation doit : «être exempte de discrimination fondée sur le sexe, c est-à-dire traiter de la même façon les catégories d emplois à prédominance féminine et les catégories d emplois à prédominance masculine en évitant de faire intervenir les idées préconçues favorables ou défavorables au travail féminin ou masculin» (Commission de l équité salariale, 2014, p.54). 2 http://www.ces.gouv.qc.ca/apropos/equite_012.asp 3 P a g e

L obligation de suivre une démarche exempte de discrimination fondée sur le sexe est clairement précisée à l article 51 de la Loi : «l employeur doit s assurer que chacun des éléments du programme d équité salariale, ainsi que l application de ces éléments, sont exempts de discrimination fondée sur le sexe». Bref, même si aucune méthode n est prescrite par la Loi, le Comité d équité salariale est responsable d utiliser les mêmes règles et procédures pour les différentes catégories d emplois visées afin de réaliser une évaluation exempte de discrimination fondée sur le sexe, c est-à-dire une évaluation objective des exigences d emplois. Dans la mesure où les catégories d emplois ne sont pas traitées de la même façon, on peut conclure que le Comité d équité salariale n a pas agi de manière à respecter l article 51 de la Loi et que la démarche d équité salariale est empreinte de discrimination systémique fondée sur le sexe, ce qui contrevient directement à l objectif de la Loi. Compte tenu des exigences de la Loi sur l équité salariale et en s appuyant sur les travaux de Madame Marie-Thérèse Chicha, experte dans le domaine de l équité salariale au Québec, l Association des Psychologues du Québec soutient que la catégorie d emplois psychologue n a pas bénéficié du même traitement que les autres catégories d emplois à prédominance féminine puisqu elle a été évaluée de façon isolée, plusieurs mois après les autres catégories d emplois, ce qui a empêché un véritable processus de comparaison. À ce sujet, Madame Chicha précisent que le fait d évaluer les emplois de manière isolée entraine de la distorsion dans l évaluation des emplois, c est-à-dire que cela laisse place aux biais et entraine des erreurs d évaluation. Elle précise que : «Le processus d évaluation des emplois est un travail de comparaison, et les résultats sont relatifs et non absolus. Si les emplois sont cotés d une manière isolée, le processus comparatif sera compromis. L évaluation facteur par facteur garantit l application uniforme de chaque facteur, l un après l autre. Les membres du Comité ne seront pas influencés par leur point de vue sur l emploi dans son ensemble, son titre ou son salaire. L effet de Halo est ainsi évité» (Chicha, 2011, p.184). Les éléments présentés permettent de conclure que le Comité d équité salariale, en procédant à l évaluation de la catégorie d emplois psychologique de façon isolée, n a pas traité cette catégorie d emplois de la même façon que les autres catégories d emplois. Le Comité contrevient ainsi à l article 51 de la Loi sur l équité salariale. Il a mis en œuvre une démarche d équité salariale qui n est pas exempte de discrimination systémique fondée sur le sexe. 4 P a g e

Le jugement de la Commission des Relations du Travail Selon le jugement rendu par la Commission des Relations du Travail : «Les décisions du Comité ne s écartent pas des prescriptions de la Loi. Elles ne révèlent aucune erreur manifeste significative et elles apparaissent, dans leur ensemble, non seulement justifiables mais raisonnables» [84]. On peut comprendre ce jugement de la façon suivante : 1. «Les décisions du Comité ne s écartent pas des prescriptions de la Loi» : Le Comité d équité salariale a respecté les dispositions de la Loi sur l équité salariale ; 2. «[Les décisions] ne révèlent aucune erreur manifeste significatives» : Le Comité d équité salariale n a pas commis d erreur flagrante, c est-à-dire des erreurs que l on peut détecter à première vue avec certitude; 3. «[Les décisions] apparaissent, dans leur ensemble, non seulement justifiables mais raisonnables» : les décisions du Comité sont basées sur des explications logiques. Le Comité d équité salariale a-t-il respecté les dispositions de la Loi sur l équité salariale? Comme nous l avons vu, la Loi n impose pas de méthodes particulières, ni ne prescrit l utilisation de bonnes pratiques qui permettent de réduire les biais. De ce point de vue, et de ce point de vue seulement, il est vrai que, conformément au jugement, le Comité «ne s écartent pas des prescriptions de la loi». Cependant, en vertu de l article 51 la Loi exige que les différentes catégories d emplois soient traitées de la même façon, c est-à-dire à l aide des mêmes outils, règles, et procédures de manière à éviter la discrimination fondée sur le sexe. Le fait d avoir évalué la catégorie d emplois psychologue de façon isolée révèle un traitement différent qui est de nature à entrainer des erreurs au cours de la cotation des emplois (c.-à-d. l évaluation proprement dite). Par conséquent, il nous apparait évident que le Comité d équité salariale n a pas respecté l article 51 de la Loi sur l équité salariale. Sous ce rapport et contrairement au jugement rendu, nous ne pouvons que conclure que le Comité d équité salariale s est écarté des prescriptions de la Loi. Le Comité d équité salariale a-t-il commis des erreurs flagrantes? Le jugement indique également que le Comité n a commis aucune «erreur manifeste significative», c est-à-dire aucune erreur évidente ou facilement observable. À notre avis, ce critère ne devrait pas être retenu dans le cadre de l équité salariale. En effet, Loi sur l équité salariale lutte contre la 5 P a g e

discrimination systémique, laquelle discrimination provient de règles, de procédures neutres en apparence, c est-à-dire difficile à percevoir. De toute évidence, l erreur manifeste ne s avère pas un critère pertinent pour juger de la présence de discrimination systémique et du coup, pour déterminer si le processus d évaluation des emplois réalisé par le Comité est exempt de discrimination systémique. En d autres termes, l absence d erreurs flagrantes ne prouve absolument pas l absence de discrimination systémique et la transgression de l article 51. Les décisions du Comité sont-elles basées sur des explications logiques? Le jugement indique que les décisions du Comité apparaissent justifiables et raisonnables. Or, le jugement indique également que : «les cotes accordées pour chacun des sous-facteurs peuvent certainement être discutées. Il est même possible que l évaluation comporte certaines erreurs, mais chacun des points contestés est expliqué et ces explications convainquent de la logique et de la cohérence du traitement» [92]. On peut conclure ici qu il est possible que la catégorie d emplois psychologue ait été sous-évaluée sur un ou plusieurs des sous-facteurs, mais que ces erreurs sont justifiées par le traitement. On en comprend donc que les erreurs possiblement commises sont admises et excusées parce qu elles sont cohérentes avec le traitement différents réservés à la catégorie d emplois psychologue. En d autres termes, les erreurs possiblement commises découlent logiquement du traitement différent lequel, rappelons-le, n a pas été considéré comme de la discrimination systémique en vertu de l article 51 de la Loi. Or, dans la mesure où l on admet que l article 51 n a pas été respecté, les erreurs possiblement commises ne sont plus justifiables, ni raisonnables. Le jugement précise également que «Par ailleurs, le caractère raisonnable de la cote attribuée par le Comité est soutenue par un expert et contestée par une autre, dans les deux cas, par des explications logiques» [76]. En somme, la Commission des Relations du Travail admet qu il est possible que l évaluation «comporte certaines erreurs» et que la position de l Association des Psychologues du Québec est aussi valable que celle du Comité. Par conséquent, l argumentation selon laquelle la catégorie d emplois psychologue a été sous-évaluée, que soutient l Association des Psychologues du Québec, est aussi justifiable et raisonnable que l argumentation du Comité d équité salariale qui soutient le contraire. 6 P a g e

Ainsi, considérant que la catégorie d emplois psychologue n a pas été traitée de la même façon que les autres catégories d emplois à prédominance féminine ; considérant que ce traitement différent contrevient à l article 51 de la Loi sur l équité salariale; considérant que ce traitement différent est de nature à entrainer des erreurs lors de la cotation des emplois ; considérant que des erreurs aient été possiblement commises au cours de la cotation des emplois, ayant pour effet une sous-évaluation de la catégorie d emplois psychologue ; considérant que la position de l Association des psychologues du Québec repose sur une argumentation justifiable et raisonnable; Il y a tout lieu de penser que la catégorie d emplois psychologue a été sous-évaluée par le Comité d équité salariale en raison de la discrimination systémique qui a entachée la démarche d équité salariale. Par conséquent, il y a lieu de se questionner sur l ampleur des conséquences des erreurs d évaluation : est-ce que les erreurs sont négligeables? Dans quelle mesure affectent-elles la rémunération des psychologues? Rangement et rémunération Le rangement 22 a été accordé par le Comité d équité salariale à la catégorie d emplois psychologue. Dans la mesure où l argumentation de l Association des Psychologues du Québec a été jugée justifiable et raisonnable par la Commission des Relations du Travail, nous la présentons ici pour deux des sousfacteurs, à savoir : 1) le sous-facteur 2 «raisonnement» et 2) le sous-facteur 15 «conditions psychologiques». Sous-facteur 2 «Raisonnement» Le Comité d équité salariale a accordé la cote 5 pour le sous-facteur 2 «raisonnement». Ce facteur est défini comme «le raisonnement habituellement exigé pour accomplir les tâches de l emploi et traiter les situations 3». Afin de déterminer la cote que mérite la catégorie d emplois psychologue selon un processus uniforme, nous nous sommes référés au Guide sur les carrières produit par le Ministère des Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC). Le Guide sur les Carrières présente les cotes d évaluation permettant de décrire le niveau d un certain nombre d exigences d emplois. En se référant à ce document gouvernemental, la catégorie d emplois 3 Système d évaluation des emplois à 17 sous-facteurs : définitions des sous-facteurs et des niveaux, P.3. 7 P a g e

psychologue aurait dû obtenir la cote 7, ce qui représente l attribution de 40 points supplémentaires. La cote obtenue pour ce sous-facteur passerait ainsi de 100 points à 140 points 4. Sous-facteur 15 : Conditions psychologiques Ce sous-facteur sert à évaluer les conditions psychologiques contraignantes dans lesquelles les tâches de l emploi sont accomplies 5. Le facteur 15G fait référence aux échéances simultanées ou serrées, au travail imprévisible ou aux urgences. L échelle utilisée pour mesurer le facteur 15G était la suivante : Échelle de proportion du temps Cote 1. Moins de 30% du temps sur une base annuelle Cote 2. De 30% à 60% du temps sur une base annuelle Cote 3. Plus de 60% du temps sur une base annuelle Pour le facteur 15G, la catégorie d emplois psychologue a obtenu une cote de zéro. Or, il s agit là d une cote inadmissible car les niveaux de mesure de l échelle correspondent aux cotes 1, 2 ou 3. Compte tenu de l outil utilisé, le Comité d équité salariale aurait dû accorder, minimalement, une cote 1 à la catégorie d emplois psychologue. De plus, si l on se réfère à la liste d activités, on peut lire que 64% des psychologues interviennent lors de situation de crises émotionnelles ou d urgence. Ce facteur est tellement caractéristique de la catégorie d emplois psychologue qu il est inscrit dans la description d emplois des psychologues dans la section décrivant les principales tâches ou fonctions de la catégorie d emplois. On peut y lire que les psychologues doivent «intervenir lors de situations de crises émotionnelles ou d urgence». Une cote 2 aurait ainsi pu être facilement attribuée. Dans la mesure où l on accorde une cote minimale de 1 pour le facteur 15G, la cote agrégée pour le sousfacteur 15 passe de 2 à 3. Le nombre de points attribué passe alors de 12 à 18 6. En s attardant uniquement à ces deux sous-facteurs, le nombre de points d évaluation attribué à la catégorie psychologue passe de 808 à 854 (808+40+6), ce qui représente un passage du rangement 4 Pondération - Système d évaluation à 17 sous-facteurs Comité d équité salariale 2006-06-18. 5 Système d évaluation des emplois à 17 sous-facteurs : définitions des sous-facteurs et des niveaux, P.19. 6 Document «Pondération - Système d évaluation à 17 sous-facteurs» Comité d équité salariale 2006-06-18. 8 P a g e

22 à un rangement 24 7. Ce passage au rangement 24 correspond à un ajustement salarial de 4,22$/h soit, 160,36$ par semaine 8 et 8 018.00$ par année 9. Conclusion Ce document visait à analyser la décision de la Commission des Relations du Travail du 2 juillet 2013, laquelle rejetait la plainte de l Association des Psychologues du Québec. Contrairement à la décision rendue, notre analyse des éléments du dossier montre que le Comité d équité salariale est contrevenu à Loi sur l équité salariale en mettant en œuvre une démarche d équité salariale empreinte de discrimination systémique. Cela remet donc en question le nombre de points et le rangement qui ont été attribués à la catégorie d emplois psychologue. Il est important de souligner que la Commission a admis que l évaluation réalisée par le Comité d équité salariale puisse présenter des erreurs. Elle a également indiqué que la position de l Association des Psychologues du Québec était aussi justifiable et raisonnable que celle du Comité d équité salariale. En faisant l exercice avec uniquement deux sous-facteurs, nous sommes parvenus à la conclusion que l erreur commise par le Comité d équité salariale représente une perte salariale de 8 018,00$ par année pour les psychologues, laquelle est susceptible d être supérieure si l on considère l ensemble des sous-facteurs. 7 Document «Pondération - Système d évaluation à 17 sous-facteurs» Comité d équité salariale 2006-06-18. 8 Ajustement calculé pour une semaine de travail de 38 heures. 9 Ajustement calculé pour une année de travail de 50 semaines. 9 P a g e