RÉFLEXIONS À PROPOS DE LA FISCALITÉ DES ENTREPRISES



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Transcription:

RÉFLEXIONS À PROPOS DE LA FISCALITÉ DES ENTREPRISES Commission parlementaire mixte chargée de la réforme fiscale 4 novembre 2013 Micael Castanheira FNRS & ULB

Belgique Nécessités: Maintenir activités existantes Accélérer et attirer les investissements Augmenter le taux d emploi Réforme fiscale: Pas une panacée mais un élément nécessaire Doit faire partie intégrante d une stratégie plus large de dynamisation de l activité économique

Belgique Forces de la Belgique: Localisation: centralité, Bruxelles et CE Ouverture (pays d exportations), économie solide Connections avec le reste du monde Mer Rail Routes Air Productivité élevée des travailleurs Bonne formation universitaire Multilinguisme

Belgique Faiblesses de la Belgique: Coûts élevés de la main d œuvre Rigidités sur le marché du travail Taux d emploi trop faible Complexité & lenteur administrations/institutions Taxation lourde de l activité économique (impôts directs et contributions de sécurité sociale) Incertitude fiscale (voir récente enquête Deloitte) Erosion de la compétitivité (en partie à cause des salaires en Allemagne)

Taxes et distorsions Discours déjà largement entendu dans cette Commission: Base large, taux bas Encore plus vrai pour les entreprises En Belgique, taux facial très élevé: 33.99% Le plus élevé d Europe, en fait Associé à de nombreuses niches Belgique = taux élevé, base étroite

Taux faciaux (source: KPMG) Europe centrale et de l Est: 10% à 20% 12.5%: Irlande 22 à 25%: Autriche, Danemark, Finlande, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Suède 29.22%: Luxembourg; 29.55%: Allemagne 30%: Espagne 31.4%: Italie 33.33%: France 33.99%: Belgique Canada: 36.1% en 2007 et baisse progressive jusqu à 26% en 2013

Cas belge par rapport à l Europe Rang en Europe (2011) Taxes / PIB Taux implicite consommation Taux implicite travail Taux implicite entreprises 3 (44.1%) 14 (21%) 1 (42.8%) 10 (17%) Source: http://ec.europa.eu/taxation_customs/resources/documents/taxation/gen_info/econo mic_analysis/tax_structures/2013/annex_a.xls Taux normal: 33,99% Taux implicite (tableau): 17% Rendement de l impôt très mauvais (comparaison: AT: 22%; DK: 18%; FI: 17%)

Comment améliorer le fiscal mix? 1. Rééquilibrage entre différentes sources d imposition 2. Réduire les distorsions et les exemptions à l intérieur de l impôt des sociétés

1. RÉÉQUILIBRAGE

Effets des taxes sur la croissance Du pire pour la croissance vers le meilleur (Arnold et al. 2011, Valenduc 2011): 1. Entreprises 2. Travail 3. Consommation 4. Propriété immobilière (impôt récurrent) Réduire fiscalité directe (entreprises, travail) Transfert vers patrimoine, immobilier, impôts indirects (y compris éco-taxation) Cas concrets : Suède 1991, suivie des autres pays scandinaves; Canada 2007-13

Effets de la taxation des entreprises Pourquoi taxes sur entreprises réduisent la croissance? Effets négatifs sur l investissement Réduit le ratio capital-travail et donc la productivité Pèse doublement sur les salaires (Arulampalam et co-auteurs 2012) Fuest et co-auteurs (2013a): cas allemand 1 de taxe sur l entreprise réduit les salaires de 77centimes

Solutions? Deux «jeux» possibles Un jeu coopératif: au niveau européen Hausse des taux minima à travers l Europe Réduction des niches et dépenses fiscales Un jeu non-coopératif: au niveau belge Taux facial influence décisions de localisation au-delà des niches et exemptions (requièrent expertise fiscale) Répondre aux baisses de taux des autres pays Objectif: 25-28%? Plus bas? Petit pays petit taux facial Pour contrer cela: PREMIUMISATION DE LA BELGIQUE. Renforcer les points forts de la Belgique: p.ex. éducation, institutions et marché du travail plus efficaces

2. RÉDUIRE LES DISTORSIONS À L INTÉRIEUR DE L ISOC

A l intérieur de l ISoc Réduire le taux facial sans compensation creuserait trop le budget de l état Mesures d accompagnement: fermer certaines niches Suède, USA: Agell et al. (1996) Trois axes: Très petites entreprises PME Grandes entreprises et Multinationales

Très petites entreprises Indépendants versus SPRL Actuellement: Taxe lourde sur l indépendant Taux bas pour petite entreprise (24.98%) Possibilité d augmenter fictivement les coûts de la SPRL (p.ex. patientèle des médecins) Solution allemande: Globalisation fiscale individu & sa SPRL sur IPP Forment une unité fiscale: réduit optimisation

PME et intercommunales Exemptions pour les intercommunales Niche anachronique Taux réduit pour PME: 24.98% pour revenus <25000 31.93% pour revenus 25000-90000

Promouvoir la croissance des PMEs? Taux réduit: inefficace PME en perte ne payent pas d Isoc Accès à l emprunt, au capital-risque ou aux exportations sont problématiques Support du gouvernement doit aller vers cet accès-là! Support complémentaire: déductions accrues pour R&D et investissements productifs

Grandes entreprises et Multinationales Fiscalité générale Simplifier Elargir bases Baisser taux facial Canada: effet d annonce au travers d un plan pluri-annuel Réduire déductibilité des frais pouvant mener à des abus ou à une allocation inefficace des ressources Déductions pour frais professionnels, voitures de société, etc : est-ce vraiment ce que l on veut stimuler? Déductions mieux concentrées sur dépenses productives Attention à la naïveté (qui fait vraiment de la R&D?)

Grandes entreprises et Multinationales Multinationales Capacité de localiser profits et production dans différents pays Besoin d éviter à la fois double-taxation et non-taxation Cas des intérêts notionnels Fortes controverses Coût fiscal substantiel (6 mia de déductions en 2012. Coût réel plus petit) Peu d effets visibles sur l emploi Déductions massives par des entreprises avec 0 à 10 travailleurs déclarés et peu de valeur ajoutée Risques d abus (structures triangulaires) Génère inégalités entre entreprises (écart de taux: 7% en moyenne)

Grandes entreprises et Multinationales Intérêts notionnels Position dure: Supprimons l ensemble du dispositif (par exemple en 5-6 ans) Remplacer par déductions accrues pour investissement, création d emplois, (! lier à taux facial suffisamment plus bas!) Question/doute personnel: ceci ne cache-t-il pas un effet multiplicateur bénéfique? Création d une banque interne à une grande entreprise Cette banque aura peu d employés Mais contribue à maintenir QG et production en Belgique pour certaines entreprises du BEL20 (jusqu où?) Un effet positif des intérêts notionnels: réduit l endettement

Grandes entreprises et Multinationales Intérêts notionnels. Solution plus douce: bétonner le système contre les abus Limiter à l investissement net, plutôt qu à tout le capital? (comme en Italie) Lier à investissement, emploi ou R&D intensive en Belgique par le groupe? Lier déductions au bilan ou à la valeur ajoutée générée en Belgique?

Profit-shifting Beaucoup de multinationales localisent leurs profits stratégiquement entre pays Exemple phare: double Irish-Dutch sandwich (Apple, Google) Fuest et co-auteurs (2013b) Mieux taxer les profits réalisés dans le pays (règle d origine) Retenue à la source sur royalties et intérêts dans le groupe (créditable auprès du pays de résidence de l entreprise) Pour ventes internet: étendre régime TVA aux biens vendus électroniquement, quel que soit le pays d origine du vendeur virtuel

Conclusions Besoin de travailler à plusieurs niveaux: quelques idées 1. Belgique «premium»: rendre l investissement plus attractif autrement qu en «cassant les prix» 2. Ajuster la structure générale de la fiscalité Moins de charge sur les activités productives et créatrices d emplois Transférer l impôt vers des bases génératrices de croissance Réduire distorsions (bases larges, taux bas) 3. A l intérieur de l ISoc Limiter opportunités d optimisation fiscale pour les TPE Simplifier & élargir ISoc (e.a. PME et intercommunales) Réduction des déductions, baisse du taux facial Inclut: - Intérêts notionnels (Durcir? Supprimer? Question difficile!); - Retenue à la source pour intérêts ou royalties intra-groupe

Références Agell, Jonas, Peter Englund et Jan Södersten (1996). Tax reform of the century the Swedish experiment, National Tax Journal, 49(4), pp643-64 Arnold, J-M., B. Brys, C. Heady, A. Johansson, C. Schwellnus and L. Vartia (2011), Tax Policy for Economic Recovery and Growth, Economic Journal, 121(550), ppf59-80 Arulampalam, Wiji, Michael P. Devereux et Maffini, Giorgia (2012). "The direct incidence of corporate income tax on wages," European Economic Review, Elsevier, 56(6), pp1038-54. Fuest, Clemens, Andreas Peichl et Sebastian Siegloch (2013a). Do Higher Corporate Taxes Reduce Wages? Micro Evidence from Germany, CESIfo WP4247 Fuest, Clemens, Christoph Spengel, Katharina Finke, Jost Heckemeyer, and Hannah Nusser (2013b). Profit Shifting and Aggressive Tax Planning by Multinational Firms: Issues and Options for Reform, ZEW Discussion Papers, No. 13-044 Valenduc, Christian (2011). «Politique fiscale et réformes structurelles», Reflets et Perspectives de la Vie Economique, 50(3), pp149-63