L analyse du travail suite à une lésion musculo-squelettique Patricia Richard Conseillère syndicale, ergonome module prévention/sst/environnement SRT-CSN
Plan de la présentation Pourquoi une analyse de poste de travail? Qui peut faire une analyse de poste de travail? Qui prend la décision que le poste de travail respecte la capacité? Quelles sont les attentes de la CNESST (CLP) relatives à une analyse de poste? Sur quelles bases le conseiller en réadaptation prend-il sa décision de capacité de travail? Qui se prononce sur les limitations fonctionnelles? Comment interpréter les limitations fonctionnelles? Comment faire une visite de poste? Les avantages du programme de réadaptation de la CNESST (CSST) L importance de désillusionner les travailleurs sur les «vertus» de la réinsertion professionnelle L importance d accompagner syndicalement les travailleurs accidentés tout au long du processus 2
Pourquoi une analyse de poste de travail? Pour favoriser le retour au travail durable d un travailleur ayant subi une lésion musculo-squelettique Une analyse des exigences physiques et psychologiques d un poste de travail peut être réalisée Afin d informer les personnes décisionnelles des risques et des contraintes du travail, en lien avec la lésion Afin de valider si les capacités résiduelles du travailleur peuvent être concordantes avec les exigences du travail Pour proposer au besoin des accommodements au poste de travail afin de favoriser la réinsertion 3
Qui peut faire une analyse de poste de travail? Le conseiller en réadaptation de la CNESST (CSST) * Rapport B-023, Claire Lapointe, Bilan et Connaissance, IRSST, 1991 L ergothérapeute Le physiothérapeute L ergonome 4
Qui prend la décision que le poste de travail respecte la capacité résiduelle du travailleur? Le conseiller en réadaptation de la CNESST (CSST) ou de l assurance privée À partir des conclusions médicales du médecin traitant (REM ou 204 entériné par le mdt) ou du BEM (lie légalement la CNESST). Et sur l avis écrit du professionnel retenu pour l analyse du poste de travail (physiothérapeute, ergothérapeute, ergonome) en regard de l adéquation entre les limitations fonctionnelles émises et les exigences du travail Le commissaire de la CNESST (CLP), si la décision est contestée par la CNESST ou un juge si la décision est contestée à la compagnie d assurance privée 5
Quelles sont les attentes de la CNESST- CLP relatives à une analyse d un poste de travail? Pour rendre une décision éclairée et être bien renseigné sur le travail en cause, ses conditions d exécution et les sollicitations physiques qu il implique, la CNESST-CLP a besoin de : connaître la démarche de l expert pour faire son analyse connaître les résultats (données factuelles) avoir la synthèse et l interprétation de ces résultats avoir les conclusions, tant sur la présence de risques associés à l exécution du travail analysés que sur leur importance 6
Référence : Les attentes de la Commission des lésions professionnelles relatives aux expertises L analyse d un travail à la suite d une lésion musculosquelettique, octobre 2007, www.clp.gouv.qc.ca 7
L analyse doit comprendre Identification des personnes rencontrées, observées, leurs caractéristiques physiques, type d observation, précision du caractère réel ou simulé des tâches, moment et durée des observations, manière de recueillir les données Identification et description de l ensemble des tâches, temps consacré à chaque tâche, horaire de travail, incluant pause, rotation, quart, outils et équipement utilisés, équipement de protection, etc. Exigences relatives à la production, quantitatives/qualitatives, marge de manœuvre, rythme de travail, facteurs de variabilité de la charge de travail, des types de produits, du nombre de travailleurs assignés, etc. 8
L analyse doit comprendre Identification des facteurs de risque psychosociaux (perception des exigences physiques et mentales du travail, climat de travail avec les collègues et supérieurs, clarté des rôles, etc.) Description des sollicitations physiques, description des actions physiques pour réaliser les tâches, description des principales exigences physiques, identification des structures sollicitées, postures et angles articulaires, appréciation de la force et de l effort, description des manutentions effectuées (distance de manipulation, port de gants, résistance des matériaux à l effort ), fréquence des mouvements, durée des postures, période de récupération et appréciation de leur durée et leur fréquence, identification d autres facteurs de risque (ex.: vibration, pression mécanique, exposition au froid, etc.) 9
La conclusion doit comprendre Identification des facteurs de risque importants dans la genèse de la lésion, selon la documentation pertinente Identification des limites ou des contraintes reliées aux méthodes utilisées susceptibles d avoir un impact sur les résultats Énoncé de l opinion motivée sur la présence de risques associés à l exécution du travail et sur leur importance 10
Sur quelles bases le conseiller en réadaptation prend-il sa décision de capacité au travail? Il y a 2 courants sur la base du respect des limitations fonctionnelles uniquement sur la base des facteurs de risque présents dans le travail, en lien avec la lésion, le respect des limitations fonctionnelles, et ce, avec les accommodements possibles au poste de travail pour en assurer le respect 11
Qui se prononce sur les limitations fonctionnelles? Le médecin traitant ou mandaté (REM ou BEM) À partir des informations reçues sur les capacités physiques et psychologiques du travailleur fournies aux rapports de l ergothérapeute traitant (traitement et évaluation de capacité) fournies aux rapports du physiothérapeute traitant fournies aux tests psychométriques des médecins À partir des échelles de restrictions de l IRSST telles quelles ou modulées 12
Comment interpréter les limitations fonctionnelles? En somme, la CNESST (CSST), par le biais du conseiller en réadaptation, rend la décision de capacité sur l interprétation des limitations fonctionnelles émises par le médecin avec ou sans l aide d une personne experte en considérant ou non les facteurs de risque Mais si la décision de la CNESST (CSST) est contestée par le travailleur, c est à la CNESST (CLP) de rendre la décision de capacité En ce sens, le conseiller en réadaptation devrait considérer les mêmes critères décisionnels qu à la CLP, pour que sa décision ne soit pas renversée à la CLP 13
Comment interpréter les limitations fonctionnelles? Selon le rapport du vérificateur général du Québec pour l année 2015-2016 (printemps 2015) Chapitre 4 : lésions professionnelles indemnisation et réadaptation des travailleurs Des lacunes sont présentes dans l interprétation des limitations fonctionnelles et des emplois convenables, ainsi que sur les moyens retenus et le suivi des plans d action pour favoriser le retour au travail durable des travailleurs accidentés Les conseillers en réadaptation de la CNESST (CSST) manquent d uniformité et de formation 14
Comment interpréter les limitations fonctionnelles? Afin d interpréter les limitations fonctionnelles, les experts doivent se référer à des sources Définition des amplitudes de mouvements faibles et extrêmes plusieurs ergothérapeutes et ergonomes se réfèrent au barème annoté de la CSST sur les dommages corporels ou le QEC produit par la CSST ou des normes (AFNOR, ISO). Voir en annexe les références. Définition de la fréquence et de la répétition interpréter à partir de normes canadiennes, américaines ou internationales (AFNOR, NIOSH, ISO) et la littérature québécoise sur les troubles musculo-squelettiques (produites par la santé publique, CSST, IRSST, voir en annexe les références) plusieurs ergothérapeutes et ergonomes se réfèrent au NOC Can et le DOL USA afin d interpréter la fréquence et la répétition (voir annexe) Définition des vibrations de basse fréquence La norme ISO 2631 (voir en annexe) 15
Comment interpréter les limitations fonctionnelles? Considérant que les normes ont été établies dans un objectif de prévention pour des personnes en santé et non blessées, nous considérons donc qu il est approprié de se référer à la valeur la plus basse de la norme lorsqu on attribue des limitations fonctionnelles de façon préventive à une personne qui a été blessée ou qui demeure avec des séquelles physiques 16
Comment interpréter les limitations fonctionnelles? Posture accroupie Grimper Terrain accidenté ou glissant Position instable Accrocher Agripper Prendre, préhension 17
Comment faire une visite de poste? Le conseiller en réadaptation de la CNESST (CSST) peut être accompagné d un ergonome ou d un ergothérapeute Les personnes présentes lors de la visite le travailleur, un représentant syndical et un représentant patronal, le représentant d une mutuelle, le ou les travailleurs observés au poste de travail Visite du poste prélésionnel observation, prise de mesure, évaluation des facteurs de risque, entretiens avec les travailleurs observés et le travailleur blessé, évaluation des méthodes de travail et des accommodements possibles pour réduire les risques identifiés. Le but est de favoriser le retour au travail (physique et psychologique) et aussi d apporter un regard préventif, ce pour tout les travailleurs Visite d autres postes pour l assignation temporaire ou un emploi convenable 18
Comment évaluer un emploi convenable? Le poste de travail prélésionel ne peut respecter les limitations fonctionnelles, malgré la recherche d accommodements, un emploi convenable doit être déterminé par la CNESST (CSST) Dans l entreprise Ailleurs sur le marché du travail Les 5 critères d un emploi convenable être approprié, soit respecter dans la mesure du possible les intérêts et les aptitudes du travailleur (et les mêmes conditions de travail qu il avait) permettre au travailleur d utiliser sa capacité résiduelle, soit plus particulièrement respecter ses limitations fonctionnelles, qu elles soient d origine professionnelle ou personnelle (globalité du travailleur) permettre au travailleur d utiliser ses qualifications professionnelles, dans la mesure du possible, soit tenir compte de sa scolarité et de son expérience de travail présenter une possibilité raisonnable d embauche. Cette possibilité doit par ailleurs s apprécier en regard du travailleur et non de façon abstraite ne pas comporter de danger pour la santé, la sécurité ou l intégrité du travailleur compte tenu de sa lésion, soit, notamment, ne pas comporter de risque réel d aggravation de l état du travailleur ni de risque d accident en raison des limitations fonctionnelles 19
Le devoir d accommodement VS adaptation du poste de travail Loi du travail et loi découlant de la charte des droits et liberté Adaptation du poste de travail, afin de faire respecter les limitations fonctionnelles (emploi convenable) 20
Approche proactive de la CNESST (CSST) L approche proactive de la CNESST (CSST) est d évaluer le poste de travail avant consolidation afin d éviter la chronicisation et d orienter le programme de réadaptation selon les exigences physiques (force/endurance) et psychologiques (cibler les obstacles) du poste de travail (approche multidisciplinaire); afin d éviter les limitations fonctionnelles ou émettre des limitations plus précises en lien avec la condition physique réelle et de favoriser un retour au travail durable Réorienter plus rapidement le travailleur vers un autre emploi, si ce dernier ne peut raisonnablement pas reprendre son emploi prélésionnel (si LF prévisible, selon l art. 184.5) Diminuer la durée de paiement d indemnités (conseiller évaluer uniquement là-dessus!) 21
Les désavantages de l approche proactive Conclure trop rapidement à une capacité, et ce avant même la consolidation de la lésion du travailleur (ex: par l agent d indemnisation) Conclure à une décision de capacité dès que la lésion est consolidée, sans évaluer les possibilités d accommodements, puisque les limitations fonctionnelles potentielles ont déjà été évaluées mais ces désavantages peuvent être contrés! Même lorsque nous intervenons en pré-conso! 22
Les avantages du programme de réadaptation de la CNESST (CSST) Le conseiller en réadaptation se doit de «favoriser la réadaptation et le retour au travail durable du travailleur, et ce en diminuant au maximum les conséquences de l'accident de travail et en favorisant le retour en emploi, préférablement à l emploi prélésionnel ou à un autre emploi dans l'entreprise» (art. 184.5) Le conseiller en réadaptation peut autoriser des mesures de réadaptation, comme un programme de développement de capacité (6 à 8 semaines), un entraînement spécifique par un kinésiologue, défrayer des mesures d accommodements (ex : chaise, outils spécialisés) etc. MAIS tout ça c est plus avantageux AVANT CONSOLIDATION de la lésion (art 184.5 VS art 145) 23
Les avantages du programme de réadaptation de la CNESST (CSST) Il y a donc une contrainte d attendre que le travailleur ait ses limitations fonctionnelles et soit consolidé avant de faire la visite de poste : perte de la possibilité d accommodement au poste de travail aux frais de la CNESST (CSST) perte de la possibilité d obtenir un programme de développement de capacité physique qui peut permettre d éviter de conserver des LF ou d en avoir de plus justes accentuer les problèmes reliés à la santé psychologique du travailleur (vivre en douleur, incertitude, etc.) décision rapide de réorientation professionnelle par la CNESST (CSST) et l employeur due aux LF présentes 24
L importance de désillusionner les travailleurs sur les «vertus» de la réadaptation professionnelle % de personnes qui se trouve un emploi après la «formation» et l accompagnement à la réinsertion professionnelle de la CNESST (CSST) % de personnes qui se retrouve sur l aide sociale après 1 an (année de recherche d emploi), 2 ans, 5 ans Le travailleur n est plus un employé de l entreprise, il n est plus membre du syndicat et ne bénéficie plus des avantages associés Relativiser le gain financier du DAP VS la perte financière durant notre carrière en lien avec les LF 25
L importance d accompagner syndicalement les travailleurs accidentés tout au long du processus Lors de la déclaration de l accident plus de chance de faire accepter la lésion à la CNESST (CSST) faire une enquête d accident et de la prévention au poste de travail Durant la réadaptation conseiller sur les possibilités de soins et mesures avec le conseiller en réadaptation de la CNESST (CSST) apporter du soutien moral (réseau d entraide) Lors du retour au travail conseiller lors des assignations temporaires et proposer des accommodements au poste de travail favoriser le climat de travail lors du retour au travail (collègues, superviseur, RH, alléguer les procédures administratives, etc.) proposer des conditions de travail favorables au retour au travail (retour au travail progressif, quota de production progressif, etc.) 26
Des questions? Merci! 27
ANNEXE Voir feuille distribuée 28