13 Mot du rédacteur en chef Par Yves Hébert Rédacteur en chef Après la Seconde Guerre mondiale, le taux de natalité important a permis à toute une génération, celle des baby-boomers, de profiter de la croissance économique des 30 années suivantes : les Trente Glorieuses. Mais avec le vieillissement de la population que l on connaît aujourd hui, la pyramide des âges s est inversée. Quels sont les enjeux actuels de ce vieillissement? Jean-Yves Duclos, titulaire de la Chaire de recherche Industrielle Alliance sur les enjeux économiques des changements démographiques de l Université Laval, s est intéressé à toute la complexité du vieillissement de la population. Ayant accepté le mandat d éditorialiste pour notre dossier, il s est entouré d un coéditorialiste, David Boisclair, coordonnateur de la Chaire, et d une équipe de chercheurs chevronnés qui abordent pour nous différents aspects des tendances démographiques actuelles et de leurs impacts. Les changements démographiques au Québec Par Jean-Yves Duclos Directeur du département d économie de l Université Laval et titulaire de la Chaire de recherche Industrielle Alliance sur les enjeux économiques des changements démographiques et David Boisclair Coordonnateur de la Chaire de recherche Industrielle Alliance sur les enjeux économiques des changements démographiques C est une évidence : la population du Québec, qui dépasse désormais les huit millions d habitants, diffère considérablement en 2015 de ce qu elle était en 1980 ou en 2000 et de ce qu elle sera en 2030 ou en 2050. On fait état sur plusieurs tribunes de trois grands changements observés dans la taille et la composition de la population : la hausse du niveau moyen d instruction, la proportion croissante d immigrants, et un âge moyen également à la hausse. Ce dernier changement, symptôme d une structure par âge qui évolue rapidement vers une «pyramide inversée», où la proportion d individus âgés est beaucoup plus importante qu auparavant, est lié à plusieurs enjeux, dont : une hausse probable de plusieurs types de dépenses publiques et privées, dont les dépenses en soins de santé et les prestations aux aînés ; des décaissements croissants des régimes complémentaires de retraite et de l épargne privée; une hausse de la prévalence de certains facteurs de risque, comme l obésité, et de certaines maladies chroniques, comme l hypertension. Hormis les deux premiers changements susmentionnés, soit la hausse du niveau d instruction et celle de la proportion d immigrants, qui viendront en partie contrecarrer certains effets défavorables du vieillissement, le Québec pourra aussi compter sur des aspects positifs associés à ce processus de vieillissement : la réduction au cours des dernières décennies de la prévalence d autres maladies chroniques (comme les maladies cardiaques) et facteurs de risque (comme le tabagisme) ; le développement de technologies médicales améliorant le traitement de plusieurs problèmes de santé, prolongeant ainsi la durée de la vie et en améliorant la qualité ; la survie croissante en bonne santé, permettant à davantage d individus «âgés» de contribuer de façon productive à l économie, soit bénévolement auprès de leur famille ou d organismes tiers, soit dans le cadre de «secondes carrières». Deux articles d économistes du présent numéro du Reflets explorent plusieurs dimensions du vieillissement démographique du Québec. L article de Nicholas- James Clavet et de Steeve Marchand illustre bien les défis en matière de finances publiques associés au phénomène, tandis que celui d Aurélie Côté- Sergent et de ses collègues explore la question cruciale du progrès technologique en médecine et de ses liens avec l allongement de la vie et l évolution de l état de santé. Ces articles s appuient notamment sur une méthodologie qui gagne en popularité avec l accroissement des capacités informatiques, la «microsimulation». Les articles de Stéphane Crespo et de Jacques Légaré portent davantage sur des éléments contextuels du vieillissement. Ces facettes sont moins souvent traitées dans les médias, mais elles devraient retenir tout autant l attention de la société québécoise. En effet, dans quelle mesure des familles de forme changeante et de taille décroissante seront-elles en mesure de prendre soin d un nombre grandissant d aînés, même en relativement bonne santé? C est un aspect de la question dont discute Légaré et que l on souhaite voir faire l objet d une grande attention. Par exemple, les projections mentionnées par Côté-Sergent et ses collègues font état d une multiplication par 2,5 du nombre de personnes hébergées en institution à l horizon 2050. Or, ces projections ne tiennent pas explicitement compte des changements de structure familiale ni de l impact que ceux-ci pourraient avoir sur la taille de ce contingent, la lourdeur des cas ou les besoins en soins à domicile. Crespo analyse notamment la hausse récente de l inégalité de revenu chez les 65 ans et plus, un autre aspect susceptible de créer des difficultés au cours des prochaines décennies. En effet, les tendances récentes risquent de faire l objet de forces contradictoires à l avenir, comme la baisse du nombre de travailleurs couverts par des régimes de retraite à prestations déterminées ou la présence accrue des femmes sur le marché du travail. Voilà qui rappelle l importance, face à des tendances démographiques lourdes et complexes, d appuyer très tôt les politiques publiques sur des données fiables et des analyses à la fine pointe de la science.
14 Les changements démographiques au Québec : enjeux et défis Par Nicholas-James Clavet et Steeve Marchand Chaire de recherche Industrielle Alliance sur les enjeux économiques des changements démographiques Le Québec devrait compter en 2060 environ deux fois plus d individus de 65 ans et plus qu aujourd hui. Le nombre de travailleurs, en revanche, devrait peu changer d ici là. Ce changement démographique majeur accentuera progressivement les pressions déjà présentes sur les finances publiques et mettra notamment à l épreuve le financement des régimes de retraite et des soins de santé. Le défi le plus important lié au vieillissement de la population est probablement la croissance des dépenses en soins de santé qu il génère. Elles représentaient déjà 42,9 % des revenus du gouvernement du Québec en 2013 et pourraient atteindre 68,9 % de ces revenus d ici 2030 si certaines tendances se maintiennent. Très sommairement, on peut dire que les dépenses augmentent suivant deux facteurs. Le premier facteur est l âge de la population. Plus une personne est âgée, plus les soins de santé dont elle a besoin coûtent cher. Le vieillissement de la population entraîne donc mécaniquement une croissance des dépenses, toutes choses étant égales par ailleurs. Le deuxième facteur est la croissance des dépenses par âge. En plus du progrès technologique (qui a été jusqu ici le principal facteur de croissance des dépenses en soins de santé), cette croissance provient aussi de l augmentation de l espérance de vie des personnes souffrant de maladies chroniques, qui nécessitent ainsi des soins sur une plus longue période. Historiquement, les dépenses en soins de santé par âge ont généralement cru d année en année. On évalue même que ce facteur pourrait à l avenir continuer à accroître les dépenses davantage que les facteurs liés au vieillissement de la population. Cette part de la croissance des dépenses peut cependant être plus facilement contrôlée que celle provenant du vieillissement. Le choix des nouveaux services offerts, ou de ceux qui continueront d être offerts, sera certainement un enjeu majeur au cours des prochaines décennies. Le vieillissement de la population et l augmentation de l espérance de vie font aussi de la gestion des revenus à la retraite un enjeu de plus en plus important, d autant que les régimes à prestations déterminées sont de moins en moins populaires. Autrefois plus répandus, ces régimes assuraient aux bénéficiaires des revenus stables pendant toute leur retraite. Pour réagir à ces changements, on peut en premier lieu songer à réformer certains régimes publics de retraite. Ces réformes doivent être soigneusement préparées afin de favoriser le plus équitablement possible différents groupes de personnes. Les individus à faibles revenus peuvent parfois être désavantagés : si la rente d un nouveau régime de retraite vient réduire le montant du Supplément de revenu garanti (prestation fédérale pour les 65 ans et plus ayant de faibles revenus) auquel une personne a droit, cotiser à ce nouveau régime devient alors moins profitable pour cette personne. De plus, il est connu que les individus les moins instruits (en moyenne moins fortunés) vivent moins longtemps. Ils profitent donc moins longtemps des prestations de retraite financées par leurs cotisations. Une autre voie serait d encourager les individus à mieux préparer eux-mêmes leur retraite. Dans cet esprit, le gouvernement provincial obligera bientôt les entreprises de 20 employés et plus à offrir des régimes volontaires d épargne-retraite (RVER) semblables à des REER collectifs à leurs employés. Cependant, certains travailleurs à faibles revenus auraient plutôt avantage à épargner dans des comptes d épargne libres d impôt (CELI), car les revenus qu ils retireraient d un CELI à la retraite ne réduiraient pas les prestations fédérales du Supplément de revenu garanti auxquelles ils auront droit. L immigration est souvent une solution avancée pour réduire l écart croissant entre le nombre de nouveaux travailleurs et le nombre de personnes qui quittent le marché du travail pour la retraite, car les immigrants admis au Québec sont généralement en âge de travailler. La contribution économique de l immigration pose cependant une question complexe. Bien que les immigrants soient notablement plus instruits que les Québécois nés ici, ils ont plus de mal à s intégrer au marché du travail. Ils sont ainsi plus susceptibles d avoir recours à l aide sociale. Ils reçoivent aussi davantage de transferts destinés aux familles, car ils ont en général plus d enfants, et leur revenu familial, sur lequel sont basés ces transferts, est en moyenne plus faible. Si l on considère en plus la pression sur les dépenses en soins de santé que peut causer à terme l arrivée de nouveaux immigrants, il n est pas clair que l immigration profite de manière évidente aux finances publiques provinciales. Ce n est par contre pas la même histoire pour le gouvernement fédéral. Ce dernier assure principalement la sécurité du revenu des personnes de 65 ans et plus, mais les immigrants n y ont pas pleinement droit, à moins d avoir résidé au Canada au moins 40 ans. Les finances publiques fédérales profitent ainsi de l impôt sur le revenu des immigrants, sans toutefois assumer un fardeau additionnel important. Au total, les effets de l immigration sur les finances publiques apparaissent ambigus. Compter sur un nombre d immigrants important ne semble pas être une avenue suffisante pour contrer les effets du vieillissement de la population sur les finances publiques. Travailler à une meilleure reconnaissance de leurs compétences et à une meilleure intégration au marché du travail apparaît comme une voie plus prometteuse. illustration : josé morin
15 L évolution de la famille et ses répercussions sur les personnes âgées Jacques Légaré Professeur émérite Département de démographie Université de Montréal L une des principales mutations qu a subie l institution de la famille au cours du temps, en particulier en ce qui a trait à l entourage des personnes âgées, a été de passer à une situation où la majorité de la population vit en famille nucléaire (parents et jeunes enfants) plutôt qu en famille intergénérationnelle (grandsparents, parents et jeunes enfants). Plus récemment, la diversité des types de famille dans lesquels on vit a aussi eu ses répercussions. Depuis des temps immémoriaux, on observait trois phases dans la vie des individus : l enfance, l âge mûr et la vieillesse. On cessait de travailler quand on devenait vieux, et alors «retraite» et «vieillesse» étaient synonymes, même si ces termes étaient loin d avoir le sens qu on leur donne aujourd hui. Comme les ménages étaient composés de trois et parfois de quatre générations, les personnes âgées, n ayant plus les capacités de travailler, étaient prises en charge par l un des enfants. Dans le milieu agricole, c était en général le fils aîné qui devenait responsable de l exploitation agricole et gardait avec lui et ses enfants, ses parents souvent en perte d autonomie. Dans le paysage urbain, c était plutôt le rôle de la fille aînée, qui très souvent était célibataire. De nos jours, on distingue plutôt quatre phases dans la vie des individus : l enfance, la période de participation au marché du travail, la retraite et la vieillesse, périodes dont les seuils de transition sont très variables, tant dans le temps que dans l espace. On passe à la retraite quand on quitte le marché du travail et à la vieillesse quand on entre dans un état de dépendance, en particulier par rapport à la santé. Désormais, deux cas de figure se présentent concernant les aidants potentiels : ce sont ou bien de jeunes retraités au début de la phase 3 ou bien des personnes à la veille de leur retraite en fin de la phase 2 qui s occupent de leurs parents en perte d autonomie et ayant besoin d aide. Le changement crucial par rapport au passé, c est qu il y a très rarement corésidence. Les projets expérimentaux d habitations inter ou multigénérationnelles ont très peu de succès pour diverses raisons, tant auprès des aidants que des aidés. Les personnes âgées n ont pas plus envie d aller vivre chez leurs enfants (ou leurs enfants chez elles) qu en résidence : elles veulent vieillir chez elles, dans leur milieu de vie. En cas d incapacité, l aide informelle vient en majeure partie de la famille, soit du conjoint, soit des enfants. Là aussi les mutations de la famille moderne ont de nombreuses répercussions, tant pour les personnes âgées que pour leurs «aidants naturels». Ces mutations touchent autant la vie du couple que de sa descendance. Il y a 50 ans, les couples étaient tous mariés et pour la vie. La baisse des taux de mortalité fait qu il y a et qu il y aura de moins en moins de veuves, donc de personnes âgées seules. Par contre, les couples sont de moins en moins stables et les divorces de plus en plus nombreux, et cela, même chez les personnes âgées. De plus, même si un certain nombre d entre elles vont reformer un couple, la plupart le feront en dehors du mariage officiel, et un nombre de plus en plus important décideront de vivre de façon séparée (traduction libre de Living Apart Together [LAT]). Pour ce qui est de la descendance, on sait que les baby-boomers ont eu peu d enfants. Nos recherches ont par ailleurs montré que le nombre d enfants aidants potentiels est relativement peu important. Le fait d avoir eu un ou plus d un enfant ne change pas les probabilités d en avoir au moins un comme aidant naturel. C est plutôt de ne pas avoir un enfant survivant, en particulier une fille, qui est plus problématique. Du côté des enfants, les mutations sont du même type que pour les parents, mais il y a plus. De nos jours la composition des familles est très diversifiée : biparentale, monoparentale, couple de même sexe, famille reconstituée avec enfants de trois «couples de parents», etc. Des études récentes montrent que, dans bien des cas, le divorce des parents a de profondes conséquences sur les relations des enfants avec leurs parents. Par exemple, en France, parmi les adultes de 30-34 ans, 32 % n ont aucun contact avec leur père divorcé et 8 % n en ont aucun avec leur mère divorcée. Enfin, les enfants ont souvent des impératifs de travail qui les éloignent du lieu de résidence de leurs parents. À défaut alors d être donnée en personne, l aide peut être de type moral (contacts fréquents par Skype) ou financier. La conséquence logique de cette courte analyse est que, de plus en plus, l aide formelle va devenir nécessaire pour que la société puisse offrir aux personnes âgées le bien-être auquel on s attend dans la vieillesse. Est une agence de communication marketing qui a comme mission de connecter les consommateurs et les plus grandes marques. Un temps partiel pour casser la routine : Démonstrations alimentaires et culinaire Horaires flexibles et variables d'après-midi et fins de semaine Votre expérience est attendue chez l épicier du coin Beaucoup de plaisir tout en faisant de nouvelles rencontres Venez nous faire profiter de votre expérience. Envoyer votre CV à : candidature.quebec@launchthis.com www.launchthis.com
Par Aurélie Côté-Sergent, Raquel Fonseca et Pierre-Carl Michaud Chaire de recherche Industrielle Alliance sur les enjeux économiques des changements démographiques 16 Les dépenses en soins de santé, la santé et la longévité Une part grandissante des revenus totaux des pays de l Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) est allouée aux dépenses en soins de santé. Au Canada, ce pourcentage était de 7 % en 1980 et de 11,4 % en 2010. Ces dépenses procurent toutefois des bénéfices importants. La hausse des dépenses s accompagne d une amélioration soutenue de l espérance de vie. L espérance de vie à la naissance au Canada est passée de 75,3 ans à 80,8 ans de 1980 à 2008. Pour bien comprendre la source de cette amélioration, il convient de regarder l évolution des taux de mortalité. Le recul de la mortalité après 50 ans a été le principal moteur de la hausse de l espérance de vie dans la plupart des pays de l OCDE au cours des 50 dernières années. Cette baisse de la mortalité semble principalement attribuable au progrès technologique en médecine. Par exemple, on attribue 75 % de la réduction de la mortalité postcancer aux innovations médicales. L adoption de ces innovations a mené à une hausse des dépenses en soins de santé. Quant à savoir si l augmentation de l espérance de vie se poursuivra, la réponse pourrait dépendre de deux forces opposées importantes : la forme et la force du progrès technologique en médecine d une part, et la hausse de la prévalence des maladies chroniques et de l obésité chez les personnes âgées d autre part. Selon la littérature récente, le progrès technologique médical, notamment en ce qui concerne les maladies dégénératives qui apparaissent à un âge avancé, permettrait de réduire davantage la mortalité chez les personnes âgées. Il y a cependant une ombre au tableau. L évolution de l état de santé des personnes âgées au Canada n est pas des plus positives. En effet, chez les personnes âgées de 65 ans ou plus, la proportion de gens souffrant d au moins une incapacité a augmenté de trois points de pourcentage de 2001 à 2006 pour atteindre 43,2 %. D autres données indiquent que les maladies chroniques et l obésité sont en hausse pour ces mêmes individus. Ainsi, afin d envisager l évolution future de l espérance de vie et des dépenses en soins de santé, il importe de considérer le progrès médical et les tendances en santé. COMPAS, un modèle de microsimulation québécois, permet de considérer tous ces aspects (Boisclair et coll., 2014). Il projette l évolution de la santé de la population québécoise de 2010 à 2050. Les simulations tiennent compte du fait que les individus peuvent être atteints de différentes maladies ou commencer à en souffrir (diabète, hypertension, cancer, etc.), souffrir d obésité, fumer et avoir des incapacités. Le progrès technologique est représenté par une diminution annuelle des taux de mortalité. Cela permet de capter l effet de diverses avancées médicales sur la mortalité. La combinaison de progrès technologique et de changements dans la santé de la population se traduit, au net, par une hausse importante de l espérance de vie de 2010 à 2050. Par exemple, un individu ayant 50 ans en 2050 vivra 4,4 années de plus qu un individu ayant 50 ans en 2010. On observe des tendances similaires à tous les âges. En l absence de progrès technologique, l espérance de vie à 50 ans demeurerait constante dans le temps. Le modèle COMPAS permet également de calculer l utilisation de ressources médicales au sein de la population. Bien que cela ne donne pas directement une mesure des dépenses en santé, on peut supposer qu une augmentation du nombre de consultations de médecins entraîne une hausse des coûts. De 2010 à 2050, le nombre de consultations de médecins omnipraticiens et spécialistes passera de 18,6 millions à près de 29 millions par année. Cela représente une augmentation de 56 %. De façon similaire, le nombre de personnes en établissement de soins de longue durée sera multiplié par plus de 2,5. Le progrès technologique est responsable, à lui seul, de 11 % de la hausse du nombre de consultations et de 36 % de l augmentation du nombre de personnes en établissement. Le reste découle du vieillissement et de la hausse de la prévalence des maladies chroniques. En résumé, si le progrès technologique médical fait plus que contrepoids à l évolution des maladies chroniques, on peut s attendre à une augmentation importante de l espérance de vie. Quant à l utilisation de ressources en santé, elle est probablement loin d être freinée. Cependant, l augmentation des dépenses n est pas problématique en soi : il faut seulement évaluer si ces dépenses mènent à une amélioration du bien-être suffisante par rapport aux autres domaines auxquels ces sommes auraient pu être consacrées, qu il s agisse de dépenses privées ou publiques. Référence Boisclair, D. et coll. 2014. COMPAS : un modèle de microsimulation santé pour le Québec. Cahier de recherche 14-07 de la Chaire de recherche Industrielle Alliance sur les enjeux économiques des changements démographiques, 103 p. www.cedia.ca/sites/cedia.ca/files/rapport_compas_santequebec_14-07_0.pdf
Par Stéphane Crespo Institut de la statistique du Québec (ISQ) Inégalité de revenu des personnes âgées de 55 ans et plus au Québec : tendances des trois dernières décennies 1 17 Dans le présent article, nous décrivons brièvement l évolution de l inégalité du revenu individuel disponible des personnes âgées de 55 ans et plus de 1981 à 2010. Par revenu disponible, on entend les revenus totaux, y compris les transferts gouvernementaux, moins les impôts. Dans un premier temps, nous analysons les tendances de l inégalité chez les 55 ans et plus, en comparaison avec celles observées parmi les 25 à 54 ans. Dans un second temps, les tendances particulières aux 55 ans et plus sont analysées, selon le sous-groupe d âge (55-64 ans, 65-74 ans, et 75 ans et plus) et selon le sexe. L indicateur choisi pour mesurer l inégalité est le coefficient de Gini. Il faut retenir que plus le coefficient est élevé, plus l inégalité de revenu est grande. Cet indicateur, qui varie de 0 à 100 %, est calculé à partir de la répartition du revenu dans le groupe étudié. Par exemple, le coefficient des 55-64 ans fournit un indice de l inégalité de revenu dans ce groupe. Des années 1990 aux années 2000, l inégalité de revenu a augmenté parmi les personnes de 65 ans et plus, alors qu elle a diminué parmi les groupes d âge inférieur. Depuis le début des années 1980, on perçoit une tendance à la baisse de l inégalité de revenu parmi les personnes âgées de moins de 65 ans (figure 1). Cette diminution a été la plus prononcée parmi les 25-34 ans, où le coefficient est passé de 38 % en moyenne dans les années 1980 à 32 % en moyenne dans les années 2000. La diminution a été moins prononcée chez les 35-64 ans : la moyenne est passée de 41 à 36 % chez les personnes de 35-44 ans, de 46 à 41 % chez celles de 45-54 ans et de 50 à 46 % chez celles de 55-64 ans. 55.0 Figure 1. Coefficient de Gini du revenu disponible, selon l'âge, Québec, 1981-2010 s accroître de quatre points et atteindre 27 % dans la décennie des années 2000. On constate, par ailleurs, que pour toute la période considérée, l inégalité de revenu a été la plus élevée parmi les personnes de 55-64 ans et la plus faible parmi les personnes de 75 ans et plus. L écart entre le degré d inégalité de revenu des femmes et des hommes de 55-64 ans a diminué de 1981 à 2010. L inégalité de revenu parmi les femmes de 55-64 ans a été plus élevée que parmi les hommes tout au long de la période observée (figure 2). Toutefois, l écart diminue avec les décennies. Ainsi, en moyenne, le coefficient de Gini s élevait à 59 % parmi les femmes de 55 à 64 ans dans les années 1980 et à 35 % parmi les hommes du même âge, un écart de 24 points de pourcentage. La décennie suivante, l écart est de 18 points de pourcentage (55 % c. 37 %). Dans les années 2000, l écart a diminué de huit points de pourcentage (48 % c. 40 %). Chez les personnes de 65-74 ans, les différences entre les hommes et les femmes ne vont pas toujours dans le même sens. Ainsi, dans les années 1980, le coefficient de Gini se situait en moyenne à 32 % parmi les hommes, soit deux points de pourcentage de plus que parmi les femmes. Dans les deux décennies suivantes, une tendance contraire est observée. L inégalité est plus grande parmi les femmes que parmi les hommes. Ainsi, dans les décennies 1990 et 2000, les coefficients de Gini parmi les femmes se sont élevés à 28 et à 32 % respectivement, contre 27 et 28 % parmi les hommes. Chez les personnes de 75 ans et plus, les tendances à long terme montrent que pour l ensemble de la période, l inégalité de revenu est plus grande parmi les hommes que parmi les femmes (26 % contre 23 %). En revanche, plus particulièrement au cours des années 2006 à 2010, les données de la figure 2 semblent indiquer que l inégalité est du même ordre, voire plus élevée chez les femmes. 50.0 45.0 40.0 35.0 70.0 60.0 Figure 2. Coe cient de Gini du revenu disponible, selon l'âge et le sexe, Québec, 1981-2010 30.0 50.0 25.0 20.0 40.0 30.0 25-34 ans 35-44 ans 45-54 ans 55-64 ans Note Source Note : les : Statistique les coefficients Canada, de de variation Enquête sont sont sur tous tous la dynamique inférieurs à du à 15 15 travail %. et du revenu, fichiers maîtres, adapté par l'institut Source de : Statistique la Statistique Canada, du Québec. Enquête sur la dynamique du travail et du revenu, fichiers maîtres, adapté par l'institut de la Statistique du Québec. 20.0 10.0 Chez les personnes de 65 ans et plus, les mouvements ont été différents. Ainsi, après une diminution de la décennie 1980 à la suivante, l inégalité de revenu s accroît dans la décennie 2000. Parmi les 65-74 ans, le coefficient moyen est passé de 34 à 31 % des années 1980 aux années 1990, pour s accroître d un point de pourcentage dans les années 2000. Parmi les 75 ans et plus, ce coefficient moyen a diminué de deux points de pourcentage de la première à la deuxième décennie (années 1980 et années 1990), passant de 25 à 23 %, pour Hommes 55-64 ans Hommes 65-74 ans Hommes 75 et plus Femmes 55-64 ans Femmes 65-74 ans Femmes 75 et plus Source : Statistique Canada, Enquête sur la dynamique du travail et du revenu, fichiers maîtres, adapté par l'institut de la Statistiq Québec. Source : Statistique Canada, Enquête sur la dynamique du travail et du revenu, fichiers maîtres, adapté par l Institut de la Statistique du Québec. 1. Basé sur le chapitre 4 de la publication suivante : CRESPO, Stéphane et Sylvie RHEAULT (2013). Revenu, faible revenu et inégalité de revenu : portrait des Québécoises et des Québécois de 55 ans et plus vivant en logement privé. Québec, Institut de la statistique du Québec, 124 p.