Introduction à la didactique des mathématiques

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Transcription:

Université Paris Descartes Licence de Sciences de l Éducation Introduction à la didactique des mathématiques Éric Roditi eric.roditi@paris5.sorbonne.fr http://eroditi.free.fr 1 2 Quelles satire de l école? 1. La relation entre activité de l élève et l apprentissage visé Where is Brian? Problème de baignoire 2. L impuissance pédagogique face aux difficultés récurrentes La prononciation du «th» de bathroom 3. Légitimité et intérêt des savoirs scolaires enseignés Utilité sociale : la racine carrée de 25 que tout le monde connaît, pour rien Utilité professionnelle : l enseignement de la musique ne produit pas les musiciens Reconnaissance sociale : les parents qui ne reconnaissent pas la musique quand l enfant joue de la flûte 4. La négation de la dimension affective des élèves L enseignement pose des «problèmes» aux élèves 5. Conduite des enseignants Gestion du groupe (sortez tous vos compas), dictée de l énoncé du problème de mathématiques (baignoire) 3 4

Pourquoi enseigner les mathématiques à l école? A. Les mathématiques, un outil pour la vie pratique Jusqu aux années 1970, les mathématiques enseignées devaient permettre aux futurs adultes de se préparer à la vie professionnelle mais aussi, et d abord, à la vie pratique. B. Les mathématiques, une formation de l esprit À partir des années 1970, les mathématiques ne sont plus censées fournir des recettes pour résoudre les problèmes de la vie pratique, elles sont censées contribuer au développement des structures de l intelligence chez l enfant (référence à Jean Piaget). C. Une discipline intégrée à l éducation Depuis 1985, les mathématiques participent à la formation du citoyen, elles contribuent à l apprentissage et à la compréhension d autres disciplines, elles prennent part au développement culturel et personnel de tous les individus. Introduction à la didactique des mathématiques Plan du cours Que signifie «faire des mathématiques»? Étude de deux exemples. Apports de trois champs de recherche : approche psychologique, sociologique ou psychanalytique. Un champ de recherche sur les phénomènes d enseignement et d apprentissage des mathématiques. 5 6 A. Premier exemple : les nombres entiers 1. Un développement mathématique pour répondre à problème Garder la mémoire des quantités est besoin social. Cela nécessite de compter car la perception globale visuelle humaine est limitée. A. Premier exemple : les nombres entiers 2. Après une réponse pratique, des développements théoriques a) Les nombres figurés Les nombres, leur écriture et le calcul répondent donc aux nécessités du fonctionnement social. 7 8

A. Premier exemple : les nombres entiers 2. Après une réponse pratique, des développements théoriques b) Les nombres parfaits 6 = 1 + 2 + 3 28 = 1 + 2 + 4 + 7 + 14 Ils ont une perfection qui dépasse les mathématiques Exemple : Saint Augustin (IVe siècle) B. Deuxième exemple : géométrie et espace sensible 1. Le problème pratique de Thalès Thalès de Milet (6e siècle av J.-C.) aurait été invité par le roi Amasis qui lui aurait proposer de mesurer la hauteur des pyramides. Thalès aurait planté sa canne dans le sable verticalement, aurait mesuré la longueur de son ombre, et aurait dit au roi : «Faites mesurer son ombre vous aurez sa hauteur!». 496 = 1 + 2 + 3 + + 30 + 31 Ils sont rares, triangulaires, on ne les connaît pas encore! 9 10 B. Deuxième exemple : géométrie et espace sensible 2. La géométrie théorise l espace et le dépasse en imagination Mort de Moïse (14e siècle) Figure impossible C. Troisième exemple : résolution d un problème économique En mathématiques, il ne s agit pas seulement de comprendre et d appliquer des règles. Faire des mathématiques mobilise différents niveaux d activité. 1. Observer, décrire, [re]connaître, etc. 11 12

C. Troisième exemple : résolution d un problème économique 2. Représenter, comparer, mettre en relation, etc. C. Troisième exemple : résolution d un problème économique 3. Modéliser, formuler des hypothèses, optimiser, etc. 13 14 A. Quelques apports de la psychologie du développement 1. Le modèle des «stades» de Piaget (1896-1980) Le développement intellectuel de l enfant passe par trois périodes bien définies : - de 0 à 2 ans, de la naissance à l apparition du langage, durant la période sensori-motrice, l enfant forme le concept d objet ; - de 2 à 11-12 ans, durant la période de préparation et d organisation des opérations concrètes, l enfant acquiert le langage, la notion de classe, de nombre et de causalité mais sa pensée reste liée au concret ; - de 11 à 16 ans, durant la période des opérations formelles, l enfant acquiert la possibilité d opérer dans l abstrait, de formuler des hypothèses et de les vérifier. 2. Une conception «constructiviste» de l apprentissage La connaissance n est a priori ni celle du milieu ni celle du sujet, elle est construite par l interaction sujet - milieu (Piaget) et par les échanges langagiers entre humains (Vygotski). A. Quelques apports de la psychologie du développement 3. Des paliers moins stricts que les stades Les stades de développement sont certainement moins nets, il s agit sans doute plutôt de compétences liées à certains stades qui s acquièrent et se mobilisent de manière différenciée suivant l âge de l enfant et en fonction des tâches proposées. C est la théorie des «vagues» de Robert Siegler. 15 16

B. Quelques apports de la sociologie Dans la plupart des cas, ni le manque d intelligence, ni la paresse n expliquent les difficultés en mathématiques. La sociologie propose un éclairage sur le fonctionnement social de l école. 1. Les héritiers (Bourdieu et Passeron 1964) Mise en cause de la fonction d'instrument démocratique de la mobilité sociale de l école. L étude statistique montre que l école perpétue les inégalités selon l'origine sociale et selon le sexe. Une étude empirique des attitudes d étudiants et de professeurs montre le rôle de l'héritage culturel (savoirs, savoir-faire savoirdire) qui constitue un patrimoine scolairement rentable. B. Quelques apports de la sociologie 2. Le rapport à l école et au savoir (Bautier, Charlot, Rochex 1992) On va à l école pour : - grandir et devenir adulte - avoir un bon métier - apprendre la vie - apprendre des choses importantes Des catégories de réponses, pas d élèves, mais pourtant 3. Des travaux actuels sur la différenciation scolaire La réforme de «la mathématique moderne» (1969), malgré la volonté égalitaire, n a pas enrayé le processus 17 18 C. Des interprétations proposées par la psychanalyse D autres chercheurs explorent la «piste» psychanalytique pour comprendre les difficultés en mathématiques : ils montrent que cette activité est investie par le sujet, c est-à-dire qu elle subit une transformation imaginaire qui a des causes inconscientes. 1. Appréhensions fantasmatiques des mathématiques Les mathématiques et l ordre, la loi, le père Les mathématiques et la peur, le danger, la mort Les mathématiques et le refuge, la beauté, l idéal 2. Appréhensions fantasmatiques de notions mathématiques Exemples : soustraction, division. 3. Les échanges inconscients dans la classe Éventuellement en relation avec le savoir. Un champ de recherche sur les situations d enseignement et d apprentissage des mathématiques en milieu scolaire, au carrefour de plusieurs disciplines : mathématiques, épistémologie, psychologies, sociologie. A. Une approche systémique des phénomènes Les didacticiens étudient la relation enseignement - apprentissage des mathématiques. Ils conçoivent des ingénieries. Le système didactique : un système élémentaire à 3 variables : élève, maître et savoir E S M 19 un système élémentaire à penser en lien avec l institution scolaire, le métier enseignant, la société (aspirations, fonctionnement, besoins, etc.) 20

B. Quelques concepts didactiques : première approche 1. Contrat didactique B. Quelques concepts didactiques : première approche 2. Transposition didactique Écris dans le bon ordre chaque nombre à la place qui convient: 452 ; 479 ; 289 Quelle est l aire de ce triangle? 9 cm 15 cm Réussite: 37% sans tenir compte de l ordre de 452 et 479 12 cm Réponses de trois élèves A, B et C. A : 108 cm² B : 42 cm² C : 93 cm² 21 22 B. Quelques concepts didactiques : première approche 3. Obstacle didactique Un ticket de caisse à vérifier BOEUF MERLAN SATISFAIT OU REMBOURSÉ CODE 135 A consommer avant le 2 2 fev 8 6 Prix Unitaire Poids net Prix à payer 69,90 F/kg 0,284 kg 19,85 F C. «Histoire» de la didactique des mathématiques en France 1. Au cours des années 70 Naissance des IREM et de la DDM Liens forts assumés avec les mathématiques et avec d une part la philosophie, l épistémologie et l histoire des sciences, et/ou d autre part avec la psychologie cognitive. Intégration des recherches en didactique dans les laboratoires, création de laboratoires, de formations doctorales et qualification d enseignants-chercheurs en mathématiques appliquées et en sciences de l éducation. 2. Au cours des années 80-90 Création de revues scientifiques françaises et d une association (ARDM), implication dans la formation des enseignants (IUFM), implications dans des institutions internationales (ICME, ERME). 3. Depuis les années 2000, élargissement du champ de recherche 23 24