22 MAI 2014 F.13.0086.N/1 Cour de cassation de Belgique Arrêt N F.13.0086.N 1. A. A. 2. S. H. Maître Caroline De Baets, avocat à la Cour de cassation, contre ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, Maître Willy Van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation.
22 MAI 2014 F.13.0086.N/2 I. La procédure devant la Cour Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 24 octobre 2012 par la cour d appel de Bruxelles. L avocat général Dirk Thijs a déposé des conclusions écrites le 16 janvier 2014. Le conseiller Bart Wylleman a fait rapport. L'avocat général Dirk Thijs a conclu. II. Le moyen de cassation Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent un moyen. III. La décision de la Cour Sur le moyen : Quant à la première branche : 1. Les juges d appel ont décidé, sans contradiction, d une part, que seule la présentation de preuves d achat et d un inventaire régulièrement tenu permettent de contrôler avec certitude l évolution du stock des marchandises et donc du chiffre d affaires et, d autre part, qu à défaut d un inventaire régulièrement tenu, toutes les boissons achetées peuvent être considérées comme vendues dès lors qu il est constaté dans ce cas qu il n y a pas de stock de marchandises, à tout le moins, que la preuve de l existence d un tel stock n est pas apportée. Dans la mesure où, en cette branche, le moyen invoque la violation de l article 149 de la Constitution, il ne peut être accueilli.
22 MAI 2014 F.13.0086.N/3 2. L article 1349 du Code civil dispose que les présomptions sont des conséquences que la loi ou le magistrat tire d un fait connu à un fait inconnu. En vertu de l article 1353 du Code civil, les présomptions qui ne sont point établies par la loi sont abandonnées aux lumières et à la prudence du magistrat. Le juge constate de manière souveraine l existence des faits sur lesquels il se fonde. Les faits sur lesquels il appuie son raisonnement doivent être établis, c est-à-dire qu ils doivent être prouvés. Aucune disposition légale n empêche toutefois que l admission de ce fait même puisse être le résultat d une administration de la preuve par présomptions. 3. Dans la mesure où, en cette branche, le moyen invoque la violation de la notion légale de présomption de fait et de l article 340 du Code des impôts sur les revenus 1992, il est entièrement fondé sur le soutènement juridique inexact que le fait connu pris par le magistrat comme point de départ de la preuve par présomptions, ne peut être lui-même prouvé par présomptions et, dès lors, manque en droit. Quant à la deuxième branche : 4. Le moyen, en cette branche, invoque tout d abord la violation de la notion légale d aveu extrajudiciaire dès lors que le juge d appel a accordé à la déclaration, qui a été faite dans le cadre de négociations avec l administration qui n ont pas abouti à un accord, la valeur probante d un aveu extrajudiciaire, alors qu elle peut tout au plus valoir comme présomption. Ensuite, le moyen, en cette branche, invoque la violation de l article 340 du Code des impôts sur les revenus 1992 dès lors que si la déclaration faite dans le cadre des négociations n a que la valeur probante d une présomption, il serait question d une succession interdite de présomptions.
22 MAI 2014 F.13.0086.N/4 5. En cette branche, le moyen se fonde, dès lors, aussi dans son entièreté, sur le soutènement juridique inexact que le fait connu pris par le magistrat comme point de départ de la preuve par présomptions ne peut luimême être prouvé par présomptions. Le moyen, en cette branche, manque, dès lors, en droit. Quant à la troisième branche : 6. L avis de rectification du 5 août 1997 relatif aux exercices 1995 et 1996 énumère sous l intitulé «Détermination du nombre des repas» cinq critères, à savoir «nourriture», «les serviettes», «les boissons servies», «achats de riz» et «achats de nappes». Les critères «nourriture», «les serviettes», «achats de riz» et «achats de nappes» sont suivis d un astérisque qui est explicité ensuite par «critères repris à titre informatif». L avis de rectification énonce ensuite pour l exercice 1995 : «Au vu de ces critères, 11.518 repas déterminés sur base des achats de boissons ont été servis en 1994» et pour l exercice 1996 : «Au vu de ces critères, 10.409 repas déterminés sur base des achats de boisons ont été servis en 1995». 7. En considérant que l administration s est uniquement fondée sur la présomption de fait de la consommation de boissons et que les autres présomptions de fait n ont été communiquées qu à titre informatif, les juges d appel ont donné de l avis de rectification une interprétation qui n est pas inconciliable avec ses termes. Dans la mesure où, en cette branche, le moyen invoque la violation de la foi due à l avis de rectification, il manque en fait. 8. Suivant l article 1353 du Code civil, les présomptions qui ne sont point établies par la loi sont abandonnées aux lumières et à la prudence du magistrat qui ne doit admettre que des présomptions graves, précises et concordantes.
22 MAI 2014 F.13.0086.N/5 Dans les cas où la loi admet la preuve par présomptions, le juge apprécie de manière souveraine la valeur probante des présomptions sur lesquelles il fonde sa décision. L article 1353 du Code civil ne requiert pas une pluralité de présomptions mais implique que, lorsque plusieurs faits ou indices sont admis comme présomptions, celles-ci doivent être concordantes. 9. Les juges d appel ont décidé que : - l administration, au départ d une quantité établie de boissons vendues, a pu déduire la quantité de repas vendus sur la base d une présomption réaliste et logique qu un repas chaud était servi par demi bouteille de vin ou par deux consommations d autres boissons froides ; - l administration n a ainsi fait usage que d une seule présomption pour calculer le chiffre d affaires ; - à aucun moment les demandeurs n ont apporté des éléments convaincants pour réfuter cette présomption. 10. Les juges d appel, qui ont fait ainsi savoir que «la présomption réaliste et logique qu au moins un repas chaud est servi par demi bouteille de vin ou par deux consommations d une autre boisson froide», suffit pour déterminer le nombre de repas servis et que c est à juste titre, à défaut de valeur probante, que les autres critères donnés à titre informatif dans l avis de rectification n ont pas été pris en considération par l administration, ont légalement justifié leur décision. Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli. Par ces motifs, La Cour Rejette le pourvoi ; Condamne les demandeurs aux dépens.
22 MAI 2014 F.13.0086.N/6 Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, les conseillers Alain Smetryns, Filip Van Volsem, Bart Wylleman et Koenraad Moens, et prononcé en audience publique du vingt-deux mai deux mille quatorze par le président de section Eric Dirix, en présence de l avocat général Dirk Thijs, avec l assistance du greffier Frank Adriaensen. Traduction établie sous le contrôle du conseiller Marie-Claire Ernotte et transcrite avec l assistance du greffier Patricia De Wadripont. Le greffier, Le conseiller,