Un couple de frottement métal-métal peut-il améliorer la longévité des prothèses totales de hanche?



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Revue de chirurgie orthopédique Masson, Paris, 2005 2005, 91, 70-78 MISE AU POINT Un couple de frottement métal-métal peut-il améliorer la longévité des prothèses totales de hanche? Can metal-on-metal bearings improve the longevity of total hip prostheses? C. Delaunay Clinique de l Yvette, 43, route de Corbeil, 91160 Longjumeau. ABSTRACT Purpose of the study In total hip arthroplasty (THA), inter-series comparative clinical results cannot be considered worthy before at least 10 years of average follow-up, as shown in the Swedish Arthroplasty Register experience (1978-1993). Last generation metal-on-metal bearings were introduced in France only nine years ago (1995). To date, using mid term information, data from the literature, and our experience, one could assume that this bearing material has the capacity to improve THA longevity. Three types of information were analyzed: 1) comparative radiographic and EBRA studies published on early migration (< 2 years) of acetabular implants; 2) preliminary comparative data on wear and osteolysis at the 8-year maximum follow-up; 3) clinical data on dislocation frequency and in vitro and in vivo observations of bearing separation and sliding. Study n o 1: primary stability of these metal-on-metal acetabular cups was better than for polyethylene (PE) cups or alumina liners; study n o 2: no detectable wear and less osteolysis were observed to date with metal-on-metal bearings versus their alumina-on-pe counterparts. Study n o 3: less dislocation and less head sliding were measured with the metal-on-metal versus alumina-on-pr bearings possibly due to the interfacial forces provided by lubricating fluid (suction fit). Conclusion According to current knowledge, this metal-on-metal bearing still represent, with alumina-on-alumina and highly crosslinked PE, a competitive and comprehensive option to improve THA longevity. The real pending problem concerns the frequency and above all the intensity of metal delayed hypersensitivity reaction and their potential effect on implant loosening. Key words: Total hip arthroplasty, bearings, metal-on-metal. RÉSUMÉ En arthroplastie totale de hanche, aucune comparaison entre les résultats cliniques de divers implants n est raisonnable avant d avoir franchi le seuil de 10 ans de recul moyen, comme cela a bien été montré dans l expérience du registre suédois (1978-1993). Le couple de frottement métal-métal (Metasul) n ayant été introduit dans sa forme actuelle en France que depuis 9 ans (1995), sur quels arguments intermédiaires, provenant de la littérature ou de l expérience de l auteur, peut-on à ce jour apprécier la capacité réelle de ce matériel à améliorer la longévité des arthroplasties qui en sont équipées? Trois groupes d informations ont été analysés : 1/ les travaux comparatifs radiographiques et EBRA sur les migrations précoces des implants acétabulaires, qui indiquent que la stabilité initiale primaire de ces cupules métal-métal est meilleure que celle des cupules avec inserts en polyéthylène ou alumine ; 2/ les données préliminaires au recul maximum disponible de 8 ans, qui ne montrent toujours aucune usure et moins d ostéolyse avec ces PTH à couple métallique versus alumine-pe ; 3/ les études des luxations et les observations obtenues in vitro et in vivo sur les phénomènes de piston-décoaptation, qui indiquent une réduction de la fréquence des luxations et de l intensité de la décoaptation avec les couples métal-métal versus alumine-pe, possiblement liée à un phénomène d adhésivité «par succion» du au film lubrifiant. Tirés à part : C. DELAUNAY, à l adresse ci-dessus. E-mail : c.delaunay@clinique-yvette.com Acceptation définitive le : 30 août 2004

UN COUPLE DE FROTTEMENT MÉTAL-MÉTAL PEUT-IL AMÉLIORER LA LONGÉVITÉ DES PROTHÈSES TOTALES DE HANCHE? 71 Dans l état actuel des connaissances, le couple métal-métal représente toujours, avec les couples alumine-alumine et les PE fortement réticulés, une option alternative susceptible d améliorer la longévité des PTH. Le réel problème en suspens est représenté par la fréquence et surtout l intensité des réactions immunoallergiques d hyper-sensibilité retardée aux débris métalliques et leur implication potentielle dans la genèse des descellements prothétiques. Mots clés : Prothèse totale de hanche, couple de frottement, métal-métal. INTRODUCTION En arthroplastie totale de la hanche, rien de sérieux en ce qui concerne les résultats cliniques ne peut être avancé avant un recul minimum de 10 ans. Ainsi, depuis sa création en 1978, il a fallu attendre 15 années avec la première publication de 1993, pour que le registre suédois des prothèses totales de la hanche (PTH) puisse mettre enfin en évidence des différences significatives entre la survie des différents implants étudiés [Malchau et al. (1)]. Depuis, les rapports successifs du registre suédois ont toujours identifié le descellement aseptique comme la première cause d échec des PTH. La dernière version de 2002 indique par ailleurs que la probabilité de révision pour descellement aseptique des PTH à couples «traditionnels» (utilisant du polyéthylène acétabulaire conventionnel en frottement), implantées pour coxarthrose primitive et cimentées selon les techniques modernes de seconde génération, est encore de 4,8 % à 10 ans et atteint même 10,1 % à 10 ans chez les patients âgés de moins de 55 ans [Malchau et al. (2)]. L ostéolyse péri-prothétique est un processus réactionnel complexe, induit par tous les débris et dépendant de leur quantité et surtout de leur taille. Elle est universellement considérée comme la cause essentielle du descellement et le polyéthylène (PE) conventionnel producteur de débris ostéolytiques, comme le «maillon faible» de nos arthroplasties. Cette constatation a conduit à la recherche logique de couples prothétiques supprimant le PE en frottement, d abord en France avec la combinaison céramique d alumine-sur-céramique d alumine (Boutin, 1971), puis en Suisse avec la réintroduction d un couple CoCr-sur-CoCr de seconde génération, le Metasul (Zimmer-Centerpulse, Winterthur, CH) par Weber en 1988. La fabrication de ces couples «dur-sur-dur» nécessite une compétence technologique toute particulière, le «jeu» articulaire prothétique (clearance) jouant un rôle fondamental dans la qualité du frottement, condition sine qua non à la réduction de la production des débris d usure phagocytables (taille de 0,3 à 10 microns) et dès lors potentiellement ostéolytiques. En 2000-2001, l auteur avait fait un état des lieux sur les couples de frottement [Delaunay (3, 4)]. Depuis cette époque, le couple métal-métal représente toujours, avec le couple alumine-alumine et plus récemment avec la mise au point de PE hautement réticulés, une des trois options disponibles susceptibles de réduire la production de débris d usure ostéolytiques et d améliorer la longévité des implants, ce qui vient d être récemment confirmé Outre- Atlantique [Heisel et al. (5)]. Mais il faudra, pour chacune d entre elles, attendre un recul moyen de plus de 10 ans avant d avoir la possibilité d en apprécier cliniquement la validité par la mise en évidence d une amélioration significative de la survie des arthroplasties qui en sont équipées par rapport aux données connues des PTH à couples de frottement «conventionnels». Or, le couple Metasul n a été introduit sur le marché français sous sa forme actuelle qu en 1995 (année de son marquage CE), en remplacement de la première version avec billes à jupe commercialisée en Suisse en 1988. La problématique ici posée est donc simple : après huit années seulement d expérience en France, sur quels arguments cliniques peut-on aujourd hui s appuyer afin de soutenir l hypothèse selon laquelle un couple métal-métal tel que le Metasul dans sa version actuelle, présente une potentialité réelle à améliorer la longévité des arthroplasties totales de hanche qui en sont équipées? MATÉRIEL ET RÉSULTATS Les éléments de réponse tiennent en trois points : l étude de la migration précoce des implants acétabulaires ; la détection radiographique de l usure des implants et de la survenue des manifestations ostéolytiques ; et la détermination de la fréquence des accidents de luxation corrélée à l étude cinétique in vivo des phénomènes de piston-décoaptation survenant entre les composants en frottement. La migration précoce des implants acétabulaires En 1995, les travaux de Freeman [Stocks et al. (6)] aboutissaient à la constatation que la migration radiologique détectable des implants acétabulaires (non cimentés) survenant dans les deux années suivant l implantation était un signe péjoratif annonciateur d un «descellement» secondaire et d une fréquence accrue des révisions de ces implants précocement dépistés «instables». Ces auteurs avaient ainsi établi une relation quasi-linéaire entre intensité de la migration précocement détectable et la fréquence des révisions des implants acétabulaires non cimentés étudiés (fig. 1). Ainsi, pour une migration proximale moyenne de 2 millimètres, mesurée dans les deux premières années après implantation, le taux de révision des cupules concernées par cette migration était de l ordre de 30 % au recul de 6 ans. La méthode EBRA (Ein Bild Röntgen Analyse), essentiellement développée dès la fin des années 1990 par T. Ilchmann en Autriche, s est avérée beaucoup plus perfor-

72 C. DELAUNAY FIG.1. Diagramme de la correspondance entre la migration proximale moyenne des cupules à 2 ans (ordonnée, en mm) et les taux de révision correspondants au-delà de la 6 e année postopératoire (abscisse, en %) [extrait de l article de Stocks et al. (6), avec permission]. mante que les radiographies standards pour détecter les migrations précoces des cupules des PTH, de même que pour mesurer l usure des implants en PE [Ilchmann et al. (7)]. Elle fut utilisée dans l étude autrichienne de Boehler et al. (8) comparant deux groupes de PTH identiques comportant des cupules modulaires non cimentées à l exception de leur couple de frottement, bille alumine-insert PE versus bille alumine-insert alumine. Dans les 2 premières années post-implantation, la méthode EBRA indiquait 4 fois moins de migration avec la combinaison alumine-pe et cliniquement au-delà de la 6 e année, une probabilité de révision acétabulaire pour descellement aseptique de 1,8 % ( 1,7) pour la combinaison alumine-pe, alors qu elle atteignait déjà 11 % ( 6) pour la combinaison alumine-alumine précocement moins stable, cette différence étant significative (p = 0,032). La valeur prédictive péjorative de la détection d une migration des implants acétabulaires dans les deux années suivant leur implantation suggérée par les travaux de Freeman, se voyait donc bien confirmée dans l étude EBRA de Boehler et al. (8). Tout récemment, une étude prospective et randomisée similaire a été menée par l équipe de Krismer à l université d Innsbruck [Pabinger et al. (9)]. Elle comparait là encore deux groupes de PTH identiques (tiges et cupules acétabulaires cimentées de Weber) à l exception de la nature de leur couple de frottement en 28 millimètres, CoCr-CoCr- Metasul versus céramique d alumine-pe. Dans les deux premières années après l implantation, la méthode EBRA mettait en évidence une nette tendance à une migration moindre des cupules avec la combinaison Metasul (0,4 mm versus 1,1 mm pour les cupules avec couple de frottement alumine-pe), mais cette différence n atteignait pas le niveau de significativité requis (p = 0,07). Les auteurs en concluaient cependant que le couple de frottement Metasul n entraînait pas de migration plus importante des cupules malgré un coefficient de friction théoriquement supérieur (ce qui était leur hypothèse de départ). La synthèse de ces données comparatives permet de constater que par la méthode performante EBRA et à calibre identique, la stabilité primaire des cupules acétabulaires cimentées des PTH équipées d un couple de frottement Metasul est supérieure à celle des cupules acétabulaires avec couple céramique d alumine-pe, elle-même supérieure à celle des cupules acétabulaires non cimentées à couple de frottement alumine-alumine. Cette meilleure stabilité initiale des cupules acétabulaires Metasul devrait selon la théorie de Freeman se traduire par une réduction de la fréquence des «descellements» et des révisions à plus long terme. Usure et ostéolyse Dans l étude précédente de Pabinger et al. (9), la méthode EBRA avait permis de mesurer une usure moyenne in vivo des couples alumine-pe qui atteignait déjà 0,72 mm à la fin de la 2 e année après implantation alors qu elle n était toujours pas décelable pour la combinaison Metasul, et ce malgré la finesse de détection de la méthode EBRA utilisée. Dans la population générale, nos études prospectives avec une PTH non cimentée à couple de frottement alumine-pe en 28 mm (Alloclassic, Zimmer-Centerpulse, Winterthur, CH) ont toujours démontré une excellente ostéointégration des composants. En revanche, la fréquence de survenue d une ostéolyse, quoique faible, ne cesse d augmenter avec le temps d observation, de 1 % à 6 ans de recul moyen à 3,4 % à 7,3 ans [Delaunay et al. (10, 11)]. De plus, il est bien acquis que l usure des couples de frottement des PTH est liée à l intensité de l usage qu en font les patients, logiquement corrélée à leur espérance de vie et à leur niveau d activité [Delaunay (4), Heisel et al. (5)]. Dans une étude multicentrique d une série de 115 PTH primaires non cimentées à couple de frottement alumine-pe en calibre 28 mm chez des patients de moins de 65 ans, Bonnomet et al. (12) retrouvaient après un recul moyen de 8,2 ans (de 5 à 12 ans) une usure globale de l insert en PE supérieure à 1 mm dans 9,6 % des cas et une probabilité de survenue d une ostéolyse fémorale confirmée de 3,9 % à 10 ans. Une de ces PTH avec ostéolyse étendue détectée dès la 5 e année a depuis été reprise, 11 ans après l intervention initiale (fig. 2). Dans une série personnelle prospective de 109 PTH consécutives du même modèle que celui utilisé dans l étude de Bonnomet et al. (12) mais avec un couple de frottement Metasul, implantées de mai 1995 à octobre 2002 chez nos patients de moins de 65 ans, nous retrouvons actuellement pour un recul moyen de 3,8 ans seulement (1 à 8 ans) : aucune usure radiologiquement encore décelable

UN COUPLE DE FROTTEMENT MÉTAL-MÉTAL PEUT-IL AMÉLIORER LA LONGÉVITÉ DES PROTHÈSES TOTALES DE HANCHE? 73 [ce qui vient confirmer à plus long terme les constations déjà faites à 2 ans avec la méthode EBRA par Pabinger et al. (8)] ; une hanche avec ostéolyse fémorale proximale en zone 1 de Gruen cliniquement asymptomatique ; et une probabilité de survie des tiges et des anneaux vissés pour l événement «descellement aseptique» de 100 % à 8 ans avec seulement 23 hanches «à risque» (données non publiées par manque de recul). À ce jour cependant, la comparaison entre ces deux études menées chez des patients de moins de 65 ans avec des PTH non cimentées voisines, indique qu au recul de 8 ans, les PTH à couple de frottement Metasul montrent peu de remaniements ostéolytiques fémoraux et encore aucune usure détectable, ce qui n est déjà plus le cas avec le couple alumine-pe 28 millimètres. La littérature est encore pauvre en résultats de séries cliniques avec le couple Metasul, qui n a rappelons-le que 8 ans d ancienneté dans sa forme actuelle. Signalons cependant les bons résultats de la séries de Yun et al. (13) avec 100 PTH Metasul, aucune ostéolyse inquiétante et une survie de 98,8 % à 11 ans pour l événement «révision pour descellement aseptique». Chez des patients de moins de 50 ans, les résultats de la série de Migaud et al. (14) sont prometteurs, encore sans aucun signe de descellement mais pour un recul moyen plus modeste de 5,1 ans seulement. Fréquence des luxations et phénomènes de «piston-décoaptation» FIG. 2. Ostéolyse fémorale et usure de l insert acétabulaire en polyéthylène avec excentration de la bille prothétique chez un patient âgé de 50 ans opéré 8 ans auparavant [extrait de l article de Bonnomet et al. (12)]. La survenue d une luxation représente un événement majeur dans l évolution des PTH dont la morbidité et les conséquences fonctionnelles restent pour les patients un sujet permanent de préoccupation. La réduction de leur fréquence repose sur de nombreux facteurs, techniques et démographiques, au sein desquels les facteurs tribologiques (en dehors du calibre des implants en frottement) sont encore mal appréciés. C est de façon relativement empirique que Clarke et al. (15) avaient constaté une apparente réduction de la fréquence des luxations de leur PTH après introduction dans leur pratique en 1998 de l usage d une cupule à couple métal-métal en 28 millimètres (Ultima, Johnson & Johnson), en remplacement du couple céramique-pe (à débord postérieur) de même calibre utilisé précédemment, mais toujours sur la même PTH. Ils étudièrent alors toutes les arthroplasties primaires réalisées de 1995 à 2002, en excluant certaines conditions cliniques connues pour favoriser l instabilité prothétique (âge > 70 ans, énolisme et déficits neuro-musculaires). Dans le groupe de 140 PTH à couple de frottement céramique-pe, le taux de luxation était de 6,2 % (malgré l insert en PE à débord postérieur utilisé) alors qu il chutait à 0,9 % dans le groupe de 109 PTH identiques à couple de frottement métal-métal, cette différence étant significative (p = 0,02). Les auteurs cherchèrent à expliquer ce résultat en menant une étude expérimentale sur les effets combinés du moment d extraction et de la cinétique du mouvement nécessaires à l obtention de la décoaptation entre les éléments des couples de frottement. Pour toutes les combinaisons étudiées, la force de rétention s opposant à la séparation des éléments du couple de frottement s est montrée significativement supérieure (ANOVA, p < 0,001) pour le couple CoCr-CoCr (maximum, 30 N à 10 cm/s) à celle relevée pour le couple céramique-pe (maximum, 4,1 N à 50 cm/s). Or, la même différence existait dans notre série prospective, mais non randomisée, de 340 PTH primaires non cimentées Alloclassic (tiges SL et anneaux vissés CSF) réalisées consécutivement de mai 1995 à octobre 2003, par le même opérateur et par la même voie d abord postéro-latérale que celle utilisée par Clarke et al. (15). Nous avons colligé un taux de luxations de 8,2 % pour le groupe de 170 PTH à couple de frottement alumine-pe- 28 mm et de 2,3 % avec le couple Metasul-28 mm, différence elle aussi significative (Chi 2 avec correction de continuité, p = 0,03). L âge des patients de part et d autre de 65 ans n avait aucun effet significatif sur cette différence (p = 0,59). À l origine de cette meilleure cohésion entre les composants métalliques du couple de frottement, l hypothèse d un effet «d adhésivité et de succion» établi sous l influence de la dureté du matériel (CoCr), de la viscosité du film liquidien et du jeu articulaire inter-prothétique (clearance) a été avancée. Un tel effet, bien illustré par la figure 3,

74 C. DELAUNAY FIG.3. Illustration du phénomène de «suction fit» maintenant la cohésion contre pesanteur d un couple métal-métal 28 mm (a) par rapport à un couple céramique d alumine-polyéthylène 28 mm (b) [extrait de l article de Clarke et al. (15), avec permission]. a b pourrait en partie expliquer la réduction de la fréquence des luxations observé par Clarke et al. (15) et par nous-mêmes. Ces informations sont à interpréter à la lumière des travaux expérimentaux récents menés par les équipes de Nassut et al. (16) et Nevelos et al. (17) rapportant les effets extrêmement péjoratifs sur l usure des couples de frottement de l introduction dans le fonctionnement des simulateurs de hanche des phénomènes d arrêt, de redémarrage et de décoaptation («piston»). Ces phénomènes tentent de simuler plus étroitement les modifications des rapports inter-prothétiques qui surviennent entre les deux composants du couple de frottement lors de mouvements de la vie courante, en particulier la décoaptation (sliding) bien mise en évidence in vivo par Lombardi et al. (18) lors de l enregistrement de la marche sur tapis roulant à l aide de la vidéo-fluoroscopie et après traitement informatique permettant l acquisition d images 3D (fig. 4). Tout récemment, cette dernière équipe a comparé la cinétique in vivo de 2 groupes de 10 patients chacun prothésés par des PTH identiques excepté la nature de leur couple de frottement en 28 millimètres, CoCr-PE versus Cocr-CoCr «Ultima» [Komistek et al. (19)]. La décoaptation moyenne mesurée était de 2 mm (de 0,8 à 3,1 mm) pour les couples CoCr-PE et de 0,38 mm seulement (de 0,3 à 0,5 mm) pour les couples CoCr-CoCr, cette différence étant significative (test t de Student, p = 0,0021). La synthèse des ces données cliniques et tribologiques permet de conclure que, pour des combinaisons de même calibre, la stabilité entre les composants des articulations prothétiques CoCr-CoCr est supérieure à celle des couples comportant du PE conventionnel en frottement. DISCUSSION FIG.4. Principe de mesure de la décoaptation entre bille et insert en radio-cinéma [extrait de l article de Komistek et al. (19), avec permission]. Les arguments précédents sont à confronter aux informations publiées depuis 2000 sur les autres couples de frottement. Alors que cimentée ou non, la fixation acétabulaire des implants Metasul ne pose toujours pas de problème particulier, ce que confirme la série de Long et al. (13), l inverse a été observé depuis 30 ans pour la fixation des cupules avec noyau d alumine massive, en particulier en France. L échec des fixations cimentées et non cimentées par anneau vissé ou impaction directe (Cerapress ), vient encore d être tout récemment confirmée par l équipe de Lariboisière dans une série d ostéonécroses de hanche, avec

UN COUPLE DE FROTTEMENT MÉTAL-MÉTAL PEUT-IL AMÉLIORER LA LONGÉVITÉ DES PROTHÈSES TOTALES DE HANCHE? 75 70 % seulement de survie à 15 ans pour l événement «révision acétabulaire pour descellement aseptique» [Nich et al. (20)]. Dans le même ordre d idée, les résultats de la série originale de PTH à couple alumine-alumine de Boutin, indiquaient une survie des implants acétabulaires de 61,2 % seulement à 20 ans [Hamadouche et al. (21)]. Entre temps, la cupule non-cimentée à treillis de titane Cerafit (Ceraver-Osteal, Roissy), qui était présentée depuis 1990 comme l option de choix pour la fixation acétabulaire du couple alumine-alumine, est actuellement remplacée par la cupule Cerafit-HA dont les premières implantations ont débuté en 1998 et n ont donc que 6 ans de recul. En 2003 enfin, la même équipe faisait le point sur les 13 fractures d implants en alumine connues parmi leurs propres implants : 8 fractures de bille sur 5 500 (dont 1 200 en face d une cupule en PE) et 5 fractures d insert sur 3 300, soit un risque fracturaire globalement de l ordre de 15 pour 10 000 [Hannouche et al. (22)]. Quant à l option céramique d alumine acétabulaire avec PE «en sandwich», le risque fracturaire évoqué par l auteur en 2000 s est vu confirmé depuis, non pas tant en France, avec quelques déclarations à l AFSSAPS, mais surtout au Japon, où la société Kyocera Inc. était depuis 1995 chef de file de cette option en 28 millimètres, avec un taux de fracture élevé de l ordre de 0,6 % (34 cas sur > 5 000 inserts ABS ) rapporté par Hasegawa et al. (23). En ce qui concerne les nouveaux PE hautement réticulés, de nombreuses études cliniques sont actuellement en cours de réalisation. Signalons tout particulièrement l étude randomisée de l université de Göteborg dont les premiers résultats viennent d être communiqués par Digas et al. (24). À deux ans et sur 61 hanches, la radio-stéréométrie (RSA) et la radio-absorbtiométrie (DEXA) ne mettaient en évidence aucune différence significative entre les cupules de Weber cimentées (au Palacos-gentamycine) réalisées en PE conventionnel (Sulene, Zimmer-Centerpulse) ou en PE hautement réticulé (Durasul, Zimmer-Centerpulse). Il est intéressant de noter que sur les 2 premières années d usage in vivo chez des patients relativement jeunes (55 ans d age moyen) et normalement actifs, l usure moyenne tri-dimensionnelle globale était de 0,22 mm pour le PE-conventionnel et déjà de 0,18 mm pour le PE-Durasul (différence non significative, p = 0,1). Ce dernier chiffre de l ordre de 0,09 mm d usure moyenne linéaire annuelle, se situe dans l ordre de grandeur des données plus anciennement rapportées dans de nombreuses études en 22,2 ou 28 mm avec des couples de frottement standards [Delaunay (4)]. Avec un autre matériel hautement réticulé (PE Marathon, De Puy, Warsaw, États-Unis), à plus de 2 ans de recul moyen, la réduction d usure était de 81 % par rapport à un PE conventionnel, de l ordre de 0,02 millimètres linéaires par an, soit 17 mm 3 [Heisel et al. (25)]. Ces chiffres plus satisfaisants restent cependant en contradiction avec les données tribologiques obtenues in vitro selon lesquelles aucune usure n était détectable en 22 et 28 mm après 20 millions de cycles sur simulateur, ce qui correspond à environ 10 années d usage in vivo [Muratoglu et al. (26)]. Cette discordance entre les données d usure des implants en PE obtenues in vitro et in vivo n est pas nouvelle et semble devoir se répéter avec les PE à haute réticulation, du moins au court recul des 2 premières années. Elle est évoquée par l analyse de 21 explants d un PE hautement réticulé, montrant d importantes lésions de surface (abrasions, délamination, rayures) qui n avaient jamais été rapportées dans les études sur simulateur [Bradford et al. (27)]. Des réserves sont néanmoins encore d actualité concernant les couples de frottement métal-métal de type Metasul, en particulier en ce qui concerne les risques toxiques potentiels liés à la dissémination prolongée des débris métalliques dans la circulation générale ou à leur possible accumulation à distance dans l organisme [Jacobs et al. (28)]. En ce qui concerne le risque hématologique, il ne paraît plus aussi immédiat, la mortalité par cancer étant de 27,5 pour 10 000 personnes-années dans le groupe des patients porteurs d une PTH métal-métal de première génération (McKee-Farrar) pour 39/10 000 chez les patients porteurs de PTH couple de frottement conventionnels métal- PE dans l étude finlandaise de Visuri et Pukkala (29). Tout récemment, Visuri lors d une communication orale à la réunion de l EFORT (Helsinki, 2003) a rapporté, dans une population de 600 patients porteurs de PTH à couples métal-métal «modernes», une fréquence de cancer «normalement» attendue, mais sur une période de surveillance de 8 années seulement (données non publiées). Ce recul est certainement insuffisant pour être définitivement rassurant sur ce point. L élévation de la cobalthémie dans le sérum ou le sang total des patients porteurs d une prothèse de hanche avec un couple de frottement Metasul est une donnée bien établie depuis les travaux de Brodner et al. (30). Ce type d information peut être interprétée de 2 façons opposées : négativement, si l on considère que toute élévation anormale (augmentation de la production ou réduction des capacités d excrétion par insuffisance rénale, par exemple) sera la source de manifestations potentiellement «toxiques» à plus ou moins long terme : positivement, si l on considère que les débris d usure des couples de frottement métalliques sont «naturellement» éliminables et ne s accumulent donc pas dans l effective joint space, ce qui ne peut avoir qu un effet favorable sur la survenue d une ostéolyse périprothétique. De plus, la surveillance du taux de cobalt circulant pourrait représenter un excellent moyen de surveillance du fonctionnement intime du couple de frottement. Dans l expérience de l auteur, cette surveillance biologique s est montrée efficace, permettant de dépister certains dysfonctionnement mécaniques à type d effets came col-cupule (impingement), tout particulièrement mal tolérés par les couples «dur-sur-dur» (alumine-alumine et métal-métal). Dans l étude portant sur les 100 premières PTH Metasul de l auteur, ces effets cames ont été détectés suite à des élévations anormales de la cobalthémie qui étaient significative-

76 C. DELAUNAY ment liées à des antéversions exagérées des cupules acétabulaires (p = 0,0001) et à la présence de billes à jupe du premier modèle Metasul commercialisé de 1988 à 1995 [Delaunay (31)]. Antéversion exagérée de l anneau vissé et effet came lié à une bille à jupe ont généré le taux de cobalt le plus élevé de la série (36 g/l de sang total) et ont conduit à la nécessité de révision de l implant fémoral correspondant, secondairement désancré après 7 ans et 8 mois de fonctionnement in vivo. Cette révision a été immédiatement suivie d une chute de la cobalthémie, à 2,5 g/l au 2 e mois et indétectable au dernier contrôle. En revanche, l absence de relation significative entre l élévation de la cobalthémie et le niveau d activité le plus élevé de nos patients (Devane 4 et 5 pour 33 % des cas avec un âge moyen de 59 ans pour l ensemble de la série) représente une information particulièrement positive dans la mesure où ce type de couple de frottement à haute résistance à l usure est justement avant tout destiné aux patients les plus actifs, qui ne sont d ailleurs pas forcément les plus jeunes. Quant au retour à des arthroplasties de resurfaçage avec des implants métalmétal de grande taille, les premiers résultats clinique publiés sont prometteurs [Daniel et al. (32), Amstutz et al. (33)]. Cependant, dans l étude comparative de Clarke et al. (34), ces grands calibres s accompagnent d une élévation moyenne du cobalt sérique plus importante, de l ordre de 38 nmol/l versus 22 nmol/l pour le calibre 28 millimètres plus conventionnel. Néanmoins, de nombreuses inconnues persistent encore sur les réelles performances tribologiques des couples métal-métal disponibles sur le marché, mais dont les caractéristiques métallurgiques ne sont pas identiques. Dans une mise au point récente, Nevelos et al. (35) confirment que les performances des couples métal-métal forgés à haute concentration de carbone pour les 2 composants, ce qui est le cas du Metasul, sont bonnes dans les circonstances de fonctionnement physiologiques, alors que la résistance à l usure des couples métal-métal à basse concentration de carbone pour les 2 composants n est pas satisfaisante, ce qui avait été observé cliniquement avec le couple Sikomed SM21 (EndoPlus) abandonné depuis [(Delaunay (4)]. Il est surtout important de resituer la production de débris métalliques provenant d un couple de frottement prothétique au sein de toutes les autres sources possiblement induites par l introduction de corps étrangers métalliques dans l organisme humain. Des élévations systémiques du cobalt et du chrome ont été aussi mises en évidence avec des PTH à couple de frottement «conventionnel» métal-pe descellées, non cimentées [Kreibich et al. (36)] ou cimentées [Damie et Favard (37)], mais aussi non descellées cimentées [Harding et al. (38)], comme avec des prothèses totales de genou non cimentées [Liu et al. (39)], des clous centro-médullaires modulaires [Jones et al. (40)], etc. À l évidence, le recours à un couple de frottement métal-métal ne représente qu une origine de plus au sein de toutes les sources possibles de débris métalliques circulant. Reste le problème des réactions d hypersensibilité retardée mises en évidence par Willert et al. (41) dans les tissus recueillis autour de PTH à couples de frottement métalmétal lors de leur révision. La fréquence des allergies aux métaux, de l ordre de 10 à 15 % dans la population générale, double chez les patients porteurs d implants métalliques, et quintuple en cas d échec (descellement d arthroplastie) ou de dysfonctionnement pour atteindre 50 à 60 % [Jacobs et al. (28)]. La question, toujours en suspens, est de savoir si l allergie métallique est la cause du descellement ou sa conséquence. Dans le cas de révision fémorale pour descellement rapporté par l auteur, il existait un dysfonctionnement mécanique évident par effet came entre la jupe de la bille et le débord de la cupule acétabulaire Metasul du premier modèle, mais l analyse histologique des tissus, réalisée par l équipe de Willert, retrouvait aussi des réactions cellulaires indiquant un processus d hypersensibilité retardée de type IV. Il est tout aussi inconnu à ce jour de savoir si l allergie métallique est un phénomène sporadique ne concernant que quelques patients «susceptibles», où s il s agit d un phénomène beaucoup plus courant jouant un rôle important dans la genèse des échecs des implants. Ces considérations sont d une importance primordiale pour les patients porteurs de PTH à couple de frottement métalmétal présentant une élévation chronique des concentrations systémiques d ions métalliques. CONCLUSION Avec le couple de frottement Metasul ont été observées radiographiquement, une réduction de la migration précoce des implants acétabulaires ainsi que de l usure et de la survenue de l ostéolyse à court terme, et cliniquement, une réduction de la fréquence des luxations. Ainsi, après seulement huit années d expérience en France, et dans l état actuel des données de la littérature et des observations cliniques en cours, le couple de frottement CoCr-sur-CoCr Metasul représente bien encore, en parallèle avec les couples alumine-alumine et le recours aux nouveaux polyéthylènes hautement réticulés, une option potentiellement susceptible d améliorer la longévité des arthroplasties totales de la hanche. Les réponses aux questions non résolues sur la carcinogenèse et surtout sur l importance du risque immuno-allergique ne seront obtenues que lorsque l on disposera d études épidémiologiques multicentriques à long terme et de meilleures connaissances en biologie moléculaire et dans la science des bio-matériaux. Références 1. MALCHAU H, HERBERTS P, AHNFELT L : Prognosis of total hip replacement in Sweden. Follow-up of 92,675 operations performed 1978-1990. Acta Orthop Scand, 1993, 64, 497-506.

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