Le passage aux normes IFRS: quelques recommandations pour un projet réussi Sigma Conso Allen White, Dominique Galloy S il n y a pas de formule générale pour prévoir l importance de l incidence sur les comptes consolidés d un passage aux normes IFRS, force est de constater que celle ci est chaque fois significative. Depuis 2004, nous avons assisté une trentaine de groupes dans leur migration IFRS. Il s agit de groupes cotés ou non cotés, de toute taille et actifs dans des secteurs très différents les uns des autres. Ces implications pratiques nous permettent aujourd hui de formuler un certain nombre de réflexions relatives à l organisation d un projet de migration IFRS ainsi qu au fonctionnement opérationnel une fois la première publication réalisée. Le calendrier Une fois la décision de principe prise pour un passage aux normes IFRS, l élément le plus important est la fixation de l exercice pour lequel on publiera les comptes consolidés IFRS. Supposons que cet exercice est 2009, soit une publication effective dans les premiers mois de 2010. Dans ce cas, il faudra établir le bilan consolidé d ouverture au 01/01/2008 ainsi que les comptes consolidés aux dates suivantes : 30/06/2008, 31/12/2008, 30/06/2009, 31/12/2009, soit cinq consolidations avant la première publication, pour les besoins de comparaison. Pendant cette période, on gardera également à l esprit que les comptes consolidés 2008 seront encore publiés en Lux Gaap. Pour la majorité des groupes, le projet IFRS a démarré au cours de la première année, soit 2008 dans notre exemple. Les tâches incontournables d un projet IFRS Tous les projets IFRS comprennent les tâches suivantes : Scanning des comptes, dans le but d identifier, société par société, les postes du bilan qui doivent faire l objet d ajustements ; Conception des annexes à prévoir dans le rapport annuel ; Etablissement d un plan de comptes et de flux (variation des postes du bilan entre ouverture et clôture) ; Page 1 of 6
Elaboration d une liasse de consolidation qui doit permettre de véhiculer l information à consolider des sociétés vers la maison mère ; Etablissement de la consolidation d ouverture ; Etablissement des deux consolidations de la première année. Ces tâches, incontournables, doivent se dérouler dans cet ordre. Par ailleurs, elles ne varient pas dans leur contenu mais seulement par l importance du groupe, à savoir le nombre de filiales à intégrer et le nombre de comptes à retraiter essentiellement. Il est utile de donner quelques règles de conduite pour les tâches de scanning, de conception des annexes et de liasse de consolidation. Scanning des comptes La détermination du périmètre est un préalable dans la mesure où les normes IFRS incluent davantage de sociétés qu en normes Lux Gaap. Pour chacune de ces sociétés, il y a alors lieu de passer en revue les postes du bilan afin d évaluer les éventuels écarts par rapport aux normes IFRS. Il n est pas inutile de prévoir un passage dans certaines sociétés. Le produit final de ce scanning doit être un document par société, reprenant explicitement les points suivants Norme IFRS concernée et motivation du retraitement ; Eléments descriptifs (texte et chiffres) permettant d élaborer le retraitement ; Elaboration du retraitement (comptes et montants débités et crédités) ; Présenter l évolution de ce retraitement dans le futur ; Clauses particulières permettant de ne plus appliquer ce retraitement. S il est clair que, dans le respect des règles d indépendance, les Auditeurs ne peuvent se voir confier cette mission, il nous paraît impératif que ceux ci soient impliqués très tôt dans le processus de scanning afin d émettre un avis. Enfin, il nous paraît également fort utile de fixer d emblée un seuil de matérialité avant d entamer cette tâche. A titre d exemple, un des groupes que nous avons assisté a fixé à 200 K d impact sur capitaux propres le seuil pour retenir l application d une norme IFRS. Cela peut réduire sensiblement le nombre de retraitements et personne ne s en plaindra... Page 2 of 6
Conception des annexes En IFRS, il n y a pas de schéma imposé comme on le connaît en Lux Gaap. Il faut donc concevoir son propre schéma de bilan, de P&L, de tableau de financement ainsi que toutes les annexes nécessaires de par l activité du groupe. Parmi ces annexes, il y aura bien sûr les classiques tableaux de mutations de valeurs mais également des annexes plus spécifiques décrivant le contenu détaillé de certains comptes, tels les provisions par exemple, voire des annexes très techniques (tax proof). Lors de la première publication des comptes consolidés en normes IFRS, il faudra également inclure des annexes provisoires expliquant par exemple l impact sur les capitaux propres Lux Gaap des normes IFRS. Selon l activité du groupe, il n est pas exclu d avoir recours à des dimensions analytiques. Enfin, si le groupe est présent dans des activités différentes, il faudra envisager des annexes apportant la contribution de ces activités dans l ensemble consolidé (segment information). Ce travail revêt une importance capitale dans la mesure où il permet de bien identifier le niveau de détail de l information à demander à chaque société du groupe. Ce n est qu après avoir achevé cette tâche qu on est en mesure de déterminer un plan de comptes groupe. La liasse de consolidation C est le véhicule qui permet de demander une information uniformisée et structurée en vue d être consolidée. Si la technologie actuelle permet notamment de choisir entre un support web et un support Excel, la pratique montre toutefois que Excel offre une solution très flexible, au moindre coût, utilisable sans connexion et maîtrisée par tout le monde. Quelle que soit la solution technique retenue, la liasse de consolidation devra comporter des éléments de contrôle nombreux de façon à rassurer le correspondant sur la qualité de son travail et garantir au niveau de la société consolidante une information de qualité. Page 3 of 6
La pratique montre également qu il n est pas toujours facile de choisir l endroit où sont tenus les ajustements IFRS et que la liasse peut être l outil qui les accueille parfois temporairement. Dans ce cas, il faut structurer la liasse selon trois colonnes : Comptes en normes locales ; Impact des ajustements IFRS ; Comptes ajustés (IFRS) Bien sûr, la clarté demande que les retraitements IFRS soient dans la mesure du possible formulés selon des écritures comptables faciles à comprendre et à suivre. Nous reviendrons un peu plus loin sur ce problème organisationnel. Quelques «FAQ» relatives à la migration IFRS Combien de temps nécessite un projet de migration IFRS? Très difficile de répondre à cette question car elle dépend de quelques paramètres inconnus, dont la taille du groupe, la complexité de ses activités et les moyens logiciels disponibles. Dans la majorité des cas, nous pensons que le ratio de +/ 3 jours par société, en moyenne, doit suffire pour la réalisation du scanning des comptes. Compte tenu de la disponibilité de rapports annuels de groupes publiant déjà en IFRS, le travail de conception des annexes devient plutôt un travail d adaptation d annexes existantes. Pour cette tâche, on parlera en semaines plutôt qu en mois. Quant aux moyens logiciels, le marché présente des disparités importantes. Certains, en matière d IFRS, n offrent qu une boîte à outils à partir de laquelle toutes les annexes doivent être paramétrées. D autres offrent un paramétrage de base, lequel ne doit alors subir que des adaptations. Il est clair que dans le premier cas, on parlera en semaines voire en mois tandis que dans le second cas, on parlera souvent en jours. Enfin, pour ce qui concerne les consolidations à refaire, on peut supposer que la matière de base existe et est directement exploitable (comptes statutaires). Seuls les retraitements IFRS doivent faire l objet d une saisie. C est rarement une tâche lourde. Page 4 of 6
Est il utile de maintenir une consolidation en Lux Gaap parallèlement à la consolidation IFRS? Il faut savoir qu une fois la première publication IFRS réalisée, aucune législation ne demande le maintien des comptes consolidés Lux Gaap. Par ailleurs, nous considérons qu il n est pas normal que les banquiers le demandent. Ils doivent s aligner sur le nouveau choix du groupe. Enfin, nous pensons que ce serait un très mauvais service que de fournir une telle information à des administrateurs qui le demanderaient. Quelques groupes que nous avons suivis ont effectivement pratiqué cette approche en rencontrant très rapidement de réelles difficultés à expliquer les variations. Nous recommandons l abandon définitif de toute publication Lux Gaap. Qui établit les ajustements IFRS? En pratique, il y a deux usages suivis. L un consiste à tenir centralisé au niveau du département de consolidation l ensemble des ajustements IFRS. Ce sera généralement le cas de petits groupes très centralisés ou de groupes pour lesquels la connaissance IFRS au niveau des filiales est insuffisante. L autre usage consiste à pratiquer une politique «push down». Les comptes qui remontent au département de consolidation sont alors des comptes retraités IFRS, peu importe la façon dont l information est gérée localement. On fait confiance et celle ci est confirmée par les Auditeurs locaux. Bien sûr, il faut également garder à l esprit le fait qu un groupe réalise des acquisitions de sociétés, lesquelles ne sont pas toujours formées ou équipées pour répondre immédiatement aux normes IFRS. On assiste dès lors bien souvent à des situations mixtes où le «push down» se fait progressivement vers les filiales mieux organisées. Dans tous les cas, et notamment pour des questions d audit, nous recommandons l usage d une liasse permettant de renseigner les retraitements IFRS, lesquels sont alors portés tant à la connaissance de chaque filiale, des Auditeurs locaux et du département de consolidation. La transparence est totale. Page 5 of 6
Afin de réduire le volume des retraitements IFRS extra comptables, nous recommandons également d adapter les règles d évaluation des sociétés en y incluant un maximum de normes IFRS, dans le respect du droit comptable bien sûr. Attention, le changement de règles d évaluation requiert une assemblée générale! Qui doit être formé aux normes IFRS? Nous avons constaté que dans un certain nombre de groupes, la connaissance IFRS du responsable de la consolidation était très superficielle. Ce n est pas normal. Face au caractère interprétatif des normes IFRS, le responsable de la consolidation doit pouvoir comprendre et formuler des avis contradictoires par rapport aux positions des Auditeurs. Les choix sont rarement neutres tant pour l image consolidée que pour la charge de travail qui en découle. Quant aux filiales, idéalement, elles devraient progressivement s inscrire dans une culture IFRS, tenant compte du fait qu il n y a pas que les comptes annuels à présenter selon ces normes nouvelles mais toute la réflexion budgétaire, les plans pluriannuels, etc.... doivent eux aussi s exprimer en IFRS. Une formation organisée au niveau du groupe rejoint nos recommandations. Conclusion Une migration IFRS doit être vue comme un projet. Une fois passée la période de transition, qui comporte évidemment des habitudes nouvelles et un surcroît de travail, la plupart des groupes retrouvent un régime de croisière. Une constante toutefois : les normes IFRS imposent davantage de travail que les normes Lux Gaap! Les auteurs sont associés actifs au sein de la société Sigma Conso Luxembourg, filiale du groupe Sigma Conso, et spécialisés dans les métiers de la consolidation selon les normes locales et internationales. Pour plus d information, consultez le site www.sigmaconso.com Page 6 of 6