Commentaire aux Cahiers. Décision n QPC du 25 mars Mme Marie-Christine D.

Documents pareils
Demande de pension. à la suite du décès d un fonctionnaire de l État, d un magistrat ou d un militaire retraité

PLAFONNEMENT DES EFFETS DU QUOTIENT FAMILIAL

Loi modifiant la Loi sur les régimes complémentaires de retraite, la Loi sur le régime de rentes du Québec et d autres dispositions législatives

BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS

Vous conseiller pour les démarches clés

LES STATUTS DES CONJOINTS DE COMMERCANTS ET D ARTISANS.

Georgette Josserand, lassée du comportement de son mari, qui refuse désormais de lui adresser la parole, décide de demander le divorce.

Commentaire. Décision n /178 QPC du 29 septembre 2011 M. Michael C. et autre

à l accès aux fonctions publiques selon le mérite ; à l accès à l eau et à un environnement sain ; au développement durable.»

4.04 Etat au 1 er janvier 2013

3.01 Prestations de l AVS Rentes de vieillesse et allocations pour impotent de l AVS

Le maintien du niveau de vie après le divorce : la prestation compensatoire. Secrétariat général du Conseil d orientation des retraites

PREVOYANCE

DEMANDE INDIVIDUELLE D ALLOCATION DE SOLIDARITÉ AUX PERSONNES ÂGÉES

INFORMATIONS SUR LE DROIT DE LA FAMILLE

Circulaire du 28 mai 2015 relative au chèque-vacances au bénéfice des agents de l État NOR : RDFF C

LES GARANTIES DU REGIME CONVENTIONNEL DES CADRES DE LA PRODUCTION AGRICOLE

DEMANDE INDIVIDUELLE D ALLOCATION DE SOLIDARITÉ AUX PERSONNES ÂGÉES

Mise à jour : 4 avril 2013

Commentaire. Décision n QPC du 6 juin Société Orange SA

LE DÉCÈS SOMMAIRE. Préparer ses obsèques Premières démarches Vos coordonnées Droits CPR Pièces justificatives CPR. Page 1/8

2. Compétence d attribution et compétence territoriale des tribunaux en Allemagne

Commentaire. Décision n QPC du 19 janvier Madame Khadija A., épouse M. (Procédure collective : réunion à l actif des biens du conjoint)

Projet de décision unilatérale instituant (ou régularisant) un régime collectif complémentaire obligatoire couvrant le risque

L acte de naissance permet au greffier de vérifier si les futurs partenaires sont majeurs ou non.

Fiche n o 1. Souscrire au capital d une petite et moyenne entreprise

LOI N DU 7 MARS 1961 déterminant la nationalité sénégalaise, modifiée

Décision n QPC 6 octobre M. Mathieu P.

L UNAF LA DEMI-PART FISCALE

PRÊT SOCIAL Pour les agents de l AP-HP

CC, Décision n QPC du 23 novembre 2012

Conciliation Droit de la famille et faillite

Bordeaux, le. Caisse des dépôts rue du Vergne TSA Bordeaux cedex

Formulaire de demande d aide financière extra-légale

LES PENSIONS ALIMENTAIRES A L'ETRANGER

NOTICE D INFORMATION. Régime Complémentaire

Garantir le minimum vital

Vu la constitution, notamment ses articles 151, 154 et 155;

Demande de retraite d un fonctionnaire de l Etat ou d un magistrat

Bonifications pour tâches d assistance

Guide de planification testamentaire

REGLEMENT REGIONAL DES BOURSES POUR LES ELEVES ET ETUDIANT(E)S INSCRITS EN FORMATION SOCIALE, PARAMEDICALE ET MAÏEUTIQUE

«Succession, comment ça marche?»

L informateur. financier. Protection contre les créanciers offerte par l assurance-vie. mai Les choses changent. Vous devez savoir.

Veufs MARS Veuvage, vos droits. B Retraite de réversion. B Allocation de veuvage. B Autres prestations

L impôt sur le revenu des personnes physiques Calcul Plafonnement des Niches et Actions. Réunion CEGECOBA ASSAPROL 21 mai 2015.

en savoir plus sur les nouveaux barèmes C, H et A1 à A5

3.04 Prestations de l AVS Age flexible de la retraite

CE QUE VOUS DEVEZ SAVOIR SUR VOTRE ASSURANCE VIE

Avis de changement. le changement concerne mon adresse de résidence mon adresse postale

BULLETIN OFFICIEL DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE

LIVRET DE PRÉSENTATION

INPCA. Institution Nationale de Prévoyance du Commerce et de l Artisanat 2 / 0 / 1 / 4

DEMANDE DE BOURSE ET/OU PRÊT D ETUDES

Demande de calcul d une rente future

Tribunal d appel des Nations Unies

DOSSIER DE LOCATION. Nom(s) + Prénom(s): Pour le logement situé au :. ... Loyer + Charges : Dépôt de garantie :.. Honoraires :

Commentaire. Décision n QPC du 5 avril Mme Annick D. épouse L.

DES MEUBLES INCORPORELS

Personnes et familles. Vie à deux.

9 - LES AUTRES PRESTATIONS

REGLEMENT INTERIEUR DE LA CAISSE AUTONOME DES RETRAITES

RAPPORT DE STAGE ET RÉSUMÉ

RÉGIME D ASSURANCE VIE COLLECTIVE DE BASE contrat n C-1414 HYDRO-QUÉBEC

Français. Prestations de. survivant. Caisse commune des pensions du personnel des Nations Unies. New York et Genève Juin

Séparation, rupture. Séparation, rupture de la vie commune. Comment. ma? mapeut-elle. Bon à savoir

Demande de bourse 2010/2011 N dossier

F I C H E 57: L A RÉCUPÉRATION DES CRÉANCES D AIDE SOC I ALE

Caisse (de pension) autonome Caisse autogérée (institution possédant sa propre organisation et sa propre administration).

avocat architecte expert médecin chirurgien dentiste vétérinaire pharmacien infirmier kinésithérapeute étudiant avocat AMPLI-FAMILLE

Le guide pratique de la retraite

REGLEMENT DU REGIME COMPLEMENTAIRE DES AVOCATS ETABLI PAR LA CAISSE NATIONALE DES BARREAUX FRANÇAIS

Économie, connaiss.de base Réponse 1. Économie, connaiss.de base Question 1 Les assurances. Économie, connaiss.de base Réponse 2

Commentaire. Décision n QPC du 20 juin Commune de Salbris

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu l ordonnance n du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Le Plan libéral pour les soins familiaux

Séparation, rupture de la vie commune

La retraite du fonctionnaire

Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d Assurance Vieillesse. Professionnels libéraux. Votre guide de. l invalidité-décès

NOTICE D'INFORMATION RELATIVE AU CESU «AIDE A LA PARENTALITE 6-12 ANS»

Garanties en cas de décès et perte totale et irréversible d autonomie

particuliers professionnels ENTREPRISES Face à face argumenté de vente

Ouverture de compte. Auquel est lié un compte de titres personnes physiques. Société du groupe KBC

FIP ISATIS DÉVELOPPEMENT N 2

DEMANDE DE LOGEMENT. réservé au service des demandes de logements dossier n :

Déclaration de ressources Complément (12 mois)

Règlement. Gestion des comptes de collaborateur et des dépôts d actions

Me ANGELE KOUASSI, Notaire, Past-Présidente AFJCI 2013 FORMATION SUR LES SUCCESSIONS

Succession L un de vos proches est décédé

Voyagez en toute liberté et confiez votre plan de protection sociale à un vrai professionnel!

Information du jour La prévoyance sociale en Suisse

Règlement J. Safra Sarasin Fondation de libre passage (SaraFlip)

Le tribunal de la famille et de la jeunesse

La retraite IRCANTEC. A. La retraite complémentaire IRCANTEC

LA RETRAITE DU PRATICIEN HOSPITALIER

Un nouvel avantage fiscal : la déduction pour habitation unique

Décès et succession LE DECES

La société civile de droit commun et la planification successorale

CHRONOLOGIE DES DEMARCHES A EFFECTUER SUITE AU DECES D'UN PROCHE

REGLEMENT MUTUALISTE DE LA MUTUELLE D ARGENSON ET DES FONCTIONNAIRES DE L ENSEIGNEMENT PUBLIC (Article 4 des Statuts) TITRE I

Transcription:

Commentaire aux Cahiers Décision n 2010-108 QPC du 25 mars 2011 Mme Marie-Christine D. Le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 décembre 2010 par le Conseil d État d une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l article L. 43 du code des pensions civiles et militaires de retraite (CPCMR). Dans sa décision n 2010-108 QPC du 25 mars 2011, le Conseil constitutionnel a déclaré cette disposition contraire à la Constitution. I. La disposition contestée Aux termes de l article L. 43 du CPCMR, «lorsqu il existe une pluralité d ayants cause de lits différents, la pension définie à l article L. 38 est divisée en parts égales entre les lits représentés par le conjoint survivant ou divorcé ayant droit à pension ou par un ou plusieurs orphelins âgés de moins de vingt et un ans. Les enfants naturels sont assimilés à des orphelins légitimes ; ceux nés de la même mère représentent un seul lit. S il existe des enfants nés du conjoint survivant ou divorcé ayant droit à pension, chacun d eux a droit à la pension de 10 p. 100 dans les conditions prévues au premier alinéa de l article L. 40. En cas de pluralité d orphelins âgés de moins de vingt et un ans d un même lit non représenté par le conjoint survivant ou divorcé ayant droit à pension, il leur est fait application du deuxième alinéa de l article L. 40. «Si un lit cesse d'être représenté, sa part accroît celle du ou des autres lits.» La pension de réversion est une «pension versée à une personne sur la base de droits acquis par une autre personne avec qui elle était unie par certains liens de droit» 1. La disposition contestée a précisément pour objet de fixer les droits à pension des ayants cause (conjoint survivant et enfants) lorsque ceux-ci appartiennent à des lits différents, c est-à-dire lorsqu il y a eu plusieurs unions du fonctionnaire décédé (mariage ou union de fait dont sont nés des enfants). 1 «Pension» in Association Henri Capitant, Vocabulaire juridique, PUF, p. 630.

Or, la nature de ces liens exigés entre le fonctionnaire décédé et ses ayants cause a évolué dans le temps. À l origine, seuls les liens du mariage étaient de nature à permettre l octroi d une pension de réversion. Pouvaient ainsi bénéficier d une pension les seuls lits légitimes, qu ils soient représentés par le conjoint survivant ou par les enfants nés d un mariage. En cas de pluralité de lits résultant forcément, à l époque, d une pluralité de mariages (en pratique des orphelins issus de mariages successifs), l ancien article L. 43 du CPCMR prévoyait un partage entre les lits. À cette époque, les enfants naturels étaient exclus du bénéfice de la pension de réversion, puisque celle-ci était conçue comme un effet exclusif du mariage. Dans le but de tirer les conséquences du principe d égalité entre les enfants naturels et les enfants légitimes posé par la loi n 72-3 du 3 janvier 1972 sur la filiation, la loi n 77-574 du 7 juin 1977 2 a mis fin à cette situation. Depuis cette loi, l article L. 43 du CPCMR permet donc un partage de la pension de réversion entre les ayants cause de lits différents sans aucune référence, désormais, au mariage 3. Chaque lit qu il soit ou non fondé sur le mariage reçoit ainsi une fraction de la pension, étant précisé que la famille naturelle ne constitue un lit que si des enfants en sont issus. En l absence d enfants, la pension de réversion demeure, en effet, réservée au conjoint, comme le prévoit l article L. 38, alinéa 1 er, du CPCMR qui fixe le montant de la pension «à 50 % de la pension obtenue par le fonctionnaire ou qu il aurait pu obtenir au jour de son décès». Ainsi la personne liée par un pacte civil de solidarité (PACS) ne peut bénéficier, au décès de son partenaire, d une pension de réversion et il en va de même pour les concubins. Mais, dès lors qu un ou plusieurs enfants naissent de la relation entre personnes non liées par un mariage (concubins ou partenaires liés par un PACS), un lit est constitué, de sorte que la pension de 50 % de l article L. 38 devra être partagée, le cas échéant, entre plusieurs lits. Ainsi, dans l hypothèse où le fonctionnaire laisse à son décès une veuve et un enfant issu d une relation hors mariage, la veuve compte pour un lit et l enfant pour un autre lit : chacun recevra donc une pension de 25 % (l enfant recevant au surplus la pension de 10 %, propre aux orphelins de moins de vingt et un ans, 2 Loi portant diverses dispositions d ordre économique et financier, article 20. 3 Une loi postérieure (n 82-599 du 13 juillet 1982 relative aux prestations de vieillesse, d invalidité et de veuvage, article 15) a remplacé le terme de «veuve», qui figurait auparavant à l article L. 43, par les termes «conjoint survivant ou divorcé ayant droit à pension». Cela était logique dans la mesure où une femme fonctionnaire peut très bien survivre à son mari! 2

prévue par l article L. 40 du CPCMR). Ainsi encore, dans l hypothèse où le fonctionnaire décédé laisse comme ayants cause, d une part, quatre enfants de moins de vingt et un ans issus d un premier lit et, d autre part, un enfant unique issu d un second lit, les pensions de réversion sont ainsi calculées : chaque enfant reçoit la pension de 10 % de l article L. 40 et, faute de conjoint survivant, la pension de l article L. 38 sera partagée par lit en vertu de l article L. 43, soit : 25 % que se partagent les quatre enfants du premier lit (6,25 % chacun) et 25 % que l enfant unique du second lit reçoit seul. En définitive, les quatre premiers enfants auront chacun 16,5 % de la pension de leur auteur et le dernier recevra 35 %. Toutes ces solutions s expliquent par le fait que le législateur a choisi une répartition par lit et non par enfant. Dès lors que tous les lits ne sont pas composés du même nombre d ayants cause, il en résulte nécessairement une différence de traitement entre les individus pris isolément, l égalité n étant assurée, du point de vue des intéressés, que s ils appartiennent au même lit. C est cette situation que dénonçait la requérante au nom du principe d égalité. II. La non-conformité à la Constitution Le Conseil constitutionnel a déclaré la disposition contestée contraire à l article 6 de la Déclaration des droits de l homme et du citoyen de 1789 et il s est prononcé sur les conditions d application dans le temps de cette déclaration d inconstitutionnalité. A. L atteinte au principe d égalité Rappelant les termes de l article 6 de la Déclaration de 1789, le Conseil a fait une application de sa jurisprudence bien établie selon laquelle «le principe d égalité ne s oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu il déroge à l égalité pour des raisons d intérêt général, pourvu que, dans l un et l autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l objet de la loi qui l établit» (cons. 3). L article L. 43 repose, comme on l a vu, sur une répartition par lit. À l époque où la pension de réversion était conçue comme un pur et simple effet du mariage, ce raisonnement du législateur s expliquait aisément : le partage par lit permettait de compenser le fait que l une des épouses successives était prédécédée à ses enfants ; ceux-ci recueillaient la part de pension qui aurait dû revenir à leur mère et se la partageaient jusqu à l âge de vingt et un ans. La différence de traitement qui pouvait en résulter en fonction de la composition de chaque lit entretenait alors un rapport direct avec l objet de la loi qui 3

l établissait puisque l octroi d une pension de réversion était un effet exclusif du mariage. Mais ce raisonnement a perdu sa logique depuis qu en 1977 le législateur a détaché la pension de l article L. 43 du CPCMR de la notion de mariage. Depuis cette date, en effet, l enfant naturel représente son lit alors même que son parent n a (ou n avait) aucune vocation à bénéficier lui-même de la pension de réversion. Les enfants naturels recueillent ainsi leur part de la pension de l article L. 38 alors même que leur parent n aurait pu en profiter. Grâce à ce mécanisme, la disposition contestée tendait à assurer la conciliation des droits entre le conjoint survivant et les enfants, sans briser l égalité entre les filiations légitime et naturelle. Telle était d ailleurs l argumentation développée par le Gouvernement qui soutenait, dans ses observations, qu en assimilant les enfants nés hors mariage aux orphelins nés de l union formée par le fonctionnaire décédé avec son conjoint, et en alignant les droits du lit représenté par l enfant né hors mariage sur ceux dont bénéficie le foyer constitué du conjoint survivant et des enfants nés de l union du fonctionnaire avec ce dernier, le législateur a eu pour objectif d assurer également à l enfant né hors mariage des conditions matérielles d existence décentes. Mais une difficulté résulte, en droit constitutionnel, de la règle adoptée en 1977. Cette difficulté ne se manifeste toutefois que dans une hypothèse que la décision du Conseil a précisément identifiée. Ainsi, le Conseil n a pas remis en cause le principe selon lequel, lorsqu un conjoint survivant est en concours avec un enfant issu d un autre lit, le partage de la pension de l article L. 38 s opère à parts égales entre les lits. L article L. 43 opère une répartition entre les lits selon un mode qui, s il peut apparaître, à tout le moins, assez frustre, n a pas été jugé contraire au principe d égalité. Mais, il n en allait pas de même, comme le constate le Conseil constitutionnel, «dans le cas où deux lits au moins sont représentés par un ou plusieurs orphelins», dès lors du moins que chacun de ces lits ne comprend pas exactement le même nombre d orphelins. En effet, comme on l a vu dans le deuxième exemple exposé ci-dessus (cf. I), «la division à parts égales entre les lits quel que soit le nombre d enfants qui en sont issus conduit à ce que la part de pension de réversion due à chaque enfant soit fixée en fonction du nombre d enfants issus de chaque lit» (cons. 4). Concrètement, la pension de réversion due à chaque orphelin est alors inversement proportionnelle au nombre d enfants issus du même lit, autrement dit à l importance de la fratrie. Le respect de l égalité de traitement entre les enfants est alors à la merci des circonstances de fait relatives à la composition précise de chaque lit. 4

Or, selon le Conseil constitutionnel, cette «différence de traitement ( ) entre les enfants de lits différents n est pas justifiée au regard de l objet de la loi qui vise à compenser, en cas de décès d un fonctionnaire, la perte de revenus subie par ses ayants cause» (cons. 4). Si celle-ci s apprécie, en principe, au regard de la perte du bénéfice de l obligation d entretien et d éducation ou du devoir de secours dont les survivants étaient créanciers, à titre individuel, à l égard du fonctionnaire décédé, le Conseil constitutionnel n a pas imposé que la pension leur soit attribuée selon cette logique qui requiert l appréciation concrète des besoins des ayants cause. En jugeant que, s agissant des enfants, leurs droits ne sauraient donc être par principe divisés par le nombre de descendants du même auteur, le Conseil constitutionnel a censuré le caractère inapproprié au but recherché du critère choisi. Sur ce fondement, l article L. 43 du CPCMR a, par conséquent, été jugé contraire à la Constitution. B. Les effets dans le temps de la déclaration d inconstitutionnalité Dans les deux décisions du 25 mars 2011 qui déclarent des dispositions législatives contraires à la Constitution (n 2010-108 QPC et n 2010-110 QPC), le Conseil a précisé, par un considérant «de principe» les effets dans le temps de ses décisions et les conditions dans lesquelles ces effets peuvent être modulés. Rappelant les termes de l article 62 de la Constitution, le Conseil constitutionnel a précisé, d une part, qu en principe, la déclaration d inconstitutionnalité doit bénéficier à l auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et que la disposition législative déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel et, d autre part que l article 62 réserve au Conseil constitutionnel la possibilité tant de fixer la date de l abrogation et reporter dans le temps les effets de la déclaration d inconstitutionnalité que de fixer les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits peuvent être remis en cause. Ainsi, en l espèce, le Conseil constitutionnel a décidé, de reporter au 1 er janvier 2012 l abrogation de la disposition contestée (cons. 5) afin de laisser au législateur le soin d apprécier les suites qu il convient de donner à la déclaration d inconstitutionnalité. Le Conseil a, en effet, constaté «que l abrogation de l article L. 43 du code des pensions civiles et militaires de retraite aura pour effet de supprimer les droits reconnus aux orphelins par cet article», limitant par là-même leurs droits à pension aux 10 % prévus par l article L. 40. C est ce qui arrivera le 1 er janvier 2012 si aucune disposition législative ne vient corriger l inconstitutionnalité 5

constatée dans la décision du 25 mars 2011. Le Conseil a toutefois estimé qu il ne lui appartenait pas d imposer cette solution alors qu il peut être mis fin à l inconstitutionnalité par l adoption d une modification de l article L. 43. Ainsi, la décision manifeste que, dès lors que cela lui apparaît compatible avec la nature de l affaire, le Conseil constitutionnel laisse au législateur la plus grande marge d appréciation pour décider non seulement quelle législation doit être adoptée mais encore s il y a lieu de légiférer pour remplacer les dispositions déclarées contraires à la Constitution. 6