La durabilité : des données et des perceptions

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DIAMONT: Data Infrastructure for the Alps - Mountain Orientated Network Technology Projet du programme Interreg IIIb Espace Alpin de l UE La durabilité : des données et des perceptions Les communes des Alpes soumises à examen : leur développement est-il durable? Comment peut-on le mesurer? Quelles communes de l arc alpin ont le même niveau de développement ou les mêmes perspectives d avenir, même si elles sont à plusieurs centaines de kilomètres de distance? Voici les questions sur lesquelles s est penché le WP8 de DIAMONT. Pour y répondre, nous avons rassemblé et mis en rapport des données d observation économiques, sociales et environnementales qui puissent permettre de cartographier le développement des territoires. Mais avant tout, il s agissait d analyser comment les décideurs locaux jugent personnellement la durabilité du développement. Pourquoi donc? Ce sont bien leurs appréciations personnelles, ou autrement dit la durabilité telle qu elle est perçue, qui vont faire pencher la balance entre prendre ou ne pas prendre des initiatives allant dans le sens du développement durable. C est l hypothèse qu a retenu l équipe de l EURAC à qui a été confiée la responsabilité du WP8. Mars 2008 WP8 : Sélection et étude des données en vue de leur utilisation sur tout l Espace alpin Contacts : Ulrike Tappeiner (Ulrike.Tappeiner@uibk.ac.at), Institut Alpin de l Environnement, Académie Européenne de Bolzano (Italie), Institut d Écologie, Université d Innsbruck (Autriche) Principaux objectifs : repérage des zones des Alpes ayant le même mode de développement, compte tenu des principaux moteurs du développement et des facteurs propres aux territoires. La recherche se fonde sur des données quantitatives (provenant par exemple des recensements ou de données de systèmes d information géographique) et qualitatives (enquête générale auprès des maires). Durée des travaux : décembre 2005 à mars 2008 Interview d Ulrike Tappeiner, directrice scientifique du projet, sur ce qu a apporté l enquête et sur les conclusions tirées des informations obtenues Madame Tappeiner, le lot de travaux 8 (WP8) est l un des modules du projet DIAMONT. Pouvez nous nous dire en deux mots ce qu est DIAMONT? DIAMONT est un acronyme, en anglais, pour infrastructure de données pour les Alpes une technologie en réseau pour des zones de montagne. Il s agit de repérer et de mettre en relation de façon scientifique des données concernant le développement actuel et les possibilités à venir des régions alpines, en les situant avant tout par rapport à la durabilité. DIAMONT a réalisé un travail de recherche et joue un rôle de conseil à l égard du Secrétariat Permanent de la Convention Alpine, pour ce qui concerne le développement d un système d observation pan alpin et pour identifier des indicateurs appropriés et des données pertinentes sur le développement durable des régions. La Convention Alpine est un accord international souscrit par les huit Etats alpins et par l Union Européenne, en vue de maintenir un développement durable dans l une des régions les plus névralgiques de l Europe. Dans ce cadre, quelle a été la tâche spécifique du WP8, c est-à-dire votre propre travail? Nous avons eu pour tâche de repérer quelles communes alpines ont des modes de développement similaires ou des possibilités comparables. Nous avons pu nous appuyer sur les résultats des WP précédents, les WP5 à 7. Le WP5 a souligné les effets des différences de culture au sein de l Espace alpin, le WP6 a recueilli des avis d experts sur les questions cruciales du développement actuel ou à venir des Alpes, le WP7 a produit des indicateurs en vue de cartographier les aspects fondamentaux du développement régional durable au sein des Alpes. Notre travail a consisté à reprendre ces résultats pour étudier les modes de développement et les perspectives en termes de durabilité de chaque territoire des Alpes, et pour les comparer entre eux. A partir de nos résultats, les WP suivants WP9 à 11 ont sélectionné des zones test et mis à l épreuve du terrain des outils et des stratégies en vue d assurer la durabilité du développement, en fournissant de l information sur ceux-ci. Les principaux résultats de l ensemble du projet seront mis à disposition du Secrétariat Permanent de la Convention Alpine, pour venir en appui au développement durable. DIAMONT La durabilité : des données et des perceptions (www.uibk.ac.at/diamont) 1

emplois disponibles qualité des emplois perspectives professionnelles des femmes diversification des activités potentiel d innovation liberté d action des chefs d entreprise accès aux réseaux de transport équilibre de la structure par âge de la population climat d échange d idées et de débats tolérance envers les étrangers et les minorités participation au développement local et à la vie associative participation des femmes au développement local conciliation du travail des femmes avec la vie familiale possibilités de formation continue installations sportives et de loisirs existantes gamme des activités culturelles préservation des espaces semi-naturels mesures pour utiliser rationnellement l énergie mesures de protection contre les nuisances liées au trafic efficacité du tri sélectif des déchets qualité des eaux souterraines et des eaux de surface maîtrise de la consommation d espace pressions humaines sur les habitats naturels 1 1,5 2 2,5 3 3,5 4 4,5 5 Arc alpin 1 Très médiocre 2 Médiocre 3 Correct 4 Bon 5 Très bon Evaluation de la situation des communes par rapport aux aspects étudiés moyennes et écarts-type des appréciations en provenance des 1325 communes alpines. Vous ne vous êtes pas contentée d assurer des liaisons entre les bases de données existantes et les résultats chiffrés issus de travaux antérieurs. Vous avez aussi voulu étudier la situation de chaque commune en vous basant sur des opinions recueillies lors d une enquête adressée aux maires des 5887 communes alpines. Bien sûr. Le développement des régions ne dépend qu en partie des conditions générales retracées par des données d observation, comme des statistiques ou des images satellitaires. Les données statistiques ne suffisent pas à repérer quelles régions ont les mêmes atouts ou les mêmes faiblesses. La perception personnelle des décideurs locaux joue un rôle au moins aussi important. Les mesures qu ils vont ou qu ils ne vont pas prendre dépendent de la façon dont ils perçoivent, dans leur domaine de compétence, ce dont les communes ont besoin pour leur développement et comment le rendre durable. Quels ont été les résultats de cette enquête? L enquête a été réalisée en direct via Internet. Le taux réponse moyen a été de 22 %, ce qui est satisfaisant et donne une représentativité suffisante à l enquête. Il avait été demandé aux maires de d évaluer la situation de leur commune en se basant sur 24 indicateurs concernant les aspects économiques, sociaux et environnementaux de la durabilité. Les maires ont jugé la situation environnementale de leur commune meilleure que sa situation sociale ou économique. Les opinions sont particulièrement positives dans trois domaines concernant l environnement : la présence d espaces semi-naturels, la qualité des eaux et le traitement sélectif des déchets. Pour la situation sociale, les opinions sont positives pour la participation des habitants au développement de la commune et pour les équipements de sports et de loisirs. En revanche, les opinions sur la situation économique sont en moyenne plus médiocres. Ce sont appréciations moyennes, mais n est-il pas aussi important d étudier les résultats individuels? C est vrai. Nous avons aussi analysé la dispersion statistique des appréciations. Il est intéressant de voir qu elle est corrélée aux moyennes des appréciations : Économique Social Écologique 1 1,5 2 2,5 3 3,5 4 4,5 5 emplois disponibles qualité des emplois perspectives professionnelles des femmes diversification des activités potentiel d innovation liberté d action des chefs d entreprise accès aux réseaux de transport équilibre de la structure par âge de la population climat d échange d idées et de débats tolérance envers les étrangers et les minorités participation au développement local et à la vie associative participation des femmes au développement local conciliation du travail des femmes avec la vie familiale possibilités de formation continue installations sportives et de loisirs existantes gamme des activités culturelles préservation des espaces semi-naturels mesures pour utiliser rationnellement l énergie mesures de protection contre les nuisances liées au trafic efficacité du tri sélectif des déchets qualité des eaux souterraines et des eaux de surface maîtrise de la consommation d espace pressions humaines sur les habitats naturels Arc alpin 1 Sans importance 2 Accessoire 3 Important 4 Très important 5 Fondamental Evaluation de l importance des aspects étudiés pour la politique de la commune moyennes et écarts-type des appréciations en provenance des 1325 communes alpines. au sein de l arc alpin, il y a moins de différences d appréciations à l égard des aspects environnementaux qu à celui des aspects économiques et de certains aspects sociaux. Les différences les plus importantes concernent la situation de l emploi et les facilités d accès. Tout cela concerne l appréciation du développement actuel des communes, mais quelles questions les maires mettent-ils le plus en avant concernant la durabilité? En analysant les réponses à cette partie du questionnaire, nous avons d abord remarqué que l importance accordée à ces questions était sensiblement la même qu en ce qui concerne l appréciation de la situation actuelle. Néanmoins, il y a quelques différences. Par exemple, les maires des communes slovènes attachent plus d importance aux aspects économiques que les maires des communes allemandes, qui jugent plus centrales les questions sociales ou concernant les loisirs. Néanmoins, les questions environnementales sont volontiers mises en avant. Parmi celles-ci, conserver des espaces seminaturels et maintenir la qualité des eaux sont des questions prioritaires. Viennent ensuite des aspects sociaux et un seul aspect économique, à savoir l accès aux grands axes de transport. Les autres aspects économiques rentrent moins dans les priorités des élus des communes. Les réponses proviennent de sept pays différents. Cela se voit-il dans les résultats de l enquête? Pas vraiment. Les appréciations du développement actuel ou les différences de l importance attribuée aux divers aspects ne sont pas liées aux pays. Des analyses de variance ont d ailleurs montré que les différences entre communes d un même pays étaient plus marquées que les différences entre pays. Vous nous avez déjà dit que votre comparaison des zones des Alpes ne se basait pas que sur cette enquête qualitative. Vous avez aussi fait appel à des données quantitatives. Dites-nous en un peu plus. D abord, la recherche de données n a pas été aussi simple que prévu. Nous voulions avoir autant de données que possible pour bien situer les aspects essentiels par DIAMONT La durabilité : des données et des perceptions (www.uibk.ac.at/diamont) 2

référence aux trois dimensions économique, sociale et environnementale de la durabilité. Il s agissait avant tout de données provenant des offices statistiques nationaux, comme les données des recensements ou des enquêtes agricoles, mais aussi de données des SIG, comme par exemple des données sur l occupation du territoire. Mais les données en provenance des divers pays ne se réfèrent pas aux mêmes périodes. Ainsi, le dernier recensement a eu lieu en 1987 en Allemagne : ces données sont trop anciennes pour permettre des comparaisons sur l ensemble des Alpes, car dans les autres pays alpins les recensements les plus récents ont été faits autour de l année 2000. De plus, de nombreuses données communales ne sont pas centralisées ou ne sont pas accessibles en vue d études paneuropéennes. Rassembler les données prend beaucoup de temps : pour cela, il a fallu demander de nombreuses données aux offices statistiques, puis les rassembler et les harmoniser. De plus, un autre travail d harmonisation a du être réalisé du fait que toutes les données ne sont pas établies selon les mêmes critères. Que pouvez-vous dire des résultats des comparaisons de données quantitatives? Les données pan alpines d origine qu il a été possible de rassembler ont permis de calculer 81 indicateurs communaux : 41 indicateurs économiques, 26 sociaux et 14 environnementaux. Ils couvrent une large gamme de domaines, allant du marché du travail ou des tendances démographiques au tourisme, à l accessibilité ou aux usages de l espace. Tous les indicateurs ont été finalement mobilisés pour réaliser des évaluations générales et pour comparer les communes alpines entre elles. Les cartes des zones alpines comparables se fondent sur les résultats de l enquête auprès des maires et sur ces indicateurs ; ces derniers pourront resservir pour approfondir certaines questions. Quel type d indicateurs avez-vous utilisé pour faire vos comparaisons? Prenons par exemple la distance à l hôpital le plus proche. L éloignement et le temps de trajet pour aller à un hôpital sont des indicateurs d accès aux soins, mais aussi du contexte de rétablissement des malades. Plus l hôpital est proche, plus les malades se sentent toujours dans un milieu qui leur est familier et peuvent avoir des visites de parents ou amis. Ces facteurs psycho-sociaux sont importants pour la guérison, à côté de la qualité de l offre de services médicaux. Il est encore plus important de pouvoir aller rapidement à l hôpital en cas d urgence : en cas d attaque cardiaque, chaque minute compte pour sauver le patient. Donnez-nous des résultats pour cet aspect particulier Environ 90 % des communes alpines sont à moins de 25 minutes ou à moins de 20 kilomètres de l hôpital le plus proche. Les temps d accès les plus brefs concernent les communes du Liechtenstein, suivies de celles d Allemagne ou de Suisse. Les distances sont plus importantes en Population (%) Slovénie : 20 % des communes sont situées à 30 minutes ou plus d un hôpital. Pour analyser la déconcentration de l offre de services médicaux, on a étudié la répartition de la population selon le temps de trajet pour aller à l hôpital (voir le schéma ci-dessous). Près de 97 % des habitants des Alpes peuvent se rendre à l hôpital en moins de 25 minutes. En Suisse, 96 % des habitants sont même à moins d un quart d heure d un hôpital. L étude a pris aussi en compte d autres aspects, comme les équipements des centres de secours et la disponibilité de services d ambulance par voie aérienne. 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 AT CH DE FR IT FL SI Distance moyenne à l hôpital le plus proche Temps de trajet Travel (minute) time (min) >40 35-40 30-35 25-30 20-25 15-20 10-15 5-10 0-5 Vous avez parlé d un aspect. Pouvez-vous illustrer les résultats de votre travail par d autres exemples? Laissez-moi parler d un autre aspect qui est très proche de mes activités professionnelles : la localisation des universités. En règle générale, les étudiants déménagent volontiers et ne choisissent pas nécessairement les études les plus proches de leur domicile. Mais il y a une corrélation statistique entre la distance à l université la plus proche et le nombre de diplômés : plus la distance à une université ou le temps de trajet sont réduits, plus le pourcentage de diplômés dans la population est élevé. Ceci ne peut pas s expliquer uniquement par une offre plus importante d emplois de diplômés dans les communes proches des villes universitaires. La localisation des établissements d enseignement supérieur dans l Espace alpin fait que certaines zones restent éloignées de ceux-ci. Il s agit en général de zones reculées dans les arrière-pays, souvent situées aux limites des régions ou aux frontières des pays. Notamment, dans les Alpes françaises, la plupart des établissements d enseignement supérieur sont localisés en bordure des Alpes et donc à distance des zones centrales des Alpes. En revanche, ces établissements se répartissent de façon beaucoup plus uniforme sur le territoire suisse. Presque toutes les communes suisses sont à moins de 60 kilomètres d une université. Autre exemple, nous avons étudié les risques de vieillissement des communes, à l aide du ratio personnes âgées de 65 ans et plus sur personnes de 15 à 64 ans. Nous avons vu que le vieillissement concernait avant tout le sud des Alpes françaises et les Alpes italiennes, sauf le Sud Tyrol. Mais la situation est moins problématique en Suisse, en Autriche, en Allemagne ou en Slovénie. Ces phénomènes pourraient tenir à l émigration des jeunes vers des zones plus favorisées sur le plan économique, mais aussi aux arrivées de retraités dans certaines régions. DIAMONT La durabilité : des données et des perceptions (www.uibk.ac.at/diamont) 3

Huit types de zones caractérisant les Alpes Les pôles d emploi Les pôles d emploi ont un solde de navetteurs fortement positif : beaucoup de gens viennent y travailler tous les jours. Les infrastructures pour le trafic sont développées, les zones bâties sont importantes. Les zones d activités, les installations industrielles et les centres commerciaux fournissent beaucoup d emplois. Les communes résidentielles Classiquement, les communes résidentielles ou communes-dortoir sont situées au voisinage des pôles d emploi. La densité d infrastructures pour le trafic étant plus élevée qu en moyenne sur l ensemble des Alpes, il est possible d aller travailler tous les jours dans les pôles d emploi sans perdre beaucoup de temps. Les grands centres de tourisme Les capacités d hébergement sont très importantes, la situation de l emploi est meilleure qu en moyenne sur l ensemble des Alpes du fait de l abondance des emplois dans les services. D un point de vue spatial, il s agit de communes de zones rurales où l agriculture et les paysages ont pu être préservés. Les zones rurales dynamiques Il s agit de zones situées en milieu rural où le marché de l emploi est actif. L emploi a progressé, notamment pour les femmes ; le tourisme y est pour quelque chose. De plus, l agriculture se maintient, peu d exploitations ou de fermes sont à l abandon. Mais l émigration d actifs ayant un emploi peut poser des problèmes. De plus, beaucoup d actifs sont relativement âgés. Les zones alpines standard Ces zones n ont pas des caractéristiques très saillantes : elles sont proches de celles qui concernent en moyenne l ensemble des Alpes, dont en particulier une faible intensité touristique, un déclin de l agriculture et un solde négatif de déplacements domicile-travail. Néanmoins, des soldes naturels et migratoires sont assez équilibrés dans de telles zones, ce qui leur évite un vieillissement excessif. Le rural résidentiel Les zones de ce type sont caractérisées par leur facilité d accès, ce qui permet à leurs habitants d aller travailler même assez loin tout en résidant à la campagne. Au cours des dernières décennies, l agriculture y a connu un repli important. De ce fait, ces zones ont de vastes espaces semi-naturels peu fragmentés et une forte variété paysagère. Les zones agricoles traditionnelles Leurs caractéristiques sont un vieillissement accentué et peu d infrastructures pour le trafic. Contrairement au rural résidentiel, l agriculture n est pas en repli très marqué, mais est pratiquée selon des modes extensifs. Cela se traduit par de beaux paysages agricoles traditionnels. La faiblesse de l emploi dans les services et dans le tourisme peut aussi contribuer à limiter la proportion de fermes à l abandon. Les zones rurales en déshérence Les zones de ce type sont marquées par un vieillissement très accentué et par un repli particulièrement accusé de l agriculture. La principale raison est la difficulté d accès à ces zones. DIAMONT La durabilité : des données et des perceptions (www.uibk.ac.at/diamont) 4

Marjan Garbajs Erich Tasser Deux pôles d emploi alpins : Bruneck en Italie et Jesenice en Slovénie, où l espace n est pas aménagé de la même façon Malgré cette hétérogénéité, n avez-vous pas trouvé des ressemblances entre des communes ou même entre des zones transfrontalières, où les modes de développement et les perspectives sont comparables? Bien sûr que si, un de nos objectifs de recherche était d ailleurs de repérer des zones où le développement a les mêmes caractéristiques, même de part et d autre des frontières. A partir de nos 81 indicateurs, nous avons pu définir les huit types de zones présentés à la page précédente pour caractériser les territoires. Les communes d un type donné ont le même mode de développement et se distinguent de celles des autres types par des aspects essentiels. Ces résultats, ainsi que des données générales et des informations supplémentaires vont être mis à disposition du public, notamment dans l Atlas des Alpes qui va sortir en avril 2008. La carte de la page 4 est tirée de l Atlas et représente les huit types de zones à modes de développement similaires. Une dernière question : à quoi les résultats vont-ils servir dans l immédiat? Comme je l ai dit, nous allons d abord publier nos résultats dans un bel ouvrage, le nouvel Atlas des Alpes. Vous pouvez qualifier cela d initiative destinée à mieux attirer l attention sur la durabilité du développement et à promouvoir cette notion au niveau local, en partant des besoins locaux. Mais je reviens à ce que je disais au départ. Nos résultats vont aider le Secrétariat Permanent de la Convention Alpine à promouvoir le développement territorial durable. Notre travail a montré qu on doit s appuyer sur diverses notions bien adaptées à chaque territoire pour assurer la durabilité du développer ou pour la susciter. Les bonnes réponses consistent à prendre en compte les particularités, les besoins et aussi les atouts des territoires. Un travail scientifique a jeté des bases pour conduire l action publique : il appartient aux responsables politiques, à tous les échelons, de la mener. Les Alpes sont la zone de montagne la plus vaste et la plus importante de l Europe. Elles ont suscité de nombreux débats, parmi lesquels on citera par exemple le trafic en transit, le changement climatique, le développement touristique et les effets de la mondialisation de l économie. Mais on manque encore de données comparables d un pays à l autre et de cartes les représentant. Une équipe rédactionnelle, assistée de spécialistes et d acteurs des divers pays alpins, s est attachée à fournir des bases solides pour la recherche, pour la décision publique et pour le développement économique. Elle a réalisé le premier atlas des Alpes, qui comporte plus d une centaine de cartes de présentation agréable et accompagnées de commentaires interprétatifs, concernant les enjeux économiques, sociaux et environnementaux du massif. Adresse de référence : www.springer.com DIAMONT La durabilité : des données et des perceptions (www.uibk.ac.at/diamont) 5