N 64 septembre 2015 Le client et le salarié



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Transcription:

La Missive de N 64 septembre 2015 Le client et le salarié Edito : le triangle client salarié direction Édito : le triangle client salarié direction Marie-Noëlle Auberger Expérience client et performance globale Hélène Labat Citations universitaires Yves Lichtenberger ; Christelle Havard, Brigitte Rorive, AndréSobczak Conditions de vie du client et conditions de travail du salarié La Rédaction Ce numéro de La Missive porte sur les relations entre client, salarié et direction d entreprise. Comme nous le disent les intervenants de la table ronde de l Observatoire social international dont il est rendu compte plus loin, l expérience client est un élément de la performance de l entreprise et pour l acquérir il est nécessaire, face à des clients dont les attentes diffèrent, que les salariés disposent de marges de manœuvre. Ces positions sont assez proches de l analyse d Yves Lichtenberger. Il faut cependant noter que la réponse individualisée au client comporte des risques d arbitraire, l adaptation de la règle en fonction des circonstances pouvant être interprétée comme un passe-droit par les autres clients. L employeur, le salarié et le client sont dans une relation triangulaire (cf. le passionnant article de Christelle Havard, Brigitte Rorive, AndréSobczak) et selon les circonstances le pouvoir est inégalement réparti entre les trois. D après l étude Vigeo portant sur l évolution des pratiques de reporting RSE entre 2008 et 2014, il apparait que globalement «le reporting créé, à l attention ou au sujet, des parties prenantes externes, actionnaires, communautés locales, ONG, clients, est plus développé que celui concernant les parties prenantes internes à l entreprise». Et parmi ces parties prenantes externes, le client a aujourd hui pris le pas, notamment sur les fournisseurs. Le client est-il une partie prenante externe comme les autres, ni plus ni moins importante que le fournisseur, pour ne parler que des parties prenantes commerciales? De fait, les relations de pouvoir en ce XXIe siècle semblent bien se développer à son profit. Faut-il pour autant lui accorder une place prépondérante, allant jusqu à l intégrer dans la gouvernance de l entreprise? Pour notre part la réponse est négative. Le client a droit au respect pas de tromperie sur la marchandise, pas d abus de position dominante mais il n est de place dans la gouvernance que pour les parties prenantes internes, apporteurs de capital dont au premier rang les actionnaires, apporteurs de travail dont au premier rang les salariés, direction. Marie-Noëlle Auberger mna@gestion-attentive.com La Missive de Gestion Attentive n 64 septembre 2015 Le client et le salarié - 1/5

Expérience client et performance globale. L expérience client est un moteur de la performance globale, affirmaient les participants d une table ronde organisée par l Observatoire social international, présidée par Muriel Morin et animée par son délégué général Marc Deluzet. Hélène Labat en a extrait la substantifique moelle pour La Missive. L expérience client oblige l entreprise vis-à-vis de ses clients et de ses salariés, déclare d entrée Muriel Morin, la présidente de l Observatoire. Le client n est plus seulement roi, il est co-acteur des démarches engagées par les marques. En effet, il a le choix et possède toute l information nécessaire pour faire celui-ci. Anne Madelin, Directeur-conseil de Sociovision, lequel étudie les questions sociétales et notamment les changements de comportement à attendre, a remarqué que la relation client prenait de l importance dans les entreprises. Pour certains salariés, la qualité de service est inhérente à leur activité et constitue un enjeu pour la performance globale de l entreprise. Au-delà de cette orientation, les salariés manifestent une volonté de s investir dans ce domaine, ils sont de plus en plus conscients de l importance de se tourner vers l extérieur et de se nourrir des expériences des autres. Une convergence entre la vision des salariés et l orientation client s est ainsi construite, aussi dans les grandes entreprises, des «process d empathie client» ont été mis en place. Ils permettent de réduire la vision en silo et mettent en évidence le besoin de revoir progressivement la culture de l entreprise en y intégrant cette vision client. Les salariés ont également pris en compte le fait que les attentes des consommateurs ont changé et qu il convient de les écouter. Ainsi, un salarié sur deux convient que les clients sont de vrais décideurs. Orange a créé l an dernier une Direction de la relation client afin de placer l expérience client au cœur de la stratégie du Groupe et d en faire un élément de différenciation, explique Laurent Paillassot, DGA Expérience client & Mobile Banking du Groupe Orange. Le plan «Essentiels 2020» a été focalisé sur le client, il touche toute l entreprise, des personnes sur le terrain qui installent la fibre dans les immeubles aux équipes des laboratoires de recherche qui mettent au point la nouvelle Box en passant par celles des agences. La volonté de jouer un rôle majeur dans la connectivité de ses clients a conduit Orange à construire un mode opératoire interne, le «listening and responding», pour se placer à l écoute des clients et répondre à leurs besoins. Le téléphone mobile devient un élément essentiel du quotidien, les gens ne supportent plus de ne pas être connectés, les fournisseurs doivent donc franchir l étape de la connectivité centrée sur des clients qui n ont pas tous les mêmes besoins. Ainsi Orange consacrera quinze milliards d euros à l amélioration des réseaux en renforçant le développement de la fibre, en améliorant la couverture du territoire européen en 4G et en passant au «tout-ip». La «digitalisation» (numérisation) crée également une opportunité de personnaliser la relation client. Le plan «Essentiels 2020» repose donc à la fois sur la voix du client et sur celle du personnel. Orange entend utiliser la force des collaborateurs pour faire évoluer l entreprise et travailler sur le socle culturel de l entreprise, ce qui permettra de faire la différence sur le long terme ; pour y parvenir, il sera nécessaire d être à l écoute des collaborateurs et de leur accorder des marges de manœuvre. Éric Estanguet et à la fois président du directoire de Savelys, une filiale du groupe GDF-Suez consacrée à l entretien et au dépannage des appareils de chauffage, et président de l Institut national de la relation clients INRC. Lorsque Savelys s est ouverte à l Europe en 2007, elle a dû en trois ans modifier ses structures et ses offres ainsi que la relation avec les clients. Conscients qu il ne suffit pas de proposer de très bons produits par de très bons canaux pour garder les clients, les dirigeants ont recherché l excellence de la relation clients. Dans le même délai, l externalisation d activités est passée de 0 à 80%, ce qui est un aspect à prendre en compte, ainsi que la «digitalisation» croissante. Les interventions quotidiennes des techniciens constituent autant d interactions avec les clients. Le technicien n est plus seulement un expert de la technique, il doit également devenir un expert de la relation client. La satisfaction des clients passe par La Missive de Gestion Attentive n 64 septembre 2015 Le client et le salarié - 2/5

celle des collaborateurs, augmenter l autonomie de ces derniers les conduira à se montrer plus authentiques dans leur relation avec le client. Cette démarche revêt d ailleurs un intérêt financier pour l entreprise, car elle réduit l absentéisme et le turnover, des phénomènes qui coûtent très cher. Pour la CGE-CGC, représentée par Alexandre Grillat, les managers sont au cœur du lien clients-salariés. La RSE redonne du sens à l entreprise ; pour que les salariés trouvent du sens à leur travail, à leur engagement au quotidien, ils doivent avoir conscience de la finalité de leur travail. La mission finale d une entreprise consistant à délivrer un service au client, redonner du sens au travail passe donc bien par la relation client. Faire entrer le client dans le dialogue social et dans la gouvernance constitue un des principaux facteurs de motivation. Dans l action, la RSE se développe sur trois axes : un dialogue social de qualité, faisant entrer le client dans ce dialogue ; une RSE irriguant les instances de gouvernance et entrant dans les débats de conseil d administration ; des pratiques managériales revisitées. Faire entrer le client dans le dialogue social et dans la gouvernance constitue donc un facteur de motivation des individus. Hélène Labat Citations universitaires «Nous vivons sur l acquis et la nostalgie des années de croissance industrielle de l État planificateur et des conventions collectives qui ordonnaient «naturellement» d en haut postes, emplois et niveaux scolaires. A l employeur, la définition des finalités et de l organisation du travail, au salarié son exécution selon sa qualification. Aujourd hui, l emploi ne peut plus se réduire au poste tenu, il n existe et ne continue à exister que par le service rendu. Les attentes du client ou de l usager pénètrent l entreprise et même les administrations : chaque activité se trouve décortiquée et évaluée à l aune de leur regard. On ne peut plus tenir le salarié à l écart de la relation de service qui s institue. Réactivité des organisations, compétence des salariés, solidité et développement de l emploi se trouvent plus imbriqués que jamais dans des articulations complexes, équilibres instables ne tenant que par la coopération de ceux qui y sont impliqués. C est ce qui est communément désigné comme une plus forte exigence de professionnalité des individus et des collectifs. L appel au professionnalisme, dévalorisé dans les formes d organisations tayloriennes ou bureaucratiques, revient chaque fois que l organisation prescrite montre ses insuffisances et qu est fait appel, pour y pallier, à l initiative et à l implication des individus, bref à leur compétence. Là où la technique cloisonne et où l économique sanctionne, le professionnel vient inscrire un souci de continuité, d intégration et d accumulation.» Yves Lichtenberger (le 17 janvier 2012, lors de la première rencontre nationale emploi - formation co-organisée par l AFDET et AGEFOS PME) «Le modèle proposé ici chercher à rendre compte de la diversité et de la complexité des situations de travail et d emploi créées par l intrusion du client. La notion de pouvoir permet de mieux comprendre, selon des configurations réelles, dans quelle mesure le client, l employeur ou le salarié exercent alternativement ou conjointement une influence sur le ou les autres acteurs. A travers ces différentes situations de triangulation introduites par le client apparaissent de nombreuses formes de management de la hiérarchie intermédiaire et de la gestion des ressources humaines, confirmant ainsi la forte contextualité des modèles de gestion. ( ) Ne peut-on pas envisager que d autres formes de régulation, telles que la responsabilité sociale des entreprises, peuvent constituer une réponse possible à la diversité des situations de triangulation?» Christelle Havard, Brigitte Rorive, AndréSobczak Client, employeur et salarié: cartographie d'une triangulation complexe. Economies et Sociétés (Série Socio-Economie du Travail), 2006, (27), pp.1229-1258. <hal-00765261> La Missive de Gestion Attentive n 64 septembre 2015 Le client et le salarié - 3/5

Conditions de vie du client et conditions de travail du salarié Quelles sont les relations entre la satisfaction du client et les conditions de travail des salariés? Le client roi implique t-il le salarié esclave ou alors le bien-être des salariés renforce-t-il la relation client? Nous nous permettrons quelques réflexions à ce propos. Précisons d abord que ces interrogations ont le plus de sens quand on parle du salarié en contact direct avec le client mais que néanmoins l action de beaucoup de salariés, qu ils soient à la production ou dans des fonctions support, a un impact sur le service rendu au client. Il est unanimement admis que la satisfaction du client a un impact sur le chiffre d affaire futur car le client a, ce que n a pas forcément l usager, un véritable pouvoir de décision, il peut «changer de crèmerie». Contrairement à l époque de la consommation de masse indifférenciée (cf. le fameux «mes clients peuvent avoir des voitures de n importe quelle couleur du moment qu elles soient noires» prêté à Henry Ford) et même à celle du marketing (le client est roi car il génère du ROI) le client d aujourd hui est informé voire surinformé par divers canaux numériques. Notons cependant que l information foisonnante est loin d être transparente et que notamment les forums se prêtent à toutes manipulations, de la part de clients mécontents ou de concurrents déloyaux tout comme de celle de services publicité, les uns disant pis que pendre du service rendu par le produit, les autres le glorifiant, tout le monde avançant masqué. Les clients sont logiquement la préoccupation première du marketing, mais ils deviennent aussi une préoccupation des RH, qui s intéressent fortement à l attitude des salariés en contact avec le client. Les DRH et «coachs» du secteur expliquent tous ou presque au moins dans les discours publics que la satisfaction du salarié entraînera celle du client. Pour bien s occuper de ses clients, qui sont de plus en plus exigeants, il faut commencer par se préoccuper de ses salariés afin que ces derniers donnent le meilleur d eux-mêmes et satisfassent le dit client. Un argument est que les salariés étant aussi des consommateurs, ils sont à même de comprendre le client, si cela peut être vrai pour certains, cela ne l est que pour les biens et services destinés à la consommation finale. Et encore. Entre le client et le salarié, il y a l organisation du travail. Selon les modalités de celle-ci, les relations entre le bien-être au travail des uns et la satisfaction des autres ne sera pas la même. La vendeuse des grands magasins du Boulevard Haussmann qui se fait insulter par la cliente étrangère qui ne comprend pas que le magasin va fermer, le saisonnier de zone touristique qui connaît des horaires extensifs et décalés par rapport à la vie sociale classique pour la satisfaction des touristes acheteurs, le salarié fabriquant des prothèses mammaires dont il sait que celles-ci peuvent être nocives mais se tait par crainte de perdre son emploi, le guichetier qui prend plaisir à dire que le dossier est déposé deux heures trop tard et ne pourra être traité Il ne s agit pas que d anecdotes. Entre le client et le salarié, il y a aussi le mode de rémunération. Quand un employé de banque reçoit des primes s il atteint les objectifs de vendre tel ou tel produit financier, il peut être tenté d inciter le client à acheter celui-ci, même si ce n est pas ce qui lui convient le mieux. Mais pourquoi le client est-il toujours plus exigeant? Ne serait-ce pas parce que les entreprises lui en promettent de plus en plus? Toujours plus de services, à un prix toujours moindre quand on s adresse au consommateur de masse, à un prix réduit «pour vous personnellement» quand on s adresse à un consommateur plus ciblé (ventes privées, promotions exceptionnelles qui reviennent en boucle, notamment pour les sites en ligne). En cette période de rentrée où les diverses enseignes de la grande distribution ne parlent que de prix afin d'appâter le consommateur, il peut paraitre utile de réfléchir à ce que signifient parfois les prix bas pour les fournisseurs, qu'ils soient locaux ou à l'autre bout du monde, indépendants ou salariés. On pense aux problèmes des producteurs de lait et de porc en France ; même si la situation a été mal gérée par la profession, peut-on dire que le client n y est pour rien? On pense aussi aux conditions quasi-esclavagistes des travailleurs de l industrie de la crevette en Asie. La Missive de Gestion Attentive n 64 septembre 2015 Le client et le salarié - 4/5

Il ne convient pas de nier les contradictions entre les intérêts du client consommateur son mode de vie - et ceux du travailleur ses conditions de travail et de rémunération mais si possible, de les gérer. La rédaction Les sites de ceux qu on cite Observatoire social international : http://www.observatoire-social-international.com/ Sociovision : http://www.sociovision.com/ Institut national de la relation clients : http://inrc.fr/ Savelys : http://www.savelys.fr/ CFE-CGC: http://www.cfecgc.org/ 7 janvier 2012 Première rencontre nationale emploi - formation co-organisée par l AFDET et AGEFOS PME : http://afdet.org/2009/fichiers/actescolloque2012formadultes.pdf Vigeo, étude «De quoi les entreprises rendent-elles compte?» : http://www.vigeo.com/csrrating-agency/fr/etude-vigeo-sur-evolution-des-pratiques-de-reporting-2 On peut trouver l étude notamment sur le site de www.strategie.gouv.fr Client, employeur et salarié : cartographie d une triangulation complexe Christelle Havard, Brigitte Rorive, André Sobczak : https://halshs.archives-ouvertes.fr/hal-00765261/document La Missive est éditée par l association Gestion Attentive, www.gestion-attentive.com Directrice de publication : Marie-Noëlle Auberger- L'abonnement est gratuit sur simple demande à mna@gestion-attentive.com mais comme les services de nos fournisseurs ne le sont pas, nous acceptons volontiers une participation financière de nos lecteurs. Donc, vous pouvez mettre un chèque (abonné social : 20 euros; abonné solidaire : 60 euros pour les personnes physiques, 500 les personnes morales (dix adresses abonnées); abonné responsable : à votre convenance) libellé au nom de Association Gestion Attentive dans une enveloppe adressée à notre trésorière madame Françoise Quairel, 43, boulevard Victor - 75015 Paris. Et n'oubliez pas de préciser votre adresse électronique afin de recevoir les numéros du service «Premium», réservés aux abonnés payants. PUBLICATIONS RECENTES La Missive : n 63 juin 2015 La RSE dans les accords de partenariat de l Union européenne / n 62 mars 2015 - L artisanat et la RSE / n 61- janvier 2015 - Une alter-croissance? / n 60 - décembre 2014 - Des revenus des dirigeants d entreprise / n 59 - septembre 2014 - Rêve de Chine et responsabilité sociale La Missive Premium : n XXVI mai 2015 - Le management du déménagement / n XXV - février 2015 - Dialogue social européen dans l agriculture, l alimentation et le tourisme / n XXIV - novembre 2014 - Vers un Plan national RSE / n XXIII - octobre 2014 (2) Évaluer le capital immatériel / n XXII - octobre 2014 (1) - Le Traité transatlantique, opportunité ou menace pour l Union européenne? Et aussi Le Bloc-notes et Le Bloc-notes «Causeries». La Missive de Gestion Attentive n 64 septembre 2015 Le client et le salarié - 5/5