CHAITRE 21 L ÉQUILIBRE MACRO-ÉCONOMIQUE Au chapitre précédent, nous avons vu la relation entre demande agrégée, monnaie et niveau des prix. Nous allons maintenant compléter l'analyse en regardant l'équilibre macro-économique. L'équilibre macro-économique dépend des interrelations entre les équilibres sur différents marchés: le marché du travail, le marché des capitaux, le marché monétaire et le marché des biens. Une part importante de ces interrelations a été vue au chapitre précédent. Nous complétons maintenant l'analyse en rajoutant l'offre agrégée. 1. L'OFFRE AGRÉGÉE DE LONG TERME L'analyse de l'offre agrégée est basée sur l'analyse de l'équilibre sur le marché du travail. Cette analyse a déjà été faite au chapitre 12. Nous examinons maintenant la relation entre l'équilibre sur le marché du travail et l'offre agrégée. Celle ci est représentée sur le graphique 21.1. Le graphique en bas à gauche donne l'équilibre sur le marché du travail. A l'intersection s d entre l'offre de travail, L, et la demande de travail, L, cet équilibre donne un niveau de salaire w* et un niveau d'emploi L *. Le graphique en haut à gauche donne la relation entre la production et l'emploi. A partir de la fonction de production F L, on voit qu'à partir d'un niveau d'emploi L *, on peut obtenir un niveau de production F L*. En reportant ce niveau de production F L* sur le graphique en bas à droite via le graphique en haut à droite qui donne, on a, sur le graphique en bas à droite, l'offre agrégée de long terme s à un niveau de production que l'on appellera c. L'offre agrégée est donc déterminée par l'équilibre sur le marché du travail. Nous voyons que l'offre agrégée est verticale. Elle est donc inélastique par rapport aux prix. Nous avons vu au chapitre 12 que lorsque le marché du travail est flexible, c est à dire lorsque les salaires s'ajustent pour équilibrer offre et demande de travail, une augmentation des prix n'a pas d'effet sur l'équilibre sur le marché du travail. En effet, tant la demande que l'offre de travail dépendent du salaire réel. Nous referons ce raisonnement un peu plus loin en regardant les effets d'une augmentation de la demande agrégée. 460
L'équilibre macro-économique de long terme est donné par l'égalité entre l'offre agrégée et la demande agrégée, soit à un niveau des prix *. Graphique 21.1 : ÉQUILIBRE MACROÉCONOMIQUE DE LONG TERME T==f(L) f(l*)= C C L* L 45 C w nominal L S S w* * L d L* L C d 461
2. L'ÉQUILIBRE MACRO-ÉCONOMIQUE DE LONG TERME uisque l'offre agrégée de long terme est inélastique, le niveau de production d'équilibre sera toujours donné par C. Les variations de la demande agrégée n'auront qu'un effet sur le niveau des prix. Nous insistons bien sur le fait qu'il s'agit d'un équilibre macro-économique de long terme. Autrement dit, on suppose que le plein emploi est atteint sur le marché du travail. De ce fait, une augmentation de la demande agrégée ne permet pas d'augmenter la production, mais entraîne une tension inflationniste qui augmente le niveau des prix. Voyons cela un peu plus en détail à partir du graphique 21.2. artons d'un équilibre macroéconomique de long terme avec une demande agrégée d et un niveau des prix d'équilibre *. Supposons un choc sur la demande agrégée M une augmentation de a, G,X,. Cela va entraîner un déplacement de d vers d et donc une augmentation du niveau des prix de * vers *. Sur le marché du travail, l'augmentation déplace la demande de travail de L d vers L d et l'offre de travail de L S vers L S. Le nouvel équilibre se situe à un niveau de salaire nominal w* mais avec un niveau d'emploi L* équivalent. En fait, l'augmentation du salaire nominal compense la hausse des prix. Les salaires réels restent ainsi constants. Si les salaires réels restent constants, l'offre de travail et la demande de travail doivent rester les mêmes et le niveau d'emploi d'équilibre est maintenu. Est-on absolument sûr qu'au nouvel équilibre sur le marché du travail, la hausse des salaires est proportionnelle à la hausse des prix? Supposons que le salaire d'équilibre augmente moins que les prix. Cela signifie que le salaire réel baisse. Mais, par rapport à l'équilibre initial, une baisse des salaires réels signifie que la demande de travail a augmenté et que l'offre de travail a diminué. On ne pourrait donc pas être à l'équilibre. Or, on est à l'équilibre! Un raisonnement analogue peut être fait si on suppose que les salaires augmentent plus que les prix. En effet, si le marché du travail était initialement en équilibre à un niveau de salaire w*, un nouvel équilibre n'est possible que si le salaire réel reste constant. En effet, l'équilibre sur le marché du travail dépend du salaire réel. Une augmentation des prix doit donc nécessairement entraîner une augmentation des salaires qui lui est proportionnelle pour maintenir les salaires réels constants, de façon à maintenir les conditions d'équilibre. La hausse des prix n'a donc pas d'effet sur l'équilibre sur le marché du travail et l'offre agrégée de long terme est bien inélastique par rapport aux prix. ar conséquent, un choc sur la demande agrégée n'aura un effet que sur les prix et non sur la production, ou sur les salaires réels. Le raisonnement qui précède signifie, qu'à long terme, seuls les chocs sur l'offre auront un effet sur le niveau de production. 462
Graphique 21.2 : MODIFICATION DE L ÉQUILIBRE MACROÉCONOMIQUE DE LONG TERME T==f(L) f(l*)= C C L* L 45 C w nominal w* L S L S S w* w*/* = w* /* * * L d d d L d L* L C 463
2.1. Un choc négatif sur l'offre Que se passe-t-il en cas de choc négatif sur l'offre? La réponse se trouve sur le graphique 21.3. Graphique 21.3 : UN CHOC NÉGATIF SUR L OFFRE AGRÉGÉE DE LONG TERME S S E E d C C artons d'un équilibre initial en E avec un niveau des prix et un niveau de production C. Supposons qu il y ait un choc négatif sur l'offre, par exemple suite à une hausse du prix de l'énergie. Sur le marché du travail, cette hausse du prix de l'énergie va diminuer le produit marginal du travail et, donc, réduire la demande de travail. Il en résultera un niveau de salaire plus faible avec un niveau d'emploi plus faible étant donné que l'offre de travail aura diminué. La conséquence est que l'offre de long terme se déplace de C vers C en E avec un niveau des prix. Notons que la hausse des prix de en n'aura pas d'influence sur l'équilibre sur le marché de l'emploi. Il est utile de relire les paragraphes précédents si on n'a pas compris pourquoi. En conclusion, un choc négatif sur l'offre agrégée entraîne une hausse des prix et une baisse de la production. Ce phénomène est parfois appelé stagflation pour indiquer une stagnation, voire une baisse de la production, couplée à une hausse des prix. La stagflation a été observée dans les années 70 après le premier choc pétrolier. C'est à ce 464
moment-là que les économistes ont commencé à s'intéresser de plus près à l'offre agrégée. Qu'est-ce qui peut provoquer une hausse de l'offre agrégée? Une hausse de l'offre agrégée peut être la conséquence d'une augmentation de l'offre de travail à salaire donné. Cette augmentation de l'offre de travail peut être le résultat d'une baisse des impôts, qui augmente le salaire réel net, ou d'allocations de chômage moins généreuses qui diminuent le chômage frictionnel en poussant les chômeurs à accepter plus rapidement un emploi et à investiguer moins longtemps le marché du travail. Une augmentation de l'offre agrégée peut également être dûe à un déplacement de la demande de travail suite à une augmentation du progrès technique qui améliore le produit marginal du travail, ou suite à une augmentation du stock de capital. Nous avons vu au chapitre 12 qu'une augmentation du stock de capital dans l'économie pouvait augmenter le produit marginal du travail. Les investissements peuvent donc augmenter l'offre. 2.2. L'effet des investissements Il est intéressant de s'attarder sur le rôle des investissements dans la détermination de l'équilibre macro-économique. Les investissements influencent en effet à la fois la demande agrégée et l'offre agrégée. Comment ces deux effets se combinent-ils? C'est ce que nous pouvons voir sur le graphique 21.4. 465
Sur le graphique de gauche, on voit qu'une augmentation du stock du capital (les investissements), déplace la demande de travail de L d vers L d, augmentant le niveau d'emploi d'équilibre de L 0 à L 1. Les investissements augmentent donc à la fois l'emploi et les salaires. En termes d'offre agrégée, les investissements permettent un déplacement de l'offre agrégée de long terme de la droite verticale en 0, dans le graphique en bas, vers 1. Regardons maintenant l'effet sur la demande. Nous savons qu'une augmentation des investissements déplace IS vers la droite, donc ici de IS vers IS'. Sur le graphique (,), cela implique un déplacement de d vers d. Au total, on voit qu'une augmentation des investissements augmente à la fois l'offre et la demande agrégées et donc entraîne 466
toujours une augmentation du produit national. L'effet sur les prix est par contre indéterminé. L'effet sur l'offre tend à diminuer les prix alors que l'effet sur la demande macro-économique tend à les augmenter. NB : A prix inchangé, le déplacement de la courbe IS correspond à un niveau de audelà de 1. L équilibre en 1 implique une hausse de prix. Ceci correspond à un déplacement de la courbe LM vers la gauche qui n est pas représenté sur le graphique. 3. L'ÉQUILIBRE DE COURT TERME. Dans les sections précédentes, nous avons raisonné en long terme en supposant que le marché du travail s'équilibrait. Or, nous savons qu'il y a des imperfections sur le marché du travail, la plus importante étant la rigidité des salaires à la baisse. Nous allons voir comment la rigidité des salaires à la baisse peut influencer l'offre agrégée de court terme. artons d'un équilibre macro-économique de long terme au point E dans le graphique en bas à gauche à l'intersection de L S et de L d. Cet équilibre se fait à un niveau de salaire w* et à un niveau d'emploi L* déterminant l'offre agrégée de long terme à un niveau C. Supposons que cet équilibre initial se fasse à un niveau des prix 0 que l'on peut voir sur le graphique du bas à droite. Que se passera-t-il si les prix baissent jusqu'au niveau 1? Si les salaires sont parfaitement flexibles, ils vont baisser jusqu'au point E', qui serait le nouvel équilibre sur le marché du travail et le salaire réel serait maintenu. Que se passe-t-il maintenant si les salaires sont rigides à la baisse? 467
Graphique 21.5 : ÉQUILIBRE MACROÉCONOMIQUE DE COURT TERME T==f(L) f(l*)= C C f(l k )= k k 45 L k L* L k C w nominal L S S LT L S w* C E F w* E 0 L k L d L d L* L 1 S CT k C d La baisse des prix va diminuer la demande de travail qui va se déplacer de L d vers L d (vers la gauche). L'offre de travail va par contre augmenter et se déplacer de L S vers L S (vers la droite). Au niveau de salaire w*, la demande de travail se lira au point C et l'offre de travail au point F. La distance entre C et F mesure l'offre excédentaire de travail, c est à dire le chômage involontaire. Le niveau effectif d'emploi sera déterminé par la demande de travail à un niveau L k qui est un niveau de sous-emploi keynésien. En reportant ce niveau d'emploi dans la fonction de production, on obtient un niveau de production k qui est inférieur à C. La baisse des prix de 0 en 1 va en fait diminuer l'offre agrégée à cause de la rigidité des salaires à court terme. On obtient ainsi la droite S CT représentant 468
l'offre agrégée de court terme pour des niveaux d'emploi inférieurs au niveau de plein emploi L*. L'offre agrégée de court terme, lorsqu'il y a sous-emploi, est déterminée par la demande de travail au niveau des salaires existants. S'il n'y avait pas rigidité des salaires à la baisse, alors la baisse du salaire permettrait d'augmenter la demande de travail et de diminuer l'offre de travail jusqu'au point d'équilibre E'. Est-il possible d'avoir une offre agrégée à court terme dépassant le niveau de plein emploi? Oui. Ceci est possible notamment en cas de surprise inflationniste. Supposons que les entreprises se rendent compte immédiatement d'une variation dans le niveau des prix et ajustent leur demande de travail en conséquence. Supposons cependant que les ménages ne perçoivent pas parfaitement ou pas immédiatement l'inflation. Dans ce cas, ils ne modifieraient pas leur comportement d'offre de travail. L'absence de perception de l'inflation est possible parce qu'il y a illusion monétaire, les ménages surestimant le pouvoir d'achat de leur revenu et ne se rendant pas compte de l'inflation. A long terme, il est difficile de croire que l'illusion monétaire subsiste car les ménages apprennent à percevoir l'inflation. ar contre, il est tout à fait possible qu'il ait inflation surprise là où les ménages ne percevraient pas tout de suite une hausse non anticipée des prix. L'inflation surprise est donc une hausse non anticipée des prix. Si les ménages ne perçoivent pas l'augmentation des prix et maintiennent leur offre de travail, quelles en seront les conséquences? C'est ce que nous allons voir sur le graphique 21.6. artons d'un équilibre en E avec la demande de travail L d et l'offre de travail L S. Supposons une hausse des prix non perçue par les ménages, les entreprises vont modifier leur demande de travail qui passera en L d alors que l'offre restera en L S. L'équilibre entre L S et L d se trouve en E à un niveau d'emploi L j supérieur au niveau de plein emploi de long terme. Les ménages, n'ayant pas correctement anticipé l'inflation, pensent avoir un salaire réel supérieur à ce qu'il n'est en réalité et ont offert plus de travail que ce qu'ils n'auraient fait s'ils connaissaient réellement la hausse des prix. A partir du niveau d'emploi L j, on obtient le niveau de production sur la fonction de production et on en tire l'offre agrégée de court terme pour des niveaux d'emploi supérieurs à L*. 469
Graphique 21.6 : INFLATION SURRISE ET OFFRE AGRÉGÉE DE COURT TERME f(l j )= j T==f(L) j f(l*)= C C f(l k )= k k 45 L k L* L j L k C j w nominal L S S LT S CT w* E L S w* C E F w* 0 E L d L k L d L d L* L L j 1 S CT k C j d Observons qu'en cas d'inflation surprise, la pente de l'offre agrégée à court terme est plus élevée. En effet, le nouvel équilibre sur le marché du travail est un équilibre impliquant une hausse des salaires. L'accroissement de la demande de travail n'est donc pas si important que si les salaires étaient restés constants (au point F). Dans le cas de rigidité des salaires à la baisse, les salaires ne bougent pas et pour une même variation des prix, la variation de l'emploi, et donc de l'output, est beaucoup plus forte qu'en cas d'inflation surprise. 470
Ayant introduit l'offre agrégée de court terme, nous pouvons analyser l'équilibre macroéconomique de court terme. Graphique 21.7 : UN CHOC NÉGATIF SUR LA DEMANDE AGRÉGÉE S LT E k E k C E C d S CT k C d Quel sera l'effet d'un choc négatif de demande sur l'équilibre macro-économique de court terme? artons d'un équilibre de long terme en E où la demande agrégée d est égale à l'offre agrégée de long terme. Supposons une baisse de la demande agrégée de d vers d. Cette baisse de la demande agrégée peut être une conséquence d'une baisse des exportations, d'une baisse autonome de la consommation, d'une baisse des dépenses publiques, d'une baisse du stock monétaire ou encore d'une baisse des investissements. On voit sur le graphique 21.7 qu un équilibre de court terme s établit au point E k impliquant une baisse de la production et des prix, à court terme. La baisse de la demande du point E vers le point A implique en effet un déséquilibre entre l'offre et la demande, une offre macro-économique excédentaire. Les prix vont donc baisser jusqu'au moment où on atteint l'équilibre de court terme E k. Il s'agit d'un équilibre avec chômage. A plus long terme, les salaires vont baisser, stimulant une hausse de l'emploi et de la production. La hausse de l'offre continuera à faire baisser les prix. La baisse des prix entraînera une baisse des salaires réels jusqu'au moment où on aura atteint l'équilibre de long terme en E C. Supposons maintenant un choc positif sur la demande. représenté sur le graphique 21.8. 471
Graphique 21.8 : UN CHOC OSITIF SUR LA DEMANDE AGRÉGÉE S LT C E C S CT CT E CT E d S CT C CT d artons d'un équilibre de long terme au point E. Supposons un choc positif sur la demande. La demande agrégée va passer de d à d pour atteindre un équilibre de court terme en E CT. Le choc positif sur la demande entraîne donc une augmentation de la production et des prix à court terme. A plus long terme, les ménages vont percevoir l'inflation et réduire leur offre de travail en conséquence. L'offre diminuant, cela va entraîner une tension inflationniste et les prix vont augmenter jusqu'au moment où on atteint l'équilibre de long terme E. Un choc positif sur la demande aura donc un effet inflationniste à long terme, mais permet d'obtenir une hausse de la production à court terme. 472