Bases moléculaires des LAM et classification Aline Renneville DES d Hématologie Clinique Paris, 18 Novembre 2016
Les anomalies moléculaires dans les LAM Translocations chromosomiques 1973 : t(8;21) AML1-ETO 1983 : inv(16) CBFB-MYH11 Avant le «haut débit» 1991 : implication du gène MLL dans les réarrangements 11q23 Mutations géniques 1995-1999 : TP53, N/K-RAS, MLL-PTD, FLT3, WT1, KIT 1999 : AML1/RUNX1 2001 : CEBPA 2005 : NPM1 Séquençage Sanger, 1977 Séquençage Sanger fluorescent capillaire, 1998
Les anomalies moléculaires dans les LAM Avec le développement des CGH et SNP-arrays Anomalies génomiques Anomalies du nombre de copies (gains, pertes de matériel génétique) Disomie uniparentale (UPD) Découverte de nouvelles mutations récurrentes dans la région minimale délétée et/ou cible d UPD : Delhommeau, NEJM 2009 2009 : TET2 (4q24), ASXL1 (20q11), CBL (11q23) 2010 : EZH2 (7q36)
Les anomalies moléculaires dans les LAM Depuis l émergence du Next-Generation Sequencing (NGS) 1 er génome de cancer à être séquencé intégralement : Ley TJ, Nature 2008 Découverte de nouvelles mutations récurrentes : 2010 : IDH1, IDH2, DNMT3A, UTX 2011 : GATA2, PFH6, BCOR.
Progrès dans la caractérisation moléculaire des LAM Grimwade et al., Blood 2015
Fréquence des principales mutations dans les LAM TCGA study (n=200 pts) n =398 pts Patel et al., NEJM 2012 Top 3 (dans LAM de l adulte) : FLT3 (30%), NPM1 (30%), DNMT3A (20-25%), Puis NRAS, IDH2, IDH1, TET2, WT1, CEBPA et RUNX1 (environ 8-10 % chaque)
Classification des LAM en (sous)-groupes génétiques Grimwade et al., Blood 2015
Classification OMS 2016
Classification OMS 2016 1) LAM avec anomalies génétiques récurrentes NEW NEW NEW NEW NEW
Classification OMS 2016 2) LAM avec «myelodysplasia-related changes» - Exclusion des LAM avec mutations de NPM1 ou CEBPAdm - Critères d inclusion : 1 des 3 > 50% de cellules dysplasiques dans au moins 2 lignées NEW : La del(9q) n est plus considérée ici ATCD de SMD Présence d une anomalie CG associée aux SMD cf Table 18
Classification OMS 2016 3) LAM «therapy-related» 4) LAM not otherwise specified (NOS) classification FAB NEW : % de blastes désormais toujours établi par rapport à l ensemble des cellules médullaires 5) Sarcomes myéloïdes 6) Proliférations myéloïdes associées au syndrome de Down Prolifération myéloïde transitoire (TAM), et LAM Caractéristique commune : mutations de GATA1 et gènes de la voie JAK-STAT
Classification OMS 2016 NOUVELLE ENTITE apparue en 2016
Valeur pronostique des anomalies moléculaires
n = 5876 pts Le caryotype reste indispensable!
A l origine : le génotype à 3 gènes dans les LAM-CN Pts NPM1+/ FLT3-ITD- NPM1+/FLT3-ITD- CEBPA+ Autres génotypes Recommandations ELN 2009 : en pratique courante, évaluer le statut mutationnel de NPM1, FLT3, et CEBPA dans les LAM-CN Döhner, Blood 2009
Vers une classification mixte cytogénétique et moléculaire - 398 pts avec LAM < 60 ans - Panel de 18 gènes FLT3-ITD négatif FLT3-ITD positif Patel et al., NEJM 2012
Vers une classification mixte cytogénétique et moléculaire Patel et al., NEJM 2012
Classification génomique et pronostique des LAM - 1540 patients - 111 gènes étudiés dont 76 mutés - 5234 mutations «drivers» identifiées - 2 mutations chez 86% des patients
Classification génomique et pronostique des LAM
Classification génomique et pronostique des LAM
Valeur pronostique des mutations «isolées» Favorable Controversé Défavorable CEBPA dm NPM1 (IDH2R140?) FLT3-TKD IDH2R172 IDH2R140 IDH1R132 FLT3-ITD MLL-PTD RUNX1 ASXL1 TP53 DNMT3A? WT1? TET2? PHF6? SRSF2? KIT Neutre? N-RAS K-RAS Dans Ddada les LAM n CBF Dans LAM à caryo défavorable
Influence du nombre de mutations drivers La survie globale est corrélée au nombre de mutations «drivers», indépendamment de l âge et de la leucocytose initiale
Influence des interactions entre les mutations? La valeur pronostique d une mutation est dépendante du contexte : influence des mutations concomitantes Rationnel biologique??
Influence des interactions entre les mutations?
Evolution de la classification ELN Dans la future classification ELN 2017 (en révision à BLOOD) : Pronostic favorable des mutations CEBPA dm et NPM1+ quel que soit le caryotype. Les mutations CEPBA sm sont considérées comme intermédiaires. Prise en compte du ratio allélique FLT3-ITD (muté/wt) : - favorable si NPM1+ et ratio < 0,5 - intermédiaire si NPM1 WT et ratio < 0,5 - défavorable si NPM1 WT et ratio 0,5. Prise en compte des mutations ASXL1, RUNX1 et TP53 comme critère de classification dans le groupe défavorable (quel que soit le caryotype)
Conclusion Difficulté de hiérarchiser les anomalies moléculaires entre elles et par rapport à d autres facteurs, notamment le caryotype Valeur pronostique des mutations : restreinte à une catégorie cytogénétique ou pas?? Ex. Caryotype normal vs intermédiaire tel que tri 8, del(9q) Faut-il intégrer, outre le gène muté : - Le type de mutation (ex. IDH2 R140 vs IDH2 R172)? - Le nombre total de mutations? - Les combinaisons de mutations (interactions gène-gène)? - Le ratio muté/wt (ex. FLT3-ITD) ou VAF? Recours à des scores pronostiques? Modélisation bioinformatique?
Hétérogénéité et complexité génétique Exemple des LAM avec mutations de NPM1 14 gènes étudiés > 75 sous-groupes!! Grimwade et al., Blood 2015 La maladie résiduelle peut-elle nous sauver??
La maladie résiduelle dans les LAM Principes Outils techniques - approches moléculaires - approches cellulaires Avantages et inconvénients des différents marqueurs Intérêts et applications cliniques
Principes
La maladie résiduelle (MRD) Définition Persistance d un petit nombre de cellules leucémiques résiduelles : - Indétectables par les techniques morphologiques (NFS, myélogramme) - Résistantes à la chimiothérapie - Responsables de la rechute Notion de cinétique Cinétique de réduction de la MRD au cours du traitement = reflet de la chimiosensibilité des cellules tumorales Que mesure la MRD? La MRD intègre : - les facteurs pronostiques pré-thérapeutiques - le métabolisme des drogues - la réponse immunitaire anti-tumorale Facteur pronostique puissant et indépendant des facteurs pré-thérapeutiques
Nombre de cellules leucémiques Le suivi de la MRD dans les LAM INDUCTION CONSOLIDATION ( ALLOGREFFE) MAINTENANCE MRD1 MRD2 MRD3 MRD4 MRD5 MRD6.. 10 12 Rechute hématologique 10 10 RC hématologique 10 8 10 6 RC moléculaire 10 4 10 2 La MRD est pronostique à tous les stades du suivi Diagnostic Temps
Notion d évènement rare Au diagnostic d une LAM Au cours du suivi de MRD Pour évaluer la MRD, il faut recourir à des techniques ayant une limite de détection basse
Limite de détection des différentes techniques 10-1 10-2 10-3 Cytologie Caryotype FISH 10-4 10-5 CMF NGS PCR digitale 10-6 RQ-PCR
Quel(s) marqueur(s) choisir pour suivre la MRD? Considérer l hétérogénéité et l évolution clonale à la rechute Jan et al, Oncogene 2012
Quel(s) marqueur(s) choisir pour suivre la MRD? Considérer l existence d anomalies pré-leucémiques Shlush LI et al, Nature 2014 Genovese G et al, NEJM 2014 Jaiswal S et al, NEJM 2014
Pertinence des marqueurs potentiels de MRD Pré-leucémiques Leucémiques Leucémiques sous-clonales DNMT3A +++ TET2 IDH1 IDH2 Transcrits de fusion NPM1 CEBPA* RUNX1* FLT3-ITD FLT3-TKD RAS PTPN11 KIT - Sensibles - Potentiellement non spécifiques - Sensibles - Spécifiques - Spécifiques - Perdus dans 10-90% des cas Clonal Hematopoiesis of Indeterminate Potential (CHIP) Steensma et al, Blood 2015 * Si non germinales
Outils techniques Approches moléculaires : - RQ-PCR +++ - NGS - PCR digitale Approches cellulaires : Cytométrie en flux
Techniques moléculaires utilisées pour le suivi de MRD PCR quantitative en temps réel = technique de référence En pratique, surtout utilisée dans les LAM pour la quantification des transcrits (ARN) : - transcrits de fusion chimérique - expression de WT1 - mutations de NPM1 Techniques «innovantes», en développement Séquençage de nouvelle génération (NGS) PCR digitale Intérêt particulier pour la quantification des mutations géniques ponctuelles (FLT3, IDH1/2 ) sur ADN génomique Applications en recherche clinique, pas en pratique courante
Cibles moléculaires INTRODUCTION utilisées pour la MRD en routine Transcrits de fusion chimériques récurrents - t(15;17)(q22;q12-21) / PML-RARA - t(8;21)(q22;q22) / AML1-ETO (RUNX1-RUNX1T1) - inv(16)ou t(16;16)(p13q22) / CBF -MYH11 - t(9;11)(p22;q23) / MLL-AF9 (KMT2A-MLLT3) CBFB MYH11 Amorce S Sonde Amorce AS Système de RQ-PCR Expression aberrante de gènes ex. surexpression de WT1 +++ Mutations géniques ex. NPM1 +++ (A / B / D) (FLT3-ITD et autres : en recherche) Applicables aux LAM à caryotype normal (= 50% des LAM)
Next-Generation MRD Limite de détection : 1% (jusque 0,03% pour certaines indel) VAF médian = 3,61%
Next-Generation MRD Diagnostic Fin de traitement Rechute 1 Rechute 2 Avantages : permet de mesurer simultanément le site d insertion, la séquence, le ratio allélique, et la polyclonalité (mutations multiples) Bibault et al., Oncotarget 2015
Next-Generation MRD Pts avec EFS > 12 mo (n=9, 111 mutations) - WGS, WES ou re-séquençage ciblé - 50 couples diagnostic/rémission - Seuil considéré : > 5% des cellules médullaires (VAF 2,5%) à J30 mutations «persistantes» Pts avec EFS 12 mo (n=16, 184 mutations)
Approches cellulaires de la MRD dans les LAM 3 méthodologies analytiques différentes : 1) Leukemia-associated aberrant immunophenotype (LAIP) LAIP : absents dans les moelles normales ou présents mais à taux très faible (< 0,1%) identification «directe» au diagnostic San Miguel,1997 Venditti,2000 Kern,2003 Profil LAIP Majeur : - exprimé significativement par au moins une partie des blastes (hétérogénéité des blastes leucémiques!) - non exprimé habituellement par les cellules physiologiques - stable au cours du traitement Un LAIP majeur peut donc être utilisé pour la détection de la MRD CMF mulitparamétrique : suivi d une combinaison d aberrations
La «qualité» des LAIP 44
LAIP et MRD dans les LAM Les différents types de LAIP 1) Infidélité de lignées : expression aberrante d Ag lymphoïdes ex. CD7 ; CD56 ; CD19 dans LAM t(8;21) ; CD2 dans LAM3 2) Hyper-expression d Ag (CD33++) 3) Sous-expression d un Ag (DR, CD33, CD13) 4) Expression asynchrone d Ag (CD34+ et CD65+/ CD11b+) Difficultés et limites - Le LAIP ne représente pas la totalité des blastes (2 à 70%) - Instabilité des LAIP à la rechute (disparition totale dans 20-25% des cas) SS SS SS CD14 FS CD45 CD34 CD65
Approches cellulaires de la MRD dans les LAM 3 méthodologies analytiques différentes : 2) Quantification des «cellules souches leucémiques» (CSL) Quel est le phénotype des CSL?? CD34 + CD38 -/low CD123 + CD90 - CLL-1 + CD47 + CD44 + TIM3 + CD25+. Mais aussi CD34 - ou CD38 + Marqueurs utilisables pour la MRD CD34 + CD38 - CD123 +, mais seulement 85% des pts sont CD34 + CLL-1 : présent chez environ 90% des pts Larsen HO, Cytometry, 2012
Approches cellulaires de la MRD dans les LAM 3 méthodologies analytiques différentes : 3) Quantification du «différent du normal» (fenêtres vides) Analyse des cellules au profil différent de la physiologie (sans connaître le profil initial du diagnostic) : identification «indirecte» Fenêtres immunophénotypiques sans aucune population identifiée dans une moelle normale (ex : pop CD13-CD33+CD7+CD34+CD38-) Nécessite une bonne connaissance du phénotype des moelles «normales» et des moelles de régénération Envisageable grâce aux cytomètres de dernière génération (> 6 C)
MRD et LAIP dans les LAM
Performances analytiques de la MRD en CMF La sensibilité d un résultat négatif et la spécificité d un résultat positif dépendent de: La «qualité des LAIP» Le nombre de cellules analysées un cluster d évènements est requis pour la MRD Recommandation I-BFM Flow MRD : cluster homogène de cellules de 10-30 évènements Calcul d intervalles de confiance pour éviter FN et FP
Caractéristiques des principaux marqueurs de MRD dans les LAM Applicabilité Limite de détection Spécificité/LAM Stabilité à la rechute Technique standardisée CMF (LAIP) 80% 10-3 à 10-4 Relative > 75% Non WT1 80% 10-3 Non > 95% Oui NPM1 30% (CN : 50%) 10-4 à 10-6 Oui 100%? Non FLT3-ITD 20-25% 10-4 Oui 80-90%? Non PML-RARA 8-10% 10-5 Oui 100% Oui AML1-ETO 7-8% 10-5 Oui 100% Oui CBFB-MYH11 7-8% 10-5 Oui 100% Oui MLL-AF9 5% 10-5 Oui 100% Non
Choix de marqueur(s) de MRD en pratique courante Diagnostic de LAM Cytogénétique & Bio mol t(8;21), inv(16), t(15;17), t(9;11) 70-80 % des LAM LAM sans translocations récurrentes (CG normale, complexe, autres anomalies) MRD par RQ-PCR sur les transcrits de fusion correspondants NPM1 + MRD par RQ-PCR mutation-spécifique (mutation NPM1 A /B /D) NPM1 - MRD par CMF : LAIP? Et / ou RQ-PCR WT1?
Applications cliniques et place dans la stratification pronostique
Applications cliniques potentielles de la MRD dans les LAM 1) Mesure de la réponse précoce Stratification thérapeutique : choix du traitement de consolidation 2) Evaluation en fin de consolidation Envisager un traitement d entretien 3) Détection précoce des rechutes Suivi rapproché + initier la recherche de donneur en vue d une allogreffe 4) Avant allogreffe de CSH Adapter le conditionnement? Prophylaxie? 5) Après allogreffe de CSH Moduler l immunosuppression Envisager injection Lc du donneur (DLI) Traitement pré-emptif par Vidaza?
Impact pronostique de la MRD précoce Stratégie : LAIP Seuil de positivité : MRD > 0,1% Gerrit J. Schuurhuis Post-induction Post- consolidation 1 Fin de traitement Impact pronostique de la MRD-LAIP confirmé dans les 3 groupes de risque (favorable, intermédiaire ou défavorable)
Impact pronostique de la MRD précoce Complémentarité des approches cellulaires de MRD : LAIP et LSC LSC neg mais LAIP pos LAIP neg mais LSC pos
Impact pronostique de la MRD précoce dans les CBF MRD AML1-ETO ou CBFB-MYH11 : résultats du protocole CBF-2006 CIR OS Reduction MRD2 3 log Reduction MRD2 < 3 log Reduction MRD2 < 3 log Reduction MRD2 3 log Analyse multivariée incluant GB et mutations de RTK : delta MRD2 : p<0.001 ; GB : p=0.051 ; mutations de RTK : p=0.11 Jourdan et al, Blood 2013
Impact pronostique de la MRD précoce dans les LAM NPM1+ OS selon la MRD post-conso 1 (MRD2)
Impact pronostique de la MRD précoce dans les LAM NPM1+ La MRD NPM1 sur sang en post-induction (MRD1) avec un seuil à 4 log reduction permet d identifier les pts qui bénéficient réellement de l allogreffe Balsat M et al, J Clin Oncol (sous presse)
Impact pronostique de la MRD en fin de traitement La MRD-NPM1 en fin de consolidation est très prédictive du risque de rechute et de la survie globale
Impact pronostique de la MRD en fin de traitement Sang n = 525 samples Une MRD positive (> 0,001%) sur SANG en fin de traitement (MRD4) est prédictive de l évolution clinique (CIR et OS) Moelle La MRD sur moelle n aurait pas d impact pronostique
Détection précoce des rechutes Temps de doublement de la MRD : 11 jours 12 jours LAM CBFB-MYH11+ : délai moyen proche de 1 an la rechute moléculaire et hématologique Stentoft, Leuk Res 2006 36 jours 14 jours
Impact de la MRD en pré-allogreffe Flow MRD : LAIP & LSC En pré-allogreffe
Impact de la MRD en post-allogreffe
Conclusion sur la MRD dans les LAM Quels marqueurs? Intérêt de combiner plusieurs marqueurs et approches (BM et CMF) du fait de l hétérogénéité et de l évolution du clone leucémique à la rechute Quel type de prélèvement? - Pour la BM : la tendance actuelle consisterait à privilégier le SANG plutôt que la moelle. - Pour la CMF : pas de données sur le sang (quantité de cellules limitante) Quel time point pour la stratification thérapeutique? La MRD2 (= après 2 cures) semble un bon compromis Apport des nouvelles technologies (NGS, PCR digitale)? - Oui pour élargir le spectre des marqueurs (mutations géniques +++) - Pas vraiment en terme de limite de détection Intégration progressive des résultats de MRD pour la stratification thérapeutique dans les essais cliniques pour «reclasser» les patients et adapter le traitement de consolidation (allogreffe ou pas)