Mobilisation fiscale et secteur informel : une ambiguïté à lever Jean-François Brun, Gérard Chambas, Kimm Gnangnon CERDI CNRS Université d Auvergne Conférence CERDI-FERDI-ICTD 24-25 octobre 2011
Introduction «Informel» : obstacle structurel à la mobilisation de recettes fiscales Obstacle similaire à la part de l agriculture dans le PIB? Sous cette hypothèse, peu de mesures seraient possibles pour améliorer la mobilisation des recettes fiscales «Informel» : un concept flou Informel identifié à travers le gap de recettes (Tezcan et Ünlükaplan, 2010) : un concept partiel Economie non enregistrée (Smith, 1994, Schneider, 2000 et 2010) : un ensemble hétérogène (Morrisson et Mead, 1996) Echec des politiques spécifiques de taxation de «l informel»
Démarche I Activités non enregistrées et recettes publiques : une relation négative mais peu significative II Typologie fiscale des activités non enregistrées III Politiques mises en œuvre pour mobiliser une contribution fiscale des activités non enregistrées IV Orientations opérationnelles
I Relation entre activités non enregistrées et recettes publiques Les mesures des activités non enregistrées (ANE) Faits stylisés à partir de l indicateur de Schneider Econométrie
I Mesures des activités non enregistrées (ANE) «Informel» est assimilé ici à l ensemble des ANE, hors activités criminelles (Schneider, 2000 et 2010) Mesures des ANE Proxy de l activité des ANE (consommation d électricité, Johnson et al. 1997 ; demande de monnaie, Tanzi, 1983 Approche micro-économique (De Paula et Scheinkman, 2008) Approche par la technique des variables inobservées (MIMIC) Schneider (2010)
I Mesures des activités non enregistrées (ANE) Faits stylisés à partir de l indicateur de Schneider PED Afrique Am. latine Asie MO-Af. Nord PMA PMA- Afr Afr-non PMA ZF Afr hors ZF 1999 37.9 41.5 43.5 32.2 31.1 41.1 42.1 39.1 42.0 41.0 2000 37.6 41.6 43.4 31.5 31.0 41.3 42.4 39.0 42.1 41.1 2001 37.4 41.4 43.5 31.3 30.7 41.0 42.1 39.0 41.7 41.0 2002 37.4 41.5 43.8 31.2 30.5 41.1 42.1 39.1 41.7 41.1 2003 37.1 41.3 43.4 30.7 30.4 40.9 42.0 38.9 41.7 40.9 2004 36.6 40.9 42.7 30.4 29.8 40.6 41.7 38.4 41.6 40.4 2005 36.2 40.5 42.0 30.0 29.6 40.2 41.2 37.8 41.2 39.9
Recettes totales (% PIB) I Mesures des activités non enregistrées 80 70 60 50 40 30 20 10 0 10 20 30 40 50 60 70 INFORMEL - Schneider (% PI B) Hypothèse : relation négative due à la fraude et non aux activités micro-informelles Résultats préliminaires : dans une équation du taux de prélèvement, la variable «secteur informel» exerce un effet négatif et significatif l effet de la variable «secteur informel» devient nul si on introduit une proxy de la fraude (qualité des institutions)
II Typologie fiscale des ANE Activités micro-informelles (AMI) Effectifs importants : dans un pays d Afrique centrale, environ 2 millions de micro-activités 40 000 micro-entreprises connues de la DGI, soit 2,1% Les AMI contribuent à 0,2% des recettes fiscales Potentiel fiscal faible, dispersé et difficilement exploitable Pour les AMI, législation fiscale est généralement inadaptée
I Les fraudeurs opportunistes (FO) FO dans Petites Entreprises (PE) PE : effectifs moindres que AMI (77 000 PE, dont 11 000 connues de l administration fiscale (soit 14,5%). 0,2 % des recettes fiscales Potentiel fiscal PE limité FO dans Moyennes Entreprises (ME) ME : effectifs connus limités : dans un pays d Afrique de l Ouest, le Service des Moyennes Entreprises (SME) gère un millier d entreprises alors que cet effectif devrait s établir à 3000 entreprises Potentiel fiscal ME substantiel FO renforce les bénéfices des PE et ME fraudeuses mais ne détermine pas leur développement
II Activités frauduleuses systémiques (AFS) Fraude de grande envergure bénéficiant d appuis politiques Biais en faveur des activités de fraude. Vulnérabilité des recettes fiscales Trafic de fourmi : dispersion de fraudeurs mais volumes globaux parfois importants. Pertes de recettes fiscales et distorsions Exemple, trafic des hydrocarbures dans le golfe du Bénin. Développement des AFS fondé sur la fraude. Potentiel fiscal souvent important
III Les politiques mises en œuvre pour fiscaliser les ANE Défaillances dans la volonté politique pour lutter contre la fraude (AFS mais aussi FO) Administration fiscale Manque de ciblage : enjeux essentiels mal identifiés Repérages insuffisants IFU peu opérationnels et informatisation faible Recoupements peu exploités Contrôles exhaustifs concentrés sur entreprises connues Services d enquêtes et de recherche peu efficaces et sous-utilisés
III Les politiques mises en œuvre Mesures fiscales peu efficaces, à coûts d opportunité élevés Impôts synthétiques sur micro-activités : rendements faibles, coûts de collecte élevés Retenues à la source au titre de l impôt sur les bénéfices : second best Retenues diverses, notamment sur la TVA : dispositifs complexes et résultats contreproductifs Environnement global : gouvernance publique insuffisante, incitation à la fraude
IV Orientations opérationnelles Volonté politique de lutte contre les différentes fraudes Clarifier la stratégie de fiscalisation des ANE avec accent sur lutte contre la fraude Législation : les priorités Simplification et modernisation de la législation. Exemple : TVA à taux unique, exonérations réduites, sans dispositifs complexes comme les acomptes de TVA Segmentation réaliste des entreprises en quatre catégories (Bodin Koukpaizan, 2008) Administration Introduction de l analyse risque ; élargissement du champ des contrôles Informatisation des administrations fiscales. IFU opérationnels. Recoupements Enquêtes et recherche
Conclusion Enjeu de la fiscalisation des ANE Réduire les fraudes susceptibles de compromettre les acquis des réformes fiscales et qui constituent un facteur de corruption (Buehn, Schneider, 2009) Eviter l ambigüité fiscale vis-à-vis des micro-activités : enjeu pour les collectivités décentralisées (Chambas, 2010) mais non pour les Etats centraux