Le 10 janvier 2011 [TRADUCTION] Par courriel : Heidi.Smith@cic.gc.ca Madame Heidi Smith Directrice Division des politiques et programmes { l intention des résidents permanents Citoyenneté et Immigration Canada 365, avenue Laurier Ouest Ottawa (Ontario) K1A 1L1 Objet : Règlement modifiant le Règlement sur l immigration et la protection des réfugiés (Évaluation obligatoire des compétences linguistiques), Gazette du Canada, Partie I, 11 décembre 2010 Madame, Je vous écris de la part de la Section nationale du droit de l immigration et de la citoyenneté de l Association du Barreau canadien (la Section de l ABC), en réaction à la publication du projet de règlement de modification mentionné ci-dessus (le Projet de règlement). Celui-ci vise notamment { supprimer du paragraphe 79(1) et de l alinéa 87.1(2)b) du Règlement sur l immigration et la protection des réfugiés les dispositions qui offrent la possibilité de fournir d autres preuves écrites de compétences linguistiques. Comme elle l a indiqué dans d autres mémoires, la Section de l ABC demeure préoccupée par les répercussions qu aurait l évaluation obligatoire des compétences linguistiques. De surcroît, alors que les modifications actuelles ont été proposées sous la forme plus appropriée d un règlement, nous demeurons préoccupés par la possibilité que des instructions ministérielles pourraient être utilisées pour «faire l essai», temporairement, de modifications législatives. Nous précisons ci-dessous les raisons de nos préoccupations. Questions de procédure Dans sa démarche de changement du processus d évaluation des compétences linguistiques, nous félicitons le ministre d avoir procédé par la voie d une modification du règlement plutôt que de s en remettre uniquement aux instructions ministérielles antérieures. Comme nous l avions indiqué dans notre mémoire du 30 août 2010, nous croyons fermement que de procéder par la voie d une modification de règlement constitue le meilleur moyen de protéger le processus démocratique et la primauté du droit. 500-865 Carling Avenue, Ottawa, ON, Canada K1S 5S8 tel/tél : 613.237.2925 toll free/sans frais : 1.800.267.8860 fax/téléc : 613.237.0185 info@cba.org www.cba.org
2 Le résumé de l étude d impact de la réglementation (REIR) renvoie cependant aux instructions ministérielles antérieures : Le Ministère propose maintenant d apporter au Règlement une modification qui, conformément à cette directive [des instructions ministérielles antérieures], témoigne du fait que le Ministère a décidé d exiger en permanence des demandeurs qu ils subissent un test de langue aux fins de l évaluation de leur compétence linguistique. La Section de l ABC tient { dire clairement qu elle n est pas d accord - pour les raisons exprimées dans sa lettre du mois d août - que des règlements puissent être modifiés par des instructions ministérielles, et ce, que les modifications concernées soient temporaires ou permanentes. Inopportunité d une évaluation obligatoire des compétences linguistiques Depuis février 2008, la Section de l ABC a commenté l inopportunité de mesures visant { rendre obligatoire l évaluation des compétences linguistiques de demandeurs de la Catégorie de l expérience canadienne ou de toute autre catégorie de candidats { l immigration 1. Bien que nous comprenions le souci de veiller au traitement égal de tous les demandeurs, une évaluation obligatoire des compétences linguistiques ne serait ni nécessaire ni utile pour des demandeurs qui ont passé toute leur vie dans un milieu anglophone ou francophone, comme les demandeurs en provenance du Royaume-Uni, des États-Unis, et de la France. Le REIR indique qu «entre 50 % et 100 % des preuves écrites finissent par être considérées comme des preuves insuffisantes pour l évaluation de la compétence linguistique». Des données recueillies de façon informelle par plusieurs membres de la Section de l ABC suscitent toutefois la question { savoir si cette statistique s applique aux demandeurs en provenance de pays essentiellement anglophones ou francophones. Accessibilité des centres d évaluation Depuis la publication, en juin 2010, d instructions ministérielles exigeant que toutes les demandes d immigration comprennent les résultats d une évaluation des compétences linguistiques, la pénurie de centres d évaluation s est exacerbée, autant au Canada qu { l étranger, et les délais d attente pour une date d évaluation se sont allongés. Dans notre mémoire du 11 février 2008, nous avions relevé ce qui suit : Actuellement, on ne trouve généralement des fournisseurs de services d évaluation linguistique selon l IELTS [(International English Language Testing System)] ou le TEF (Test d évaluation du français) que dans une ville par province. Nous serions favorables à l ajout d autres fournisseurs de services d évaluation. Si on accorde un monopole de l évaluation linguistique à l IELTS et au TEF, CIC (Citoyenneté et Immigration Canada) devrait insister qu ils offrent des services d évaluation dans les grands centres de population de tout le Canada. La pénurie des centres d évaluation perdure, non seulement au Canada, mais également { l étranger. Certains pays n ont pas de centres d évaluation et d autres exigent souvent des 1 Voir nos mémoires de février 2008, mai 2008, août 2008 et août 2010, en ligne, à : http://www.cba.org/abc/memoires/pdf/08-11-fr.pdf; http://www.cba.org/abc/memoires/pdf/08-26- fr.pdf; http://www.cba.org/abc/memoires/pdf/08-48-fr.pdf; et http://www.cba.org/abc/memoires/pdf/10-55-fr.pdf.
3 demandeurs qu ils voyagent pendant de longues heures pour se rendre à différents centres et qu ils attendent des semaines, voire des mois, avant de pouvoir obtenir un rendez-vous leur permettant de compléter leur processus d évaluation. Un retard dans le dépôt d une demande de résidence permanente suscite toujours des problèmes. Toutefois, les retards causés par l évaluation obligatoire des compétences linguistiques auront des incidences particulièrement négatives sur les travailleurs étrangers temporaires. En effet, ceux-ci sont assujettis à un règlement qui entrera en vigueur le 1 er avril 2011, qui limitera à quatre ans la période pendant laquelle ils sont admissibles au statut de résident permanent au Canada et qui ne leur permettra pas de rester au Canada après l expiration de cette période. Le Projet de règlement aura également un effet négatif sur les diplômés étrangers. S ils n obtiennent pas leur statut de résident permanent avant l expiration de leur permis de travail qui n exige pas d avis relatif au marché du travail (AMT), leurs employeurs auront l obligation de demander des avis relatifs au marché du travail (AMT), alors que les diplômés étrangers, eux, auront l obligation de demander la prolongation de leur permis de travail. Certains membres de la Section de l ABC ont déj{ constaté d importants retards reliés { l évaluation obligatoire des compétences linguistiques et un accroissement correspondant du nombre des demandes d AMT et de prolongation de permis de travail. Pour les demandeurs qui ont passé toute leur vie dans un milieu anglophone ou francophone, le Projet de règlement n aura pour effet que d augmenter inutilement le volume des demandes déposées par ceux d entre eux qui sont des travailleurs étrangers temporaires ou des diplômés étrangers. Cette augmentation du volume des demandes sera accompagnée d un accroissement des coûts des programmes et d une prolongation des délais de traitement. Systèmes applicables dans d autres pays Dans notre mémoire de mai 2008, nous avions présenté les systèmes d évaluation des compétences linguistiques qui sont applicables dans d autres pays, dont le Royaume-Uni et l Australie, où l examen de langue n est qu un moyen parmi d autres. Plus près de chez nous, le Programme de l expérience québécoise prévoit des exigences minimales de connaissance du français, mais permet au demandeur d en faire la preuve en présentant l un des documents suivants : un relevé complet de notes scolaires et universitaires qui attestent du fait que le demandeur a complété avec succès au moins deux années d études secondaires ou postsecondaires, à plein temps, en français, au Québec ou { l étranger; un relevé de notes qui attestent du fait que le demandeur a complété avec succès un cours de français de niveau intermédiaire donné par un établissement d enseignement reconnu par le Ministère de l Éducation, du Loisir et du Sport, ou une université située au Québec; un relevé de notes qui attestent de la réussite d un examen standardisé de français oral de niveau intermédiaire; ou une attestation du fait que le demandeur a satisfait aux exigences linguistiques d un ordre professionnel au Québec. Nous suggérons donc que, dans les cas où les demandeurs sont en mesure de facilement faire la preuve, au moyen de documents écrits, de leurs compétences linguistiques en français ou en anglais, ils devraient continuer à avoir le droit de le faire.
4 Proposition de dispositions législatives pour remplacer l évaluation obligatoire Dans sa lettre de mai 2008, la Section de l ABC avait proposé une solution qui pourrait remplacer l évaluation linguistique obligatoire. Cette solution prévoit d autres éléments de preuve écrits qui sont clairement définis. Sans être inutilement encombrante, cette solution permettrait une transparence et une fiabilité accrues du processus d évaluation des compétences linguistiques des demandeurs. Nous demeurons convaincus que c est la solution { privilégier. Le paragraphe 79(1) modifié se lirait désormais ainsi : 79(1) Le travailleur qualifié indique dans sa demande de visa de résident permanent la langue français ou anglais qui doit être considérée comme sa première langue officielle au Canada et celle qui doit être considérée comme sa deuxième langue officielle au Canada, et doit satisfaire { l une ou l autre des conditions suivantes : (i) (ii) (iii) (iv) avoir fait évaluer ses compétences dans ces langues par une institution ou organisation désignée aux termes du paragraphe (3); avoir complété ses études secondaires ou avoir vécu pendant dix ans ou plus dans un pays dont la langue nationale ou officielle est le français ou l anglais et dont le taux de littératie publié dans le rapport le plus récent de l Indice du développement humain (IDH) est égal ou supérieur à 90 pour cent 2 et détenir un passeport ou être résident permanent de ce pays; détenir un diplôme universitaire de niveau baccalauréat, maîtrise ou doctorat d un pays dont la langue nationale ou officielle est le français ou l anglais et dont le taux de littératie publié dans le rapport le plus récent de l IDH est égal ou supérieur { 90 pour cent, si la langue d instruction ou de la recherche était le français ou l anglais; détenir un diplôme universitaire de niveau baccalauréat, maîtrise ou doctorat décerné par une université reconnue au Canada dont la langue d instruction ou de recherche est le français ou l anglais. Évaluation des compétences linguistiques Comme nous l avions mentionné dans notre lettre du 22 août 2008, la Section de l ABC appuie l intention du gouvernement d exiger un niveau de compétence linguistique moyen pour les métiers de catégorie 0 et A du code de Classification nationale des professions (CNP), ainsi qu un niveau de compétence linguistique de base pour les métiers de catégorie B. Les exigences du Projet de règlement dépassent cependant ces niveaux de compétence moyen et de base. Afin de bien traduire l intention du gouvernement, nous proposons que les modifications suivantes soient apportées au Règlement : Le niveau NCLC (Niveaux de compétence linguistique canadiens) des métiers de catégorie 0 ou A devrait être de 24, ce qui équivaut à un niveau de compétence moyen dans les quatre volets du test du Système international d évaluation de la langue anglaise (SIELA). 2 Une autre version du libellé proposé de l alinéa (ii) pourrait être rédigée ainsi : «détenir un passeport d un pays dont la langue nationale ou officielle est le français ou l anglais, et dont le taux de littératie publié dans le rapport le plus récent de l Indice du développement humain (IDH) est égal ou supérieur à 90 pour cent.».
5 Conclusion Le niveau NCLC des métiers de catégorie B devrait être de 16, ce qui équivaut à un niveau de compétence de base dans les quatre volets du test du SIELA. Nous espérons que nos commentaires vous auront été utiles. N hésitez pas { nous faire part de vos questions ou demandes d éclaircissements. En outre, nous serions heureux d avoir l occasion de vous rencontrer afin de discuter du Projet de règlement. Veuillez agréer, madame, mes sincères salutations. (original signé par Chantal Arsenault) Chantal Arsenault Présidente, Section nationale du droit de l immigration et de la citoyenneté