La classification des syndromes myélodysplasiques

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Ann Biol Clin 2013 ; 71 (2) : 139-44 La classification des syndromes myélodysplasiques Myelodysplastic syndrome classification doi:10.1684/abc.2013.0804 Ines Ghariani 1 Najia Braham 1 Mohsen Hassine 2 Mondher Kortas 1 1 Laboratoire d hématologie, CHU Farhat Hached, Sousse, Tunisie <gharianiines@gmail.com> 2 Laboratoire d hématologie, CHU Fattouma Bourguiba, Monastir, Tunisie Article reçu le 1 er juillet 2012, accepté le 20 août 2012 Tirés à part : I. Ghariani Résumé. Les syndromes myélodysplasiques (SMD) sont des hémopathies myéloïdes caractérisées par une hétérogénéité clinique et biologique. La classification franco-américano-britannique (FAB-1982) subdivise les SMD en cinq catégories distinctes en se basant sur des critères morphologiques. Trois critères sont pris en compte : 1) le pourcentage de blastes circulants et médullaires ; 2) le pourcentage de sidéroblastes en couronne dans la moelle ; 3) le nombre absolu de monocytes dans le sang. Ces dernières années représentent une étape de précision de la physiopathologie et de la classification des SMD. En effet, les classifications proposées par l OMS (2001 et 2008) cherchent à compléter les approches classiques de la classification FAB par les contributions de la cytogénétique et de la biologie moléculaire. La classification actuelle (OMS 2008) tient compte de ces critères : 1) le nombre de cytopénies périphériques ; 2) le pourcentage de blastes circulants et médullaires ; 3) le pourcentage des sidéroblastes en couronne ; 4) la présence éventuelle de corps d Auer ; 5) d une anomalie cytogénétique (la délétion 5q isolée). Ainsi sont définis : les cytopénies réfractaires avec dysplasie unilignée, l anémie réfractaire avec sidéroblastes en couronne, les cytopénies réfractaires avec dysplasie multilignée, l anémie réfractaire avec excès de blastes, les SMD inclassables et les SMD avec délétion 5q isolée. Mots clés : syndromes myélodysplasiques, classification FAB, classification OMS 2001, classification OMS 2008 Abstract. Myelodysplastic syndromes (MDS) are myeloid disorders with various clinical and biological presentations. The French-American-British (FAB-1982) classification included five categories basing on morphology and bone marrow blast count. Three criteria are taken into account: 1) the percentage of blasts in peripheral blood and bone marrow, 2) the percentage of ringed sideroblasts, and 3) the number of monocytes in peripheral blood. The World Health Organization classification (WHO 2001, 2008) modifies the FAB system by also taking cytogenetic characteristics and molecular biology into consideration. The last classification (WHO-2008) takes into account: 1) the number of peripheral cytopenia, 2) the percentage of blasts in peripheral blood and bone marrow, 3) the percentage of ringed sideroblasts, 4) the possible presence of Auer Rods, and 5) the detection of a cytogenetic abnormality (the isolated 5q deletion). The following subgroups are defined: refractory cytopenia with unilineage dysplasia, refractory anemia with ringed sideroblasts, refractory cytopenia with multilineage dysplasia, refractory anemia with excess blasts, myelodysplastic syndrome unclassifiable and myelodysplastic syndrome with isolated del(5q). Key words: myelodysplastic syndrome, FAB classification, 2001 WHO classification, 2008 WHO classification Pour citer cet article : Ghariani I, Braham N, Hassine M, Kortas M. La classification des syndromes myélodysplasiques. Ann Biol Clin 2013 ; 71(2) : 139-44 doi:10.1684/abc.2013.0804 139

Les syndromes myélodysplasiques (SDM) représentent un groupe hétérogène d hémopathies qui traduisent une atteinte clonale de la cellule-souche hématopoïétique se traduisant par une hématopoïèse inefficace et un risque augmenté de transformation en leucémie aiguë. Classiquement révélés par une ou des cytopénie(s), les syndromes myélodysplasiques sont diagnostiqués par l analyse quantitative et qualitative du sang et de la moelle. L identification de groupes de syndromes myélodysplasiques ayant des caractéristiques cliniques, biologiques et pronostiques communes a été l objectif des classifications successives. Celles-ci reposent essentiellement sur le caractère primitif ou secondaire de ces syndromes, les cytologies sanguines et médullaires et la cytogénétique. L objectif de cette revue de la littérature est de présenter les différentes classifications utilisées actuellement et de détailler la plus récente qui a été proposée par l Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2008. Classification franco-américano-britannique La classification franco-américano-britannique (FAB) élaborée en 1982 a permis d individualiser cinq sous-types de SMD en se basant essentiellement sur des critères cytologiques (tableau 1) [1, 2]. Trois critères sont pris en considération [3] : le pourcentage de blastes circulants et médullaires ; le pourcentage de sidéroblastes en couronne dans la moelle évalué par coloration de Perls ; le nombre absolu de monocytes circulants. Chacune de ces catégories de SMD diffère par sa médiane de survie et son taux de transformation en leucémie aiguë. Cependant, alors qu elle est encore largement utilisée, l intérêt de cette classification est limité par la diversité clinique et biologique qui persiste au sein de ses sous-types [4]. Classification de l Organisation mondiale de la santé de 2001 En 2001, l OMS a proposé une nouvelle classification des pathologies hématologiques. Elle cherche à compléter les approches classiques de la morphologie microscopique, par la contribution de la cytogénétique et la biologie moléculaire [6, 7]. Cette classification, évolution de la précédente, a permis d apporter de nouveaux éléments [6, 8] : l estimation du nombre de lignées touchées par la dysplasie myéloïde est devenue un élément essentiel de la classification des SMD ; les SMD définis par un nombre de blastes inférieur à 20 % dans le sang et dans la moelle ; le groupe des anémies réfractaire avec excès de blastes en transformation (AREB-T) est supprimé et un pourcentage de blastes sanguins ou médullaires supérieur à 20 % définit une leucémie aiguë ; le groupe des anémies réfractaires avec excès de blastes divisé en deux types 1 et 2, définis respectivement par 5 à 9 % et 10 à 19 % de blastes médullaires ; l individualisation d une nouvelle catégorie de cytopénies réfractaires avec myélodysplasie multilignée ; deux classes d anémies réfractaires avec excès de sidéroblastes individualisées, selon que la dysplasie est limitée à la seule lignée érythroblastique, ou qu il existe une dysplasie multilignée ; la leucémie myélomonocytaire chronique classée dans le nouveau groupe des syndromes frontières myélodysplasiques/myéloprolifératifs ; le rôle diagnostique de la cytogénétique, définissant un nouveau sous-type, le syndrome myélodysplasique 5q-. Classification de l Organisation mondiale de la santé de 2008 Généralités Le développement et l introduction récents de nouveaux traitements incitent à élaborer des classifications de plus en plus performantes. Celles-ci doivent permettre d identifier des groupes de patients homogènes dans leur évolution clinique, non seulement en termes de survie ou de transformation en leucémie aiguë myéloïde, mais aussi en termes de réponse aux traitements et de la qualité de vie. Cela a conduit l OMS à affiner, en 2008, les critères de la précédente classification (tableau 2) [4]. Les nouveautés de la classification OMS 2008 permettent de définir plus précisément les sous-groupes créés en 2001. Ainsi, les paramètres suivants interviennent maintenant dans la classification [9] : la nature de la dysplasie unilignée qui individualise chaque cytopénie réfractaire ; le nombre de cytopénies sanguines qui sépare les cytopénies réfractaires unilignées des syndromes myélodysplasiques inclassables ; le pourcentage de blastes circulants qui devient discriminant, pour identifier les anémies réfractaires avec excès de blastes de type 1, ou de type 2 ou les syndromes myélodysplasiques inclassables ; la présence de corps d Auer qui fait classer le cas en anémie réfractaire avec excès de blastes de type 2, indépendamment du pourcentage de blastes sanguins ou médullaires. 140 Ann Biol Clin, vol. 71, n 2, mars-avril 2013

Syndromes myélodysplasiques Tableau 1. Classification FAB des syndromes myélodysplasiques [5]. Type Sang Moelle Anémie réfractaire (AR) Blastes < 1 % Blastes < 5% en couronne Blastes < 1 % Blastes < 1% Sidéroblastes en couronne > 15 % des érythroblastes Anémie réfractaire avec excès de blastes (AREB) Blastes < 5 % Blastes de 5%à20% Anémie réfractaire avec excès de blastes Blastes > 5 % Blastes de 20 %à30% en transformation (AREB-T) Leucémie myélomonocytaire chronique (LMMC) Blastes < 5% Monocytes > 1.10 9 /L Tableau 2. Classification de l OMS des SMD en 2008 [9]. Pathologie Sang Moelle Cytopénie réfractaire avec dysplasie unilignée Anémie réfractaire Neutropénie réfractaire Thrombopénie réfractaire en couronne Cytopénie réfractaire avec dysplasie multilignée Anémie réfractaire avec excès de blastes-1 Anémie réfractaire avec excès de blastes-2 SMD non classable SMD avec délétion 5q isolée Cytopénie isolée ou bicytopénie* Absence ou rares blastes (< 1%) Anémie Pas de blastes Cytopénie(s) Absence ou rares blastes (< 1%) Monocytes < 1.10 9 /L Cytopénie(s) Blastes < 5% Monocytes < 1.10 9 /L Cytopénie(s) Blastes 5-19 % Corps d Auer ±*** Monocytes < 1.10 9 /L Cytopénies Blastes < 1% Anémie Plaquettes généralement normales ou augmentées Absence ou rares blastes (< 1%) Dysplasie unilignée > 10 % des cellules de la lignée touchée Blastes < 5 %** Sidéroblastes en couronne < 15 % Dysplasie érythroïde isolée Blastes < 5 %** Sidéroblastes en couronne > 15 % Dysplasie > 10 % des cellules dans 2 ou plusieurs lignées myéloïdes Blastes < 5 %** ± 15 % de sidéroblastes en couronne Dysplasie uni- ou multilignée Blastes 5-9 % Dysplasie uni- ou multilignée Blastes 10-19 % Corps d Auer ±*** Dysplasie évidente dans moins de 10 % des cellules dans une ou plusieurs lignées myéloïdes Blastes < 5% Mégacaryocytes en nombre normal ou augmenté avec noyau hypolobé Blastes < 5% Anomalie cytogénétique isolée del(5q) * Une bicytopénie peut parfois être observée. Les cas avec pancytopénie sont classés en syndrome myélodysplasique inclassable. ** Si le pourcentage de blastes médullaires est < 5 % mais que le pourcentage de blastes circulants est compris entre 2% et4%, lediagnostic est celui d anémie réfractaire avec excès de blaste de type 1. Si le pourcentage de blastes médullaires est < 5 % mais que le pourcentage de blastes circulants est de 1 %, le diagnostic est celui de syndrome myélodysplasique inclassable. *** Les cas avec corps d Auer, blastes circulants < 5 % et blastes médullaires < 10 % doivent être classés comme anémie réfractaire avec excès de blastes de type 2. Cytopénies réfractaires avec dysplasie unilignée L anémie réfractaire pure (AR) a déjà été identifiée dans la classification OMS 2001, elle est caractérisée par une dysérythropoïèse touchant plus de 10 % des érythroblastes. L anémie est normochrome, normo- ou macrocytaire arégénérative ; une anisocytose ou une poïkilocytose peuvent être observées [3]. Dans la moelle, la dysplasie érythroïde se manifeste par une bi- ou multinucléarité, noyau bourgeonnant, dystrophique, aspect feuilleté du cytoplasme et Ann Biol Clin, vol. 71, n 2, mars-avril 2013 141

présence de ponctuations basophiles. Deux nouvelles entités sont individualisées en 2008 : la neutropénie réfractaire (NR) avec dysgranulopoïèse isolée de plus de 10 % des éléments granuleux sanguins ou médullaires et qui se manifeste généralement par des polynucléaires neutrophiles hypolobés et/ou hypo- voire dégranulés ; la thrombopénie réfractaire (TR) avec dysmégacaryopoïèse isolée de plus de 10 % des mégacaryocytes qui présentent des anomalies variables (noyaux hypolobés ou multiples, micromégacaryocytes, etc.). Ces trois entités sont regroupées sous le terme de cytopénies réfractaires avec dysplasie unilignée [10]. Dans ce groupe, une cytopénie isolée est le plus souvent observée, rarement une bicytopénie. Les blastes circulants sont absents ou rares, inférieurs à 1%.La moelle des cytopénies réfractaires avec dysplasie unilignée est généralement riche, parfois normoou hypoplasique. Lors du diagnostic d une cytopénie réfractaire avec dysplasie unilignée, il est important d exclure une autre cause de cytopénie, notamment d anémie, car certaines anomalies morphologiques telles qu un cytoplasme feuilleté ne sont pas spécifiques. Les cytopénies réfractaires avec dysplasie unilignée représentent 10 à 20 % des syndromes myélodysplasiques. La grande majorité d entre elles sont des anémies réfractaires, neutropénies et thrombopénies réfractaires étant plus rares. L âge médian est d environ 65 à 70 ans au diagnostic [4]. en couronne L anémie réfractaire avec sidéroblastes en couronne (ARS) est définie par une anémie, l absence de blastes circulants et moins de 5%deblastes médullaires et une dysérythropoïèse médullaire isolée caractérisée par plus de 15 % de sidéroblastes en couronne mis en évidence par la coloration de Perls [11]. Un sidéroblaste en couronne est défini comme un érythroblaste contenant au minimum cinq grains de fer disposés sur au moins un tiers du pourtour nucléaire. L anémie est en général normochrome, normocytaire ou typiquement macrocytaire. Les hématies présentent souvent des anomalies marquées. La présence d une double population d hématies, normochrome et hypochrome, en l absence de tout traitement martial ou de transfusion, est hautement évocatrice d une anémie sidéroblastique [5]. Les anémies réfractaires avec sidéroblastes en couronne représentent 3à11% dessyndromes myélodysplasiques, et touchent des sujets dont l âge médian varie de 60 à 73 ans. L évolution vers une leucémie aiguë est rare [4]. Cytopénie réfractaire avec dysplasie multilignée La cytopénie réfractaire avec dysplasie multilignée (CRDM) est caractérisée par une ou plusieurs cytopénie(s) associée(s) à une dysplasie de 2 ou 3 lignées dans la moelle. Le pourcentage de blastes est inférieur à 1%dans le sang périphérique et à 5%dans la moelle avec absence de corps d Auer [12]. La moelle est généralement riche. La dysgranulopoïèse est souvent importante, la dysérythropoïèse est variable et les anomalies des mégacaryocytes sont assez fréquemment observées. Lors du diagnostic de CRDM, il faut faire le décompte sur 500 éléments dans la moelle ; pour déterminer le pourcentage d éléments anormaux dans chaque lignée, il faut compter au minimum sur 30 mégacaryocytes, 200 érythroblastes et 200 éléments de la lignée granuleuse [12]. Cette entité représente approximativement 30 % des syndromes myélodysplasiques. L évolution des cytopénies réfractaires avec dysplasie multilignée est variable. Elle dépend du nombre de cytopénie(s), du degré de dysplasie, de la nature et de la complexité des anomalies cytogénétiques observées. La fréquence d évolution en leucémie aiguë myéloïde est voisine de 10 %à 2 ans d évolution [4]. Lors de cytopénie réfractaire uni- ou multilignée, il faut avoir 6 mois de recul pour un diagnostic confirmé. Anémie réfractaire avec excès de blastes L anémie réfractaire avec excès de blastes (AREB) est subdivisée en deux sous-types 1 et 2. Les nouveautés apportées par la classification OMS 2008 sont le rôle capital des blastes circulants dans l identification des AREB-1 et 2, l incorporation de la présence des corps d Auer dans la classification des AREB-2 indépendamment du pourcentage des blastes et la création d une nouvelle entité : anémie réfractaire avec excès de blastes et myélofibrose. Les anémies réfractaires avec excès de blastes de type 1 sont définies soit par une blastose médullaire comprise entre 5 et 9 %, soit si le nombre de blastes médullaires est inférieur à 5 % par un pourcentage de blastes circulants compris entre 2 % et 4 %. Les blastes n ont pas de corps d Auer [9]. Les anémies réfractaires avec excès de blastes de type 2 sont définies soit par une blastose médullaire comprise entre 10 et 19 %, soit si le nombre de blastes médullaires est inférieur à 10 %, par un pourcentage de blastes circulants compris entre 5%et19%soit indépendamment du nombre de blastes circulants ou médullaires, par la présence de corps d Auer [9]. Les anémies réfractaires avec excès de blastes et myélofibrose sont définies par la présence d un réseau de réticuline diffus et épais, avec ou sans collagénisation, associée à une dysplasie d au moins 2 lignées. Les anémies réfractaires avec excès de blastes touchent préférentiellement les patients de plus de 50 ans, et représentent plus de 40 % des syndromes myélodysplasiques. 142 Ann Biol Clin, vol. 71, n 2, mars-avril 2013

Syndromes myélodysplasiques Tableau 3. Classification de l OMS 2008 des syndromes frontières myélodysplasiques/myéloprolifétatifs [9]. Pathologie Sang Moelle Leucémie myélomonocytaire chronique Leucémie myéloïde chronique atypique Leucémie myélomonocytaire chronique juvénile Syndrome frontière myélodysplasique/myéloprolifératif inclassable en couronne et thrombocytose (entité provisoire) Monocytes > 1.10 9 /L Hyperleucocytose, neutrophilie Dysplasie neutrophile Myélémie > 10 % Pas de réarrangement PDGFRA ou PDGFRB Monocytes > 1.10 9 /L Hyperleucocytose Association de caractères myélodysplasiques et myéloprolifératifs Pas d antécédents de syndrome myélodysplasique ou myéloprolifératif Pas de traitement récent par facteur de croissance ou chimiothérapie Pas de réarrangement PDGFRA ou PDGFRB Thrombocytose persistante > 450.10 9 /L Absence de t(3;3)(q21;q26), inv(3)(q21;q26), del(5q) isolée Dysplasie d une ou plusieurs lignée(s)* Blastes (myéloblastes, monoblastes, promonocytes) < 20 % Pas de réarrangement PDGFRA ou PDGFRB Dysplasie granuleuse (± d une autre lignée) Blastes (myéloblastes, monoblastes, promonocytes) < 20 % Association de caractères myélodysplasiques et myéloprolifératifs Aspect cytologique d une anémie réfractaire avec sidéroblastes en couronne Sidéroblastes en couronne > 15 % Mégacaryocytes anormaux * En l absence de dysplasie significative, le diagnostic de leucémie myélomonocytaire chronique peut être retenu si les autres caractéristiques sont présentes et qu une anomalie clonale acquise, moléculaire ou génétique, est retrouvée ou que la monocytose persiste depuis plus de 3 mois, en l absence d autre cause. Les anémies réfractaires avec excès de blastes de type 1 se transforment en leucémies aiguës myéloïdes dans environ 25 % des cas, les anémies réfractaires avec excès de blastes de type 2 dans un peu plus de 30 % [4]. SMD inclassables Les syndromes myélodysplasiques inclassables regroupent l ensemble des myélodysplasies qui ne répondent pas aux critères précédemment décrits. Ils sont définis par [13] : la présence d une cytopénie sans dysplasie significative, avec anomalie cytogénétique : cette situation regroupe des patients avec une/des cytopénie(s) persistante(s), une absence ou de rares blastes circulants ( 1 %), la moelle présente des signes de dysplasie évidents mais qui touchent moins de 10 % des cellules d une ou plusieurs lignées, avec moins de 5%deblastes médullaires et des anomalies cytogénétiques classiquement observées dans les syndromes myélodysplasiques ; la présence de rares blastes circulants (1 %) sans excès de blastes médullaires : il s agit de patients dont la cytologie médullaire répond aux critères des cytopénies réfractaires avec dysplasie uni- ou multilignée sans excès de blastes mais avec 1%deblastes circulants ; la présence d une pancytopénie avec dysplasie médullaire d une seule lignée : ce sont des patients dont la cytologie médullaire répond aux critères des cytopénies réfractaires avec dysplasie unilignée sans excès de blastes mais présentant une pancytopénie. SMD avec délétion 5q isolée Le syndrome myélodysplasique avec délétion 5q isolée, déjà identifié dans la classification de l OMS en 2001 est défini par une anémie pouvant être associée à une thrombocytose, les blastes circulants sont absents ou rares (< 1 %), représentent moins de 5 % des cellules nucléées médullaires et n ont pas de corps d Auer. La seule anomalie cytogénétique retrouvée est la délétion du bras long du chromosome 5 (del(5q)) [14]. L anémie, habituellement macrocytaire, est souvent sévère et révélatrice. Une thrombocytose est présente dans un tiers à la moitié des cas. La cytologie médullaire est Ann Biol Clin, vol. 71, n 2, mars-avril 2013 143

particulière, avec une dysmégacaryopoïèse souvent évocatrice : les mégacaryocytes sont présents en nombre normal ou augmenté ; leur taille est légèrement diminuée et leur noyau est unilobé excentré [4]. Les patients atteints de cette anomalie sont le plus souvent de sexe féminin et d âge élevé (> 60 ans). La transformation en leucémie aiguë myéloïde est rare et la survie est généralement prolongée. Syndromes frontières myélodysplasiques/myéloprolifératifs Cet ensemble présente à la fois les caractéristiques des syndromes myélodysplasiques et des syndromes myéloproliferatifs. En 2008, l OMS a également modifié la classification 2001 de ces syndromes frontières (tableau 3). Dans cet ensemble on distingue [9] : la leucémie myélomonocytaire chronique ; la leucémie myéloïde chronique atypique ; la leucémie myélomonocytaire chronique juvénile ; le syndrome frontière myélodysplasique /myéloprolifératif inclassable ; l anémie réfractaire avec sidéroblastes en couronne et thrombocytose (entité provisoire) : au sein de cette entité la majorité des patients ont la mutation V617F de JAK2 [4]. Ainsi certaines affections, telles que la leucémie myélomonocytaire chronique ou les anémies réfractaires avec sidéroblastes en couronne et thrombocytose, précédemment classées parmi les syndromes myélodysplasiques dans les classifications FAB ou OMS 2001, appartiennent désormais à ce groupe. Liens d intérêts : Références aucun. 1. Flandrin G. Aspects cytologiques et actualités nosographique des syndromes myélodysplasiques. Pathol Biol 1997 ; 45 : 545-9. 2. Braham Jmil N, Sriha B, Hassine M, Mhiri K, Kortas M. Syndromes myélodysplasiques : aspects clinique et biologique, diagnostics différentiels, classification. Feuillets de biologie 2005 ; 46 : 7-15. 3. Garandeau C, Pautas E, Andreux MH, Andreux J, Gaussem P, Siguret V. Les syndromes myélodysplasiques. Ann Biol Clin 2000 ; 58 : 405-16. 4. Andrieu V, Bénet B. Classification des syndromes myélodysplasiques. Rev Fr Lab 2009 ; 413 : 49-57. 5. Imbert M. Les syndromes myélodysplasiques. Le médecin biopathologiste 1994 ; 34 : 23-8. 6. Flandrin G. La nouvelle classification OMS des hémopathies malignes. Hématologie 2001;7:136-41. 7. Jaffe ES, Harris NL, Stein H, Vardiman JW, eds. World health organization classification of tumours : pathology and genetics of tumours of haematopoietic and lymphoid tissues. Lyon : IARC Press, 2001. 8. Vardiman JW, Lee Harris N, Brunning RD. The world organization (WHO) classification of the myeloid neoplasms. Blood 2002 ; 100 : 2292-302. 9. Hellstrom-Lindberg E, Cazzola M. The Role of JAK2 Mutations in RARS and Other MDS, Hematology. Am Soc Hematol Educ Program 2008 ; 2008 : 52-9. 10. Brunning RD, Hasserjian RP, Porwit A. Refractory cytopenia with unilineage dysplasia. In : Swerdlow SH, Campo E, Harris NL, Jaffe ES, Pileri SA, Stein H, et al., eds. WHO Classification of tumours of haematopoieticand lymphoid tissues. Lyon : IARC Press, 2008 : 94-5. 11. Hasserjian RP, Gatterman N, Bennet JM. Refractoru anaemia with ring sideroblastes. In : SwerdlowSH, Campo E, Harris NL, Jaffe ES, Pileri SA, Stein H, et al., eds. WHO Classification of tumours of haematopoietic and lymphoid tissues. Lyon : IARC Press, 2008 : 96-7. 12. Brunning RD, Bennet JM, Matutes E. Refractory cytopenia with multilineage dysplasia. In : SwerdlowSH, Campo E, Harris NL, Jaffe ES, Pileri SA, Stein H, et al., eds. WHO Classification of tumours of haematopoietic and lymphoid tissues. Lyon : IARC Press, 2008 : 98-9. 13. Orazi A, Brunning RD, Baumann I. Myelodysplastic syndrome, unclassifiable. In : Swerdlow SH, Campo E, Harris NL, Jaffe ES, Pileri SA, Stein H, et al., eds. WHO Classification of tumours of haematopoietic and lymphoid tissues. Lyon : IARC Press, 2008 : 103. 14. Hasserjian RP, Le Beau MM, List AF, Bennett I, Thiele I. Myelodysplastic syndrome with isolated del(5q). In : Swerdlow SH, Campo E, Harris NL, Jaffe ES, Pileri SA, Stein H, et al., eds. WHO Classification of tumours of haematopoietic and lymphoid tissues. Lyon : IARC Press, 2008 : 102. 144 Ann Biol Clin, vol. 71, n 2, mars-avril 2013