Nodules de splénose post splénectomie: aspect en imagerie et pièges diagnostiques MD Crema, L Monnier-Cholley, O Azaiz, L Azizi, M Lewin, A Belkacem, C Hoeffel, JM Tubiana, L Arrivé Hôpital Saint-Antoine, Paris
Introduction La splénose a été définie par Buchbinder et Lipkoff (1939) comme une autogreffe hétérotopique de tissu splénique après traumatisme ou chirurgie splénique. Cette définition différencie la splénose des autres entités congénitales comme la rate accessoire et la polysplénie. L incidence de la splénose chez les patients splénectomisés pour traumatisme varie entre 16% et 67%. Les patients ayant une splénose sont souvent asymptomatiques et le diagnostic est fait de façon fortuite, parfois des années après le traumatisme.
Rate accessoire La rate accessoire correspond à un nodule de parenchyme splénique supplémentaire (flèches) situé à proximité de la rate.
Polysplénie La polysplénie correspond à l existence congénitale de plusieurs nodules spléniques (flèches). Elle s intègre souvent dans le cadre d un syndrome polymalformatif associant un situs inversus et une agénésie de la veine cave inférieure.
Physiopathologie La splénose correspond à des implants de cellules séparées du parenchyme splénique lors d une splénectomie ou d un traumatisme splénique dans un territoire quelconque, qui «profitent» de la vascularisation des tissus de voisinage pour repousser et former des nodules ou masses de tissu splénique. Il semble exister un facteur circulant responsable de cette repousse.
Imagerie L aspect en imagerie (échographie, scanner, IRM) est celui d un nodule dont l aspect est semblable au parenchyme splénique normal. Le rehaussement observé en scanner et en IRM est identique à celui du parenchyme splénique. Dans certains cas, le diagnostic de splénose peut-être confirmé par la scintigraphie aux hématies marquées altérées, mais, le plus souvent, le diagnostic est évoqué sur les antécédents de splénectomie et l aspect en imagerie.
Imagerie La topographie habituelle de la splénose est péritonéale, dans la loge de splénectomie, et les nodules de tissu splénique sont le plus souvent multiples de taille variable. Une localisation inhabituelle, une forme irrégulière et une augmentation de taille des nodules de splénose peut conduire à des erreurs diagnostiques. Nous décrivons et nous illustrons des images de splénose typique et atypique en imagerie, en insistant sur les aspects inhabituels et les pièges.
Cas clinique n 1 Patiente de 50 ans suivie pour ulcère gastrique. La fibroscopie montre une image de compression extrinsèque. Une écho-endoscopie réalisée en complément met en évidence une masse homogène aux dépens de la paroi gastrique compatible avec une tumeur stromale. Un scanner abdominal est réalisé pour le bilan d extension avant chirurgie d exérèse.
Tumeur gastrique? Fig 1A Fig 1B Le scanner montre une masse homogène et rehaussée après injection de contraste (flèches), en regard de la paroi postérieure de l antre gastrique (fig 1A), ressemblant à une rate, mais plus petite et de siège inhabituel. A l interrogatoire, on retrouve un antécédent de splénectomie pour traumatisme splénique. Il s agit d un gros nodule de splénose marquant une empreinte sur l estomac.
Cas clinique n 2 Patient de 75 ans, ayant des douleurs abdominales. Le scanner abdominal montre de probables adénopathies siégeant dans l arrière cavité des épiploons.
Adénopathies? Fig 2A Fig 2B Le scanner montre des nodules de taille et de morphologie variables, homogènes, qui se rehaussent après injection de produit de contraste, pouvant tout à fait évoquer des adénopathies (flèches, fig 2A). L absence de rate et l aspect du nodule dans la loge de splénectomie (flèches, fig 2B) doivent faire évoquer le diagnostic de splénose. Ce patient avait eu une splénectomie après traumatisme abdominal.
Cas clinique n 3 Patient de 31 ans suivi pour une recto-colite hémorragique. Une radiographie thoracique réalisée pour le bilan d une dyspnée montre une opacité lobaire inférieure gauche. Un scanner thoracique est réalisé.
Tumeur thoracique? Fig 3A Fig 3B Le scanner thoracique montre une masse tissulaire en regard du lobe inférieur gauche (flèches), simulant une tumeur intrathoracique.
On visualise sur ces coupes de scanner sans injection une rupture diaphragmatique (flèches, fig 3C et 3D) ainsi qu un aspect d épaississement pleural gauche (flèche, fig 3E). L interrogatoire confirme un antécédent de traumatisme il y a de nombreuses années. Fig 3E Fig 3C Fig 3D
Fig 3F Fig 3G Sur ces coupes sagittales en IRM on visualise la rupture diaphragmatique postérieure en regard de la masse (flèches).
Fig 3H Fig 3J Fig 3I Les coupes IRM après injection de produit de contraste montrent un rehaussement des lésions thoraciques au temps artériel tout à fait inhabituel pour une tumeur thoracique.
IRM en coupe coronale montrant les anomalies thoraciques et confirmant l absence de rate. Le diagnostic de splénose intrathoracique est ici posé sur un faisceau d arguments (antécédents, prise de contraste en IRM).
Cas clinique n 4 Patiente de 50 ans, hospitalisée pour pancréatite aiguë. Un scanner abdominal est réalisé à 48 heures pour le bilan des lésions.
Tumeur gastrique? Fig 4A Fig 4B Le scanner et l IRM de l abdomen montrent un nodule homogène et rehaussé après injection de produit de contraste (flèches), faisant une empreinte sur la paroi gastrique postérieure, pouvant simuler une tumeur intramurale gastrique. L absence de rate doit faire évoquer le diagnostic de splénose. L interrogatoire retrouve un antécédent de splénectomie pour rupture de rate traumatique. Le suivi sur plusieurs mois montre la stabilité de l image.
Cas clinique n 5 Patient de 54 ans suivi pour adénome tubuleux en dysplasie de bas grade du bas fond caecal. Un scanner abdominal de surveillance est réalisé.
Carcinose péritonéale? Fig 5A Fig 5B Le scanner montre de multiples formations nodulaires de l hypocondre gauche (flèches), rehaussées après injection de produit de contraste, pouvant faire craindre une carcinose péritonéale. Ce patient avait été splénectomisé plusieurs années auparavant. Une scintigraphie aux hématies marquées a confirmé le diagnostic de nodules de splénose.
Cas clinique n 6 Patiente de 74 ans suivie pour adénocarcinome de l ovaire. Un scanner de surveillance est réalisé.
Fig 6A Coupe de scanner montrant l existence d une métastase splénique (flèches).
Cas n 6 Un mois après splénectomie, un scanner abdominal de contrôle est réalisé.
Carcinose péritonéale? Fig 6B Coupe de scanner réalisé un mois après splénectomie montrant un nodule collé à la paroi gastrique postérieure (flèches) pouvant évoquer une carcinose péritonéale dans le contexte. Le caractère dense et homogène doit néanmoins alerter le radiologue : il s agissait d un nodule de splénose.
Cas clinique n 7 Patient de 72 ans, suivi pour un adénocarcinome gastrique traité chirurgicalement (gastrectomie + splénopancréatectomie caudale). Un scanner abdominal de contrôle est réalisé.
Récidive tumorale? Fig 7A Fig 7B Coupes de scanner montrant deux nodules péritonéaux (flèches), pouvant simuler une carcinose. Il s agissait cependant de nodules de splénose apparus après le geste chirurgical initial.
Cas clinique n 8 Patient de 58 ans suivi pour un cancer du côlon. Scanner de surveillance sous chimiothérapie
Carcinose et splénose Fig 8A Fig 8B Coupes de scanner montrant une ascite associée à des nodules péritonéaux irréguliers et hétérogènes (flèches) nouvellement apparus et correspondant à une carcinose. Un nodule apparaît plus homogène (têtes de flèche) et existait sur les scanners précédents, inchangé et correspond à un nodule de splénose.
Nodule de splénose Fig 8C Fig 8D Nodule de splénose visualisé sur un scanner réalisé 2 ans auparavant. Le nodule apparaît hétérogène sur la fig 8C (flèche) à un temps artériel de l injection et s homogénéise au temps tardif (fig 8D, tête de flèche) comme le parenchyme splénique.
Carcinose Fig 8E Fig 8F Sur ces coupes de scanner réalisées dans la surveillance un mois après les figures A et B la carcinose s est majorée (fléches, fig 8E). Elle réalise même une image de «scalopping» sur le nodule de splénose (tête de flèche, fig 8F)
Conclusion La splénose peut occasionnellement simuler une pathologie néoplasique (tumeurs primitives, récidives tumorales, carcinose péritonéale, etc.), pouvant amener à un geste invasif (biopsies, chirurgie). Le diagnostic est parfois difficile quand le siège ou la forme sont atypiques, surtout à distance de la splénectomie. La connaissance de cette entité et des ses caractéristiques est donc primordiale pour les radiologues.