Tumeurs endocrines thoraciques et digestives
Springer Paris Berlin Heidelberg New York Hong Kong Londres Milan Tokyo
Éric Baudin Michel Ducreux Tumeurs endocrines thoraciques et digestives
Éric Baudin 39, rue Camille Desmoulins 94805 Villejuif Michel Ducreux 39, rue Camille Desmoulins 94805 Villejuif ISBN-13 : 978-2-287-35573-8 Springer Paris Berlin Heidelberg New York Springer-Verlag France, Paris, 2008 Imprimé en France Cet ouvrage est soumis au copyright. Tous droits réservés, notamment la reproduction et la représentation, la traduction, la réimpression, l exposé, la reproduction des illustrations et des tableaux, la transmission par voie d enregistrement sonore ou visuel, la reproduction par microfilm ou tout autre moyen ainsi que la conservation des banques de données. La loi française sur le copyright du 9 septembre 1965 dans la version en vigueur n autorise une reproduction intégrale ou partielle que dans certains cas, et en principe moyennant le paiement des droits. Toute représentation, reproduction, contrefaçon ou conservation dans une banque de données par quelque procédé que ce soit est sanctionnée par la loi pénale sur le copyright. L utilisation dans cet ouvrage de désignations, dénominations commerciales, marques de fabrique, etc. même sans spécification ne signifie pas que ces termes soient libres de la législation sur les marques de fabrique et la protection des marques et qu ils puissent être utilisés par chacun. La maison d édition décline toute responsabilité quant à l exactitude des indications de dosage et des modes d emplois. Dans chaque cas il incombe à l usager de vérifier les informations données par comparaison à la littérature existante. Maquette de couverture : Jean-François Montmarché FMC Au titre de la formation médicale continue, l achat de cet ouvrage vous donne droit à deux crédits.
Liste des auteurs Marie-Françoise Avril Éric Baudin Valérie Billard Françoise Borson-Chazot Guillaume Cadiot Catherine Cardot-Bauters Philippe Chanson Service de dermatologie Hôpital Cochin 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques 75679 Paris Cedex 14 Médecine nucléaire et oncologie endocrinienne Service d anesthésie-réanimation Service d endocrinologie Hôpital neurologique et neurochirurgical Pierre-Wertheiner 59, boulevard Pinel 69394 Lyon Cedex 03 Hôpital Robert Debré Service d hépato-gastro-entérologie Avenue du Général Koenig 51092 Reims Cedex Clinique Marc Linquette CHRU de Lille Rue du Pr. Laguesse 59037 Lille Cedex Service d endocrinologie et des maladies de la reproduction Hôpital Bicêtre 78, rue du Général-Leclerc 94275 Le Kremlin-Bicêtre
VI Tumeurs endocrines thoraciques et digestives Mohammed Cheikh Olivier Corcos Carine Corone Thierry de Baère Michèle d Herbomez Sonia Delaporte-Cerceau Clarisse Dromain Michel Ducreux Dominique Elias Francesco Giammarile Service d anesthésie-réanimation Centre hospitalier de Lagny 31, avenue Général-Leclerc 77400 Lagny-sur-Marne Service de gastro-entérologie Hôpital Beaujon 100, boulevard du Général-Leclerc 92110 Clichy Service de médecine nucléaire Centre René-Huguenin 35, rue Dailly 92210 Saint-Cloud Service de radiologie interventionnelle Clinique Marc Linquette CHRU de Lille Rue du Pr. Laguesse 59037 Lille Cedex Service d anesthésie-réanimation Hôpital Necker - Enfants Malades 149, rue de Sèvres 75743 Paris Cedex 15 Service de radiodiagnostic et imagerie médicale Service de gastro-entérologie Département de médecine et département de cancérologie Hôpital universitaire Paul-Brousse Rue P. Vaillant-Couturier Service de chirurgie générale carcinologique Service de médecine nucléaire Centre hospitalier Lyon Sud 165, chemin du Grand-Revoyet 69495 Pierre-Bénite Cedex
Liste des auteurs VII Marc Giovannini Diane Goéré Pierre Goudet Joël Guigay Valérie Hervieu Peter Kamenicky Sophie Leboulleux Côme Lepage Cécile Le Péchoux Catherine Lombard-Bohas Service de gastro-entérologie-endoscopie Institut Paoli-Calmettes 232, boulevard Sainte-Marguerite BP 156 13273 Marseille Cedex 9 Service de chirurgie viscérale et digestive Service de chirurgie viscérale et urgences Hôpital général 21033 Dijon Cedex Département de médecine Service central d anatomie et cytologie pathologiques INSERM U45 Hôpital Edouard-Herriot 5, place d Arsonval 69437 Lyon Cedex 03 Service d endocrinologie et des maladies de la reproduction Hôpital Bicêtre 78, rue du Général-Leclerc 94275 Le Kremlin-Bicêtre Service de médecine nucléaire et de cancérologie endocrinienne Registre Bourguignon des cancers digestifs Inserm UMR 266 Faculté de médecine 7, boulevard Jeanne d Arc BP 87900 21079 Dijon Cedex Département de radiothérapie Service d oncologie médicale Hôpital Edouard-Herriot 5, place d Arsonval 69437 Lyon Cedex 03
VIII Tumeurs endocrines thoraciques et digestives Jean Lumbroso David Malka Emmanuel Mitry Patricia Niccoli-Sire Dermot O Toole Philippe Ruszniewski Jean-Yves Scoazec Antoine Tabarin Jacques Young Service de médecine nucléaire et de cancérologie endocrinienne Unité de gastro-entérologie Département de médecine Service d hépato-gastro-entérologie et oncologie digestive CHU Ambroise Paré 9, avenue Charles de Gaulle 92100 Boulogne Service d endocrinologie CHU Timore 254, rue Saint-Pierre 13385 Marseille Cedex 05 Service de gastro-entérologie CHU d Angers 4, rue Larrey 49933 Angers Cedex 9 Service de gastro-entérologie Hôpital Beaujon 100, boulevard du Général-Leclerc 92110 Clichy Service central d anatomie et cytologie pathologiques INSERM U45 Hôpital Edouard-Herriot 5, place d Arsonval 69437 Lyon Cedex 03 Service d endocrinologie Hôpital du Haut-L Évêque 5, avenue de Magellan 33604 Pessac Cedex Service d endocrinologie Hôpital Bicêtre 78, rue du Général-Leclerc 94275 Le Kremlin-Bicêtre Cedex
Avant-propos Malgré leur relative rareté les tumeurs endocrines présentent la particularité d intéresser de très nombreux spécialistes. En particulier, différents cliniciens tels que les gastro-entérologues, les endocrinologues, les chirurgiens et les cancérologues prennent régulièrement en charge ce type de patients. Au-delà de la grande variété symptomatique de la maladie, il existe de multiples spécificités en termes de suivi biologique, d imagerie, et d anatomo-pathologie qui méritent d être décrites précisément et cet ouvrage apporte une information récente et détaillée dans ce sens. Une justification supplémentaire à cette publication provient de l apparition de nouveaux marqueurs biologiques de ces tumeurs, l application de nouvelles techniques d imagerie et les modifications itératives des classifications pathologiques qui imposaient à l évidence une mise au point récente et pratique. En plus de ces particularités de caractérisation et de compréhension, les tumeurs endocrines posent régulièrement des problèmes de prise en charge en pratique clinique et la rareté des référentiels abordant pleinement ces problèmes thérapeutiques rend souvent la décision difficile. Pour toutes ces raisons, un ouvrage de référence sur les tumeurs endocrines manquait dans de nombreuses bibliothèques où il trouvera naturellement sa place. Les coordonnateurs de cet ouvrage se sont appuyés sur le réseau des spécialistes de ces tumeurs appartenant au Groupe des Tumeurs Endocrines (GTE) afin d obtenir des chapitres clairs, concis et actuels sur toutes ces facettes de ces tumeurs fascinantes par leur complexité et leur polymorphisme. La mobilisation rapide et sans faille de ces acteurs a permis rédaction de cet ouvrage qui nous l espérons vous apportera une information de qualité facilement utilisable dans votre pratique quotidienne. Les auteurs remercient les Pr Schlumberger et Rougier pour leur rôle majeur dans l organisation de cette thématique à l institut Gustave Roussy. Les auteurs remercient également les membres du Groupe français des Tumeurs Endocrines (gte.com) qui ont participé à la rédaction de cet ouvrage et en ont assuré la qualité. Éric Baudin et Michel Ducreux
Introduction Les tumeurs endocrines (TE) sont définies par l expression de protéines de structures et de produits hormonaux communs aux neurones et aux cellules endocrines. Cette définition englobe un groupe de tumeurs dérivées de l endoderme, également appelées gastro-entéro-pancréatiques (GEP) ou dérivées du neuroectoderme. Ces dernières ne seront pas traitées dans cet ouvrage à l exception de quelques chapitres où il nous a semblé intéressant de couvrir cette thématique en tant que modèle applicable aux tumeurs endocrines GEP. De la même manière, les carcinomes endocrines à petites cellules, qui sont depuis toujours pris en charge par les oncologues et les pneumologues, ne seront pas abordés dans ce livre en dehors de quelques chapitres où ils constituent un modèle intéressant de prise en charge des carcinomes endocrines peu différenciés. La prise en charge des tumeurs endocrines est souvent considérée comme complexe par les cliniciens. Cette complexité peut s expliquer par leur faible incidence, par la diversité des terminologies utilisées pour les désigner, par la diversité des sièges et les multiples aspects de leur caractérisation qui seront détaillés dans cet ouvrage. La pluridisciplinarité et les approches locales, régionales, nationales en réseau sont donc indispensables. Les TE GEP partagent des caractéristiques communes qui font leurs singularités, comme la variété des grades histopronostiques, la capacité de sécrétions hormonales, s accompagnant ou non de retentissement clinique, la multiplicité des marqueurs biologiques, l association potentielle au sein de syndromes de prédisposition, la place prépondérante de l imagerie scintigraphique fonctionnelle, l hypervascularisation comme vecteur de qualité de l imagerie conventionnelle. Des paramètres pronostiques communs résultant en une prise en charge thérapeutique similaire amènent également à considérer ces tumeurs comme une entité clinique unique. La première partie de cet ouvrage fait le point sur les caractéristiques cliniques et pronostiques des tumeurs endocrines gastro-entéro-pancréatiques
XII Tumeurs endocrines thoraciques et digestives (TE GEP) non à petites cellules. La seconde partie discute séparément les différentes armes thérapeutiques. Dans ce livre, nous avons fait le choix d une approche transversale fondée sur les caractéristiques communes transversales de ces tumeurs à l exception des tumeurs de Merkel traitées dans un chapitre autonome. Cette approche nous semble la plus simple pour aborder ce groupe de tumeurs. L influence de chaque primitif est donc rappelée au sein de chaque chapitre. Nous utiliserons le terme de «tumeur endocrine» ou «tumeur neuroendocrine», pour définir des tumeurs bénignes ou malignes. Le terme de tumeur endocrine est consacré par la dernière classification de l Organisation mondiale de la santé (OMS) 2000 des tumeurs digestives, mais il n est pas reconnu par la dernière classification OMS 2004 des tumeurs pulmonaires et thymiques qui maintient la terminologie de tumeurs neuroendocrines. Le terme «carcinoïde» se référera aux tumeurs bien différenciées. Le terme carcinome sera employé pour définir les tumeurs malignes. Nous espérons que la lecture de cet ouvrage vous apportera une meilleure compréhension de cette pathologie et vous convaincra du caractère indispensable d une approche multidisciplinaire.
Sommaire Embryologie et anatomopathologie Classification histologique des tumeurs endocrines... 3 V. Hervieu et J.-Y. Scoazec Épidémiologie Épidémiologie des tumeurs endocrines... 21 C. Lepage et J. Guigay Bilan clinique, biologique et classifications Tumeurs endocrines gastro-entéro-pancréatiques (TE GEP) Classifications, présentations cliniques, marqueurs biologiques... 29 É. Baudin, M. Ducreux et M. d Herbomez Particularités du syndrome de Zollinger-Ellison... 45 G. Cadiot Particularités de l insulinome... 53 P. Chanson et P. Kamenicky Comorbidité et particularités des complications des tumeurs endocrines sécrétrices de sérotonine... 63 E. Mitry Particularités des tumeurs endocrines avec sécrétion ectopique d ACTH... 69 J. Young et A. Tabarin
XIV Tumeurs endocrines thoraciques et digestives Imagerie Imagerie conventionnelle des tumeurs endocrines... 91 C. Dromain Échoendoscopie et tumeurs endocrines... 101 M. Giovannini et P. Niccoli-Sire Imagerie isotopique des tumeurs endocrines gastro-entéro-pancréatiques... 115 C. Corone Syndromes de prédisposition Syndromes de prédisposition héréditaires aux tumeurs endocrines gastro-entéro-pancréatiques... 129 C. Cardot-Bauters Facteurs pronostiques Tumeurs endocrines gastro-entéro-pancréatiques (TE GEP) : facteurs pronostiques... 141 É. Baudin, D. Malka, J. Guigay et M. Ducreux Traitements Anesthésie des tumeurs endocrines... 149 V. Billard, M. Cheikh et S. Delaporte-Cerceau Chirurgie des tumeurs endocrines (primitif et métastases)... 169 D. Elias et D. Goéré Prises en charge des tumeurs endocrines du duodéno-pancréas des NEM 1... 185 P. Goudet Prises en charge des tumeurs endocrines du duodéno-pancréas de la maladie de Von Hippel-Lindau... 191 P. Goudet Traitement antisécrétoire des tumeurs endocrines... 195 O. Corcos, D. O Toole et P. Ruszniewski Chimiothérapie des tumeurs endocrines... 215 M. Ducreux, É. Baudin et C. Lombard-Bohas Traitement locorégional des métastases hépatiques de tumeurs endocrines... 233 T. de Baère Radiothérapie des tumeurs endocrines... 249 S. Leboulleux et C. Le Péchoux
Sommaire XV Radiothérapie métabolique des carcinomes endocrines bien différenciés... 267 S. Leboulleux et J. Lumbroso Radiodétection peropératoire des tumeurs endocrines... 289 F. Giammarile et F. Borson-Chazot Particularités des tumeurs de Merkel Tumeur de Merkel : du diagnostic au traitement... 301 M.-F. Avril Glossaire et termes synonymes... 309
Embryologie et anatomopathologie
Classification histologique des tumeurs endocrines V. Hervieu et J.-Y. Scoazec Les tumeurs endocrines sont des tumeurs rares, développées aux dépens des glandes endocrines (comme l hypophyse, la thyroïde, la surrénale) ou des populations de cellules endocrines dispersées au sein de nombreux organes (comme le tube digestif, le pancréas, les poumons ) (tableau I). Certaines d entre elles se rencontrent même dans des organes dépourvus de populations Tableau I - Principales tumeurs endocrines et leurs produits hormonaux (selon la classification OMS, 2000). Hypophyse Parathyroïde Localisation et type Carcinome médullaire de la thyroïde Thymus Poumons Estomac Duodénum Jéjunum et iléon Appendice Côlon et rectum Pancréas Paragangliomes : tête et cou système sympathique Phéochromocytome (médullo-surrénale) Cortico-surrénale Hormones principales ACTH, PRL, GH, TSH, FSH/LH Parathormone Calcitonine ACTH Sérotonine, calcitonine, bombésine Histamine, sérotonine Sérotonine, gastrine, somatostatine Sérotonine, substance P Sérotonine, substance P a. Sérotonine, substance P b. Entéroglucagon, PP/PYY Insuline, glucagon, somatostatine, polypeptide pancréatique, VIP, gastrine, calcitonine Dopamine, noradrénaline Sérotonine, dopamine, noradrénaline Adrénaline, noradrénaline Hormones stéroïdes
4 Tumeurs endocrines thoraciques et digestives significatives de cellules endocrines normales, comme le thymus, le foie, les voies biliaires, le rein ou l utérus (1). Certaines conceptions embryologiques, aujourd hui abandonnées, ont défendu l idée que la plupart des cellules endocrines partageaient une origine embryologique commune, à partir de précurseurs migrant de la crête neurale vers les tissus périphériques où leur localisation définitive permettait, selon les cas, le développement d organes endocrines individualisés ou de populations résidentes de cellules endocrines dispersées. Selon cette hypothèse, les cellules endocrines des tissus périphériques feraient partie d un système commun, le système APUD (pour Amine Precursor Uptake and Decarboxylation), ainsi nommé en raison d une des propriétés fonctionnelles partagée par de nombreuses cellules endocrines ; cette origine embryologique et ces propriétés fonctionnelles communes expliqueraient les analogies observées entre les tumeurs supposées dériver de ces cellules. Les études embryologiques récentes ont montré que le système APUD, au moins tel qu il était conçu initialement, n existe pas. Même si certaines cellules endocrines ont effectivement une origine neuro-ectodermique, la plupart d entre elles naissent à partir des mêmes précurseurs que l ensemble des autres cellules épithéliales de l organe, ou du segment d organe, où elles sont localisées ; c est le cas notamment des cellules endocrines du poumon et du tube digestif (incluant le pancréas) (2). La modification des conceptions embryologiques explique en partie les variations, et parfois les incertitudes, concernant la nomenclature et la classification des tumeurs endocrines qui ont marqué les dernières décennies. Quelques points importants doivent être soulignés : le terme de tumeurs «neuroendocrines», très utilisé pendant une certaine période (3), n est plus aujourd hui considéré comme le plus adapté (1, 4) : ce terme soulignait explicitement le fait que les cellules endocrines tumorales expriment habituellement des marqueurs de type neuroendocrine et renvoyait implicitement au concept d une origine neurale des cellules endocrines. De même, le terme d APUDome, qui faisait référence de manière encore plus explicite au concept embryologique de système APUD, doit être aujourd hui totalement abandonné ; le terme aujourd hui adopté par les classifications internationales des tumeurs digestives (1, 4) est celui de tumeurs endocrines ; le terme de carcinoïde a eu, et conserve encore, de nombreuses acceptions : dans son acception la plus restreinte, défendue notamment par la plus récente classification OMS des tumeurs endocrines (1), ce terme est réservé aux tumeurs endocrines, digestives ou thymiques, associées à un syndrome carcinoïde clinique dû à l hypersécrétion de sérotonine ; dans une acception beaucoup plus large, qui n est pas encore complètement abandonnée aujourd hui, le terme de carcinoïde est employé pour désigner des tumeurs endocrines bien différenciées, qu elles soient bénignes, de malignité incertaine ou authentiquement malignes ; dans cette acception, le terme de carcinoïde reste officiellement utilisé dans la classification des tumeurs endocrines du poumon (5). Par analogie, dans le tube digestif, le terme de carcinoïde reste souvent employé, notamment dans la littérature clinique ou radiologique, pour
Classification histologique des tumeurs endocrines 5 désigner les tumeurs endocrines digestives bien différenciées, quel que soit leur produit de sécrétion et indépendamment de leur éventuelle association à un syndrome fonctionnel (4). Les tumeurs endocrines posent à l anatomopathologiste plusieurs problèmes : leur identification, habituellement facile, sauf dans certains cas particuliers qui peuvent constituer de véritables pièges diagnostiques ; l identification du site de la tumeur primitive devant une lésion métastatique révélatrice ; l évaluation du risque de malignité et du profil évolutif, qui représente un défi majeur et encore très imparfaitement résolu ; l identification et la classification de certaines formes frontières, notamment des tumeurs dites mixtes, endocrines et exocrines. Nous envisagerons successivement la démarche diagnostique face à une suspicion de tumeur endocrine, les principes de la classification actuelle des tumeurs endocrines et leurs principales caractéristiques en fonction de leur localisation. Identifier les étapes du diagnostic histologique Éléments du diagnostic anatomopathologique Le diagnostic histologique de tumeur endocrine repose sur des arguments histologiques, histochimiques et immunohistochimiques (1, 3-5). Arguments histologiques Plusieurs éléments sont très évocateurs : à faible grandissement, l architecture générale de la tumeur est habituellement caractéristique : les tumeurs endocrines ont une architecture le plus souvent lobulaire ou trabéculaire ; le stroma est d abondance variable, mais toujours très vascularisé (fig. 1) ; à fort grandissement, les cellules tumorales ont un aspect très stéréotypé ; elles sont monomorphes ; leur taille est le plus souvent moyenne ; leur noyau, à chromatine fine, est en position centrale ; leur cytoplasme est abondant et à limites nettes (fig. 2). Le plus souvent, le diagnostic de tumeur endocrine est posé dès ce stade. Il est néanmoins habituel de le confirmer par des arguments supplémentaires, histochimiques ou immunohistochimiques. Ces arguments deviennent essentiels dans les formes atypiques ou peu différenciées, lorsque la nature endocrine de la prolifération tumorale est difficile à établir formellement sur les seuls éléments morphologiques.
6 Tumeurs endocrines thoraciques et digestives Fig. 1 - Aspect typique d une tumeur carcinoïde de l intestin grêle à faible grandissement : la prolifération a une architecture lobulaire et un stroma abondant (HES, 150). Fig. 2 - Détail de la prolifération tumorale dans une tumeur endocrine du pancréas ; les cellules sont de petite taille, relativement monomorphes, mais avec quelques atypies (HES, 450). Arguments histochimiques Les colorations histochimiques, utilisées pour l identification des cellules endocrines, normales et tumorales, sont rappelées ici essentiellement pour mémoire, car elles ont été très largement supplantées par les techniques immunohistochimiques, plus reproductibles et d interprétation plus facile (3-5). La coloration de Grimélius est une coloration argentique, permettant la mise en évidence de l argyrophilie, c est-à-dire la capacité des cellules à réduire les sels d argent en présence d un réducteur extérieur ; elle est positive dans la plupart des cellules endocrines périphériques, normales et tumorales. La coloration de Fontana- Masson est une coloration permettant la mise en évidence de cellules endocrines argentaffines, c est-à-dire capables de réduire les sels d agent sans apport de réducteur extérieur ; elle n est positive que pour les cellules endocrines, normales ou tumorales, sécrétant la sérotonine. Arguments immunohistochimiques L anatomopathologiste a aujourd hui à sa disposition une large gamme de marqueurs capables d aider à l identification des cellules endocrines normales et tumorales et susceptibles d être mis en évidence dans les conditions habituelles de fixation et de traitement des tissus, ce qui en facilite considérablement l utilisation (3). Il faut distinguer entre les marqueurs spécifiques des tumeurs endocrines et ceux qui ne sont pas spécifiques de ces tumeurs, mais qui aident à l identification de certains de leurs sous-groupes, comme celui des tumeurs d origine neuro-ectodermique : ils sont résumés dans le tableau II (1, 3). Les marqueurs spécifiques des tumeurs endocrines peuvent être répartis en plusieurs groupes. Les marqueurs endocrines proprement dits sont associés aux grains de sécrétion contenant les hormones endocrines. Le plus utilisé en pratique est la chromogranine A (fig. 3), marqueur très spécifique des cellules endocrines, normales et tumorales. La sensibilité de ce marqueur est cependant parfois prise en défaut. Il est donc nécessaire d y associer un second marqueur,
Classification histologique des tumeurs endocrines 7 Tableau II - Caractéristiques immunohistochimiques des principaux types de tumeurs endocrines. D après (1). Localisation et type Marqueurs spécifiques Chromogranines Synaptophysine Cytokératines Marqueurs non spécifiques Vimentine Antigène carcinoembryonnaire Protéine S100 Hypophyse ± + ± ± Parathyroïde + + + Carcinome médullaire de la thyroïde + + + + ± Thymus + + + Poumons + + + Estomac + + + Duodénum + + + Jéjunum et iléon + + + ± Appendice + + + ± Côlon et rectum + + + Pancréas + + + Paragangliomes : tête et cou système sympathique Phéochromocytome (médullo-surrénale) + + + + +* +* + + +* +* +* +* Cortico-surrénale - ± + + : constamment exprimé ; : constamment indétectable ; ± : exprimé dans la majorité des tumeurs ; ± : exprimé dans de rares tumeurs ; +* : exprimé seulement par les cellules sus-tentaculaires. choisi dans la gamme des marqueurs dits neuroendocrines, car ils sont communs aux cellules endocrines et aux neurones. Certains sont associés à la membrane d organites intracellulaires, les vésicules neurosécrétoires, qui ressemblent aux vésicules synaptiques des neurones : le plus utilisé de ces marqueurs est la synaptophysine (fig. 4). D autres marqueurs neuroendocrines sont à localisation cytosolique (comme l énolase spécifique des neurones, ou NSE, peu utilisée en pratique car peu spécifique, et la protéine PGP9.5, qui mériterait une utilisation plus large, en raison de sa bonne sensibilité). Certains enfin sont membranaires, comme Leu7 (CD57) ou la protéine N-CAM