Cancer du sein de la femme âgée Y a-t-il une spécificité du traitement local en radiothérapie?

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Transcription:

Cancer du sein de la femme âgée Y a-t-il une spécificité du traitement local en radiothérapie? Breast conservation therapy in elderly women: a specific local radiotherapy? Mots-clés : Femme âgée - Traitement spécifique. Keywords: Elderly woman - Specific treatment. H. Marsiglia* #, C. Bourgier*, J.-R. Garbay**, G. Lemoine*, E. Chajon*, A. Bruna*, J.-M. Hannoun-Levy*** Données épidémiologiques sur le cancer du sein chez la femme âgée Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent de la femme occidentale. En Europe, le taux d incidence est de 115 308 cas, alors qu en France, ce chiffre est de 37 193 [1]. Le taux d incidence de cette pathologie augmente avec l âge, atteignant un maximum vers 70 ans. Ces données sont retrouvées tant en Europe de l Ouest qu au Canada (tableaux I et II). Tableau I. Incidence (par 100 000 personnes) des cancers du sein par tranche d âge en France de 1984 à 1995 [2]. Âge 35-39 40-44 45-49 50-54 55-59 60-64 65-69 70-74 75+ Ensemble Incidence 63,3 119,7 187,3 177,3 182,8 211,3 220,0 231,1 220,4 89,2 * Département de radiothérapie, unité de sénologie, Institut Gustave-Roussy, Villejuif. # Professeur à l université de Florence, Italie. ** Département de chirurgie, Institut Gustave-Roussy, Villejuif. *** Département de radiothérapie, centre Antoine-Lacassagne, Nice. 28 es journées de la SFSPM, Lille, novembre 2006 281

H. Marsiglia, C. Bourgier, J.-R. Garbay, G. Lemoine, E. Chajon, A. Bruna, J.-M. Hannoun-Levy Tableau II. Incidence (par 100 000 personnes) des cancers du sein par tranche d âge à Montréal entre 1989 et 1995. Âge 15-29 30-39 40-49 50-59 60-69 70-79 80+ Ensemble Incidence 3 34 132 215 295 364 340 95 Par ailleurs, on note une augmentation constante de l espérance de vie, plus marquée chez la femme que chez l homme. Ainsi, l espérance de vie vers les années 2 050 pourrait être de 82,2 ans pour les hommes et de 90,4 ans pour les femmes (tableau III). Tableau III. Évolution de l espérance de vie à la naissance et à 60 ans de 1930 à 2050 [3]. Espérance de vie 1930 1990 2050 À la naissance Hommes Femmes À 60 ans Hommes Femmes 54,3 59,3 14,1 16,4 Le cancer du sein a toujours représenté un problème de santé publique important, mais l augmentation de l espérance de vie des femmes dans une tranche d âge où le taux d incidence de cette tumeur est déjà très marqué doit faire considérer la prise en charge thérapeutique du cancer du sein de la femme âgée comme un enjeu médico-économique de premier ordre [4]. La plupart des essais cliniques sur le cancer du sein fixent une limite d âge à 70 ans pour l inclusion des patientes, l analyse spécifique du devenir de ce sous-groupe reste donc délicate. Il est également important de noter que la notion de femme âgée, fixée arbitrairement à 65 ans [5], regroupe dans la même catégorie des patientes en très bon état général avec un âge physiologique souvent de dix ans inférieur à l âge civil et des patientes dont l autonomie est réellement diminuée avec une dépendance marquée. Avec l âge surviennent en effet des pathologies associées de types cardio-vasculaires, neurologiques, ostéo-articulaires ou endocriniennes, qui fragilisent souvent les femmes présentant un cancer du sein et rendent parfois le traitement standard plus difficile à réaliser dans de bonnes conditions, c est-à-dire en conservant une qualité de vie acceptable pour une efficacité maximale. 72,7 80,9 19,0 24,1 Traitement du cancer du sein de la femme âgée Dans le cadre de la prise en charge du cancer du sein de la femme âgée par traitement conservateur, la nécessité d une radiothérapie adjuvante postopératoire n a jamais pu être clairement vérifiée par des essais de phase III [6]. On note cependant deux essais 82,2 90,4 26,2 31,6 282 28 es journées de la SFSPM, Lille, novembre 2006

Y a-t-il une spécificité du traitement local en radiothérapie? randomisés analysant l importance du traitement locorégional chez la femme âgée en comparant une hormonothérapie exclusive à cette même hormonothérapie associée à une chirurgie et/ou une radiothérapie avec un bénéfice net en termes de survie sans récidive en faveur du traitement combiné [7, 8]. L analyse des résultats d essais de phase II [9-14] proposant un traitement chirurgical conservateur exclusif permet de retrouver un taux de récidive locale (RL) proche de celui présenté dans les essais de phase III (comparant tumorectomie seule à tumorectomie + radiothérapie) pour tout âge (taux de RL # 30 %), avec cependant un effet marqué de l âge sur le risque de RL. En effet, le taux de RL diminue de façon nette à partir de 60 ans (tableau IV). Tableau IV. Essais de phase II étudiant le taux de RL chez les femmes âgées traitées par tumorectomie seule. Auteurs Bates [11] Cooke [13] Kantorowitz [8] Reed [9] Nemoto [10] Von Rueden [12] Revue Br J Surg 1991 IJROBP 1995 IJROBP 1988 Br J Surg 1989 Cancer 1991 Am Surg 1994 Nombre de patientes 120 22 77 11 58 35 33 51 27 31 32 Âge > 60 60/70 > 80 76 76 60/69 65/93 Suivi médian 3 3 4,2 3,9 4 4,3 Taille T (mm) Palpable < 20 20 < 20 20/50 < 50 < 50 < 20 Marges RL (%)?? 16,7 0 33,8 45,5 37,9 20 18 22 11 3 0 L essai randomisé de Bartelink et al. [15] comparant l effet d un complément d irradiation du lit tumoral de 16 Gy sur le taux de récidive locale permet de mettre en évidence une différence significative en termes de contrôle local pour les patientes ayant pu bénéficier de ce boost. Cette différence est hautement significative pour les patientes de moins de 40 ans (p = 0,002), significative pour les patientes de 41 à 50 ans (p = 0,02), proche de la significativité pour les patientes entre 51 et 60 ans (p = 0,07) et non significative pour les patientes âgées de plus de 60 ans (p = 0,14). Lorsqu on compare ces résultats en valeur absolue, on constate néanmoins que l efficacité d un boost de 16 Gy sur le lit tumoral permet de diminuer d un facteur proche de 2 le risque de récidive locale tant chez les femmes de moins de 40 ans (19,5 % contre 10,2 %) que chez les patientes de plus de 60 ans (4 % contre 2,5 %). La différence en termes de significativité statistique est alors peut-être davantage liée à la différence très importante qui existe entre les deux groupes de patientes en termes de nombre d événements que de la non-efficacité du 28 es journées de la SFSPM, Lille, novembre 2006 283

H. Marsiglia, C. Bourgier, J.-R. Garbay, G. Lemoine, E. Chajon, A. Bruna, J.-M. Hannoun-Levy boost chez les patientes de plus de 60 ans. Si un simple complément de dose de 16 Gy sur le lit tumoral permet de diminuer le risque de récidive locale, il est licite de penser qu une irradiation externe de l ensemble du sein à la dose de base de 50 Gy permet de diminuer également le risque de récidive locale par rapport au même traitement chirurgical conservateur sans radiothérapie sur 5 semaines. Résultats à long terme du traitement conservateur chez la femme âgée Le traitement conservateur de référence du cancer du sein de la femme âgée ( 70 ans) associe une tumorectomie-curage axillaire à une irradiation postopératoire de 50 Gy en 5 semaines sur l ensemble de la glande mammaire. Dans sa série de 1 325 patientes âgées d au moins 65 ans, Vlastos et al. [16] montrent que 92 % des patientes présentant un carcinome mammaire de stade I/II ont des taux de survie spécifique à 5 et 10 ans respectivement de 96 % et 91 % après traitement conservateur associant une tumorectomie avec curage axillaire suivie d une radiothérapie à la dose de 50 Gy. Solin et al. [17] ont étudié une population de 558 femmes de plus de 50 ans traitées de façon conservatrice par association radiochirurgicale. Ils ont comparé le devenir de 173 patientes âgées de plus de 65 ans à celui des 385 patientes âgées de 50 à 64 ans et constate une différence significative entre les deux groupes en termes de décès par maladies intercurrentes à dix ans (11 % de femmes > 65 ans contre 2 % de femmes < 65 ans ; p = 0,0006), alors qu aucune différence significative n est notée en termes de survie globale à dix ans (77 % contre 85 % ; p = 0,14), survie sans récidive (64 % contre 70 % ; p = 0,16), survie sans récidive métastatique (83 % contre 78 % ; p = 0,45), et survie sans récidive locale (87 % contre 88 % ; p = 0,60). Des conclusions identiques sont proposées par Fowble [18], avec cependant la nécessité de prendre en compte dans la décision thérapeutique des facteurs de comorbidités de la patiente susceptibles de modifier l observance de la radiothérapie adjuvante. En effet, du fait de la présence fréquente de comorbidités associées, la prise en charge thérapeutique des patientes âgées est souvent suboptimale, notamment visà-vis de l irradiation mammaire postopératoire sur 5 semaines parfois difficilement réalisable. Spécificités du traitement de la femme âgée Ballard-Barbash et al. [19] ont réalisé une étude portant sur 18 704 patientes, en analysant, dans le cadre du traitement conservateur du cancer du sein localisé, l observance de la radiothérapie entre les femmes de 65 à 69 ans et les femmes plus âgées ( 80 ans). La radiothérapie a été réalisée dans 77 % des cas pour les femmes âgées de 65 à 69 ans contre 24 % pour des femmes âgées de 80 ans ou plus en l absence de facteur de comorbidité, et dans 50 % des cas contre 12 % en présence d au moins deux facteurs de comorbidité (tableau V). Hebert-Croteau et al. [20] retrouvent cette notion auprès 284 28 es journées de la SFSPM, Lille, novembre 2006

Y a-t-il une spécificité du traitement local en radiothérapie? de 1 174 patientes pour lesquelles la radiothérapie était réalisée dans 83,5 % des cas pour les femmes âgées de 50 à 69 ans contre 48,7 % pour les femmes âgées de 70 ans et plus (p < 0,0001). Mandelblatt et al. [21], plus récemment, retrouvent des résultats en tous points comparables. Tableau V. Impact des facteurs de comorbidité chez la femme âgée sur l observance de la radiothérapie. Femmes sans comorbidité Femmes avec au moins deux facteurs de comorbidités 65-69 ans 80 ans 77 % 24 % 50 % 12 % La fréquence et l importance des transports nécessaires pour se rendre de son domicile au site de radiothérapie sont également décrites comme étant des facteurs limitants à l observance thérapeutique [22], avec parfois comme implication de préférer une mastectomie sans radiothérapie plutôt qu un traitement conservateur entraînant de nombreux, longs et coûteux déplacements. Sur la base de cette non-observance potentielle de la radiothérapie adjuvante, certains auteurs comme Gruenberger et al. [23] proposent une analyse différente de la prise en charge conservatrice du cancer du sein de la femme âgée. Dans son étude rétrospective, l auteur analyse une série de 356 patientes âgées d au moins 60 ans, porteuses d un cancer du sein de stade I/II et traitées par quadrantectomie et curage axillaire, associés ou non à une radiothérapie adjuvante. Après un délai médian de 60 mois, le statut ganglionnaire est présenté en analyse multivariée comme le seul facteur significatif pronostique de récidive locale (p = 0,002). Les auteurs précisent qu il n a pas été possible de mettre en évidence un effet positif de la radiothérapie adjuvante parmi les patientes N, RH+, les deux groupes de patientes (avec et sans radiothérapie) présentant le même taux de récidive locale à 3 %. Pour le sous-groupe des patientes N, RH+ et recevant du tamoxifène (TAM+), le taux de récidive locale dans les deux groupes était de 2 %. Ce type de prise en charge donnant d aussi bons résultats en termes de contrôle local peut être expliqué en partie par des caractéristiques biologiques spécifiques du cancer du sein de la femme âgée telles que : plus importante expression des récepteurs stéroïdiens, faible taux de prolifération, diploïdie, p53 normale et absence de surexpression des récepteurs Her1 et Her2 [24]. Les constatations faites par Silliman et al. [25] en 1993 ont été reprises récemment par Balducci et al. [26] : Le taux de cancer du sein augmente avec l âge et la qualité de vie est souvent au moins aussi importante pour les femmes âgées que le risque de récidive locale ou de décès. La triple approche thérapeutique consistant en une chirurgie partielle associée à une irradiation et un curage axillaire doit être minutieusement discutée ; Le risque de récidive locale après mastectomie partielle est d autant plus faible que la patiente est âgée. La décision d entreprendre une radiothérapie doit être discutée au cas par cas et rapportée au risque de récidive locale et aux désirs et ressources de la patiente. 28 es journées de la SFSPM, Lille, novembre 2006 285

H. Marsiglia, C. Bourgier, J.-R. Garbay, G. Lemoine, E. Chajon, A. Bruna, J.-M. Hannoun-Levy Conclusion Au total, il est recommandé de proposer une radiothérapie adjuvante de 5 semaines après tumorectomie d un cancer du sein chez la femme âgée. Cependant, ce traitement complémentaire par les agents physiques est souvent astreignant alors que son utilité peut, dans certains cas, être discutée. Existe-t-il un compromis thérapeutique entre une radiothérapie de 5 semaines et l absence d irradiation chez la femme âgée? Est-il légitime de proposer un traitement spécifique local pour les femmes du troisième âge avec des irradiations hypofractionnées concentrées et localisées sur le site tumoral initial, permettant de ce fait de diminuer le temps total de traitement postopératoire par les agents physiques tout en tenant compte de la maladie infraclinique potentielle? Références bibliographiques [1] Globocan 2000: Cancer Incidence, Mortality and Prevalance Worldwidee, Version 1.0. IARC Cancer- Base N 5. Lyon, IARC Press, 2001. [2] De Vathaire F, Koscielny S, Rezvani A et al. Réseau FRANCIM, ed. Statistiques de santé. Estimation de l incidence des cancers en France 1983-1987. Paris. Éd. INSERM, 1996. [3] Dinh Quang Chi. La population de la France à l horizon 2050. Économie et statistique, INSEE, 1994;274:7-32. [4] Balducci L, Lyman GH. Cancer in the elderly. Epidemiologic and clinical implications. Clin Geriatr Med 1997;13(1):1-14. [5] Evans JG.Oxford Textbook of Geriatric Medecine Introduction. 2 de éd. Evans, Williams, Beattie Miche, Wilcock. 2000. [6] Fisher B, Redmond C, Poisson R et al. Eight-year results of a randomized clinical trial comparing total mastectomy and lumpectomy with or without irradiation in the treatment of breast cancer. N Engl J Med 1989;30(320):822-8. [7] Robertson JF, Ellis IO, Elston CW, Blamey RW. Mastectomy or tamoxifen as initial therapy for operable breast cancer in elderly patients: 5-year follow-up. Eur J Cancer 1992;28A(4-5):908-10. [8] Gazet JC, Ford HT, Coombes RC et al. Prospective randomized trial of tamoxifen vs surgery in elderly patients with breast cancer. Eur J Surg Oncol 1994;20(3):207-14. [9] Kantorowitz DA, Poulter CA, Sischy B et al. Treatment of breast cancer among elderly women with segmental mastectomy or segmental mastectomy plus postoperative radiotherapy. Int J Radiat Oncol Biol Phys 1988;15(2):263-70. [10] Reed MW, Morrison JM. Wide local excision as the sole primary treatment in elderly patients with carcinoma of the breast. Br J Surg 1989;76(9):898-900. [11] Nemoto T, Patel JK, Rosner D et al. Factors affecting recurrence in lumpectomy without irradiation for breast cancer. Cancer 1991;67(8):2079-82. [12] Bates T, Riley DL, Houghton J et al. Breast cancer in elderly women: a Cancer Research Campaign trial comparing treatment with tamoxifen and optimal surgery with tamoxifen alone. The Elderly Breast Cancer Working Party. Br J Surg 1991;78(5):591-4. [13] Von Rueden DG, Sessions SC. Alternative therapy for elderly patients with breast cancer. Am Surg 1994;60(1):72-8. [14] Cooke AL, Perera F, Fisher B et al. Tamoxifen with and without radiation after partial mastectomy in patients with involved nodes. Int J Radiat Oncol Biol Phys 1995;31(4):777-81. 286 28 es journées de la SFSPM, Lille, novembre 2006

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