EVALUATION DES EMPLOIS, CLASSIFICATION ET REMUNERATION GROUPE DE RECHERCHE : Khalifa M'BARKI Abdellatif EL ABDELLAOUI Abdelaziz ELATKI Khalid BEN OSMANE SOMMAIRE 1. DIAGNOSTIC ET ETAT DES LIEUX 1.1. L'ANALYSE DES EMPLOIS 1.1.1. Présentation de la situation actuelle 1.1.2. Caractéristiques des emplois 1.2. LA CLASSIFICATION DES EMPLOIS 1.2.1. Présentation de la situation actuelle 1.2.2. Caractéristiques de la classification 1.3. LE SYSTEME DE REMUNERATIONS 1.3.1. Présentation de la situation actuelle 1.3.2. Caractéristiques du système de rémunération 2. AVENUES DE CHANGEMENT 2.1. ELABORATION D'UN PLAN NATIONAL DE CLASSIFICATION ET D'EVALUATION DES EMPLOIS a. Au niveau régional b. Au niveau ministériel c. Au niveau interministériel 2.2. LA REFONTE DU SYSTEME DE QUALIFICATION-CLASSIFICATION 2.3. LA REVALORISATION DU SYSTEME DE REMUNERATION 3. BESOINS EN FORMATION ANALYSE DES EMPLOIS, CLASSIFICATION ET REMUNERATION La gestion moderne des ressources humaines perçoit l'étude des emplois, de la classification et de la rémunération comme trois composantes d'un même système lié par une même logique. La présente synthèse essaie d'appréhender la situation de ces trois composantes dans l'administration publique marocaine à travers les points suivants : - Diagnostic de la situation actuelle ; - Avenues de changement ; - Besoins de formation éventuels dans le domaine. 1- DIAGNOSTIC ET ETAT DES LIEUX 1.1. L'ANALYSE DES EMPLOIS 1.1.1. Présentation de la situation actuelle : Les notions d'emploi et de poste revêtent une signification purement budgétaire. Elles ne sont pas rattachées à la fonction ou à la tâche, mais plutôt à une situation de l'agent dans sa carrière. C'est un système qui privilégie une logique de rémunération et non une logique de qualification et de compétence, mais aussi il privilégie une logique de contrôle à priori des rémunérations. 1
L' absence d'une analyse et d'une description des emplois est due à une absence des méthodes et outils d'analyse et d'évaluation des postes mais surtout à la prise de conscience tardive de cet instrument dans la G.R.H. Le système actuel des emplois est basé sur l'architecture des postes et des grades qui sert de fondement à la rémunération des agents. Il ressort de cette situation une logique inadéquate entre l'emploi et le grade. Si l'emploi est une notion d'organisation des activités qui se détache de la personne qui l'occupe, le grade est une notion qui caractérise un individu et qui lui est attribuée. Il ne répond qu'à une conception purement hiérarchique. Il est perçu d'abord comme un positionnement du titulaire au sein de la hiérarchie, comme le droit à occuper tel poste, et comme conférant des avantages (appellation, rémunération, considération ). Mais il n'est pas perçu comme la capacité à exercer tel ou tel niveau de responsabilité, et ceci devient difficile tant que les qualifications des agents ne sont pas prises en considération pour leur affecter un emploi. Initiatives particulières : Depuis peu, certaines administrations ont pris des initiatives d'organisation des emplois et des postes. Les ministères qui se sont engagés dans des démarches d'analyse des emplois sont entre autres : les Ministères du Transport et de la Marine Marchande, de l'equipement, de l'agriculture, du Secteur public et de la Privatisation et de la Direction Générale des Douanes. Les études menées dans ce sens ont débouché sur l'élaboration de «référentiels des emplois et des compétences». Si certains d'entre eux se sont arrêtés à ce niveau, d'autres par contre, sont allés plus loin en utilisant ces études pour l'identification de familles d'emplois propres à leur secteur et de là la construction d'une Classification des Emplois et Compétences. Ces démarches constituent un changement important vers une nouvelle culture et de nouvelles pratiques de GRH. En effet, par la mise en place de ces référentiels, les départements concernés viennent de jeter les bases d'une gestion moderne de leur capital humain. Le processus de modernisation de l'administration et l'amélioration progressive de ses performances nécessitent le développement de nouveaux modes de gestion privilégiant un management de la ressource humaine en termes d'emplois et de compétences plutôt qu'en volume et en nombre de postes budgétaires par grade. 1.1.2. Caractéristiques de l'évaluation des emplois: - L'évaluation des emplois ne prend pas en considération les exigences qui interviennent dans l'exercice du travail ni les compétences individuelles. - L'évaluation des emplois s'effectue indépendamment des titulaires qui les occupent. - Rigidité de la nomenclature établie ce qui comprime les modalités de gestion du personnel : recrutement, détachement, mutation, titularisation - Incohérence de l'édifice qui place le déroulement de carrière à l'intérieur de la grille indiciaire au lieu de l'associer à une dynamique de professions et des métiers. - Non concordance entre l'emploi et le grade. La promotion de grade n'implique pas toujours un changement d'emploi ou même dans certains cas, l'attribution d'un emploi. 1.2. CLASSIFICATION DES EMPLOIS : 1.2.1. Présentation : - Le système de classification marocain s'inspire en grande partie de la grille indiciaire française (décret français du 13 janvier 1948) qui fixe l'éventail des rémunérations dans la fonction publique. - Il définit d'abord le classement des grades et des emplois entre eux puis fixe le traitement afférent par référence à un indice. - La grille indiciaire et la classification dans les grades qui découle de ce système prévoit que pour chaque administration ou service il sera procédé à la classification des emplois de chaque cadre au regard des échelles de traitement. Les traitements correspondants à chaque grade ou échelon seront également déterminés. 2
- Au niveau des grades et des emplois supérieurs, il a été institué une pyramide hiérarchique dotée d'indices réels échelonnés de 107 à 1095 ; cette pyramide se compose de onze échelles, de classements indiciaires particuliers pour certaines catégories de personnels et d'une hiérarchie indiciaire propre aux emplois supérieurs. Chaque échelle est divisée en 10 échelons. 1.2.2. Caractéristiques de la classification : a) Une classification incohérente : La répartition des effectifs à l'intérieur des différents échelles de la grille de la Fonction Publique traduit à l'heure actuelle, un profond déséquilibre entre les franges inférieures occupant la base de la pyramide, et qui sont largement excédentaires, et les franges supérieures du haut de la pyramide peu peuplées, auxquelles échoit, on le sait, l'encadrement supérieur de l'état. Cet état de choses est très significatif de l'inadéquation devenue patente entre les besoins qualitatifs accrus des administrations publiques et le niveau actuel de qualification des effectifs de la Fonction Publique. Par ailleurs, et comme seconde conséquence logique de ce déséquilibre, la grille offre beaucoup plus de perspectives de carrière pour les basses échelles qu'elle ne le fait pour les échelles supérieures. En outre, la grille ne permet pas de recruter des cadres titulaires d'un Doctorat d'etat. Ces derniers sont recrutés avec le même indice que le titulaire d'un D.E.S. b) Prolifération des catégories de classification : Les emplois et les postes sont structurés en catégories : corps, cadres et grades. le nombre des corps est de 13, alors que celui des cadres, s'élève à environ 693. Selon le répertoire des postes budgétaires du Ministère des Finances, la répartition des cadres dans la fonction publique est comme suit : - Cadres spécifiques aux départements ministériels : 590 - Cadres interministériels : 66 - Cadres communs : 22 - Cadres relatifs aux fonctions supérieures : 15. STRUCTURE DE CLASSIFICATION DES CORPS, CADRES ET GRADES 3
(a) Des grades sans cadre et sans corps ; (b) Des grades appartenant à un cadre n'ayant pas de corps ; (c) Des grades appartenant à des cadres faisant partie d'un corps ; (d) Des grades sans cadre mais appartenant à un corps. 1.3. LE SYSTEME DE REMUNERATION DANS L'A.P.M. 1.3.1. Présentation du système actuel : La rémunération des agents de l'etat peut être regroupée en deux catégories : la rémunération monétaire et la rémunération en nature. a) La rémunération monétaire : La rémunération, entendue au sens étroit du terme, comprend l'ensemble des émoluments versés aux fonctionnaires a l'occasion de l'exercice de leurs fonctions. Elle constitue la partie monétaire du système de rémunération. Régie par des dispositions statutaires, elle se compose des éléments suivants : - Le traitement de base qui est égal au produit de la valeur annuelle du point indiciaire par l'indice réel correspondant à la situation administrative du fonctionnaire. - L'indemnité de résidence est octroyée selon l'affectation du fonctionnaire dans trois zones : * Zone A : 25% du traitement de base * Zone B : 15% du traitement de base * Zone C : 10% du traitement de base A ce taux, s'ajoute une indemnité de sujétion attribuée aux résidents dans les provinces du Sahara récupéré. 4
- Les indemnités liées au grade varient en fonction des échelles de 41% (au niveau de l'échelle une) à 72% ( au niveau du début de la hors échelle). - Les indemnités non permanentes sont liées à l'exercice d'une fonction supérieure telles que : * L'indemnité attribuée aux fonctions de chef de service, chef de division et fonctions assimilées ; * Prime de responsabilité et indemnité de gestion accordées aux receveurs des Finances ; * Indemnité de sujétion spéciale de standardiste ; * Indemnité de fonction de caissier (régisseur et billeteur) ; * Prime d'affectation, de gratification et d'habillement pour la fonction de chauffeur ; * Prime de risque pour certains métiers (radiologues, médecins, contrôleur aérien ). - Allocations familiales. - Indemnités représentatives de frais : qui comprend : * Les indemnités horaires pour travaux supplémentaires ; * L'indemnité forfaitaire pour utilisation de véhicules ; * Indemnités pour frais de déplacement à l'intérieur du Maroc ; * Indemnités pour frais de mission à l'étranger ; * Indemnités kilométriques. - Les rémunérations hors salaires : sont constituées des compléments de salaires et des avantages en nature devenus, avec le temps, partie intégrante du salaire. Ces rémunérations diffèrent d'une administration à une autre. b) La rémunération en nature : La rémunération en nature représente une extension des émoluments dont bénéficie le fonctionnaire. Il s'agit des avantages de plusieurs sortes accordées aux agents de l'etat y compris les avantages sociaux. - Les avantages en nature : On trouve essentiellement : * Le logement ou l'aide exceptionnelle au logement accordée par certains ministères à leur fonctionnaires ; * Le transport individuel, collectif et le transport des enfants ; * L'habillement accordé aux agents de service. - Les avantages sociaux : sont constitués essentiellement des œuvres sociales mobilisées par certains administrations. 1.3.2. Caractéristiques du système de rémunérations : Le système de rémunération tel qu'il est pratiqué aujourd'hui a été construit au fil des temps et, par conséquent, il a été tiraillé de tous les côtés. L'Etat a procédé aux révisions statutaires chaque fois qu elle a voulu favoriser un cadre ou qu'elle a cédé aux revendications des fonctionnaires. 5
Le système de rémunération présente, néanmoins, les caractéristiques suivantes : - L'incohérence de la grille indiciaire qui, à travers les possibilités d'avancement, offre beaucoup plus perspective de carrière pour les échelles de 1 à 6. - Le système a subit une distorsion au niveau des indemnités qui représentent globalement 62 ( échelles 1 à 9) à 26% (échelles supérieures) du traitement. - Hétérogénéité et diversité des composantes indemnitaires du salaire. - Très forte disparité entre les départements ministériels en ce qui concerne la répartition des indemnités. - La disproportion entre les rémunérations attribuées aux différents postes de responsabilité. - Ecart important entre l'évolution des rémunérations et le coût de la vie. - Le système se trouve être très peu motivant parce que jugé inéquitable. - L'agencement des échelles et l'attribution des primes et indemnités n'a aucune influence sur le rendement des fonctionnaires. 2 - AVENUES DE CHANGEMENTS La prise en compte de ces trois composantes que constituent l'analyse des emplois, la classification et la rémunération doit effectuée dans un même moule qui définit une logique intégrée à une vision moderne de G.R.H. Aussi, la proposition de voies de changement doit être appréhendée dans un système d'ensemble. Le processus admis en la matière est le suivant : - Etude de poste et définition des postes et des emplois ; - Evaluation des postes ; - Classification des postes ; - Valorisation des postes sur une échelle des salaires. La démarche générale qui pourrait être prise est : 2.1. ELABORATION D'UN PLAN NATIONAL DE DEFINITION DES POSTES, DE CLASSIFICATION ET D'EVALUATION DES EMPLOIS : Ce plan doit être dynamique pour qu'il puisse suivre et s'adapter à l'évolution de l'administration et de son environnement, et doit répondre aux besoins des trois niveaux de l'administration : a- Au niveau régional : C'est à ce niveau que doit se réaliser l'opération de l'analyse des emplois à savoir les études de postes. b- Au niveau ministériel : L'élaboration d'un référentiel des emplois et des compétences. c- Au niveau interministériel : L'élaboration d'une classification générale basée sur les classifications spécifiques des départements. Cette classification générale doit tenir compte des spécificités sectorielles tout en préservant la cohérence du système dans son ensemble. L'objectif principal de ce plan national de classification est d'injecter dans notre système de carrière des éléments du système d'emploi pour aller vers une amélioration de l'adéquation poste/profil, et vers une rémunération qui tienne compte de l'effort de la performance du fonctionnaire et non de son grade. 2.2. LA REFONTE DU SYSTEME DE QUALIFICATION-CLASSIFICATION 6
Par ailleurs, le système de classification doit être intégré aux autres composantes de la G.R.H : recrutement, promotion, évaluation, formation, rémunération, mobilité et développement de la carrière. Pour cela, le système de classification qualification doit être : Souple : apte à s'adapter à l'évolution des emplois exigée par le progrès technique ; Compréhensible : accessible et facilement compris par le plus grand nombre ; Unifié et classant : la dispersion des cotations doit être suffisante pour permettre un éventail suffisamment ouvert dans la hiérarchie des emplois ; Qualifiant : permettant de mesurer le niveau de qualification nécessaire à la détention de l'emploi ; Simple : favorisant une G.R.H. aisée et transparente ; Polyvalent : permettant à la fois de rapprocher les emplois et de favoriser le développement de la mobilité. La refonte de l'architecture du système de classification doit reposer sur un processus de qualification des compétences qui regroupent l'ensemble des emplois de la fonction publique en quatre catégories principales : conception, application, maîtrise et exécution. Dans cet esprit, il y a lieu de Développer la proposition faite par le panel de G.R.H. de regrouper l'ensemble des emplois de la fonction publique en quatre catégories : - Catégorie A : conception ; - Catégorie B : application ; - Catégorie C : maîtrise ; - Catégorie D : exécution. 2.3. LA REVALORISATION DU SYSTEME DE REMUNERATION : Le système de rémunération gagnerait à être revu dans son ensemble pour s'intégrer aux autres composantes de la Gestion des Ressources Humaines. En particulier, la rémunération doit se fonder sur le duo qualification-classification qui constitue l'arrimage logique a toute politique de rémunération. En effet, les agents doivent se présenter, en principe, en affichant une qualification qui est valorisé par un salaire qui lui est équivalent. D'autres part, l'administration doit structurer les postes qu'elle offre dans un système de classification (grille, évaluation, classement ). Ainsi, l élaboration d'une grille des salaires reposant sur une opération de qualification constitue un préalable à la gestion des rémunérations. Sur la base de ces considérations, et pour fonder un système équitable et transparent, les pistes ci-après sont à prévoir : - Refonte de la grille indiciaire ; - Réduction de l'éventail des salaires ; - Etablissement d'un lien entre la rémunération et le rendement ; - Harmonisation des rémunérations attribuées aux fonctions de responsabilité ; - Adaptation de la rémunération aux besoins de la mobilité. 7
3 - BESOINS EN FORMATION La conception d'un nouveau système d'évaluation, de classification et de rémunération est une opération de longue halène et qui demande un effort de planification et d'organisation important. Mais, au préalable, il s'agit de préparer le terrain à cette opération en investissant sur la formation de cadres dans le domaine. Les besoins de formation en la matière sont clairs. Ils s'articulent autour des aspects suivants : - Techniques de description et d'analyse des emplois. - Approches d'évaluation des emplois et des compétences. - Méthodes, techniques et outils de classification des emplois. - Etude des systèmes de rémunération et de définition des salaires. - Prise de connaissance des expériences étrangères et notamment de l'expérience canadienne. 8