CARACTÉRISATION EXPÉRIMENTALE DES MASSIFS EN SOLS RENFORCÉS PAR GÉOSYNTHÉTIQUES FACE AU RISQUE D ÉROSION INTERNE

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CARACTÉRISATION EXPÉRIMENTALE DES MASSIFS EN SOLS RENFORCÉS PAR GÉOSYNTHÉTIQUES FACE AU RISQUE D ÉROSION INTERNE EXPERIMENTAL CHARACTERISATION OF MASS IN SOIL REINFORCED BY GEOSYNTHETICS AGAINST THE RISK OF INTERNAL EROSION Zaynab TARHINI, Bastien CHEVALIER, Aurélie TALON Université Blaise Pascal Polytech Clermont-Ferrand Institut Pascal UMR 6602, Clermont-Ferrand, France RÉSUMÉ Le travail de recherche présenté ici consiste à étudier expérimentalement la combinaison de deux fonctions, le renforcement et la lutte contre l érosion, pour les ouvrages hydrauliques renforcés par géosynthétiques. Dans cette étude, les mécanismes d érosion interne sont observés expérimentalement pour un massif en sol à échelle réduite à l aide d un bassin de perméabilité, selon différentes configurations (variation du renforcement, du drainage et de la pente aval du massif). Pour différentes charges hydrauliques, les hauteurs piézométriques tout le long du massif sont mesurées afin d en déduire la pression hydraulique au sein du massif. Les venues d eau et les glissements sont visuellement identifiés. Mots-clés : érosion interne, renforcement, massif en sol, bassin de perméabilité, essais de traction. ABSTRACT This research work consists in studying experimentally the combination of two functions, the reinforcement and the protection against erosion, for hydraulic works reinforced by geosynthetics. In this study, the mechanism of internal erosion is experimentally observed for a mass of soil, according to several configurations (reinforcement change, drainage change and change of downstream slope of mass), at a reduced scale with a basin of permeability. For different hydraulic loads, piezometric heights are measured along the mass in order to deduce the hydraulic pressure into the mass. Moreover, water grows and slipping are visually localized. Keywords: internal erosion, reinforcement, mass in soil, basin of permeability, shear testing. 1. Introduction Selon Peyras et al. (2004), les mécanismes de rupture des barrages en remblai sont : la déformation du remblai, la perte de résistance, l augmentation des pressions interstitielles, l érosion interne, le glissement de remblai, l érosion superficielle et la dégradation des masques amont. Le mécanisme de rupture le plus fréquent est celui d érosion interne (Foster et al., 2000) ; il suscite l intérêt de la communauté scientifique, comme en atteste le projet national ERINOH (ERosion INterne des Ouvrages Hydrauliques), qui porte sur l étude de ce mécanisme de rupture. L érosion interne est définie comme l entraînement progressif des particules constituant l ouvrage sous l action de l écoulement qui le traverse (Fry et al., 1997). Les géotextiles sont principalement utilisés dans les ouvrages hydrauliques pour la filtration, le drainage et la lutte contre l érosion. Le renforcement par géotextiles des massifs en sol permet de compenser des caractéristiques mécaniques moindres de certains matériaux de remblais ou d augmenter les pentes des massifs. Néanmoins, le renforcement par géosynthétiques d ouvrages hydrauliques est peu utilisé (exemples du barrage du vallon de Maraval et du barrage de Valenton) et n a pas fait l objet d études expérimentales. Le renforcement par géosynthétiques peut, a priori, perturber les chemins d écoulement à travers les ouvrages hydrauliques et être à l origine de mécanismes d érosion interne. La problématique de cette recherche et la démarche menée sont détaillées dans la section 2. Nous présentons, dans la section 3 le modèle expérimental testé à partir du bassin de perméabilité ainsi que les différents cas étudiés. Puis, les résultats obtenus sont synthétisés dans la section 4. 2. Problématique et démarche Dans ce contexte, la problématique est ici de caractériser le comportement mécanique des massifs de sol renforcés par géosynthétiques soumis à une sollicitation hydraulique. Nous avons opté pour des 357

essais à échelle réduire afin de pouvoir tester différentes configurations sous différentes charges hydrauliques pour un temps et des coûts réduits par rapport à des essais à échelle réelle. Les essais sont réalisés à l aide d un bassin de perméabilité dont les dimensions sont données sur la figure 1. Figure 1. Caractéristiques dimensionnelles du bassin de perméabilité La démarche expérimentale menée a été de : 1. choisir un exemple de digue, ayant subi un phénomène d érosion interne, dont les dimensions à échelle réduite sont compatibles avec les dimensions du bassin de perméabilité, 2. choisir et caractériser les matériaux du modèle à échelle réduite, 3. définir le protocole d essai, 4. tester les différentes configurations retenues. La digue retenue est située à Briennon sur le canal de Roanne (Galiana, 2009). Ses dimensions, ainsi que sa transposition à échelle réduite sont présentées sur la figure 2. (a) échelle réelle (b) échelle réduite Figure 2. Dimensions de la digue de Briennon et transposition à échelle réduite 3. Modèle expérimental et cas testés Nous testons différentes configurations : massif en remblai, massif en remblai avec drain et massif en remblai renforcé. Les caractéristiques des matériaux utilisés pour réaliser, à échelle réduite, le remblai, les drains et les renforcements sont présentées dans les paragraphes suivants. Les cas testés ainsi que le protocole sont ensuite explicités. 358

3.1. Caractéristiques des matériaux du remblai La digue de Briennon est constituée d un remblai homogène en grave avec une étanchéité en argile et une défense de berges en pieux bois. À échelle réduite, le matériau considéré est du sable d Allier, caractérisé par les essais d analyse granulométrique, de Proctor normal, de boîte de cisaillement et de perméabilité. D après l analyse granulométrique, le sable utilisé est de classe 0/2,5 avec un coefficient de courbure de 1,08 et un coefficient d uniformité de 2,91. Nous avons pu vérifier que le sable d Allier utilisé est, d après l essai Proctor normal, insensible à l eau et a un poids volumique sec de 16,52 kn/m 3. Cette insensibilité à l eau facilite la mise en place de l essai puisque la teneur en eau du matériau n a pas besoin d être contrôlée. D après l essai à la boîte de cisaillement, pour le sable compacté sec et saturé, l angle de frottement moyen est de 41,5 degrés. La perméabilité du sable utilisé varie en fonction du protocole de compactage (2 ou 4 couches). Par conséquent nous retenons une perméabilité de 1,14.10-4 m.s -1 qui correspond à celle utilisée pour le compactage des couches lors de la mise en place de l essai dans le bassin de perméabilité. Le degré de perméabilité de ce sable est classé comme assez élevé. 3.2. Caractéristiques des matériaux du drain Les drains du modèle réduit ont été constitués à partir de graviers de différents diamètres afin de vérifier les conditions suivantes (Degoutte et Royet, 2009) : D - non entraînement des fines : 15 < 5, d85 D - uniformité de drain pour assurer sa stabilité interne : 2 < 60 < 8, d10 - perméabilité : D 15 > 0, 1 mm - propreté de drain : D 5 > 0, 08 mm. La localisation et les dimensions des drains mis en place dans le modèle réduit sont détaillées sur la figure 3. 3.3. Caractéristiques des matériaux de renforcement Afin de choisir le matériau de renforcement du modèle réduit, nous avons mesuré les caractéristiques mécaniques d un géotextile couramment utilisé en renforcement de massif en sol. Le produit testé est un géotextile non tissé thermolié de filaments de polypropylène (70%) et de polyéthylène (30%). Trois échantillons ont été testés selon l essai de traction de bande large (norme NF EN ISO 10319). En moyenne, la résistance maximale à la traction est de 27,4 kn/m, le pourcentage de déformation maximale est de 39% et les raideurs sécantes à 2, 5 et 10% sont respectivement de 182 kn/m, 152 kn/m et 137 kn/m. Dans la mesure où l épaisseur du géotextile et sa résistance à la traction étaient trop importantes pour pouvoir être utilisé dans le modèle réduit, plusieurs textiles du commerce ont été testés mécaniquement. Les matériaux et les résultats des essais de traction sur bandes larges de ses textiles (trois échantillons par textile) sont synthétisés dans le tableau 1. La porosité des échantillons a été définie visuellement en fonction de l espacement des mailles des textiles. Les résistances à la traction des textiles 2, 3 et 4 sont dans les mêmes ordres de grandeur, contrairement au textile 5 qui a une résistance à la traction plus faible. Les pourcentages de déformation maximale des produits 2 et 3 sont semblables et plus importants que le textile 5. Le textile 5 s allonge dans de très grandes proportions. Les raideurs sécantes des produits 2 et 4 sont dans les mêmes ordres de grandeur et plus importantes que les produits 3 et 5. Les produits 3, 4 et 5 ont une porosité visuelle plus faible que le produit 2. La dispersion des résultats des échantillons du produit 5 est très grande devant celles des trois autres produits. Compte tenu des résultats obtenus, nous avons éliminé le produit 5 et avons retenu les produits 2 et 4 dans la mesure où leurs caractéristiques mécaniques (résistance à la traction maximale, raideurs sécantes et dans une moindre mesure pourcentages de déformation maximale) sont semblables mais qu ils ont des porosités visuelles très distinctes. Nous pourrons ainsi observer l impact de la porosité des textiles sur l écoulement de l eau à travers la digue. 359

(a) drain vertical (b) drains vertical et horizontal Figure 3. Dimensions et localisation des drains vertical et horizontal du modèle réduit Tableau 1. Matériaux et caractéristiques mécaniques des textiles testés Textiles 2 3 4 5 Matériaux Polyester Polyester Polyester Polyester Porosité Très poreux Peu poreux Très peu poreux Très peu poreux Résistance à la traction maximale 8,5 kn/m 10,3 kn/m 7,7 kn/m 1,9 kn/m % déformation maximale 16,3 % 16,8 % 9,4 % 91,1 % Raideur sécante à 2% 44 kn/m 13 kn/m 42 kn/m 6 kn/m Raideur sécante à 5% 53 kn/m 14 kn/m 66 kn/m 2 kn/m Raideur sécante à 10% 51 kn/m 37 kn/m 36 kn/m 2 kn/m 3.4. Configurations testées Les configurations testées ont permis d apporter des éléments de réponse à plusieurs problématiques : - configuration 1 : quel est le comportement du massif en sol initial? observe-t-on le mécanisme d érosion interne subi par l ouvrage réel? - configuration 2 : quelle est l influence d un drain horizontal sur le comportement du massif en sol? - configuration 3 : quelle est l influence d un drain horizontal et d un drain vertical sur le comportement du massif en sol? - configuration 4 : quel est le comportement du massif en sol renforcé par textile très peu poreux? - configuration 5 et 6 : quel est le comportement du massif en sol renforcé par textile très poreux? - configuration 7 : quel est le comportement du massif en sol renforcé par textile très poreux avec une pente aval réduite? Les caractéristiques des sept configurations testées sont synthétisées dans le tableau 2. 360

Tableau 2. Caractéristiques des configurations testées Configuration Pente amont Pente aval Drain Renforcement Représentation 1 / / Figure 2 b 2 Horizontal / Figure 3 a 3 Horizontal et vertical / Figure 3 b Produit 4 sans pliement 4 2V/3H / des extrémités 2V/3H Produit 2 sans pliement 5 / Figure 4 des extrémités 6 / Produit 2 avec pliement des extrémités 7 1V/1H / Produit 2 avec pliement des extrémités Figure 5 Les dimensions et le positionnement des renforcements ont été déterminés à l échelle réelle, en suivant les préconisations de la norme XP-G38-064, puis en les transposant à l échelle réduite. Les dimensions et le positionnement des renforcements obtenus sont schématisés sur la figure 4 pour les configurations 5 et 6, et sur la figure 5 pour la configuration 7. Les phénomènes observés (écoulement et perte de matière à la jonction des renforcements et du vitrage du bassin de perméabilité) pendant la réalisation des essais selon les configurations 4 et 5, nous ont conduits à réaliser un retour des renforcements au niveau des jonctions entre les renforcements et les parois du bassin de perméabilité. Figure 4. Dimensions et positionnement des renforcements pour les configurations 5 et 6 Figure 5. Dimensions et positionnement des renforcements pour la configuration 7 361

3.5. Protocole d essai 10 èmes Rencontres Géosynthétiques 24-26 mars 2015, La Rochelle Le protocole d essai est identique pour les sept configurations, à savoir : - représentation de la géométrie souhaitée du massif en sol renforcé ou non sur le vitrage du bassin de perméabilité, - réalisation de la couche de fondation de 5,5 cm pour éviter les bulles d air dans les piézomètres dont la hauteur de piquage est à 2,5 cm du fond du bassin, - positionnement des drains pour les configurations 2 et 3, - positionnement du premier lit de renforcement pour les configurations 4 à 7, - mise en place de la première couche de sable et compactage homogène, - retour du premier lit de renforcement pour les configurations 4 à 7, - positionnement du deuxième lit de renforcement pour les configurations 4 à 7, - mise en place de la deuxième couche de sable et compactage homogène, - positionnement des lits et mise en place des couches de sable compactées jusqu à l obtention du massif en sol complet, - application d une charge hydraulique de 9 cm (évacuation d eau amont à 14 cm et évacuation d eau aval à 5 cm), - mesure des hauteurs piézométriques pour les 14 prises de mesure réparties le long du bassin (cf. figure 1) une fois le régime permanent établi, - augmentation de la charge hydraulique et mesure des hauteurs piézométriques pour des charges de 14, 19,5, 26, 29, 31,5, 33, 34,5, 36 et 37 cm. 4. Résultats et discussion Pour les sept configurations testées, nous avons : - observé les écoulements et les apparitions de défauts liés au phénomène d érosion interne, - mesuré et calculé les débits de fuite pour différentes charges hydrauliques, - mesuré les hauteurs piézométriques afin d en déduire la pression hydraulique au sein du massif pour différentes charges hydrauliques. Pour la configuration 1, massif en sol non renforcé et sans drains, une rupture de la pente aval est observée pour une charge hydraulique de 34,5 cm. L entrainement de particule, au niveau de la zone de rupture, a commencé pour une charge hydraulique de 19,5 cm. La figure 6 illustre la rupture de la pente aval du massif. Cette expérience confirme le phénomène observé sur l ouvrage réel. Figure 6. Configuration 1 rupture de la pente aval pour une charge hydraulique de 34,5 cm Les configurations 2 et 3, massif non renforcé avec drain horizontal et drains horizontal et vertical, permettent de vérifier le bon fonctionnement des drains puisqu aucune rupture n est apparue pour les deux expériences réalisées. Le débit de fuite de la configuration avec les deux drains est plus important que celui de la configuration avec uniquement le drain horizontal. Les lignes de saturation, pour les différentes charges hydrauliques, coupent bien les drains. Les pressions au sein du massif avec les deux drains sont plus faibles que les pressions avec un seul drain ; comme illustré sur la figure 7. 362

Figure 7. Variation des pressions hydrauliques au sein du massif pour les trois configurations : sans drain (ligne rouge) avec drain horizontal (ligne verte) avec drains horizontal et vertical (ligne bleue) Pour les quatre configurations avec renforcement et sans drains, les lignes de saturation pour les différentes charges hydrauliques (à l exception de la charge hydraulique de 14 cm) intersectent les lits de renforcement comme le représente la figure 8 (configuration 6). Figure 8. Configuration 6 - variation des lignes de saturation pour différentes charges hydrauliques Pour ces quatre configurations renforcées, l eau s écoule entre les lits de renforcement, et des entrainements de particules, liés à l érosion interne, sont observés entre la fondation et le premier lit de renforcement. Par contre aucune rupture du talus aval n est apparue, contrairement à la configuration 1 sans renforcement. Pour la configuration 4, un affaissement du talus aval apparaît (figure 9a). Pour les configurations 4 et 5, un entraînement de particules à la jonction des lits de renforcement et de la paroi du bassin de perméabilité est observé (figure 9b). Pour remédier à ce biais expérimental, les extrémités des lits de renforcement ont été repliées pour les configurations 6 et 7. (a) (b) Figure 9. Configuration 4 - affaissement du talus aval (a) et entraînement de particules à la jonction entre les lits de renforcements et la paroi du bassin de perméabilité (b) 363

La figure 10 schématise l écoulement et le mécanisme d entrainement des particules pour les configurations 4 et 5, sans retour des extrémités, ainsi que la configuration 6, avec retour des extrémités. La quantité de matériaux érodés des lits de renforcement est plus importante pour le matériau de renforcement le moins poreux ; ce qui confirme qu un renforcement moins poreux perturbe plus l écoulement de l eau à travers le massif. Figure 10. Configurations 4, 5 et 6 écoulement et mécanisme d entraînement des particules Le comportement de la configuration 7, pente aval plus raide, est identique à la configuration 6 (renforcement très poreux, pente aval 2V/3H, sans drains). Le textile remplit donc son rôle de renforcement sans perturber le comportement du massif à la sollicitation hydraulique. 5. Conclusion Ce travail de recherche a pour objectif d étudier le comportement de massifs en sol renforcé par géotextiles soumis à une charge hydraulique. Les expériences sont menées à échelle réduite à l aide d un bassin de perméabilité. Un ouvrage hydraulique réel en remblai ayant subi un mécanisme d érosion interne a été transposé à échelle réduite. Le matériau de remblai a été remplacé à échelle réduite par du sable d Allier, les renforcements utilisés sont des textiles du commerce en polyester et la granulométrie des drains respecte les conditions de drainage des ouvrages hydrauliques. Les textiles du commerce ont été testés selon l essai de traction sur bandes larges afin de sélectionner des produits ayant des caractéristiques mécaniques (résistance maximale à la traction, pourcentage de déformation à la résistance maximale et raideurs sécantes) similaires et des porosités distinctes : un produit très peu poreux et un produit très poreux. Sept configurations ont été testées : (1) sans renforcement et sans drains, (2) sans renforcement et avec drain horizontal, (3) sans renforcement et avec drains horizontal et vertical, (4) avec renforcement très peu poreux, sans retour des lits de renforcement, et sans drains, (5) avec renforcement très poreux, sans retour et sans drains, (6) avec renforcement très poreux, retour et sans drains, (7) avec renforcement très poreux, retour, sans drains et avec une pente aval plus raide. La première configuration nous a permis d observer le mécanisme d érosion interne qu a subi l ouvrage réel. Les deux configurations avec drains ont montré l efficacité du drainage. Les quatre configurations renforcées présentent des écoulements le long des lits de renforcement avec un entrainement de particules entre la fondation et le premier lit de renforcement. Le renforcement le moins poreux perturbe plus l écoulement de l eau à travers le massif. La septième configuration montre l efficacité du renforcement sans modification du comportement mécanique du massif soumis à la sollicitation hydraulique. 364

Afin de compléter cette étude, d autres expérimentations vont être réalisées en modulant la raideur de la pente aval, le type de renforcement, l adjonction de drains. Le développement d un bassin plus large, permettant d éviter les effets de bord est à l étude. Il serait également intéressant de réaliser une expérimentation à échelle réelle pour connaître l influence de la modification, à échelle réduite, des matériaux du remblai et des renforcements. 6. Références bibliographiques Degoutte G., Royet P. (2009). Aide-mémoire de mécanique des sols. Les publications de l ENGREFF, Paris. Foster M., Fell R., Spannagle M. (2000). The statistics of embankment dam failures and accidents. Canadian geotechnical journal, vol. 37, pp. 1000-1024. Fry J.J., Degoutte G., Goubet A. (1997). L érosion interne : typologie, détection et réparation. Barrages et réservoirs, n 6. Galiana M. (2009). Retour d expérience sur l utilisation des géosynthétiques dans les réparations de digues et berges de voies navigables. Actes 7èmes Rencontres Géosynthétiques, pp. 269-276. Norme NF EN ISO 10319 (2008). Géosynthétiques Essai de traction des bandes larges, Août 2008. Peyras L., Royet P., Boissier D., Vergne A. (2004). Diagnostic et analyse de risques liés au vieillissement des barrages développement de méthodes d aide à l expertise. Ingénieries EAT, n 38, pp. 3-12. XP-G38-064 (2010). Utilisation des géotextiles et produits apparentés - Murs inclinés et talus raidis en sols renforcés par nappes géosynthétiques - Justification du dimensionnement et éléments de conception, Août 2010. 365

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